Le cœur a ses raisons
Chapitre 01 : Pénibles tourments
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« Fuis-moi, je te suivrai. Blesse-moi, je te pardonnerai. »
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Sombre. C'est ainsi que se qualifierait son réveil. Quelques instants furent nécessaires pour distinguer chaque chose : le plafond, les murs, sa chambre. Une puissante lueur filtrée par les rideaux perçait cette obscurité. C'était déjà le matin, les oiseaux qui pépiaient dans leurs nids n'allaient pas dire le contraire.
La couverture remontée jusqu'à son torse, Ichigo battit des paupières à plusieurs reprises, pas certain de ce qui l'avait tiré de ce semblant de sommeil dans lequel il avait eu bien du mal à chuter cette nuit encore. Avec un soupir, il se souvint sans le moindre effort de son rêve. Ou plutôt de son cauchemar. Celui qui dévorait son esprit et presque sa raison nuit après nuit.
Les rayons du soleil étaient assez puissants pour dissiper l'obscurité de sa chambre, mais pas celle régnant dans son...
- Ichigo ! Pour la deuxième fois, descends ici tout de suite ou tu peux être sûr que je vais venir te chercher en te chopant par le caleçon au risque d'exposer ce qu'il cache ! Ha ! Ha ! Ha !
Maudit soit son père. Non, vraiment. Qu'il soit rôti jusqu'à la moelle par les flammes de l'enfer pour oser gueuler une menace pareille à pleins poumons de si bon matin. Au moins, maintenant, il savait ce qui l'avait incité à ouvrir les yeux dans un premier temps.
Profondément agacé, le roux s'extirpa de son lit, posa ses pieds sur le tapis et s'étira. Les yeux plaidant encore pour le sommeil si agité soit-il, il attrapa un pantalon de jogging qu'il enfila sans se soucier qu'il soit à l'endroit ou non. Cela fait, il saisit son portable pour le parcourir puis consulta ses mails sur son PC, comme chaque jour.
- Fils, si tu n'es pas là dans les vingt prochaines secondes, j'exposerai vraiment au monde ce qui est supposé faire de toi un homme, un vrai !
Mon Dieu, mais quel boulet. Ichigo se frappa le visage du plat de la main en retenant un gémissement d'exaspération et alla rejoindre son géniteur emmerdant devant la maison avec ses soeurs. Ses orbes bruns soudain brutalement réveillés faillirent tomber au sol.
- Putain, papa ! T'as pas trouvé plus discret ?!
- Ça te tuerait un « merci papa, je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi » ? répliqua celui-ci, des larmes de cinéma dans les yeux.
- Réponds à ma question ou tu peux être certain que je saurais quoi faire de toi !
- C'est moi qui l'ai payée en plus de l'assurance et tu te permets encore de te plaindre ? Fils ingrat, bougonna Isshin en croisant les bras et boudant faussement, le menton en l'air.
- C'est pas... je sais que tu... Bon sang, j'ai déjà les cheveux orange, c'est pas suffisant ? s'emmêla son fils, irrité.
- Même si elle serait noire, tes cheveux se verraient aussi bien, Ichi nii, lança Karin de sa voix traînante en se grattant la tête. Après tout, quand tu es en Shinigami, ton uniforme accentue la couleur de tes cheveux.
Une veine se dessina lentement sur la tempe de son frère.
- Karin, je te ferai signe si j'ai besoin que tu m'enfonces au lieu de m'aider.
Sa sœur se contenta de hausser les épaules.
- Karin chan a raison, onii chan, intervint Yuzu qui était la seule pas en pyjama sous son tablier.
- Pas toi aussi, Yuzu ! se désespéra Ichigo.
Ce n'était vraiment pas sa journée.
- Bon, c'est pas tout, mais le travail m'attend, déclara subitement le père Kurosaki en lui jetant les clefs. Prends-en soin, Ichigo. A la moindre rayure ou accident, tu rembourses de ta poche jusqu'au dernier yen. Et si vraiment la couleur ne te plaît pas, tu peux toujours la repeindre.
- Avec le prix que ça va me coûter, autant en acheter une neuve !
- Tu es si près de ton argent...
- La ferme, j'économise pour mon avenir !
- C'est provisoire. Quand tu auras les moyens de te prendre en charge sans ton papounet d'amour derrière toi, tu pourras la revendre et acheter celle qui te conviendra. En attendant, fais avec ! l'enfonça le médecin en lui tapotant l'épaule.
Sur quoi, il entra dans la maison avec ses filles pour prendre leur petit déjeuner. Laissé seul planté au milieu de la rue, Ichigo regarda les clefs dans sa main avant de jeter un coup d'oeil dubitatif à sa première voiture rouge vif.
Eh oui, il avait dix-huit ans et avait décidé l'année précédente de s'inscrire à l'auto-école avec pour objectif d'obtenir son permis avant d'entrer à l'université dans quelques mois. Certes, il avait échoué à sa première épreuve de conduite mais l'avait décroché la seconde fois, c'est-à-dire la semaine précédente. C'était franchement un exploit énorme compte tenu de tous les problèmes grouillant dans sa tête.
Lorsqu'il avait annoncé la nouvelle à sa famille, Isshin lui avait coupé la parole en criant se charger des frais de sa nouvelle voiture et à présent, le roux comprenait pourquoi. Ce véhicule écarlate ni trop grand ni trop petit appartenait à l'une de leurs vieilles folles de voisines qui appelaient toujours la police dès qu'un peu de raffut s'élevait dans la clinique.
Isshin avait dû obtenir cette boîte de conserve sur roues démodée pour trois fois rien, et Ichigo espérait au fond de lui que sa vie ne s'achèverait pas pour un rien au volant de cet engin. Il n'était même pas certain qu'un airbag soit installé dans ce truc alors pour ce qui était de la climatisation, fallait pas rêver.
- Onii chan, ton petit déjeuner va refroidir !
Un nouveau soupir franchit ses lèvres tandis qu'il se détournait pour regagner le salon. A quoi bon se prendre la tête, de toute façon ce qui est fait est fait. Et puis, tant que ça roule comme on dit, l'aspect a peu d'importance.
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- Mouais, tu roules pas si mal malgré toutes les années que tu trimballes.
Ichigo mit le point mort, maintenant arrivé à destination avec sa voiture. En un seul morceau. Après un rapide petit déjeuner, il s'était douché à la hâte, pris son déjeuner préparé par Yuzu et filé en direction de chez Sado qu'il aperçut justement quitter son bâtiment pour venir le rejoindre. Son meilleur ami le salua de la main en marchant, ouvrit la portière et plia son grand corps pour s'installer côté passager. Le pauvre avait vraiment l'air d'être à l'étroit telle une sardine coincée entre ses congénères, mais son visage impassible ne trahit aucune émotion.
- Alors, ça y est, tu as ta voiture, dit-il de sa voix grave.
- Ouais.
- Joli modèle, je devrais peut-être m'en acheter une similaire.
- Laisse tomber, vieux. Je te conseille d'investir dans une voiture où le volant n'empêchera pas tes jambes de se détendre pour atteindre les pédales.
Il attendit que Chad boucle sa ceinture et tous deux roulèrent en direction du lycée. Les routes étaient encombrées de voitures, la plupart contenant des personnes se rendant sur leur lieu de travail. Heureusement, les lycéens n'étaient pas en retard.
- Tu as révisé pour le test en histoire ? demanda Yasutora après une minute de silence.
- Hm ? Lequel ? marmonna le fils Kurosaki, les yeux dans les rétroviseurs.
- Celui prévu dans trois jours.
- Tch. J'avais oublié.
- Ichi...
- Quoi ? l'interrompit le concerné, sur les nerfs. J'ai pas la tête à ça, le sensei peut déjà s'estimer heureux que je me sois cassé la tête à faire les exos de géo hier. Et puis merde, je déteste l'histoire.
Sado soupira tandis qu'ils tournaient un coin de rue.
- Tu ne vas pas bien depuis un moment, souffla-t-il.
- Ça va, Keigo et les autres me rabâchent la même chose quotidiennement depuis une semaine, s'impatienta le frère des jumelles, les mains crispées sur le volant.
