Il pleuvait. Il pleuvait. Encore et toujours cette maudite pluie trempait le dehors de ses larmes froides. Vincent était sous la pluie. Il errait. Encore et toujours, comme l'âme en peine qu'il était. Les joies des humains, des autres, de ses amis, ce n'était pas pour lui. Non… Décidément pas. Il errait dans la plaine aux alentours de Nibelheim… Nibelheim, terribles souvenirs. Douleur, terreur, horreur, malheur. Nibelheim. Vincent soupira. Le fait d'avoir connu Avalanche lui avait réchauffé le cœur par un moment. Mais maintenant, tout était fini. Chacun était reparti vivre sa vie, le monde n'était plus en danger. Vincent haussa les épaules. Il ne devait plus être qu'un vague souvenir pour eux. Un frisson remonta de son bassin à ses épaules. Le froid. Il était trempé jusqu'aux os. Maudite pluie. La pluie, Nibelheim… C'était le pompon. Il en avait marre de vivre. Marre de traîner sa carcasse soixantenaire sur la face du monde. Il se laissa tomber sur l'herbe mouillée. Il se roula en boule dans sa cape. Il se sentait complètement abandonné. S'il devait mourir sous cette pluie, aux alentours de Nibelheim, eh bien, que la mort vienne le chercher !!! Il attendit pendant des heures, sentant son corps se refroidir de plus en plus. Puis, plus rien.
Chaleur. Violente chaleur. Vrombissements. C'est l'enfer ? « Suis-je enfin mort ? » se demanda t-il. Il ouvrit ses yeux de sang. Violente lumière. Qui le contraint à vite les refermer. Une voix grave et rauque. Le diable ?
Des mains calleuses sur son corps. Vincent ouvrit brutalement les yeux. Il était nu. On le frictionnait, on le réchauffait. « Où suis-je ? » murmura t-il. La voix lui répondit : « Dans la salle des machine de mon Hautvent, Vincent ! ». Une voix impossible à oublier, une voix de fumeur, l'accent de Rocket Town… « Cid !? »
Vincent tourna la tête pour dévisager l'homme qui prenait soin de lui. Blond aux yeux couleur de ce ciel qui affectionnait tant. Un sourire soulagé sur le visage.
« Putain tu m'as foutu les boules !!! J'ai bien cru que tu avais clamsé ! J'ai aperçu d'en haut ta cape dans l'herbe !!! Putain !!! Heureusement qu'elle est rouge !!! Je m'en serais trop voulu de pas t'avoir vu !!! Bon sang, j'ai tellement eu peur, mon vieux !!! »
Vincent était très pâle, encore plus qu'à l'accoutumée. Son regard se voila et il s'évanouit. Trop de froid, trop de faim, trop d'émotions. Cid emporta le grand corps fin de son ami jusqu'à sa cabine. Tout en le portant, il s'étonna de la légèreté et de la maigreur de Vincent. Depuis combien de temps n'avait-il pas mangé ? Arrivé dans l'étroite pièce, il le déposa doucement sur le lit puis le recouvrit de couvertures. Cid n'avait jamais vu Vincent aussi faible. Il se dépêcha de fouiller l'armoire à pharmacie que Shera avait soigneusement garnie. Il prépara une bonne Hyper Potion à Vincent et lui fit respirer un peu d'Ether. Puis décrocha une Materia de sa lance et commença un sort de Regen sur Vincent. Qui reprit rapidement des couleurs.
Une heure plus tard, Vincent ouvrait à nouveau les yeux. Il avait encore la tête un peu lourde mais il allait visiblement mieux, il n'était plus en danger. Vincent se sentait gêné : il pensait que tous l'avaient oublié. Apparemment pas Cid. Mais, Vincent pensa qu'il aurait fait pareil pour n'importe qui… Il soupira. Il voulut se lever mais se rendit compte qu'il était nu. Cid avait même enlevé sa protection métallique. Vincent contempla son bras gauche à la peau abîmée… Fichue Nibelheim. Cid entra dans la pièce et se réjouit du réveil de Vincent. Vincent détourna son regard. Il avait honte de sa faiblesse. Il était faible, nu, sans défenses. Il repensa à sa nudité… Cid l'avait déshabillé, touché son corps. Cela ne l'avait-il pas dégoûté de voir un corps de monstre ? Cid s'assit sur le lit et força Vincent à le regarder dans les yeux. Il murmura : « Je sais ce que t'es en train de penser. Tu me déranges absolument pas, tu vas rester bien gentiment te rétablir. Et si mon hospitalité te plaît pas, j'te balance par-dessus le pont supérieur. Compris ? »
Cid. Cid. Ses yeux bleus. Deux ciels dénués de nuages. Lui n'avait pas peur d'avancer. Lui n'avait pas peur de ce que les autres pouvaient penser. Vincent se dégagea et murmura un timide « Merci ».
