Memento Mori
Avertissement :Cette fiction contient des scènes de sexe explicites, de violence modérée et mentionne des actes suicidaires.
Hej, Hetaliens, Hetaliennes ! C'est en cette belle soirée de Novembre que les Skandinavisk Toppluvorna vous livrent leur première fanfiction. C'est moi, Sue, qui ai écrit le prologue, et le premier chapitre sera de la deuxième admin, Kikki, et ainsi de suite en alternance. Les reviews et retours sont toujours accueillis à bras ouvert avec des couvertures et un bon chocolat chaud ! Bonne lecture !
Le Manoir
Love is how you stay alive, even after you are gone. — Mitch Albom
- Bon, tu te ramènes ? s'impatienta Matthias en piétinant le sol.
- Je sais pas, hésita Berwald, en jetant un œil à l'immense manoir lugubre derrière son frère. M'man a dit qu'on devait rentrer avant sept heures, et il est six heures et demi…
- T'es qu'une tafiole, souffla le plus âgé en poussant le portail. Rentre, moi j'y vais.
L'autre s'apprêta à protester, puis, sachant que cela n'aurait eu aucun effet sur son frère qui était d'une nature bornée, recula et prit le chemin de la maison, tout en jetant des coups d'œils réguliers au blond aux cheveux ébouriffés. Il savait qu'il allait encore s'attirer des ennuis, c'était à prévoir.
Matthias referma le portail derrière lui et remonta son sac à dos sur son épaule, puis monta la colline. Je suis sûr que c'est des conneries de toute façon, cette histoire de manoir hanté. Les fantômes, c'est juste des histoires qu'on raconte aux gamins depuis la nuit des temps pour leur faire peur. Il avait vu un nombre incalculable de films d'horreur et était resté de marbre devant les diverses apparitions lugubres censées inspirer la terreur.
Comme il s'en doutait, la porte principale était fermée. Il grimpa donc par la fenêtre cassée sur la gauche, se coupant la main au passage sur les débris de verre poussiéreux. Avec un grognement, il se contenta d'essuyer sa main sur son pantalon et décida, avant tout, d'explorer un peu cette vieille bâtisse à moitié en ruine.
Matthias fit quelques pas dans le grand hall à peine éclairé par la lueur déclinante du jour qui peinait à percer la crasse des hautes fenêtres. On entendait que le vent qui sifflait et le bois qui craquait doucement sous ses semelles. Deux grands escaliers descendaient en tournant du premier étage, et entre eux gisait un immense chandelier en cristal qui, dans sa chute, avait percé le plancher et éparpillé des débris jusqu'à la porte d'entrée.
Il s'arrêta un instant et contempla la scène, tentant de s'imaginer ce que cela avait bien pu être de voir l'endroit à son apogée. Il y parvenait bien, voyant même le chandelier scintiller au plafond, il entendait les rires et la musique des soirées somptueuses qui devaient être organisées par le feu riche maître des lieux. Personne ne savait vraiment qui habitait ici. Les noms s'étaient perdus avec les générations.
Un frisson lui remonta le long du dos et il sursauta lorsqu'une porte claqua à l'étage. Connerie de vent. Remontant une fois de plus son sac sur son épaule, il enjamba comme il put le chandelier et grimpa les marches, évitant les trous du bois et du tapis rongés par le temps. Une fois à l'étage, il tourna à droite, plus par intuition que par réel hasard, et poussa une porte.
Le jeune homme contempla l'immense chambre dans un silence presque religieux. Un très grand lit à baldaquins se tenait contre le mur au fond, et divers meubles précieux vieillissaient lentement. Il souleva une bougie posée sur une commode, toussa lorsqu'elle dégagea un nuage de poussière, et sortit son briquet pour l'allumer. Évidemment, elle se désagrégea plus qu'autre chose entre ses doigts, et il dut se résoudre à sortir l'une de ses propres bougies de son sac.
Il s'assit au milieu de la pièce, sur le vieux tapis élimé, et sortir une planche de ouija en bois de son sac. Il l'avait acheté dans un bric-à-brac pour quelques couronnes. Le blond sortit ensuite la « goutte », petit morceau de bois taillé à travers lequel les fantômes étaient censés s'exprimer, et la posa sur la planche, puis il cala la bougie devant lui. L'aura rassurante et chaleureuse de la petite lumière constituait son seul point de repère.
Non pas qu'il avait peur.
- Allez, à nous deux, petit esprit.