Chad le fixa avec une lueur peu commune.
- C'est qu'ils ne sont pas très perspicaces parce que tu vas mal depuis non pas une, mais des semaines.
Arrêté à un feu rouge, Ichigo ferma brièvement les yeux.
- Tu es plus mince, ton humeur changeante et ton reiatsu, que tu tentes de cacher, est sombre en permanence. Je m'inquiète vraiment pour toi, tu sais, prononça Chad, ce sentiment imprégnant son ton, et attristé de ne pas parvenir à attraper son regard ambré. Je sais que ce n'est pas ton genre mais... tu peux me parler si tu en ressens le besoin.
Le feu passa au vert.
- L'avenue est trop fréquentée à cette heure-ci. On va passer devant le supermarché et emprunter le chemin menant à l'hôpital, ça nous évitera d'arriver en retard. J'ai aucune envie d'être collé encore deux heures à cause de cet enseignant à qui ma tête ne revient pas.
Sans un seul commentaire témoignant que les paroles de son ami l'avaient atteint, le Shinigami suppléant appliqua son itinéraire.
Sado s'enfonça dans son siège autant que possible et observa l'extérieur d'un œil absent. Ichigo était là mais son esprit ailleurs et ça le tuait de ne pouvoir l'aider. Même si, il devait le reconnaître, il avait une idée assez précise de la raison qui mettait son meilleur ami dans cet état si pitoyable.
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- Iiichiiiiigooooooo ! J'ai vu ta voiture sur le parking et...
Keigo cligna des yeux quand Ichigo passa devant lui, son sac jeté négligemment dernière son épaule, l'autre main dans sa poche.
- Ben quoi, tu ne me frappes pas ce matin ?
Son nez se retrouva écrasé la seconde suivante.
- Salut, Keigo.
- C'est pas ce que je voulais dire ! protesta Asano, ses deux mains couvrant son visage, les larmes aux yeux. Ah salut, Chad, ajouta-t-il quand il fut englouti par une ombre imposante.
- Mmh.
- Attends, t'es venu en voiture avec Ichigo ? gémit l'extraverti, son nez devenu le cadet de ses soucis. Et moi alors ? Arisawa est aussi arrivée au volant de la sienne -qui a des vitres teintées- et ne m'a même pas proposé de me prendre avec elle ! On est potes, non ?! Vous ignorez à quel point ça use mes orteils de faire chaque jour ce trajet qui équivaut au couloir de la mort ? Et puis, je... argh !
Il s'effondra suite à un coup de portable bien senti.
- Salut, Mizuiro.
- Salut, Ichigo. Salut, Chad.
- Mmh, salut.
- Mi-Mizuiro, tu m'as fendillé le crâne !
- Si ça peut permettre à ta paranoïa de s'échapper par cette fissure, c'est très bien.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?! pleurnicha Keigo, étalé sur le ventre.
Ichigo ne resta pas plus longtemps dans le couloir et les laissa sans un mot.
- Qu'est-ce qu'il a à la fin ? demanda le frère de Mizuho, une main soutenant sa tête.
Mizuiro et Sado échangèrent un regard.
Son rythme maintenu, Ichigo franchit le seuil de la classe. Sa colère qu'il refoulait remonta à la surface plus vite qu'un bouchon de champagne. La salle avait beau rassembler la plupart de ses camarades, il ne voyait que deux d'entre eux. Inoue parlant avec Ishida. Il décida de marcher vers eux, se fichant éperdument d'interrompre une conversation importante ou non.
- … et donc, c'est pour ça que je pense qu'il serait préférable qu'on...
- Bonjour, Inoue.
Orihime bafouilla en plein milieu de sa phrase, ne l'ayant pas vu arriver.
- Bonjour, Kurosaki kun ~ ! lui sourit-elle.
Malgré le sourire qu'elle lui adressait, le roux perçut sa colère grimper d'un étage. Elle ne l'avait pas remarqué avant qu'il se manifeste, ce qui signifiait qu'elle était vraiment absorbée par sa discussion avec...
- Ishida, dit-il d'un ton aussi raide que l'acier.
- Kurosaki, le salua le Quincy en remontant ses lunettes sans daigner lui jeter l'ombre d'un regard.
Aussi maître de ses émotions qu'il l'était, il ne parvint pas à totalement cacher son agacement d'avoir été interrompu par Kurosaki et ses mauvaises ondes.
- Tu vas bien, Kurosaki kun ? se renseigna la princesse, anxieuse.
Sa douce voix l'incita à esquiver Ishida pour reporter son attention sur elle, et la dévisager au point de la faire rosir. Le jeune Shinigami resta un instant fasciné par la façon dont ses yeux gris, miroirs de ses émotions, se nuançaient de divers volutes à cause du soleil la frappant de face. Ou peut-être que c'était tout simplement sa manière à elle de le regarder. Allez savoir.
- Je vais bien, assura-t-il enfin en essayant de sourire à son tour. Juste... fatigué, j'ai patrouillé tard à cause des Hollows.
La guérisseuse pencha la tête en mordillant sa lèvre comme pour l'étudier, mais ne remit pas son excuse en doute.
- Inoue, je pourrais te parler, disons, à l'heure du déjeuner ? risqua-t-il, le regard volontairement incandescent.
La demoiselle rougit davantage et dévia ses prunelles.
- Je suis désolée, j'ai promis à mes amies de manger avec elles.
- Ce ne sera pas long...
- Une autre fois, d'accord ? tenta-t-elle, une main derrière la tête, mal à l'aise.
Ichigo fronça les sourcils, visiblement agacé alors qu'Ishida éprouvait la même chose pour être ignoré de la sorte. Très bien, autant essayer une autre approche.
- Je ne sais pas si tu es au courant, mais j'ai obtenu mon permis de conduite la semaine dernière et...
- Vraiment ? Félicitations, Kurosaki kun ! se réjouit-elle pour lui, sautillant sur place et frappant dans ses petites mains.
- Ouais, euh... merci, fit-il, l'estomac contracté. Je te disais que je suis venu en voiture ce matin. Je pourrais te déposer chez toi ce soir et on discuterait sur le chemin ?
Là, elle ne pouvait pas refuser, il en était sûr. Les joues de la belle se colorèrent encore plus pendant qu'elle regardait ses pieds, incapable de soutenir la connexion visuelle avec ses iris ambrés. Enfin, après au moins dix secondes au cours desquelles les nerfs d'Ichigo commencèrent à fumer, elle releva le menton pour le fixer de ses grands océans cendrés aux mille sentiments, et ouvrit la bouche pour lui donner sa réponse... qui n'eut pas le temps de sortir mais qu'Ichigo décrypta quand même.
- Tout le monde assis sans un mot ! Sortez une feuille et un stylo, interro surprise ! ordonna la voix du sensei en guise de bonjour tout en posant bruyamment sa mallette sur le bureau.
Se foutant totalement de l'interro, le fils Kurosaki jura intérieurement. Bordel, il allait véritablement craquer avant la fin de cette journée. C'est cette pensée qui traversa son esprit semblable à de la mélasse quand Orihime profita de l'intervention du professeur pour se détourner de lui dans un tourbillon auburn, afin de rejoindre sa place au plus vite.
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- Avez-vous des questions ? demanda Nemu de sa voix plate.
- Non, vice-capitaine Kurotsuchi !
- Bien, alors vous pouvez aller remplir votre mission.
- A vos ordres !
Les quatre Shinigamis de sa division agenouillés devant elle disparurent en un shunpo.
- Nemu ! s'époumona une voix à faire teinter des tympans fragiles.
Stoïque, l'interpellée pivota, les mains croisées devant elle. Cette allée du Seireitei était déserte.
- Oui, Mayuri sama ?
Le capitaine-savant-fou vint à sa hauteur, apparemment très énervé.
- L'échantillon « 3 G406 » n'est plus à son emplacement, siffla-t-il. Est-ce toi qui l'as touché ?
- Non, Mayuri sama, répondit la jeune femme, imperméable à sa colère.
Une veine sauta sur la tempe de Mayuri qui l'empoigna par le col.
