Disclaimer : Cette histoire s'inspire aussi bien de la série Dirk Gently's holistic detective agency de Max Landis et de la BBC, que du roman de Douglas Adams, Un cheval dans la salle de bain. Bien sûr, l'univers ainsi que les personnages de ceux-ci ne m'appartiennent pas et je ne fais que m'en inspirer !
Un grand merci à Pauline sans qui cette histoire n'aurait jamais vu le jour et qui m'a aidé à concevoir le scénario pendant de longues heures de démêlage acharné. Love ! Je suis toute nouvelle sur le site alors soyez gentils ... !
J'espère qu'elle vous plaira, et n'hésitez pas à laisser une review pour m'encourager un peu car l'histoire n'est pas encore terminée ! ;)
Avoir vos avis me ferait grand plaisir !
Waning : cette fiction met en scène une romance homosexuelle entre hommes. Si ce n'est pas votre tasse de thé, vous êtes libres de partir dès maintenant ! Les autres, restez !
Bonne lecture à tous ! LOVE
John Lee Gently.
- ...en tout cas, le rideau de douche t'allait très bien, Todd, lança Dirk en riant.
- Eh, c'est pas si drôle que ça, je te rappelle qu'on a failli se faire tuer ce jour là, répondit l'autre, un sourire en coin.
- Pardon ? J'AI failli me faire tuer, nuance, précisa le détective. Pendant que tu faisais superman dehors.
Il se pencha vers la table basse et attrapa sa bière avant d'en boire une petite gorgée au passage. Le liquide amer lui arracha une grimace de dégoût. Ce serait sans doute meilleur avec une bonne rasade de grenadine ou de jus de cerise. Dirk adorait le jus de cerise.
- Ce n'était pas mon idée de rentrer dans la maison d'un chef de gang de sorciers hippies ! se défendit Todd.
- En effet. Tu aurais quand même pu penser à éteindre ton téléphone, mais soit.
Todd ouvrit la bouche pour protester mais Dirk l'en empêcha et reprit :
- C'est l'Univers qui nous a guidé jusque-là, afin qu'on trouve Lydia Spring et qu'on résolve l'enquête, déclara-t-il comme pour conclure la conversation. Les choses se sont passées exactement comme elles devaient se passer.
L'autre marqua une pause et prit le temps de songer à cette affirmation. Après tout, la mauvaise foi de Dirk avait raison. Tout ce qu'ils avaient vécu en était la preuve : rien n'arrivait par hasard et tout était connecté, et Dirk était vraiment ce qu'il disait être. Une sorte de détective clairvoyant, capable de déceler et de voir les interconnexions de cause à effet qui régissaient le monde. Son licenciement, sa rencontre avec Dirk puis Farah, le corgi, la disparition de Lydia, le meurtre de Patrick Spring, et leurs déboires avec les Hommes de la machine, tout était connecté depuis le début, et Todd ne pouvait plus en douter. Finalement, l'Univers était le seul responsable de toutes leurs aventures, aussi absurdes soient-elles, ce qui, d'une certaine manière, était plutôt arrangeant. Todd haussa simplement les épaules et s'en remit à cette conclusion qui permettait de clore le débat.
- Et tu l'as fait, ajouta-t-il en levant les yeux vers Dirk. Tu as résolu l'enquête.
Son regard était empli de sympathie mais aussi d'une pointe d'admiration. Dirk fut touché par ses mots et ne sut pas tout de suite quoi répondre. Il s'était attendu à un autre grognement dubitatif de la part de Todd, ou bien à un long soupir exaspéré, comme il savait si bien les faire. Il fronça les sourcils comme la fois où le brun lui tendait son t-shirt des Mexican Funeral, puis esquissa un demi-sourire avant de se cacher derrière ses manies et son air fier habituels.
- Oh, c'était plutôt facile en fait, répondit-il en faisant un geste de la main.
Todd leva les yeux au ciel, un sourire aux lèvres.
- Mais je n'y serai jamais arrivé sans mon fidèle assistant, ajouta Dirk en lui jetant un regard complice.
En guise de réponse, Todd agita sa bouteille de bière devant lui avant de déclarer d'un air solennel :
- À l'agence Dirk Gently et à notre équipe !
- Bien dit, Todd !
