Titre: Pour atteindre la victoire
Genre: Bonne question... psychologique, un peu angst, un peu drôle mais pas tellement, avec plusieurs niveaux de sens, du genre qui donne un mal de tête à la fin
Rating: K+
Personnages: Akashi et Midorima

Note: Me voilà de retour sur le fandom! Sincèrement, j'avais peur de l'avoir abandonné pour toujours, mais, finalement, je crois que la persévérance de ma chérie a eu raison de moi. Je ne sais pas si j'y resterai très longtemps, mais j'ai quelques OS qui attendent d'être publiés.

Ce texte est... étrange. Je voulais faire de la romance à la base, mais j'ai vite abandonné l'idée. Je crois qu'on peut voir autant de sous-entendus dans ce texte que dans l'animé, peut-être même moins à dire vrai. L'intérêt est vraiment ailleurs.

Je ne connais pas vraiment le shogi, mais je me suis mis dans la tête d'en décrire un match. Vous comprendrez donc que je ne décrive pas en détails les coups. J'en dis suffisamment pour qu'on comprenne ce qui se passe cela dit. Ça ressemble beaucoup aux échecs en fait; d'ailleurs, c'est le même principe d'échec et d'échec et mat. J'ai utilisé échec pour le premier et oote pour le second, qui est le terme japonais.

Sinon pour ce qui est des personnages... Akashi cause de méchants maux de tête et Midorima me semble un peu OoC, j'ai du mal à dire pourquoi. Ça se passe au temps de Teikou aussi, d'ailleurs.

Je crois que j'en ai dit assez. J'espère que vous aimerez ce texte qui, je l'admets, ne mène vraiment nulle part (c'est l'un de ses attraits je dirais). Bonne lecture!

Edit: J'ai décidé de faire de cette fic un recueil de texte, d'où le changement de nom. Le recueil en lui-même s'appelle maintenant «Entre deux parties» et les OS consisteront tous en des AkaMido sur le thème du shogi. Ce premier OS n'a été modifié d'aucune façon et il garde le même titre, «Pour atteindre la victoire». Les genres risquent de varier aussi, mais je vais tenter de rester un peu dans la même ambiance que ce premier OS. Voilà pour les changements!


C'était le genre d'Akashi de proposer des marchés. Étrange qu'il en fasse sa manie, puisque toujours il gagnait, mais le fait était qu'il aimait à présenter des paris le plus souvent grotesques. Il promettait ainsi de s'arracher les yeux, de se mutiler de quelques façons que ce soit, parce qu'il était convaincu de toujours gagner; et, à l'autre, toujours, il proposait une conséquence de moindre importance, souvent une banalité. Pour intimider, menacer, ou simplement pour s'amuser, ses intentions restaient floues même pour ceux qui le connaissaient le mieux.

S'il était dans ses habitudes de proposer des paris, il l'était moins d'en suggérer qui soient en apparence équitables. D'autant plus étrange était une proposition qui n'avait ni sens ni logique, bien que ses conséquences soient importantes et qu'il la suggère comme s'il s'agissait d'une banalité.

De son côté de la table, Akashi, assis bien droit, regardait les pièces de shogi. Midorima, en face de lui, replaçait ses lunettes et réfléchissait à toute vitesse pour tenter de comprendre, une fois de plus, ce qui se passait dans la tête de son capitaine. De sa voix toujours sans émotion, toujours aussi sûr de lui, il venait de lui proposer un marché qui n'avait de sens que dans son esprit :

- Midorima, je te propose un marché. Si je gagne cette partie, nous irons chacun dans un lycée différent. Si d'aventure tu gagnais, je te suivrai, peu importe l'école que tu choisiras.

Akashi le regardait, toujours aussi sûr de lui, et Midorima voyait à son expression qu'il ne doutait pas une seule seconde qu'il allait accepter. Pourtant, à priori et pour la première fois, Midorima risquait tout autant qu'Akashi. S'il perdait, ils couperaient les ponts; s'il gagnait, l'autre le suivrait. Avait-il envie qu'il le suive ou, au contraire, voulait-il que l'autre devienne un ennemi?

D'ailleurs, que retirerait Akashi d'un tel marché? S'il gagnait, et il devait en être certain, il se séparerait de Midorima : voulait-il à ce point l'éloigner de lui? Croyait-il qu'il allait s'attacher à lui? N'était-ce pas plutôt dans l'ordre des choses qu'ils changeraient d'école alors qu'ils arriveraient au lycée?