- Je viens de te dire que le fruit de mon labeur a été volé dans mon armoire secrète dont moi seul ai accès, et tu te contentes de rester là comme s'il allait réapparaître par enchantement comme dans ces contes de fées racontés par les misérables humains ?!
- Voyez-vous ça, comme c'est intéressant. Alors comme ça, le grand Mayu chan aurait des ennuis dans son labo secret qui renferme des secrets dans ses secrets ?
Les yeux réduits à deux fentes, Kurotsuchi tourna sa tête particulière pour faire face à l'arrivant.
- Kyoraku, cracha-t-il.
- Bien le bonsoir, dit ce dernier, une main sur son chapeau qu'il inclina. Belle nuit pour faire une balade, n'est-ce pas.
Nanao se tenait à ses côtés.
- Dis plutôt que tu profites du calme de la nuit pour tendre ton oreille trop curieuse afin de capter des choses que tu devrais ignorer, riposta celui qui maudissait Urahara. T'es-tu jamais demandé ce qui arriverait si tu te retrouvais avec une oreille en moins ?
Nanao haleta. Son capitaine posa sa paume sur son épaule pour l'apaiser.
- En toute honnêteté, non, Mayu chan. Je préfère profiter de toutes les fonctionnalités de mon corps, vois-tu ?
- Je vois surtout que discuter avec toi me fait perdre mon temps précieux, mais tu devrais reconsidérer ce que je viens de te dire.
Kyoraku cligna des yeux.
- Tu me mets en garde ? voulut-il savoir aisément.
- Simple suggestion, jura le scientifique, non sans un rictus difficile à interpréter.
- Allons, desserre ta prise sur ta pauvre vice-capitaine sinon, j'ai bien peur qu'elle devienne aussi bleu marine que le ciel qui nous surplombe, cher ami.
- Que les choses soient bien claires, articula-t-il distinctement en libérant Nemu. Je ne suis pas ton ami, ce que je fais dans mon labo ne regarde que moi et je t'interdis de répéter à quiconque ce que tu as entendu. Suis-je clair ?
- Oh. Serait-ce une menace, cher ami ? questionna Shunsui avec un sourire énigmatique.
Un lent et large sourire de dément se dessina sur le visage coloré de Mayuri.
- Disons un conseil, corrigea-t-il, sa main pâle jouant avec la garde d'Ashisogijizo.
- Je te remercie de cette générosité, toi qui es si avare dans ce domaine, ironisa l'autre capitaine, amusé. Voilà qui doit t'arracher une dent de te montrer si aimable, je me trompe ?
Sa colère de nouveau palpable, Mayuri opta pour ne pas relever.
- Tch ! Viens, Nemu ! cria-t-il tout d'un coup, les traits durcis.
Ils s'éloignèrent dans la nuit calme et fraîche.
- Que pensez-vous de cette histoire, capitaine ? risqua Nanao, les yeux sur leurs silhouettes peu à peu englouties par les ténèbres. Je veux dire, la raison de sa colère.
- Franchement ma petite Nanao, il est préférable que tu appliques le conseil de Mayu chan.
Nanao tourna son regard sur son capitaine et ne distingua que son dos recouvert de son légendaire par-dessus rose fleuri. C'était suffisant pour elle : peu importe ce qu'il venait de lui dire, lui, pour sa part, n'allait pas tenir compte de ce conseil.
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A Karakura, quelques heures avaient passé, rapprochant enfin cette interminable journée de sa fin.
- Les filles, vous allez occuper le terrain de base-ball ! Quant aux garçons, vous allez vous mettre en place pour l'athlétisme au niveau des plots là-bas ! s'exclama Kagine sensei.
- Quôôôa ? se bloqua Keigo. On est peut-être en septembre mais c'est encore l'été ! On va mouiller notre maillot si on court par cette chaleur !
- C'est le but, Asano ! affirma le prof, intraitable. Et tu vas avoir l'honneur d'inaugurer ce dernier cours de sport de la saison en effectuant trois tours de terrain pour vous échauffer ! Je ne veux pas voir un seul coin sec sur vos t-shirts à la fin de cette séance ! Pigés bande de paresseux ?!
- Non, pitié, pas ça sensei..., gémit Keigo qui avait presque fondu sous ce soleil impitoyable. Je savais que j'aurais dû sécher, en plus y a pas un nuage pour avoir pitié de nous. Nan, c'est vraiment trop injuste, pourquoi moi..., sanglota-t-il tragiquement. Je suis mort et je vais me réveiller... Il le faut ou je vais pas survivre pour voir la prochaine lune...
- La prochaine fois, vous jouerez au foot jusqu'en hiver et tu regretteras de ne plus avoir le soleil pour vous réchauffer les miches.
- Ne dites pas ça, ça sonne comme une torture...
Un coup de sifflet strident déchira l'air lourd.
- Exécution ! s'égosilla l'enseignant. Et que je ne vois personne traîner les pieds ou c'est dix tours supplémentaires !
Tous les garçons se plièrent à l'ordre sans le moindre enthousiasme. Parmi eux, un débordait de colère et il était facile de deviner lequel. Ichigo emboîtait le pas de ses camarades lorsque, au loin, il vit Ishida échanger quelques mots avec Inoue avant de se séparer vers leurs groupes respectifs.
Ils bavardaient ensemble pendant que les autres devaient supporter leur professeur-bourreau. Ils étaient d'abord tous les deux à son arrivée en classe le matin même, ensuite ce midi au cours du déjeuner en dépit de ce qu'Orihime lui avait répondu en refusant sa demande de parler avec lui, puis maintenant. Ichigo serra les poings. Si elle n'avait pas de temps à lui consacrer, il devrait en être de même pour Ishida ! Trop, c'est trop.
Au top départ, il s'élança sur la piste en même temps que les autres garçons et provoqua sa chance. Kagine donnait ses directives aux filles à présent, et au bord du terrain se trouvait une petite remise devant laquelle on était obligés de passer quand on faisait le tour. Sous le regard étonné de certains, Ichigo se cacha là et attendit quelques secondes, les nerfs tendus. Lorsqu'il sentit son reiatsu approcher, il tendit le bras, le saisit par le col et le plaqua violemment contre le mur bétonné.
- Qu'est-ce qui te prend, Kurosaki ? siffla Uryuu, un peu sonné.
Sous le choc, ses lunettes avaient glissé au bout de son nez. Mais même avec une vue pas très nette, la tâche orange devant lui ajoutée au reiatsu rugueux ne trompaient pas.
- Qu'est-ce que tu fous avec Inoue ?
Le Quincy remonta sa monture d'un geste raide et cligna des yeux.
- Je te demande pardon ?
- Ce matin quand je suis arrivé, elle parlait avec toi. Ce midi, je l'ai aperçue avec toi alors qu'elle a refusé m'accorder un peu de temps sous le prétexte de manger avec ses amies et là, alors que toute la classe est réunie, je vous vois à l'écart encore en train de discuter, résuma le frère de Yuzu et Karin entre ses dents. Ça fait des semaines que ça dure, bordel !
D'abord silencieux, son ami eut un léger rire moqueur.
- Tu es plus observateur que tu n'en as l'air.
- Croyiez-vous vraiment que je n'allais rien remarquer ?
- J'espère que c'est une question purement rhétorique car tu n'es pas réputé pour voir des choses évidentes même lorsqu'elles se déroulent juste sous ton nez.
- Ne joue pas au plus malin ! s'écria le roux en resserrant sa poigne. Il se passe un truc entre Inoue et toi et je veux savoir ce que c'est !
Sa propre formulation augmenta sa tension artérielle.
Uryuu, pour sa part, était franchement agacé à présent, cela se traduisait dans sa posture droite et son regard dur. Sans prévenir, il se dégagea de sa poigne et se mit à la hauteur de son ami impulsif.
- Peut-être bien que cette fois, tu vois une chose évidente que tu refuses d'accepter.
- Qu'est-ce que t'as dit ?!
- Je dis que tu devrais éviter de poser toutes les questions qui te passent par la tête, Kurosaki.
Un éclat illumina ses yeux bleus perçants et ses lèvres se pincèrent.
