Performance in a leading role, traduction.

LeRoyaumeSousLaPluie.


Voici la traduction de ma fic préférée, j'espère qu'elle vous touchera autant que moi. J'indique aussi les dialogues avec le système de guillemets anglo-saxon. Ne m'en veuillez pas, c'est le système que je préfère. Bonne lecture!

Avertissement: les dialogues et les rumeurs assignés aux personnages d'Hollywood sont de l'invention de Madlori.


Chapitre 1

S'il n'en avait pas déjà été amèrement conscient, Sherlock Holmes aurait compris que sa carrière glissait dans l'oubli à la manière dont les gens l'accueillaient à l'agence. Cinq ans plus tôt, dès son arrivée, tous les regards se seraient tournés vers lui. Coups d'œil timides et rougissants, battements de cils, sourires larges et fiers. Précipitation pour lui apporter du thé et pour prendre son manteau. Cette impression de succès commun provoquée par la réussite de leur client... On est les champions! Un acteur de l'agence qui remportait un Oscar, c'était toute l'équipe qui remportait la coupe du monde. L'avenir de chacun en était illuminé.

Aujourd'hui, les gens l'évitaient. Quand votre dernier film était un fiasco dont les critiques ne savaient que dire, précédé par une suite d'œuvres assez douteuses, personne ne voulait plus croiser votre regard. Il ne rapportait plus de commissions; son prix de départ avait chuté. Les réalisateurs ne faisaient plus la file chez son agent pour le supplier de lui transmettre des scripts.

Le seul point positif à tout cela était que les paparazzi lui fichaient la paix. Mon dieu, comme il détestait Los Angeles. Londres ne valait guère mieux, les tabloïds y étaient même pires. Mais là-bas, au moins, il savait où trouver refuge. La communauté était plus étroite; il avait été à la R.A.D.A. avec la moitié de l'industrie du film britannique. Ici, c'était chacun pour soi.

Greg l'attendait dans le bureau de son assistant. Il sourit en lui serrant la main. "Sherlock. Entre."

Sherlock suivit Greg dans son bureau discret. Il faisait partie des agents les plus en vue d'Hollywood, mais Greg était calme et efficace. C'était l'une des raisons pour lesquelles Sherlock l'avait choisi dix ans plus tôt, quand sa première nomination l'avait transformé du jour au lendemain en produit de luxe. Il n'avait pas besoin d'une pom-pom girl ou de quelqu'un qui flatterait son ego. Il avait besoin d'un partenaire, et c'est ce que Greg était devenu.

"J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle," dit Greg en s'asseyant. Sherlock l'imita. "Tu veux laquelle en premier?"

"Je crois déjà savoir de quoi retourne la mauvaise nouvelle," dit Sherlock.

"J'ai parlé à David. Il ne vont pas te faire d'offre."

Sherlock soupira. "Ce rôle est pour moi, Greg. Je le mérite, bon sang. Je le vois déjà dans ma tête."

"Je ne dis pas le contraire. Mais ils vont prendre une autre direction."

Il plissa les yeux. "Quelle direction?"

Greg hésita. "Rien n'a été annoncé, mais - j'ai entendu dire qu'ils allaient l'offrir à Robert."

Sherlock en resta bouche bée. "Dis-moi que tu plaisantes."

"C'est très sérieux."

"Il a dix ans de plus que moi! Le personnage est censé avoir trente ans!"

"David connait bien Robert, ils ont déjà travaillé ensemble."

"Ce type joue tous les rôles comme si c'était lui-même!"

"C'est un bon acteur, Sherlock. Ses deux derniers films ont rapporté une coquette somme. Et il ne rend pas ses réalisateurs hystériques sur le plateau."

Sherlock renifla. "Robert Downey Jr et moi envisagés pour le même rôle... C'est insultant."

"Ne monte pas sur tes grands chevaux. Il te reste encore d'autres options. Quentin a encore appelé..."

"Non."

"C'est un rôle très intéressant."

"C'est un petit rôle, voilà tout. Je ne vais pas prendre un de ces seconds rôles de Quentin estampillés 'sauvons les has-been'."

"Il a sauvé des carrières plus mal en point que la tienne, tu sais."

"Je ne suis pas encore en position d'aller mendier chez ce vendeur de vidéos, tout de même?"

"Non, je ne dirais pas ça." Il joignit les mains sur son bureau. "Mais tu en prends le chemin, Sherlock. Tu me payes pour être honnête, alors voilà... la malédiction des Oscars est bien réelle."

Sherlock renifla. "Non, elle ne l'est pas. C'est une simple manifestation de régression vers la moyenne. Un résultat exceptionnel est un piédestal professionnel, donc les éléments de données subséquents vont tendre à nouveau vers la moyenne, ce qui donnera l'impression d'un déclin."

"Peu importe comment tu l'expliques, tu n'es pas immunisé. Ta gloire est épuisée. Kanisza remonte à cinq ans. Personne n'a oublié de quoi tu es capable, tu l'as prouvé à plusieurs reprises. Mais l'argent n'est pas là, et c'est tout ce qui compte."