Ils trinquèrent ensemble et Todd avala sa dernière gorgée cul sec tandis que Dirk grimaçait à nouveau.
- Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas passé de soirée comme ça... tous les deux, je veux dire, balbutia Dirk.
- C'est vrai que pour une fois, il n'y a pas de chaton mangeur d'hommes et nous ne sommes pas poursuivis par des types bizarres avec des arbalètes, ironisa Todd. C'est plutôt reposant.
Et reposant était peu dire. Les derniers jours avaient été si intenses, entre les poursuites en voiture, les chasses aux trésors éprouvantes que leur avait concocté Patrick Spring, les voyages dans le temps et la CIA qui les avait suivis à la trace pendant toute l'enquête, se retrouver dans l'appartement silencieux et calme de Dirk était un soulagement. Ils pouvaient enfin apprécier une simple soirée pizza entre amis, assis sur un canapé confortable, dans la chaleur d'un foyer accueillant.
Doucement, ils sentaient déjà les premiers effets de l'alcool leur monter au cerveau. Les doux effluves leur donnaient l'impression de flotter dans une plénitude familière qu'ils retrouvaient enfin. Todd repensa à sa vie, trois mois auparavant. Il se revoyait errer dans les rues de Seattle après s'être fait virer de l'hôtel, suspecter de meurtre et avoir vu son appartement ravagé par des punks enragés. Il se voyait désormais épargné de l'avenir morose d'un trentenaire chômeur et sans domicile, et cette pensée lui faisait un bien fou. Sa relation avec sa sœur en était sortie quelque peu entachée, mais après tout, il l'avait bien mérité. Todd comptait désormais sur le temps, pour laver ses fautes et apaiser la colère d'Amanda. Il ne lui restait qu'à espérer que tout rentrerait dans l'ordre, et il lui laisserait le temps nécessaire pour lui pardonner son égoïsme et sa bêtise. Avec les Rowdy 3 au moins, sa sœur était en sécurité.
Quant à son appartement dévasté, Farah et Dirk l'avaient aidé pendant une semaine à tout ranger et à réparer tant bien que mal les dégâts causés par ces vampires ravageurs. Des bâches en plastiques faisaient office de vitres aux fenêtres, et les morceaux de plâtre et de vaisselle cassée qui jonchaient le sol avaient été balayés. Grâce à l'argent dont Farah avait hérité des Spring, ils avaient racheté la propriété du Ridgely après la mort de Dorian, et avaient aménagé leur agence au rez-de-chaussée du bâtiment. Après tout, c'était là où tout avait commencé.
Dirk, quant à lui, avait enfin réalisé son rêve, loin de Black Wing, de ses locaux labyrinthiques, et des supplices absurdes qu'il avait subi pendant tout ce temps. Il y a 15 ans, il avait changé de nom et était devenu Dirk Gently, le plus grand détective holistique de tous les temps. Désormais, l'argent n'était plus un problème, il avait enfin réussi à ouvrir son agence et surtout, des gens croyaient en lui et en ses capacités. Pour une fois, personne ne le forçait à quoi que ce soit : il n'était plus un cobaye de laboratoire et il n'avait plus à obéir aux ordres. Dirk pouvait enfin être lui-même. Et jamais il ne s'était senti aussi aimé qu'aujourd'hui, d'un amour qui rassure et soulage dans les moments difficiles. Ce sentiment d'appartenir à une vraie famille, soudée et unie. Tout cela en plus de l'alcool et Dirk se sentait vraiment euphorique.
Il leva les yeux vers Todd, qui semblait rêvasser, le regard dans le vague. Il portait cette chemise bleue et noire à carreaux, qui faisait ressortir ses yeux et lui donnait un air d'adolescent rebelle. Ses cheveux bruns légèrement ondulés retombaient sur son front en une courbe parfaite avant de redescendre le long de son oreille, pour ensuite se mêler à une barbe de trois jours irrégulière et clairsemée. Les lignes de sa mâchoire formaient presque un angle droit juste en dessous de son oreille pointue. Quelques fois, Dirk trouvait qu'il ressemblait à un petit elfe. Il étouffa un rire à cette simple pensée, avant de se faire soudainement envahir par un bleu profond et éclatant. Ces deux grandes billes colorées le dévisageaient d'un air interrogateur, de façon presque indécente.
- Quoi ? lança Todd en fronçant les sourcils.