- En particulier quand tu sais d'avance que tu n'aimeras pas la réponse qui te sera donnée, termina-t-il, neutre.
Avant qu'Ichigo ait pu amorcer le mouvement que son instinct lui dicta, Chad surgit de nulle part et retint son bras droit.
- Ne fais pas ça, Ichigo. Ça ne t'apportera rien.
Le poing de son meilleur ami tremblait dans sa grande main mais Sado tint bon. Ichigo retira son bras de sa prise en respirant fortement, la situation toujours en travers de la gorge. Non sans un regard remplit de fureur à l'adresse d'Ishida, impassible, il tourna les talons et s'enfuit dans la direction opposée en courant très vite.
- Il a abandonné bien facilement.
- Il n'a pas abandonné, rectifia Yasutora, inquiet. Ce n'est qu'un répit avant qu'il revienne à la charge, tu le sais, et je ne serai pas toujours là pour l'empêcher de te sauter dessus.
- Je sais parfaitement me défendre tout seul ! répliqua Uryuu, touché dans sa fierté. Et avoir Kurosaki à dos est la dernière chose que je souhaite.
- Ton comportement montre pourtant le contraire.
- Tu te ranges de son côté, Sado kun ?
- Il est mon meilleur ami, dit celui-ci comme si ça réglait la question.
- Ce n'est pas une raison pour le suivre dans tous ses...
- Sauf quand je pense qu'il a des raisons de s'interroger, le coupa Chad, légèrement en colère. Je ne sais pas ce que tu as en tête, Ishida, mais tu devrais éviter de provoquer Ichigo de la sorte surtout qu'il n'est déjà pas vraiment lui-même.
Il marqua une pause, apparemment contrarié.
- Qu'est-ce qui se passe avec Inoue ? Qu'est-ce que vous ne nous dites pas ? Est-ce que tu...
Les prochains mots qu'il allait prononcer lui en coûtaient.
- Tu sors avec elle ? Si oui, dis-le à Ichigo avant qu'il le découvre par lui-même. Il n'en est qu'au stade du soupçon et vois sa réaction.
Uryuu arrangea son col froissé et passa devant lui en rajustant ses verres flashant le soleil.
- Reprenons la course, je n'ai aucune envie d'être collé après les cours.
Sur ces paroles, il repartit sur le terrain et se mêla au groupe de garçons de leur classe qui en étaient déjà à leur troisième tour.
Encore au même endroit, Sado fixa la direction où Ichigo avait disparu. Son visage ne laissait rien paraître mais un mauvais pressentiment le bouffait à l'intérieur. Chad savait qu'Orihime était amoureuse de son meilleur ami, il irait même jusqu'à dire être l'un des premiers à l'avoir deviné et cela l'amusait. C'est vrai après tout, même s'il ne voyait Inoue que comme une amie, il ne pouvait pas nier qu'elle était jolie, intelligente, drôle et vraiment adorable. Avec ces qualités, elle pourrait sortir avec tous les garçons qu'elle voudrait. Eh bien non, c'est vers un Shinigami bagarreur, têtu, aveugle et impulsif mais tellement protecteur que son grand cœur l'avait guidée. Dans ces cas-là, au lieu de chercher à comprendre, il est plus sage de se dire "le cœur a ses raisons que la raison ignore".
Néanmoins, Chad perçut autre chose à l'origine de son malaise. Depuis quelque temps, Inoue n'était plus tout à fait la même avec Ichigo et il mettrait sa main à couper que c'était LA raison qui rendait ce dernier si agressif. A vrai dire, c'était comme si Orihime avait réalisé que son amour resterait à sens unique et qu'il était temps de passer à autre chose. C'est à partir de là que, petit à petit, elle avait commencé à se rapprocher d'Ishida, et que l'humeur d'Ichigo s'était sensiblement dégradée tout comme sa santé...
Autant résumer ça en disant que toute cette histoire ne présageait rien de bon. C'est avec un lourd soupir traduisant cette conclusion et la tête pleine que Sado participa au cours d'athlétisme également. Il passa sans se rendre compte non loin de Tatsuki et Orihime.
- Dis, Orihime.
- Um ? Quoi, Tatsuki chan ?
- Tu ne trouves pas Ichigo bizarre ces derniers temps ?
La déesse, qui jusque-là s'étirait penchée en avant en attrapant ses baskets, se figea en fronçant les sourcils.
- Bizarre, tu dis ?
- Bah oui, continua la brune en étirant ses bras au-dessus de sa tête. Il est nerveux et agité... plus que d'habitude, je veux dire. Et puis, je sais pas...
Elle s'attrapa le menton, perdue dans ses pensées.
- Il y a comme une tension chaque fois qu'il est à proximité d'Ishida. Tu n'as pas remarqué, toi qui le connais si bien ?
La belle se redressa et pencha la tête sur le côté, réfléchissant un instant.
- C'est vrai que Kurosaki kun se comporte de manière, um... « étrange » ces temps-ci mais avec moi, il agit normalement, répondit-elle en songeant à leur salutation du matin.
- Mouais..., marmonna sa meilleure amie, pas convaincue. En parlant d'Ishida, tu traînes pas mal avec lui, je me demandais si...
- Inoue ! Arisawa ! Mon cours n'est pas un salon de thé, vous discuterez plus tard ! s'énerva Kagine à plusieurs mètres. Puisque vous avez tant d'énergie, allez donc chercher le reste du matériel !
- Oui, sensei, expira Tatsuki en s'activant.
Orihime ne bougea pas tout de suite. La lèvre entre les dents, un bras sous sa poitrine, elle posa ses orbes gris là où elle percevait le reiatsu instable de Kurosaki kun. Elle avait vu au loin l'échange houleux qu'il avait eu avec Ishida kun, et sans l'intervention de Sado kun, elle savait aussi que ça aurait pu mal tourner connaissant le caractère de feu d'Ichigo.
La sœur de Sora ferma les yeux, le cœur lourd.
- Kurosaki kun...
- Orihime, arrête de rêvasser ! Je sais que je suis forte mais je ne vais pas réussir à tout porter toute seule !
- O-Oh ! se réveilla-t-elle presque en sursaut. Excuse-moi, j'arrive, Tatsuki chan !
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- Qu'est-ce que tu viens de me demander, Ichigo ?
- Allez, Tatsuki. Je te la rendrai en parfait état !
C'était la fin des cours. La championne d'arts martiaux rangeait ses chaussures dans son casier et s'apprêtait à rentrer chez elle quand son ami d'enfance l'intercepta pour lui soumettre une demande étrange : qu'elle lui prête sa voiture en échange de la sienne. Impossible toutefois pour Ichigo de lui avouer qu'il avait l'intention de pister deux personnes, et que la voiture discrète de Tatsuki se fondait mieux dans la masse que le cube écarlate capable de rouler que son père lui avait acheté.
Une main sur la taille, l'autre tenant son sac derrière son épaule, elle l'observa en plissant les yeux.
- Tu n'as pas l'air d'aller bien.
- Je vais très bien ! Tu me prêtes ta voiture oui ou non ? s'impatienta le jeune homme en jetant un œil à sa montre.
- Tu ne me la feras pas à moi, j'ai bien vu que tu n'es plus vraiment toi-même depuis un moment. Et je...
- Si c'est une manière de me dire que tu refuses de me filer tes clefs...
- D'accord, c'est bon, Monsieur le buté, craqua la karatéka en lui fourrant dans la main ce qu'il voulait. Une seule rayure sur le parc-chocs ou ailleurs et je t'inflige la même puissance dix sur ton corps, compris ?
- Merci, Tatsuki, souffla-t-il sans tenir compte de la menace.
Cette dernière le regarda filer vers la sortie d'un pas pressé.
- Je paierais cher pour savoir ce que tu manigances, Ichigo, murmura-t-elle en se grattant la tête.
La jeune fille se rendit au parking pour emprunter sa voiture de rechange. Lorsqu'elle la repéra, elle se figea sur place, la mâchoire pendante.
- Que... ?
Voilà pourquoi Ichigo avait si vite décampé. Le salaud.
- Il se fout de ma gueule ? Je ne vais quand même pas conduire ça !