Il se frotta les mains, puis inspira, expira et posa ses deux index sur la goutte, et effectua un mouvement de huit deux ou trois fois sur la planche, pour préparer la séance. À présent concentré, il souriait en coin, ne s'attendant pas vraiment à ce qu'il se passe quoi que ce soit, mais jouant le jeu.
- Est-ce qu'il y a un esprit dans cette pièce ?
Il attendit patiemment pendant trente secondes. Rien ne bougea. Il sourit un peu plus, refit un mouvement de huit sur la planche et répéta, d'une voix plus assurée :
- Est-ce qu'il y a quelqu'un dans cette pièce ?
C'est alors que la goutte se mit à vibrer très, très légèrement sous ses doigts. Surpris, il faillit rompre le contact mais se ressaisit et regarda, avec des yeux écarquillés, l'objet se déplacer lentement sur la planche, visiblement hésitant.
NON
- … Si vous répondez c'est qu'il y a quelqu'un. Sérieusement, il y a quelqu'un ? lâcha-t-il, décontenancé.
La goutte vibra plus fort, comme agacée, et se déplaça de nouveau.
OUI
Matthias respirait à peine, complètement choqué. Il n'imprimait aucun mouvement au morceau de bois et ne croyait pas lui-même ce qu'il voyait. Il se rappela que les scientifiques parlaient souvent de pensées « idéomotrices » ; en gros, il déplaçait la goutte sans s'en rendre compte. Mais le problème… C'est qu'il n'y croyait pas, à la base. Il n'avait aucun espoir, aucune réelle envie de communiquer avec une entité décédée.
Il bégaya un peu puis reprit d'une voix tremblante :
- Quel est votre nom ?
Lentement, la goutte afficha plusieurs lettres. Matthias laissait ses doigts effleurer à peine l'objet, et fut alors convaincu que les mouvements n'étaient pas de son fait.
S-O-R-S
- … Sors ? C'est étrange comme nom, commenta Matthias avant de se rendre compte que non, l'esprit ne venait pas de lui communiquer son identité mais bien de l'inviter à dégager rapidement de sa demeure.
Vexé, il ne put s'empêcher de commenter d'un ton acerbe :
- Bon écoutez, sérieusement, je sais que ça vous emmerde et tout mais s'il vous plaît… C'est la première fois que je fais ça et je suis grave sur le cul, j'vous en prie, je veux juste parler un tout petit peu !
Pendant quelques secondes, il ne se passa rien, et Matthias crut avoir offensé l'esprit, lorsqu'un coup, une ombre fila derrière lui à une vitesse impressionnante. Il se retourna, et constata avec effarement qu'une seconde bougie brûlait sur la commode, à la place de l'ancienne. Il regarda de son sac et vit qu'il en manquait une. Tremblant, il se tourna de nouveau vers la planche.
- Qu-Quel est votre nom… ?
La goutte vibra doucement.
L-U-K-A-S
- Oh… Bonjour, Lukas. Enchanté de vous rencontrer. Et… Et vous, vous avez quel âge ? Enfin, à quel âge vous êtes décédé… Enfin… Je me comprends.
2-2
- Ah, 22 ans… C'est très jeune…
Quelques vibrations sans déplacements. Aucun commentaire. Matthias hésita un peu, se tortillant sur son postérieur, mal à l'aise mais en même temps fortement curieux.
- Vous habitiez ici ?
OUI
- Vous venez d'où ?
N-O-R-G-E
- Oh, vous êtes Norvégien… D'accord.
Matthias se sentait un peu plus confiant. Visiblement, l'esprit avait accepté de faire un peu la causette, et il devait avouer qu'il était fasciné. Un être humain décédé lui parlait, d'outre-tombe, et lui parlait de sa vie passée. Néanmoins, il avait du mal à trouver d'autres questions, et bien qu'il savait pertinemment qu'il ne fallait pas parler à un esprit de sa mort, la tentation était trop forte.
- Comment… Comment êtes-vous décédé ?
Les flammes des bougies vacillèrent et Matthias sentit son cœur accélérer.
T-R-A-I-N
Le blond grimaça.
- Aïe.
La goutte tressauta légèrement. « OUI » disait l'esprit, et le jeune homme y sentit plus un léger amusement qu'une quelconque animosité. Il supposait qu'après quelques années à errer seul dans une baraque crasseuse, le seul de l'humour de quelqu'un devenait un peu étrange… Il resta quelques secondes sans rien dire, et à sa grande surprise, l'esprit se manifesta.
N-O-M
- … Mon nom ? Vous voulez mon nom ?