Midorima n'arrivait pas à voir qui des deux était avantagé, et encore moins s'il était mieux pour lui ou pour Akashi que ce soit lui ou Akashi qui gagne. Pourtant, justement parce qu'il ne comprenait pas, justement parce que, pour une fois de plus et comme toujours, Akashi avait une longueur d'avance sur lui, Midorima répondit d'un ton de voix neutre :

- D'accord.

Il n'aurait servi à rien qu'il proteste, qu'il rejette l'idée : Akashi l'aurait rappelé à l'ordre d'une façon ou d'une autre, parce qu'il était ainsi fait. Midorima gagnait plus à accepter et à tenter de comprendre par lui-même ce que signifiaient de telles conditions. Au moins, il n'avait pas admis ne rien comprendre, et, même si Akashi savait qu'il ne comprenait pas, il n'en avait pas eu confirmation, ce qui prouvait que Midorima n'avait pas encore tout à fait perdu.

Il n'avait pour autant que peu de chances de gagner, et il en était le premier conscient. Cependant, il doutait que la victoire ou la défaite se trouve réellement dans l'issu du match. Akashi décidait des règles parce qu'il gagnait toujours, et c'était donc parce qu'il gagnait qu'il décidait des règles. Comme il était le seul à comprendre tout à fait en quoi elles consistaient, il était certain de sortir victorieux, même si en apparence il perdait.

La définition akashienne de la victoire était différente de celle que Midorima avait. S'il voulait battre Akashi – et il n'y avait rien au monde qu'il souhaitait plus –, il devait le battre à ses propres règles. Pour ce faire, il n'avait d'autres choix que de les comprendre, par lui-même, parce qu'il perdrait au moment même où Akashi lui expliquerait, un petit sourire moqueur aux lèvres, les réels enjeux derrière leur partie.

Akashi lui avait laissé le premier coup et Midorima se construisit une tactique. Pour l'instant, il visait la victoire, et il prit donc la peine de réfléchir, de songer à plusieurs scénarios, de prévoir son imprévisible adversaire. Quinze minutes et il n'avait pas bougé, pas encore : il devait avoir en main tous les scénarios possibles, car il serait trop tard pour y songer plus tard.

Quand enfin il effectua son premier coup, plus de vingt minutes plus tard, il regarda sans le regarder Akashi qui, immuable, le fixait de ses yeux rouges, aussi rouges que le sang. À peine avait-il posé la pièce que ses longs doigts bandés se soulevèrent, emportant avec eux toute chance de changer de plans, de prévoir d'autres scénarios. Les doigts d'Akashi s'élevèrent aussitôt au-dessus de l'échiquier, dans une lenteur exagérée qui exaspéra Midorima, avant de se poser sur une pièce et de la bouger.

En un seul coup, il venait de bouleverser tous ses plans. C'était de toute évidence un très mauvais choix; aucune tactique, si bien pensée soit-elle, ne saurait expliquer ce déplacement. Midorima pensa même pendant un quart de seconde qu'il avait fait une mauvaise manœuvre, mais l'air imperturbable d'Akashi lui prouva ce qu'il savait déjà : Akashi ne savait pas faire d'erreurs.

Un autre dix minutes passa pendant lequel Midorima tenta de trouver la signification profonde de ce coup. Était-ce un moyen de l'impressionner? De le manipuler? Tentait-il de se donner un handicap?

La grande question était surtout : Akashi voulait-il gagner?

Chez Akashi, la victoire n'était jamais une chose qu'il souhaitait, mais plutôt un fardeau qu'il trainait sur ses épaules. Les attentes des autres ne le gênaient pas du tout, au contraire, il aimait planter chez les gens l'idée, de toute façon avérée, qu'il ne pouvait que gagner. Cependant, justement parce qu'il était condamné à gagner, pour lui la victoire n'avait aucune saveur.

Plus d'un considérait qu'Akashi était prêt à tout pour gagner, mais Midorima savait mieux que personne à quel point cette affirmation était fausse. Akashi employait plutôt toutes ses forces à tenter de perdre en se donnant des handicaps. Les gens étaient persuadés qu'il proposait ses marchés pour intimider ses adversaires, mais Midorima savait : rien ne lui ferait plus plaisir que de devoir s'arracher les yeux parce qu'il venait de perdre.

Ce n'était pas une raison pour se relâcher, bien au contraire. Akashi souhaitait perdre parce qu'il n'acceptait que la victoire; puisque c'était ce qu'il souhaitait, les règles qu'il avait établies le déclareraient vainqueur, et ce, peu importe ce qu'il en était dans la réalité.