À cet instant, des milliers de pensées déferlèrent dans l'esprit de Dirk. Des milliers de mots, qu'il avait sans cesse ressassé ces derniers mois, les mettant dans un sens puis dans un autre, et les analysant jusqu'à trouver ceux qui exprimaient au mieux ses sentiments. Mais Dirk avait eu beau chercher, il n'avait toujours pas trouvé de solution convenable à ce casse-tête. Les seuls mots qui en ressortaient sonnaient toujours faux à ses oreilles, quoiqu'il fasse. À chaque fois, cette intuition de l'Univers, celle qui l'empêchait d'agir, lui serrait le cœur et le poussait à abandonner, revenait le hanter et ébranlait ses certitudes. Todd était son meilleur ami. Et même si Dirk n'avait jamais eu de meilleur ami auparavant, il n'était pas complètement ignorant. Il savait bien que ce qu'il ressentait pour Todd n'était pas quelque chose de "normal", si ce mot avait un sens. Ce n'était pas normal de le regarder avec autant d'attention et d'admiration. Ce n'était pas convenable de penser que Todd était la plus belle chose qui lui soit jamais arrivée. C'était sans doute étrange de vouloir le serrer dans ses bras, de dévisager ses lèvres avec une certaine envie. Enfermé depuis sa tendre enfance dans les locaux labyrinthiques de la CIA, Dirk n'avait jamais embrassé qui que ce soit, et à vrai dire, cette simple idée lui avait toujours paru absurde, puisqu'il n'avait jamais envisagé le fait qu'un jour cela puisse lui arriver. Mais bizarrement, depuis qu'il connaissait Todd, il lui arrivait d'y penser de temps à autre. Quelques fois, il essayait d'imaginer quelle sensation un baiser procurait, quelle texture, quel goût cela pouvait avoir. Cette bouche qu'il projetait dans ses fantasmes les plus secrets, n'avait pas toujours appartenu à quelqu'un en particulier. Mais depuis quelques temps, elle était reliée à deux grands yeux bleus, entourée d'une fine barbe et d'un petit nez pointu. C'était ce même visage, qui le dévisageait depuis déjà quelques minutes avec une certaine inquiétude. Dirk se perdait dans ses pensées... Non, ce n'était pas normal de tomber amoureux de son meilleur ami. Cette dernière pensée le tira de sa rêverie, suivie par la voix de Todd.
- Dirk, t'es sûr que ça va ?
- Oui... oui ça va. Désolé, j'étais, j'étais un peu...
- T'avais l'air complètement ailleurs, répondit Todd en riant. À quoi tu pensais ?
Un trouble le traversa rapidement et il se trouva un peu embarrassé. "Oh, eh bien je pensais au fait que je meurs d'envie de t'embrasser Todd ! Sinon, à quelle heure commence-t-on demain ?". Décidément, Dirk ne pourrait jamais lui dire la vérité. Du moins, pas de cette façon-là, c'était certain.
- Rien, t'inquiète pas, répondit Dirk en balbutiant. Je vais bien.
Pourtant, son expression affichait tout le contraire. Ils ne se connaissaient que depuis quelques mois mais après toutes les aventures qu'ils avaient traversé ensemble, Todd avait remarqué que Dirk avait la fâcheuse habitude de cacher ses émotions derrière un sourire triste lorsqu'il était contrarié. Il se renfermait comme une huître et il fallait lui faire violence pour qu'il s'ouvre à nouveau. Ses mains trituraient son jean tandis qu'il analysait tous les détails du tapis couleur taupe sous leurs pieds. Todd ne vit qu'une seule explication à ce comportement, et bien qu'il redoutât s'aventurer sur ce chemin glissant, il désirait aider Dirk malgré tout.
- Est-ce que... c'est à cause de Black Wing ? demanda-t-il d'une voix qui se voulait être la plus rassurante possible.
Évoquer la dure enfance de Dirk était quelque peu risqué, mais Todd n'avait jamais eu l'occasion d'en parler sérieusement avec lui, que ce soit par manque de courage ou bien parce qu'il n'avait jamais trouver le bon moment. En tant que son meilleur ami, il ressentait pourtant le besoin d'aborder le sujet.