Pendant ce temps, rapide comme l'éclair, Ichigo avait depuis longtemps quitté le parking pour mener son plan à bien. Il devait reconnaître que la raison principale l'ayant poussé à réussir son permis la seconde fois est qu'Ishida avait obtenu le sien -du premier coup. Et s'il était déjà proche d'Inoue à pied, ce serait pire avec une voiture. Eh bien, le destin prouva à Ichigo qu'il avait raison.
Lorsque ce matin, il avait lu dans les yeux d'Inoue qu'elle refusait sa proposition de la raccompagner, il s'était dit, pour s'aider à avaler la brique, qu'elle devait travailler et n'avait donc pas de temps à lui consacrer. Sauf que d'après ce qu'il avait vu, ce détail ne l'avait pas empêchée de montrer à bord avec Uryuu.
La mâchoire contractée, Ichigo ralentit à l'approche d'un rond point. Il les suivait depuis un certain temps en veillant à laisser deux ou trois voitures entre eux. Pas très pratique quand on suit quelqu'un, mais ce n'est pas comme s'il pouvait perdre une voiture d'un blanc douteux dans sa propre ville qu'il connaissait par cœur.
- C'est quoi ce bordel ?
Son cœur s'accéléra en constatant qu'ils ne prenaient pas la sortie menant au centre-ville, soit l'endroit où travaillait Inoue, mais la direction de... non, pas ça. Le Shinigami suppléant ne se souvint pas très bien des minutes suivantes ni d'à quel moment il mit le véhicule à l'arrêt. Ce qu'il savait en revanche, c'est qu'il se trouvait devant une résidence. La résidence où habitait Ishida.
- Merde, c'est pas vrai.
Passer autant de temps avec Inoue au lycée était déjà étrange, seulement découvrir qu'Ishida la faisait venir chez lui où d'ordinaire personne n'était le bienvenu -pas même son propre père- c'était carrément suspect.
Sans réfléchir, Ichigo déboucla sa ceinture, prêt à les rejoindre pour faire Kami sait quoi quand une sonnerie arrêta ses gestes. Désorienté, il lui fallut plusieurs secondes pour capter que c'était son portable qui sonnait.
- Allô ?! aboya-t-il, sans vérifier l'identifiant.
- Tu te permets de m'accueillir aussi sèchement alors que c'est à moi d'être en colère ?!
Re merde. Le sang d'Ichigo se refroidit. Passer si rapidement de la colère au malaise lui fit tourner la tête.
- Ikumi san...
- Ah, tu te souviens encore de mon nom ? ironisa son boss. Je devrais peut-être m'estimer heureuse après ne pas avoir vu ta tête durant deux semaines !
- C'est que... j'avais beaucoup de travail, répondit le roux en regardant Inoue et Ishida descendre de la voiture blanche.
- Et qu'est-ce que tu crois que j'ai sur les bras depuis tes absences répétées ? Et à quoi bon me demander de t'embaucher si tu croules sous le boulot ?
- Je... Ce n'est pas ce que je voulais dire ! pesta Ichigo, partiellement à l'écoute.
- Je sais ce que tu voulais dire mais ça ne change rien au fait que tu n'as pas le droit de choisir de venir bosser quand ça te chante ! tonna la femme. Tu as dix-huit ans, bon sang ! La crise d'adolescence n'est plus une excuse alors sois plus responsable de tes actes !
- Écoute, je suis désolé, d'accord ?
- Combien de fois je vais devoir te dire de cesser de me tutoyer quand je suis en colère ? s'irrita-t-elle. Ça ne m'apaise pas du tout !
Le fils d'Isshin éloigna le téléphone de son oreille, son attention focalisée sur Orihime et Uryuu qui marchaient tranquillement vers le bâtiment de ce dernier.
- Ichigo chan, tu es toujours là ?
- Putain mais qu'est-ce qu'ils foutent seuls chez lui..., grogna-t-il à lui même, un unique scénario en tête. Non, ça ne peut pas être ça...
- Ichigo chan !
- Euh, ouais, revint-il à lui sans les quitter des yeux et rapprochant son portable. T'as pas encore fini ? se plaignit-il.
- Je viens de commencer !
- Je viendrai travailler demain.
- Tu viens travailler tout de suite !
- Mais... !
- Pas de "mais" petit insolent qui prend trop ses aises ! Et n'essaie même pas de me refaire le coup de l'employé pas sérieux qui mérite de se faire virer, le prévint Unagiya, menaçante. Si je ne vois pas ton ombre sur mon paillasson dans les quinze prochaines minutes, ton salaire sera si misérable que tu me supplieras à genoux de te donner des heures supplémentaires !
Une veine pulsa sur la tempe dudit employé.
- OK, je serai là dans le temps imparti, concéda-t-il avant de raccrocher.
Le cœur doublant son rythme, il laissa ses orbes bruns se perdre sur Orihime occupée à refaire son lacet. Lorsqu'elle se redressa, un frisson familier la traversa et elle regarda autour d'elle.
- Orihime san ? l'appela Uryuu qui lui tenait la porte de l'immeuble ouverte.
- Je vais bien, assura-t-elle en se frottant l'arrière du crâne. Juste...
Son portable vibra dans sa poche en même temps qu'un bruit de moteur se faisait entendre. En tournant son joli visage sur la droite, elle aperçut l'arrière d'un véhicule noir disparaître à l'angle de la rue.
- C'est la voiture de Tatsuki chan, j'en suis sûre, se murmura-t-elle.
Une légère pression sur son bras la tira de ses déductions.
- Désolé, s'excusa le Quincy sans la libérer en la sentant sursauter. Tu étais dans tes pensées et tu marmonnais toute seule. Quand tu fais ça, c'est que quelque chose tracasse ton esprit, dit-il avec le plus grand sérieux.
La jeune femme rougit. Il la connaissait vraiment trop bien.
- C'est... euh... Je repensais à une parole gênante que Tatsuki chan m'a dite en cours de sport cet après-midi, héhé, jura-t-elle en fuyant ses iris perçants.
Le brun plissa les yeux sous la méfiance mais n'ajouta rien à ce sujet.
- Viens, l'invita-t-il en consentant à la lâcher.
- Um, j'arrive.
Elle s'avança dans son sillage sauf que parvenue à proximité des boîtes aux lettres, elle s'arrêta, ses perles de nouveau sur la rue où la voiture était partie. Sa longue chevelure soulevée au gré du faible vent tout comme sa jupe, Orihime s'entoura de ses bras en sentant sa gorge se nouer.
Quand donc arrêteras-tu, Kurosaki kun ?
La poitrine compressée, elle pénétra enfin dans le bâtiment à la suite d'Uryuu sans prêter attention au SMS qu'elle avait reçu.
°o°O°o°O°o°O°o°
La nuit était tombée sur la ville. La température limite suffocante de l'après-midi laissa place à une soirée plutôt fraîche. La lune en lame de faucille s'accrochait au ciel étoilé sans nuages tandis qu'une brise nocturne soufflait de temps à autre.
Dans une certaine boutique vendant des produits à la provenance douteuse, personne cependant ne se souciait de la nature et ses aspects. Urahara, assis en tailleur devant la petite table de son salon, s'étonnait encore de recevoir pareille visite.
- Avez-vous des questions sur ce que je viens de vous dire ? demanda Nemu, assise sur ses talons, les poings sur les genoux.
- Moi, j'en ai une. Qu'est-ce que Rukia et moi on fout ici, bordel ? craqua Renji, posé à côté d'elle.
- J'approuve Renji, appuya son amie d'enfance.
- Ma foi, je me demande moi-même pourquoi vous posez cette question après avoir volontiers avalé mon thé et mes petits gâteaux, répliqua le vendeur en s'éventant.
- Pour une fois que tu offres quelque chose sans demander de contrepartie, on va pas refuser ! rosit le tatoué, se sentant -à juste titre- visé. Je savais que j'aurais dû me méfier de ta « générosité ».
- Tch ! T'as pensé ça une fois ta panse remplie à ras bord, se moqua Jinta en passant dans le couloir. La seule chose qu'on te demande, c'est de dépoussiérer à défaut de ne pouvoir t'occuper de ton crâne vide qui n'est qu'un enchevêtrement de toiles d'araignée !