Quelques minutes plus tard, Cid lui balança dans la figure un paquet de tissu. Des vêtements. Ce n'étaient pas ceux de Vincent. Cid répondit à l'interrogation muette du brun : « Tes fringues sèchent ! J'avais jamais vu ça ! Elles étaient plus trempées que de l'eau, bordel ! ». Puis il sortit, sûrement pour encore sermonner le pilote. Vincent examina les habits. Un boxer, une paire de chaussettes, un marcel, un jean. Pas tellement son style. Mais il enfila tout quand même, heureux d'avoir quelque chose à se mettre sur le dos. Sauf les chaussettes. C'était pas sa pointure. Certes, le marcel était ample, il n'avait pas la carrure de Cid, et le jean un peu large mais il était heureux de mettre ces fringues. Rester nu le gênait. Il sortit de la cabine et se dirigea vers la salle des commandes. Il connaissait le chemin par cœur. Il avait tellement arpenté le Hautvent il y a quelques années ! Lorsqu'il arriva dans la pièce, Cid l'accueillit avec un grand sourire et l'emmena s'asseoir sur une des banquettes du fond. Puis il arriva avec un plateau empli de nourriture. « J'suis content d'avoir quelqu'un pour partager mon repas ! Aller mange ! Et discute pas hein ? Tu dois reprendre des forces, t'es tout maigrichon, j'ai vu !! »
Ainsi Cid l'avait examiné. Il avait vu sa minceur morbide, ses cicatrices et tout… Vincent se mordit la lèvre et détourna le regard. Cid soupira, comme s'il avait lu dans les pensées du grand brun. « Ouais je t'ai vu ! Ouais j'ai vu ton corps et alors ? Où est la honte ? » Vincent se retourna et gronda « Un monstre. Voilà ce que je suis. » Cid éclata de rire. Vincent sembla vexé. Puis se ravisa. Ce rire signifiait que le blond ne le considérait pas comme un monstre mais comme un humain. Il n'était pas un monstre pour au moins une personne. Pour Cid. Quelqu'un voyait enfin Vincent avant Chaos. Vincent sourit et murmura des « Merci » au pilote.
Cid le regarda avec des yeux étonnés et se demandait pourquoi il le remerciait. Il intima à l'ex-Turk de manger et ce dernier obéit sans broncher. Vincent était heureux de se mettre enfin quelque chose dans l'estomac. Des larmes coulaient le long des joues pâles du brun que remarqua rapidement le blond. Cid prit le visage de Vincent dans ses mains et essuya de ses pouces les larmes salées. « Ho ! Faut pas pleurer, hein ? » Les nerfs de Vincent craquèrent et il éclata en sanglots. Depuis combien de temps n'avait-il pas pleuré ? 35 ans ? Cid attrapa Vincent et le serra fortement contre lui, le berçant doucement afin de le calmer. Vincent était pressé contre le corps musclé du pilote. Musclé et chaud, dégageant une odeur de tabac caramélisé, des bras protecteurs : Vincent se laissa complètement aller dans les bras de Cid. Cid. Son ami. Quelqu'un qui ne l'avait pas oublié. Qui était venu à son secours. Cid. Qui murmurait des paroles réconfortantes comme à un enfant. Qui serrait Vincent, sentant les larmes de ce dernier mouiller sa peau hâlée à travers son t-shirt. Vincent. Un être frêle et fort, une statue de marbre aux pieds d'argile. Avec des longs cheveux noirs, une peau douce et pâle, des membres fins. Tout respirait la fragilité chez cet homme brisé. Sentant Vincent se calmer, Cid installa Vincent sur la banquette, puis lui colla une grande tape dans le dos lui signifiant « Allez, remets-toi ! T'es un homme ou pas ? » Vincent calma sa respiration saccadée et opina du chef. Cid sourit et lui dit « Je vais bricoler aux machines. Si t'as un problème, tu sais où me trouver, d'acc' ? » Puis il partit sans se retourner.