À ces mots, la moue gênée du détective se transforma en un regard inquiet et surpris. Il ouvrit la bouche pour rétorquer quelque chose mais aucun son n'en sortit. Todd sentit qu'il avait touché la corde sensible et essaya tant bien que mal de se rattraper.
- Tu es en sécurité ici, Dirk. Je ne les laisserai pas t'embarquer à nouveau, et tu le sais.
Dirk releva les yeux vers Todd, qui commençait à maudire son manque de tact. La détresse et l'égarement qu'affichait le détective le heurtèrent en plein cœur. Todd réfléchit à mille et une façons de formuler correctement sa prochaine phrase afin de ne pas faire empirer les choses. Mais Dirk le coupa dans son élan :
- Non, ce n'est pas BlackWing, murmura le jeune homme.
Ses longs doigts jouaient nerveusement avec une capsule de bière, la faisant tournoyer dans tous les sens. Il baissait la tête, le dos courbé et le visage fermé. À cet instant, Todd eut l'impression de revoir l'enfant meurtri dissimulé sous la carapace joviale et irradiante que Dirk s'était construite durant toutes ces années. Il l'imagina tout petit dans sa cellule, assis sur son lit avec cette même expression, comme s'il portait la misère du monde sur ses épaules. Seul, sans espoir, et terrifié à l'idée des prochains supplices qu'il aurait à subir. Aucun enfant ne méritait de vivre une chose pareille, et désormais Todd se flagellait mentalement pour lui avoir rappelé ces douloureux souvenirs et avoir gâcher leur soirée.
- Je suis désolé Dirk, je... Je n'aurais pas dû en parler, on essayait de passer une soirée normale pour une fois, et j'ai été con...
- Todd, l'interrompit-il, faisant au même moment tomber la capsule de bière sur le sol, dans un moment d'égarement. Premièrement je t'ai déjà dit de façon on ne peut plus clair, de ne pas te traiter de con. Et deuxièmement, tu es le meilleur ami que j'ai jamais eu. Tu es...
Soudainement, le visage de Dirk s'était ravivé tandis qu'il cherchait ses mots, les yeux brillants d'émotion.
- Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée depuis que je suis sorti de Black Wing et de cet enfer. Tu es la première personne à t'inquiéter vraiment de savoir ce que je ressens, et tu es le premier à vouloir me protéger. Et pour la énième fois - même s'il est vrai que j'ai bu deux bières ce soir, je le pense sincèrement - tu n'es définitivement pas un connard, ou quoi que ce soit d'autre. Tu es mon meilleur ami, et même si tu n'as pas toujours été honnête avec les autres - et sans doute avec toi-même - je sais que tu es quelqu'un de bien et que tu as appris de tes erreurs. Après tout, tout le monde fait des erreurs, et j'ai fait des erreurs et...
À cet instant, son cœur se mit à s'accélérer dans sa poitrine et il sentit sa gorge se nouer. C'était le moment, il le sentait. L'Univers tentait de lui envoyer un signe, tandis qu'il luttait avec ses propres pensées et peinait à trouver les mots qui parviendraient le mieux à les décrire. Devant lui, Todd le regardait avec toujours autant d'attention, les yeux grands ouverts et l'air interdit devant une telle démonstration d'affection. Il ne s'attendait pas vraiment à un discours aussi éloquent et personnel, mais les mots de Dirk semblaient à chaque fois si justes et si sincères qu'il ne pouvait s'empêcher d'être touché. Dirk n'avait peut-être jamais eu de vrai ami, mais cela s'appliquait aussi à Todd. Son dernier groupe d'amis était aussi son ancien groupe de rock, et après qu'il ait liquidé leur matériel et leurs instruments pour arrondir ses fins de mois, il n'était pas surpris de s'être retrouvé seul. Côté amour aussi, le diagnostic était sans appel. Même si au premier abord, Dirk lui avait paru être un taré - ce qui, pour sa défense, était plutôt justifié, après avoir retrouvé le détective violant son domicile en grimpant à sa fenêtre - il avait bouleversé son monde le soir de leur rencontre. Il avait retrouvé une vie palpitante pleine de péripéties étranges mais excitantes, un boulot, une bonne conscience et surtout, des amis sur qui compter. Dirk avait redonné un sens à sa vie, et il ne pourrait jamais le remercier assez pour ça.
- Dirk, tu...