- Enfoiré de mes deux, t'insinues que je suis con ? s'emballa le vice-capitaine de la 6ème division.
- Ha ! J'en suis persuadé depuis la première fois que j'ai vu ta face de babouin sans cervelle ! rétorqua la voix étouffée de l'adolescent.
- Je vais le défoncer jusqu'à faire un collier pour Zabimaru avec ses os, je reviens.
- Reste là, Renji ! le retint par l'oreille Rukia, agacée.
- Aïe ! Lâche-moi, je dois aller refaire la tronche de ce merdeux !
- Il faut savoir accepter la critique, Abarai san, commenta Kisuke derrière son éventail. C'est le premier pas vers la guérison.
- Quoi ?! Tu approuves ce qu'il m'a dit !? s'indigna le concerné. Et ne parle pas comme si j'étais malade ou gravement atteint !
- Ai-je dit cela ?
- Tu l'as sous-entendu !
- La nourriture que tu as ingurgité doit agir sur ton audition, mon cher.
- Tu sais ce qu'elle te dit mon audition espèce de... !
- S'il vous plaît ! cria Rukia, sa patience s'usant. Le vice-capitaine Kurotsuchi attend encore ta réponse, je te ferais remarquer, Urahara !
- Oups, où avais-je la tête pour oublier une si charmante jeune femme ? Ouch !
Voilà un coup de pied made in Kuchiki Rukia qu'il ne risquait pas d'oublier de sitôt. Il redressa son bob et prit une expression sérieuse.
- Dis à Kurotsuchi Mayuri que j'accepte de l'aider et que je le tiendrai informé dès que j'aurai des informations.
- Bien, répondit Nemu.
Elle se releva et s'inclina.
- Je vous remercie de m'avoir reçue en dépit des nombreux désaccords entre vous et mon capitaine.
- Allons, allons, ce n'est pas comme si je pouvais refuser de prêter une oreille attentive à une si jolie...
Il croisa le regard meurtrier de la sœur de Byakuya et toussa dans son poing.
- Je veux dire, de rien, Nemu san. Mes salutations à ton capitaine.
- Je ne manquerai pas de les lui transmettre.
- Tessai !
Le grand homme coulissa la porte en moins de deux secondes.
- Oui, Patron ?
- Raccompagne notre invitée, veux-tu.
- Bien sûr.
Tous deux ne tardèrent pas à quitter le salon étrangement calme. Pas pour longtemps.
- Je ne sais pas ce qu'est ce foutu « 3 G406 » mais ça doit être un truc dangereux et super louche pour que le Capitaine Kurotsuchi s'abaisse à te demander de l'aide, souffla Renji en s'étirant.
Déduisant que cette remarque oscillait entre le compliment et l'insulte, Kisuke préféra s'abstenir de faire un commentaire.
- Bon, puisque nous sommes là pour un temps indéfinissable, on peut en profiter pour prendre des nouvelles de nos amis, lança la petite Kuchiki en attrapant un biscuit dans l'assiette entre eux. Comment vont Ichigo, Inoue, Sado et Ishida ?
Le blond baissa son chapeau rayé sur son front, plongeant ainsi son regard plus intelligent qu'il n'y paraissait dans l'ombre.
- Les trois derniers vont apparemment bien, mais le premier... c'est autre chose.
Rukia et Renji échangèrent un coup d'œil perplexe, les sourcils froncés.
- Comment ça « autre chose » ? Qu'est-ce qui se passe encore avec Ichigo ? s'informa le maître de Zabimaru.
°o°O°o°O°o°O°o°
Au même moment, chez lui, l'intéressé se détournait de son ordinateur après le même rituel. Puis, il saisit son portable, le consulta et le jeta sur son lit avant de s'y allonger, l'avant-bras en travers de son visage. Après le soleil ce matin, c'était la lune qui éclairait partiellement sa chambre maintenant.
Un soupir s'échappa de ses lèvres entrouvertes, soupir en disant long. Le pire, c'est que ce n'est même pas son corps courbaturé à cause de tout le travail qu'Ikumi lui avait donné soi-disant sans vouloir se venger qui lui faisait mal. Non, il en avait tout simplement marre de baigner dans ce sentiment lui rongeant les entrailles jour après jour. C'était comme s'il s'empoisonnait lui-même en ayant l'antidote à portée de main sans pourtant pouvoir l'atteindre.
- Bon sang, combien de temps je vais encore tenir ? évacua-t-il, la voix chargée de lassitude et d'autre chose. A ce rythme, je risque vraiment de...
- Onii chan ? Je peux entrer ? demanda Yuzu dans le couloir.
Son frère se découvrit le visage et s'assit en se passant une main dans les cheveux.
- Ouais, vas-y.
Elle s'exécuta mais resta à l'entrée, faisant juste le nombre de pas nécessaire pour le voir. D'après son comportement et l'expression de son visage, on comprenait qu'elle sentait que son onii chan n'allait pas bien et qu'elle désirait lui laisser un minimum d'espace.
- Ton dîner refroidit, tu ne descends pas manger?
- Non, je n'ai pas faim. J'aurais dû te prévenir, désolé que tu m'aies servi pour rien.
- Ah ce n'est pas grave ! le rassura la petite maman en agitant les mains. Ce n'est pas la première fois, tu es comme ça ! Je vais te garder ton repas au frais, tu mangeras quand tu auras faim, comme d'habitude ~
- Merci, Yuzu.
Le sourire de la jumelle de Karin s'évanouit lorsque son aîné se leva pour se rendre devant la fenêtre, les mains dans ses poches, le regard vide. Les deux poings serrés devant sa poitrine, elle se mordit la lèvre dans l'inquiétude.
- Tu n'es pas obligé de tout garder pour toi quand tu souffres en croyant qu'on l'ignore. Si tu n'arrives pas à parler à papa, Karin chan et moi sommes là, et on t'aime.
Ses paroles résonnèrent dans le corps du jeune homme qui se raidit.
- Yuzu, je...
Elle était déjà partie.
- Pff...
Il aurait dû s'en douter après tout : il était tellement nul pour cacher qu'il allait mal que sa famille et certains de ses amis proches, comme Chad et Tatsuki, le décelaient sans le moindre problème.
- Je devrais aller prendre l'air.
Comme pour l'exaucer, son badge cria au Hollow. Il ne tarda guère à prendre sa forme de Shinigami et sortit dans la nuit. Ça lui ferait du bien d'évacuer sa frustration d'inquiéter son entourage, surtout ses petites sœurs, sans le vouloir.
Ichigo trouva le Hollow sur le toit de l'hôpital. Il ressemblait à s'y méprendre à un serpent croisé avec une anguille, le haut du corps ployant dans l'air. Un hybride en somme parfaitement répugnant.
- Bon allez, qu'on en finisse, marmonna-t-il, dégainant Zangetsu.
Avec un cri, il descendit en piqué sur son ennemi qui ondula pour l'éviter, et donc le força à atterrir sur le rebord.
- Ah ouais, t'es aussi agile qu'un serpent en fait.
Le monstre tenta d'enrouler son corps flexible autour de lui, mais le roux disparut en un shunpo avant de se retrouver piégé, et réapparut sur sa tête hideuse.
- Tu n'auras même pas été suffisant pour m'échauffer, expira-t-il.
Le Hollow poussa un cri qui s'éteignit dès que le zanpakuto lui fendit le crâne. Son sabre en travers des épaules, le fils Kurosaki laissa le vent jouer avec ses cheveux qu'il devrait prendre le temps de couper.
- Et maintenant ?
Consciemment, il fixa un endroit précis de ses iris marron teintés de la tristesse qu'il n'arrivait pas à exprimer. Son cœur obéissant à la commande de son esprit, le lycéen eut encore recours au shunpo. Il arriva bien vite sur les lieux. La lumière était encore allumée comme il s'y attendait et il y avait du mouvement d'après les ombres derrière le rideau.
L'attention d'Ichigo fut soudain attirée par le bruit d'une porte qu'on ouvre. Ce qu'il vit manqua de le faire tomber en chute libre.