OUI
- Ah… J'm'appelle Matthias. Matthias Køhler.
De nouveau, aucun commentaire. Le jeune homme regarda autour de lui, cherchant un signe de cette présence, quelque chose qui pourrait l'aider à deviner à quoi ressemblait son interlocuteur. Il remarqua alors qu'au dessus du lit se tenait un portrait, de travers sur le mur, rongé par le temps mais dont on pouvait toujours apercevoir la silhouette. Se tournant vers la planche, il questionna de nouveau l'esprit.
- C'est vous sur le tableau là-bas ?
OUI
Matthias hésita. Il ne fallait pas rompre le contact avec la planche, d'après ce qu'on lui avait dit. Il se refusait également à renvoyer l'esprit aussi vite, trop excité par l'expérience qu'il était en train de vivre.
- Vous… Vous êtes un mauvais esprit ? Ou un démon ? Enfin… Un truc négatif ?
NON
La réponse fut très rapide et cela ne mit pas Matthias en confiance. Après tout, un démon lui aurait menti. Mais après tout, l'esprit n'avait pas vraiment été menaçant envers lui, il avait même allumé une seconde bougie, ce qui était un symbole de protection.
- Je… Je peux lâcher la planche ?
OUI
- Vous allez rien faire genre… Me posséder ou une autre connerie comme ça ?
NON
Il prit une grande inspiration et retira ses doigts de la goutte. Rien ne changea, hormis le fait que la goutte continuait à vibrer légèrement, signe que l'esprit restait sagement concentré sur la planche. Il se leva et attrapa une bougie, puis s'approcha du portrait, et l'examina. Il était tâché de noir et Matthias distinguait difficilement un homme blond, à la peau pâle et aux traits aristocratiques. Sa silhouette paraissait mince et presque fragile.
Néanmoins il ne put voir son visage en détail et n'avait que peu d'informations. Il continuait à observer la peinture, lorsqu'un courant d'air froid le frôla, et que le tableau se redressa légèrement, désormais droit. L'esprit pouvait donc interagir avec d'autres objets que la planche.
- D'autres personnes sont venues ici ?
Il regarda la planche. « OUI ».
- Vous leur avez parlé aussi ?
Hésitante, la goutte glissa vers « NON », et Matthias l'interpréta comme un « pas vraiment ». La seule histoire qu'il avait entendue sur ce manoir et qui concernait des gens qu'il connaissait était la fois où un groupe de terminales étaient venus faire les idiots pour Halloween et qu'ils en étaient ressortis en hurlant, avec quelques bleus, et personne ne les avait pris au sérieux.
Il devinait que ceux qui étaient venus n'avaient pas forcément été très respectueux des lieux, peut-être même étaient-ils venus pour y voler des choses.
- Vous pouvez interagir avec les êtres vivants… ?
P-E-U
- Vous pouvez me toucher ?
Aucune réponse écrite, mais il sentit de nouveau un courant d'air froid près de lui et un petit pincement à la joue, comme si quelqu'un lui avait mis une pichenette. Il rit et se frotta la pommette. Se rappelant soudain que l'heure tournait, il regarda sa montre et prit un air horrifié. Sept heures trente. Sa mère allait le tuer.
- Merde, je dois… Je dois vraiment y aller. C'était quand même sympa de discuter… Enfin… Je pourrais revenir-
Il eut le souffle coupé lorsque quelque chose lui enserra le buste comme un étau. Il suffoqua et se mit à supplier :
- S'il vous plaît, il faut… Faut vraiment que j'y aille… !
L'étau se desserra mais la goutte se mit à aligner rapidement les lettres « R-E-S-T-E ». Matthias se laissa tomber à genoux et posa les doigts sur la goutte, et tenta de la glisser vers « AU REVOIR ». Mais il en était incapable, l'esprit résistait, visiblement peu enclin à le laisser partir.
- Bon tant pis, s'énerva-t-il, vous savez quoi, j'y vais !
Il éteignit les bougies, balança tout son matériel dans son sac, se leva et partit en courant, le cœur battant. Il dévala les escaliers, s'écorchant les genoux en trébuchant au passage, et ressortit par la fenêtre où il était entré. Il dévala la colline en prenant des grandes bouffées d'air frais, les larmes aux yeux.
Une fois en bas, il regarda encore une fois derrière lui, vers l'immense manoir, et se mit en marche pour rentrer chez lui, d'un pas rapide et nerveux, tentant d'ignorer la chaire de poule qui lui hérissait les bras.