- Non, je n'ai moi-même pas été très honnête avec toi, le coupa-t-il avec empressement. À propos de certaines choses...
- Si tu parles du fait de ne m'avoir rien dit à propos de la boucle temporelle, je t'ai déjà pardonné, tu sais, répondit Todd un petit sourire en coin.
- Non, je... Il n'y a pas que ça...
Dirk sentit son cœur se serrer davantage. Ses mains devenaient moites et il détestait ça. Il allait le faire, iI devait le faire. Cela faisait aussi partie de son devoir et il se devait de lui dire la vérité. C'était ce que les meilleurs amis faisaient, n'est-ce pas ? Tout se dire, ne pas avoir de secrets l'un pour l'autre. De son côté, Todd commençait à s'inquiéter. Il ne comprenait pas vraiment où le détective voulait en venir, et il s'attendait au pire ... Avec Dirk, tout était possible.
- De quoi tu parles ?
- Tu sais, j'ai été seul pendant longtemps et je ne suis pas très doué avec les sentiments... Mais puisque que ça te concerne, je pense qu'il vaut mieux que je te dise la vérité.
- D'accord... répondit Todd un peu méfiant. Je t'écoute.
Dirk inspira un grand coup. Il avait l'impression d'être au bord d'une falaise, à contempler le vide au-dessous de lui avec peur et appréhension. Pourtant, sauter était sa seule option. Il n'avait jamais imaginé qu'avouer ses sentiments serait si difficile.
- Je... je crois que je suis amoureux de toi, Todd.
À ces mots, le brun fronça les sourcils, déconcerté par l'aveu de son meilleur ami. Il cligna des yeux plusieurs fois pour se convaincre que tout ça, était bien réel.
- Qu-... qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je suis désolé de te le dire aussi... brutalement, mais en tant que ton meilleur ami, je suppose qu'il fallait que je sois honnête avec toi.
- Dirk, Dirk, balbutia Todd. Qu'est-ce qui te fait croire une chose pareille ?
- Je... c'est dur à expliquer. Tu es quelqu'un... de formidable, de courageux, tu es aussi cinglé que moi, et surtout, tu es toujours là et ce, malgré le fait que je sois constamment la cible de situations bizarres et désastreuses, et ... désormais, je ne supporterais pas de te perdre.
Dirk avait lancé ces quelques mots sans réfléchir, et spontanément, les phrases s'étaient assemblées et ses sentiments avaient éclaté au grand jour, sous le regard ahuri de Todd. Il l'avait fait. Ses joues le brûlaient terriblement et il pouvait entendre le sang affluer dans ses tempes jusqu'à son cerveau. Il ne supportait pas cette sensation. Mais plus que tout, il ne supportait pas le silence de Todd. Ce dernier s'était détourné de lui soudainement, et se tenait presque recroquevillé sur lui-même. Dirk n'arrivait pas à déchiffrer sa réaction. Son visage était impassible, tandis qu'une lutte semblait se jouer dans son esprit. Des pensées contradictoires s'affrontaient, s'entrechoquaient, et son regard se perdait dans le vague, loin devant lui. Plus le silence s'installait, plus le détective avait un mauvais pressentiment. Il était trop tard pour retourner en arrière et il avait sans doute commis une grosse erreur.
- C'est parce que j'ai dit que t'étais cinglé ? murmura Dirk en essayant en vain de ranimer son ami. Parce que si c'est le cas, je retire ce que j'ai dit.
Mais Todd demeurait silencieux et immobile. Tout à coup, Dirk se mit à douter, et tout autour de lui vacilla. Il se sentait nauséeux, sa bouche était terriblement sèche et il avait la désagréable impression que son cœur était pris dans un étau glacial. Abandon. Ce mot résonna en lui comme le son d'un cor en pleine campagne, l'écho désespéré d'un naufragé en proie à la solitude. Il était en train de le perdre, pas vrai ?
- Todd, je peux retirer tout ce que j'ai dit, on peut faire comme si de rien n'était, et rien ne changera, lança-t-il.
- Pardon ? rétorqua Todd. Tu veux que je fasse comme si de rien n'était ? Mon meilleur ami vient de me dire qu'il était amoureux de moi et je dois faire comme si de rien n'était ?
Dirk était perdu et Todd avait l'air furieux. Ne trouvant rien à répliquer, il ouvrit et referma sa bouche, un air hébété collé au visage.