Alors là, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.
- A demain, Uryuu kun ~ ! gazouilla Orihime, agrippée à sa porte d'entrée.
- A demain, Orihime san, lui sourit-il en serrant sa main dans la sienne.
Une certaine personne ne rata rien de l'échange, ce qui accéléra la vitesse de son sang dans ses veines et enfla son sentiment difficile à garder sous contrôle. De sa position, il ne voyait pas bien Inoue, mais il avait bien percuté quand Ishida lui avait pressé la main. Et, bordel de merde, comme si ça ne suffisait pas, ils s'appelaient par leurs prénoms.
La porte claqua. Le président du conseil des élèves descendit les marches et stoppa ses pas au bas de celles-ci.
- Tu as beau essayer de te cacher, ton reiatsu reste perceptible à mes sens, Kurosaki.
Le mentionné émergea de la ruelle sombre.
- Je ne me cachais pas.
Le Quincy jeta un œil froid par-dessus son épaule, remonta ses lunettes et lui fit face, le dos bien droit.
- Que fais-tu là ? N'es-tu pas supposé être chez toi avec ta famille ?
- J'allais te poser la même question. N'es-tu pas supposé être chez toi seul ?
Ils se fusillèrent du regard.
- Depuis quand tu es aussi proche d'Inoue pour squatter chez elle ? siffla le Shinigami.
- Je ne squattais pas, cela est plus le genre d'Abarai kun.
- Tu veux me faire croire qu'elle t'a invité ?
- Et si c'était le cas ? le provoqua Uryuu, une main dans sa poche.
- Quoi ?
- Cela te poserait-il un problème ? Non pas que cela me préoccuperait.
Un muscle se contracta sur la joue d'Ichigo qui décida d'attaquer sous un nouvel angle.
- Je ne pige décidément pas pourquoi vous êtes aussi proches tous les deux. Vous vous appelez même par vos prénoms, toi qui n'autorises personne à le faire à cause de ta stupide fierté et ton sens aiguisé des bonnes manières.
- Ce que tu ne comprends pas ne peut pas te faire de mal, lui retourna le brun, le majeur au centre de sa monture.
- Ne te fous pas de moi ! explosa le frère des jumelles, faisant un pas vers lui. Je veux savoir ce qu'il y a exactement entre vous !
- Est-ce un ordre ?
- Prends-le comme tu veux, j'en ai rien à foutre, vociféra l'impulsif.
- Toujours aussi grossier, releva son ami avec mépris.
- Ta gueule, contente-toi de me répondre !
- Ce que tu viens de dire est très paradoxal, tu sais.
- Ishida !
La tension était crépitante. Ichigo donnait l'impression d'être sur le point de s'enflammer au sens propre tant la colère -la haine- s'échappait de lui. Parfaitement conscient de cela, Uryuu ne se laissa pas intimider pour autant. Il abaissa lentement son bras qui retomba le long de son corps mince, ses yeux bleus indéchiffrables.
- Ce que je peux dire, faire ou même partager avec Orihime san ne te regarde en rien.
Un vif éclat traversa les orbes ambrés d'Ichigo une seconde avant que son poing n'entre en collision avec la mâchoire d'Ishida qui tomba sur l'asphalte.
- Cette fois, Chad n'est pas là pour s'interposer et te protéger de mon poing que j'ai envie de te balancer depuis des semaines, déclara-t-il avec un rire sans joie, le souffle irrégulier, le visage baissé.
Le Quincy se releva en essuyant le sang au coin de ses lèvres avant d'épousseter ses vêtements.
- Je sais que tu étais là à nous espionner après les cours et je sais ce que tu essayes de faire, mais tu perds ton temps, Kurosaki, l'avertit-il, très calme malgré la situation. Je n'ai aucune envie de t'affronter pour quelque raison que ce soit mais si tu m'y obliges, tu me retrouveras face à toi.
- Inoue est la raison.
Uryuu crispa sa mâchoire douloureuse, plissa les yeux et serra son poing droit. Comme pour s'empêcher de commettre quelque chose qu'il pourrait regretter, il lui montra son dos et observa le ciel sans vraiment le voir.
- Dans ce cas tu as choisi ton camp, les conséquences avec.
Sur ces mots, il s'éclipsa avec le hyrenkyaku.
Ichigo resta un moment au même endroit, l'amalgame d'émotions affluant en lui pas loin de le rendre fou. Sans penser rationnellement, il monta les escaliers quatre à quatre et cogna à sa porte sans redresser la tête, dissimulant ainsi son expression.
- C'est encore toi, Uryuu kun ? demanda la voix proche d'Orihime qui déverrouilla. Tu as...
Elle se figea net, sa chemise s'ouvrant sous le choc.
- Ku-Kurosaki kun, reconnut-elle sur le palier, son oxygène coincé dans sa gorge.
Oh, Kami, mais que faisait-il ici ? Et d'après sa posture...
- Je... tu... tu as l'air en colère.
Stupide bouche. Pourquoi devait-elle sortir ça quand c'était évident et qu'elle risquait précisément d'accroître sa dite colère ? Difficile de dire s'il l'avait de toute façon entendue puisqu'il entra dans l'appartement d'un pas décidé sans y avoir été invité.
- Euphémisme.
- Eh ? fit-elle en le suivant des yeux, fermant machinalement la porte.
- Je ne suis pas en colère mais furieux, précisa-t-il en grognant presque.
- Attends, tu ne devrais pas entrer, ce n'est pas...
- Ishida était bien là, cracha-t-il.
- Oui, mais... une minute. Comment tu le sais ? lui demanda-t-elle, les sourcils froncés.
Le fils Kurosaki regarda attentivement autour de lui avant de reposer ses iris flamboyants sur elle, ignorant sa question.
- Tu étais avec lui dans cette tenue ? se renseigna-t-il, la voix tremblante.
La beauté auburn cligna des yeux, confuse.
- Hein ?
- Je ne t'ai pas bien vue quand tu lui as dit au revoir avec enthousiasme alors je te demande si tu étais coincée avec lui habillée comme ça, réitéra-t-il entre ses dents serrées, une très légère coloration sur les joues.
La sœur de Sora baissa ses perles grises et remarqua enfin que son soutien-gorge rose en dentelle était parfaitement visible entre les pans de sa chemise. Son visage changea de couleur, heureusement qu'elle portait un vieux pantalon de jogging dessous. L'agacement concurrença néanmoins sa gêne : il débarquait chez elle sans prévenir, se permettait de lui faire des remarques après l'avoir espionnée et lui posait des questions comme si elle avait fait quelque chose de répréhensible. Quel était son problème ?
- Je ne vois pas en quoi ça te..., commença Orihime en se couvrant vivement, les bras sous ses seins.
- Contente-toi de me répondre, l'interrompit sévèrement Ichigo.
Il dut percevoir l'effet de son ton sec sur elle, car il regarda sur le côté en serrant le poing et ajouta presque à contrecœur :
- ... S'il te plaît.
Elle le fixa pendant au moins dix secondes, se demandant s'ils avaient vraiment cette conversation.
- Je m'apprêtais à prendre ma douche avant d'aller me coucher, lui expliqua Inoue. Je ne veux pas me montrer impolie, mais si tu voulais bien me laisser que je puisse...
Le reiatsu du Shinigami fluctua.
- Tu t'apprêtais à prendre ta douche avant ou après son départ ? la coupa-t-il, marchant lentement vers elle.
Les yeux de la jeune fille s'écarquillèrent.
- Comment ?!
Était-il sérieux en se montrant aussi intrusif dans tous les sens du terme ?
- Kurosaki kun...
- Pas de détour. Ne me force pas à me répéter.
- Qu'est-ce que tu sous-entends en me posant cette question déplacée ? répliqua-t-elle nerveusement.
- A toi de me le dire. Je remarque quand même que ma question ne te met pas si mal à l'aise, mit-il froidement en évidence.
Notant qu'il était de plus en plus proche, la belle fila dans le salon. Elle ne pouvait pas lui faire face quand il était dans cet état et surtout, si légèrement vêtue.