Midorima savait tout cela et c'était pour cette raison qu'il savait qu'Akashi venait sans doute de se donner un handicap. Il décida donc d'en faire fi et de perpétrer le plan qu'il s'était d'abord confectionné; Akashi, pour tout le reste de la partie, ferait tout en son pouvoir pour gagner, et c'était donc que Midorima devait tout faire pour gagner lui aussi.

C'est ainsi que, dix minutes après le coup d'Akashi, Midorima déplaça une pièce à l'endroit même où il avait prévu la placer dix minutes plus tôt. Akashi le regarda faire de ses yeux impénétrables, qui n'étaient le miroir de rien, et aussitôt que sa main rejoignit sa cuisse, Akashi leva la sienne pour faire son coup.

Midorima avait bien prédit et il ne savait pas s'il devait s'en réjouir ou redouter le pire. Les prochains coups furent beaucoup plus rapides : la marche était commencée et il était trop tard pour reculer, trop tard pour tenter autre chose, pour réviser son plan. L'heure était au déchiffrage non pas des pièces, mais de l'adolescent devant lui.

Akashi jouait à la perfection ce que Midorima en avait prédit et il en déduisit donc qu'il connaissait son plan tout autant que lui. Pour combien de temps encore comptait-il jouer les coups qu'il attendait? À quel moment critique excèderait-il ses attentes?

On arrivait proche de la fin de la partie; tous deux étaient ex æquo. Le mauvais coup du départ avait été pallié depuis longtemps et la lutte était en apparence à égalité. C'est pourquoi Midorima manqua presque le moment où le courant changea de direction. Il s'attendait si peu à ce qu'Akashi déborde de ses prédictions à cet instant précis de la partie qu'il leva la main au-dessus du jeu. S'il n'avait pas eu la clairvoyance de vérifier une dernière fois ce qu'il faisait, il aurait joué tout droit dans un piège.

Car oui, Akashi venait de lui tendre un piège. Midorima était passé près de ne pas s'en apercevoir parce qu'il avait joué comme tous les autres coups, sans compter qu'en apparence le coup qu'il venait de faire n'était ni bon ni mauvais. Toutefois, il n'était pas exactement dans ses prédictions, et Midorima décida qu'il était temps de prendre une pause.

Sa main gauche retourna en dessous de la table, sans oublier de faire un arrêt devant son visage pour replacer ses lunettes. Il observa une fois de plus le jeu qui était étalé devant lui et tenta de comprendre la signification du geste que venait de poser son adversaire. Après plusieurs analyses de jeux, il réalisa qu'Akashi venait de lui donner une chance de le mettre en échec.

À peine se demandait-il s'il en était conscient qu'il se répondit par lui-même. Pour jouer contre un adversaire, il faut avoir foi en ses propres capacités; cependant, Midorima préférait encore croire en celles de son capitaine, qui de toute façon avait plus d'expérience que lui au shogi. C'était justement grâce à cette confiance aveugle qu'il se sentait capable de gagner, puisqu'il savait, sans l'ombre d'un doute, que ceux qui perdaient contre Akashi le faisaient parce qu'ils avaient cru pouvoir gagner.

Midorima ne croyait pas qu'il pouvait gagner et il était convaincu que c'était ce qui, au bout du compte, lui permettrait de remporter la victoire.

Akashi venait donc de jouer un mauvais coup, une fois de plus, et Midorima le regarda en coin. Au travers des verres de ses lunettes, Midorima remarqua que les yeux rouges d'Akashi le fixaient et ses lèvres s'arquaient en un petit sourire. Il ne se préoccupait pas du jeu ni ne feignait s'y intéresser : c'était Midorima qu'il regardait, qu'il observait, qu'il décortiquait. Midorima à son tour l'observa, avant de retourner au jeu, mais ses pensées toujours restèrent centrées sur le capitaine.

Midorima songea une fois de plus au marché qu'ils avaient conclu. En général, une personne normale choisissait le plus contraignant en cas de défaite et le plus avantageux en cas de victoire. C'était le principe même d'un pari, d'ailleurs : si j'arrive à te prouver que je suis le meilleur, j'aurai droit à une récompense; si je ne le prouve pas, je te cèderai quelque chose. Jusqu'à présent, Akashi avait toujours suivi cette logique.

Ce raisonnement le portait à croire qu'Akashi non seulement ne voulait plus être son coéquipier au lycée, mais qu'en plus il était persuadé que Midorima, lui, le voulait. Le plus étrange était qu'il n'y avait pas réfléchi, et, maintenant qu'il y réfléchissait, il avait plutôt l'impression de ne pas vouloir qu'il le suive.