- Même si, honnêtement, je pense que tu m'aimes pour de mauvaises raisons, poursuivit Todd, je ne peux pas faire comme si rien ne s'était passé, Dirk. Ce ne sont pas des mots que tu peux balancer à tout-va, tu ne peux pas prendre ça à la légère. Et si c'est le cas, c'est que tu ne penses pas ce que tu dis.
Le bleu de ses yeux s'était assombri et des plis d'inquiétude ou bien de colère, se dessinaient sur son front. Le détective ne s'était pas attendu à une telle réaction de sa part. Il déglutit péniblement, en espérant que le nœud qui lui entravait la gorge disparaîtrait enfin.
- Qu-quoi ? balbutia Dirk, profondément blessé par ce qu'il venait d'entendre. Est-ce que tu es en train de remettre en cause mes sentiments ?
- Tu l'as dit toi-même, Dirk ! lança Todd en haussant la voix. Tu te sentais seul, et puisque je suis resté avec toi ... tu as dû croire que tu m'aimais, mais c'est impossible.
Dirk sentait les larmes lui monter aux yeux. Si Todd continuait à dire de telles bêtises, il n'allait pas tarder à craquer devant lui.
- Je suis un connard Dirk, et même si tu t'obstines à dire le contraire, il y a des choses qui ne changeront pas. J'ai menti à ma famille, mes amis, en prétextant que j'étais malade et en trahissant mon groupe. Et en pensant m'aider, mes parents se sont ruinés parce que j'étais trop lâche pour me trouver un boulot comme tout le monde. Ma sœur est tombée malade et elle a galéré pendant des années à cause de moi, et le pire dans tout ça, c'est qu'à chaque fois qu'elle me regardait, elle me prenait pour le frère aimant qu'elle croyait voir, et espérait qu'elle guérirait comme moi. Mais tout ça n'était qu'un tissu de mensonge, depuis le début !
Il marqua une pause et tenta de contenir la rage qu'il entretenait envers lui-même. Il reprit :
- J'ai peut-être rétabli la vérité, mais ça ne fait pas de moi quelqu'un de meilleur et ça n'effacera jamais la douleur que j'ai causé autour de moi. Et ça a toujours été comme ça, Dirk. Voilà pourquoi tu n'as aucune raison de m'aimer.
Mais Dirk n'était pas en mesure de lui répondre. Ce nœud coulant s'était resserré autour de sa gorge et ses yeux le brûlaient. Il aurait voulu hurler que tout ça était faux, puéril et absurde, et que se blâmer était bien plus facile que d'affronter la réalité. Ses sentiments étaient réels, il était réel, tout ça était réel. Il ferma les yeux de toutes ses forces et pria pour qu'il se réveillât. Tout ça n'était qu'un horrible cauchemar. Ça n'était pas en train d'arriver, ça ne pouvait pas arriver. Pourtant, Todd était bien là, assis sur ce canapé avec lui, à piétiner ses sentiments et son amour propre. Et devant ce spectacle qui lui était insupportable, Dirk préféra se cacher derrière ses mains pour pleurer.
- Voilà, murmura simplement Todd, une douleur dans la voix. Une fois de plus, j'ai blessé quelqu'un. Je suis désolé Dirk, mais je ferais mieux d'y aller.
De chaudes larmes coulaient le long de ses joues, et le visage enfoui dans ses mains, Dirk ne répondit pas. Une voix criait dans sa tête. "Non, ne me laisse pas, pas encore une fois". Cette peur de l'abandon était ancrée en lui depuis que sa mère l'avait réveillé un matin, pour le laisser entre les mains d'hommes en costumes noirs, l'entraînant de force loin d'elle et de cette maison qui était la leur. Même si aujourd'hui, ce souvenir n'était plus aussi exact et précis dans son esprit, la douleur elle, était toujours aussi vive et à cet instant plus que jamais. Il sentit le matelas du canapé se soulever sous lui tandis que Todd se levait. Il entendit ses pas lourds faire grincer le parquet, suivi du bruit d'un jeu de clés et d'une porte qui claque. Et laissant sa tristesse se déverser, Dirk resta là un moment, se demandant comment, en l'espace d'une demi-heure, il avait pu perdre son ami, et le contrôle de son Univers.
à suivre ...