- Tu devrais rentrer chez toi, Kurosaki kun. Ta famille va se demander où tu es passé.
- Tu me mets à la porte ? comprit ce dernier, sa colère augmentant. Je n'ai pas l'impression que tu aies réservé ce même traitement à Ishida.
La lycéenne ferma brièvement ses paupières, la main sur la poignée de la porte de sa chambre.
- Je te demande simplement de me laisser, murmura-t-elle, tenant étroitement sa chemise avec sa main libre.
- Pourquoi ? n'en démordit pas Ichigo qui avait marché dans son sillage. Pour mieux l'appeler ou lui demander de revenir pour me faire dégager ?
- Ne dis pas de bêtises, je n'irais pas jusque-là ! perdit patience la jeune femme.
- C'est bien ça que je cherche à savoir ! continua le roux en haussant davantage la voix. Jusqu'où es-tu allée avec lui ?
- Pardon ?! s'étrangla-t-elle en rougissant. C'est... C'est pas comme si je te devais des comptes ou...
- Et tu crois que je vais me contenter d'une réponse aussi lamentable ?
- C'est la vérité.
- Non, je crois plutôt que tu te fiches de moi !
- Je ne ferais jamais ça ! se défendit l'accusée, horrifiée.
- Alors éclaire-moi ! l'implora-t-il. Tu ne me regardes même pas, ce qui en dit déjà long ! Tu dois craindre que je lise la réponse dans tes yeux, n'est-ce pas ?!
Fait chier. Pourquoi diable l'un et l'autre refusaient de lui donner une réponse claire s'ils n'avaient rien à cacher ? Pourquoi ?!
- Vous êtes si proches que ça en devient suspect !
- Tu es si énervé que ça en devient ridicule, Kurosaki kun, essaya de le raisonner la princesse en se retournant vers lui malgré elle.
Ses doigts en boule devant sa poitrine, elle réprima une exclamation. Le souffle d'Ichigo sortait en petite quantité, ses iris étaient dilatés et son corps extrêmement tendu. Divers sentiments l'entouraient : la colère, bien sûr, mais également l'incompréhension, le dégoût et... la trahison ?
- Pourquoi ça te met dans un tel état ? souffla-t-elle à mi-voix, bouleversée. Je croyais...
- Ne change pas la direction de la conversation, anticipa le jeune homme.
- Je m'efforce de comprendre. Dès qu'il s'agit d'Uryuu kun, tu...
- N'essaie pas non plus de me faire croire que je n'ai aucune raison de réagir comme ça parce que s'il n'y avait vraiment rien entre vous, tu me l'aurais déjà dit ! lui envoya-t-il au visage. Alors ?
- J-Je...
Sa présence la rendait tellement nerveuse, l'étouffait, la ravageait. Il chamboulait tous ses sens rien qu'avec son aura pesante. Il valait mieux qu'elle se change, sa tenue n'était vraiment pas appropriée à la situation. Orihime entra dans sa chambre et referma sur son passage. Ce qu'elle n'avait pas prévu, c'est qu'il la suivrait même dans cette pièce et les enfermerait.
Le cœur de la guérisseuse remonta dans sa gorge. Était-il devenu fou ?!
- Kurosaki kun ! Enfin, mais qu'est-ce qui... !
- Arrête ! s'écria-t-il si fort qu'elle eut un haut-le-corps.
Comme par hasard, ses pieds s'emmêlèrent dans le futon et elle tomba à la renverse, ses cheveux étalés autour de sa tête, les jambes écartées. Une nouvelle fois, merci à Kami sama de lui avoir fait mettre ce jogging. Mais manque de bol, sa chemise déboutonnée dévoila encore ses généreux atouts. Elle gémit intérieurement. La soirée allait de catastrophe en catastrophe.
Toujours remonté, Ichigo appuya Zangetsu contre le mur puis vint la dominer de toute sa hauteur. L'intensité de ses yeux marron la força à rester clouée au sol.
- Tu sais à quel point tu me rends fou ?
Orihime avala péniblement sa salive. Sa voix était remplie de reproches et... d'autre chose.
- Je me demandais justement pourquoi tu es entré dans ma chambre.
- Je ne fais pas référence à ça et tu le sais.
Ses orbes brûlants balayèrent son corps sinueux et la pauvre se tortilla dans l'inconfort.
- Et moi alors, qu'est-ce que je devrais dire ? confessa-t-elle courageusement, maintenue sur ses coudes. Tu passes ton temps à me surveiller, à me...
- Je te fais peur ? supposa-t-il, un nœud à l'estomac tout en s'accroupissant devant elle.
Oh non, voilà qu'il réduisait leur proximité. L'interrogée lécha ses lèvres sèches. Geste qui attrapa le regard d'Ichigo qui devint plus foncé.
- C'est ton comportement qui m'effraie, lui avoua-t-elle enfin. Tu ne vas pas bien, tu es nerveux et... omniprésent au quotidien. Je sais que tu m'as suivie chez Uryuu kun aujourd'hui et là, te revoilà.
Ses yeux se remplirent de larmes sans qu'elle sache pourquoi exactement.
- C'est très dur car je n'arrive pas à te comprendre.
- Je crois que ça l'est davantage pour moi, murmura le roux, un peu plus calme.
- Ne crois pas ça.
Il fronça les sourcils.
- Comment ça ?
La demoiselle renifla et essuya son petit nez rose du revers de la main.
- Parfois, tu es si... tu en fais trop. J'en suis presque venue à te...
- Me détester ? suggéra Ichigo.
- Disons que je t'en ai beaucoup voulu, tu n'as pas idée à quel point ton attitude a de l'impact sur les autres. Tu... Tu en as beaucoup sur moi.
- Je sais que je peux être collant mais c'est ainsi que je suis quand je tiens à quelque chose ou à quelqu'un. Je ne parle pas. J'agis.
Orihime capta l'allusion, ce qui accentua son teint écarlate. Ils se regardèrent sans rien dire pendant une longue minute. Finalement, Ichigo grimpa sur le futon et la chevaucha. La beauté auburn émit un couinement aigu en se rallongeant instinctivement tandis qu'il s'asseyait sur son bassin en retenant son poids. A quoi pensait-il en agissant de la sorte nom d'un kami ?! Et puis ses beaux yeux pénétrants qui la transperçaient à travers sa frange orange en épis...
- Si mon comportement t'intriguerait autant, tu chercherais à en comprendre l'origine, affirma-t-il en s'immergeant dans ses prunelles argentées. Tu ignores mes SMS, mes mails, mes appels. La première chose que je fais en me réveillant le matin, c'est vérifier si tu m'as répondu et c'est la dernière chose que je vérifie le soir. Tu refuses de te retrouver seule avec moi et tu as toujours une bonne excuse pour m'éviter, mais pas Ishida pour qui tu as toujours du temps.
Ses paroles firent chuter les larmes de Hime.
- Kurosaki kun...
- Je t'ai dit d'arrêter, répéta celui-ci en se penchant dangereusement, les mains de chaque côté de ses frêles épaules.
La déesse posa ses paumes sur son torse afin de l'empêcher de se coller à elle comme elle le sentait sur le point de le faire. Elle avait déjà du mal à supporter la faible distance entre eux, alors un contact plus étroit entre leurs deux corps...
- Tu as raison, Orihime, enchaîna Ichigo à cinq centimètres de son visage humide empourpré, sa respiration se mêlant à la sienne plus rapide. Je ne vais pas bien. En fait, la plus violente douleur physique infligée lors de mes combats n'est rien du tout en comparaison à la souffrance que je ressens depuis ce foutu jour où tu as rompu avec moi.
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« Fuis-moi, je te suivrai. Blesse-moi, je te pardonnerai. Déteste-moi, je t'aimerai.
Parce que je tiens à toi. »
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Non, vous ne rêvez pas !? XD C'est bien une nouvelle fiction. Le dernier chapitre de « Pardonne-moi » est écrit, il me reste à le taper mais j'ai ressenti le besoin de me détacher de cette fic pour me consacrer à celle-ci dont l'idée a émergé dans ma tête il y a peu... Je vous remercie pour la lecture et vous dis à la prochaine. Bisoux !