Ce que Midorima ressentait pour Akashi était difficile à définir. Tout comme lui, il cherchait la perfection, mais leurs méthodes étaient trop différentes pour qu'il puisse l'accepter. Le seul but qu'il cherchait en côtoyant Akashi, c'était d'arriver à le battre un jour, pour lui prouver que sa méthode n'avait rien d'honorable. Pour y arriver, il voulait le battre à son propre jeu, et, jusqu'à cette heure, le shogi avait semblé la meilleure solution.

Néanmoins, force était d'admettre que Midorima se sentait plus fort et plus à l'aise au basketball, où il savait que même le contrôle d'Akashi avait une limite. S'il avait un jour une chance de battre Akashi, ce ne serait pas au shogi, mais au basket.

Or, pour jouer contre lui, ils devaient être dans deux lycées différents.

Akashi l'avait-il déduit bien avant lui? Avait-il compris qu'il ne souhaiterait pas être son coéquipier et que, par conséquent, il ferait tout pour perdre? Était-ce pour lui faire réaliser cette même vérité qu'Akashi avait mal joué?

Un autre problème se posait : si Akashi avait inversé les conditions comme il le croyait, cela voulait sans doute dire qu'il souhaitait aller au même lycée que Midorima. La logique, quoiqu'inversée, serait ainsi retrouvée : au lieu d'être le gagnant qui obtienne ce qu'il veut, ce serait au perdant de récolter sa récompense. Dans ce cas de figure, Akashi jouerait mal pour pousser Midorima à le battre enfin, et ce, dans le but qu'ils aillent au même lycée.

Bien sûr, il y avait toujours le cas où, au final, Akashi souhaitait la même chose que Midorima et alors tous deux ne pourraient que travailler à faire gagner Akashi. Cependant, Midorima croyait connaitre assez Akashi pour savoir qu'il ne s'agissait pas de sa façon de faire : il donnait l'impression à son adversaire de n'avoir aucun choix, mais lui en laissait secrètement un. C'était ce qui, selon Midorima, l'amusait dans ses paris.

Le vice-capitaine conclut donc que, pour gagner cette partie, il fallait à dire vrai la perdre.

Midorima observa une fois de plus le jeu et décida de ne pas saisir la chance qu'Akashi lui octroyait. Il ne devait pas non plus perdre honteusement, sinon il ne pourrait jamais se considérer comme vainqueur : il calcula donc avec une précision chirurgicale les prochains coups qui devraient se produire et arriva à la conclusion qu'il souhaitait, c'est-à-dire une partie serrée qui se terminerait sur la victoire d'Akashi.

Sa main apporta la pièce qu'il devait placer au bon endroit et Akashi ne perdit pas de temps pour jouer à son tour. Le reste de la partie ne se déroula pas comme prévu : Akashi continuait de jouer de temps à autre des coups qui, sans être mauvais, laissaient beaucoup trop de failles dans ses défenses.

C'était un drôle de match qui se déroulait sous ses yeux : au lieu de s'activer à gagner, les deux joueurs s'acharnaient à perdre le plus dignement possible, tant que la chose était possible.

Néanmoins, Midorima réussit à avoir une longueur d'avance sur Akashi et celui-ci n'eut d'autres choix que de le mettre en échec. Quelques habiles coups plus tard, Midorima forçait son capitaine à déclarer oote.

Il avait de la peine à y croire, mais Midorima venait enfin, pour la première fois de sa vie, de gagner contre Akashi à son propre jeu.

Bien sûr, son capitaine ne montra ni contentement ni frustration. Ses yeux rouges restèrent fixés sur lui et ses lèvres gardèrent ce qui ressemblait à un sourire mais n'en était pas vraiment un. Il prit le roi de Midorima avec sa main droite et, après l'avoir manipulé, s'exclama :

- J'ai gagné.

Il aurait tout aussi bien pu dire qu'il avait perdu, songea Midorima sans le dire. Ce qu'il formula, par contre, fut :

- Nous n'irons pas au même lycée, Akashi.

Celui-ci acquiesça et lui demanda :

- Es-tu déçu?

- Non, répondit honnêtement Midorima.

Akashi entreprit de ranger soigneusement le jeu, qui lui appartenait, et, alors qu'il se levait pour partir, il lança, sur un ton mystérieux :

- Tu devrais peut-être.

Midorima ne répondit rien et le regarda partir en songeant à la signification de sa phrase.

Quelques jours plus tard, il apprit qu'Akashi savait depuis longtemps qu'il allait déménager à Kyoto après la fin de leur collège. Midorima réalisa alors qu'il n'avait jamais prévu de perdre.