Vincent se retrouva seul dans la pièce. Il finit de grignoter un morceau de brownie. Vincent adorait le chocolat. Mais personne ne le savait. Où plutôt, toutes les personnes qui le savaient étaient mortes. Il s'allongea sur la banquette. Elle sentait le tabac. Cid avait dû souvent fumer ici. Cid. Il portait ses vêtements, avait dormi dans son lit, il l'avait déshabillé, soigné, nourri, consolé… Vincent soupira. Il regrettait que Cid ait interrompu l'étreinte. Vincent écarquilla les yeux, abasourdi de sa propre pensée. Il-était-très-bien-dans-les-bras-de-Cid. Vincent secoua sa tête pour chasser cette pensée mais le souvenir des bras de Cid était le plus fort. Cid. Mais qu'était-il en train de penser ? Qu'il était attiré par Cid ? Non, cela ne pouvait être ça ! C'était juste qu'il avait besoin de réconfort, voilà tout. Juste ça. Mais le visage de Cid, ses yeux bleus lui revenaient sans cesse en tête. Vincent s'efforça alors de penser à sa chère et tendre Lucrécia. En vain. A Yuffie. Le vide. A Aeris. A part la scène de sa mort, le néant. Et Tifa ? Rien du tout. Niet. Nada. Vincent passa sa main sur les yeux. Il avait besoin de repos. Il s'allongea alors sur la banquette et finit par s'endormir.
Cela faisait deux heures que Cid bricolait. Il était temps de voir comment se portait son patient. Il arriva à la salle des machines. Le plateau repas était vide, Vincent avait tout mangé. Tant mieux. Il s'était endormi sur la banquette. Cid sourit, attendri. Ses traits détendus, il ressemblait presque à un enfant. Vincent murmurait dans son sommeil. Il bougeait un peu, aussi. De sa voix grave et profonde, Vincent émit un « Cid… » d'un ton assez… Spécial. Cid se demandait s'il avait bien entendu. Vincent réitéra son murmure. Cid se figea. Apparemment, Vincent rêvait de lui. Et de façon pas très catholique d'après les murmures et soupirs qui sortaient des lèvres du brun. Cid était perplexe. Vincent… Lui qui n'aimait que Lucrécia et ce même à travers la mort… Vincent… L'aimait-il ? Tout du moins, il le désirait, ce qui était très différent. Cid tourna les talons et décida d'aller respirer un peu d'air frais sur le pont supérieur, maintenant que la pluie avait cessé. Cid s'étira à l'air libre et sortit une cigarette. Pour Cid, c'était ça, respirer de l'air frais. Il s'accouda à la balustrade et commença à faire le point de sa journée. Mais les murmures de Vincent lui revenaient en tête. Cid se sentait très gêné. Il ne savait pas s'il pourrait supporter les regards de Vincent sur lui, cherchant à déceler dans les yeux carmin la moindre parcelle de désir. Il y avait de quoi virer parano. Si ça se trouvait, cela n'était que dans l'inconscient de Vincent qui ne se rendait même pas compte de son attirance pour Cid… Cid préférait cette solution. Vincent ne savait pas ce qui se tramait dans son inconscient. Mais rien que le fait que l'inconscient du brun pense cela le turlupinait. Cid réfléchit que, si ça se trouvait, il désirait inconsciemment Vincent !!! Cid s'étouffa avec la fumée de sa clope. Lui ? Aimer les hommes !!! Jamais !!! Il fantasmait assez sur la généreuse poitrine de Tifa pour le savoir ! Mais Vincent était un homme empli de grâce, beau comme une fille… Cid se gifla. Il devenait dingue, il était au bord de la psychose. Il se répétait mentalement « Je suis un mâle et j'aime les nénettes surtout les bien roulées ! ».
Sans effet…
Cid sortit son téléphone de sa poche et composa un numéro… Il attendit.
« Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie vocale du directeur de la WRO. Laissez un message après le bip sonore et il sera pris en compte. Merci. Biiiiiiiiiiiiiiiiiip. » dit la voix de Cait Sith dans le répondeur. Reeve n'était pas dispo. De toute façon, personne n'est jamais dispo lorsqu'on en a besoin, pensa le blond. Mais contre toute attente, son portable sonna. Reeve.
« Allô Cid ? Tu voulais me parler ?
- Abruti, sinon je t'aurais pas appelé !!
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Il se passe des trucs bizarres, ici.
- Des monstres, des anomalies laissées par Hojo ?
- Il s'en prend pour une, je l'ai retrouvé en train de se laisser crever.
- Vincent…
- Ouaip' ! Et il est bizarre. Il commence à me foutre les jetons, ce type !
- Comment ça ?
- Ben… Euh… C'est trop long à t'expliquer par téléphone.
- Ce n'est pas toi qui payes.
- Ouais mais je vais pas faire payer les honnêtes citoyens pour mes problèmes. T'es où, je passe te chercher avec mon bon vieux Hautvent.
- Je suis actuellement à Junon.
- J'y suis presque ! Guette-moi ! Ciao ! »
Et Cid raccrocha au nez de son ami.