"Puis-je te rappeler que personne n'avait prédit que Kanisza rapporterait autant d'argent? Et que ce succès financier était dû au choc provoqué par ma nomination?"

"Inutile de me le rappeler. Je répète ce raisonnement aux réalisateurs et aux producteurs chaque jour. Mais ce genre de succès est difficile à reproduire. Et certains de tes choix depuis lors n'ont pas été très - orthodoxes."

Sherlock soupira. "Vas-y, dis-le. 'Je te l'avais bien dit'."

"Je ne dirais jamais une chose pareille. Je suis ton agent, tu me paies pour conclure des accords en ton nom, pas pour te dicter tes choix artistiques. Mais tu ne facilites pas les choses."

"L'argent m'importe peu. Le travail est tout ce qui compte à mes yeux. Je veux quelque chose d'intéressant, un défi. Si j'étais vénal, je jouerais dans des drames historiques, ou je jouerais les méchants de film d'action jusqu'à ma retraite, quitte à mourir d'ennui."

"Tu viens de décrire la carrière d'Alan Rickman. Ne la dénigre pas, s'il te plait."

"Alan a encore les bénéfices d'Harry Potter pour vivre jusqu'à la fin des temps. Ses ennuis sont finis. Mais moi, tout ce qui m'intéresse, c'est d'avoir des rôles qui valent mon temps et mon travail."

"Mais tes films ne rapportent pas d'argent. Si tu continues à prendre ces rôles de petits films indépendants, tu devras bientôt déménager à Burbank. Tu peux parler de l'argent comme d'une chose insignifiante parce que tu en as... pour l'instant. Le succès au box office est directement convertible en liberté artistique. Je sais que tu veux aider à produire les scénarios que tu trouves intéressants. Je sais que tu veux avoir le choix. Mais pour cela il te faut de la valeur marchande. Et la tienne s'écoule rapidement." Greg prit une grande inspiration. "On ne peut pas se permettre un autre désastre comme Le Paradoxe de Schrodinger."

Sherlock se tendit, serrant les dents. "Ce n'était pas ma faute."

"Non."

"Le studio a massacré le film. Paul a presque perdu la tête. Les réécritures ont tué le scénario."

"Rien à redire. Mais les critiques..."

"Ma performance a reçu des remarques positives malgré tout."

"Ce n'était pas assez pour sauver le film. Ils ont perdu deux cent millions de dollars, Sherlock. Ils avaient tout misé sur toi."

"Je ne peux pas porter toute une production! J'ai signé pour une œuvre sérieuse et contemplative et les studios ont décidé d'en faire un film d'action futuriste!"

"Personne ne t'accuse."

"Personne ne m'engage non plus."

Le silence s'installa. Finalement, Greg soupira. "Bon, on n'a pas encore fini. J'ai quelques projets intéressants."

Sherlock se redressa. "D'accord. Voyons ça."

"Le premier pourrait être une franchise."

"Une franchise? Tu dis ça pour rire?"

"Non. C'est un projet assez atypique. C'est basé sur une série de livres, la série des Unités de l'Ombre. Ça parle d'une équipe d'experts comportementalistes du FBI qui enquêtent sur un phénomène paranormal."

"Ça a l'air ridicule."

"En fait c'est assez fascinant. Réaliste, noir et intelligent. Il y a un personnage fantastique pour toi, il est un peu plus jeune que toi, mais je pense que tu peux le jouer. C'est le petit génie de l'équipe."

"Comme c'est approprié. Qui dirige cette perle?"

"Eh bien accroche-toi. Ce sont les Coen."

Les yeux de Sherlock s'arrondirent. "Les Coen se lancent dans une franchise paranormale?"

"C'est à peu près le seul genre auquel ils n'ont pas touché."

"Hmm. Je jetterai un œil aux livres. Il y a un script?"

"Pas encore. C'est en développement."

Sherlock grimaça. "Alors c'est seulement pour dans quelques années, si ça aboutit."

"Ils en sont au casting, donc ce n'est pas encore très avancé."

"Quel est l'autre projet?"

"Eh bien, je pense que c'est celui que tu devrais le plus envisager. J'ai reçu un coup de téléphone d'Ang Lee. Il désire te rencontrer pour un rôle dans son nouveau film."

"Quel est le film?"

"C'est à propos d'un couple gay."

"Ah, encore?"

"Ce n'est pas un Brokeback Mountain II. Ang voudrait faire un film qui ne soit pas un 'film gay'," dit Greg en mimant des guillemets.

Sherlock fronça les sourcils. "Qu'est-ce que tu veux dire?"

"Il ne désire pas aborder les thèmes gay habituels. Le sida, l'homophobie, le coming-out, la religion, les désaccords familiaux... Il veut faire le genre de film qu'on pourrait faire sur n'importe quel couple, sauf que ce couple sera constitué de deux hommes. J'ai lu le scénario. Je crois qu'il est bon. Très honnête, très sobre."

"Je ne sais pas, Greg. Incarner un personnage gay, c'est plutôt risqué. Ça ne devrait pas, mais c'est un risque."

"Regarde ce que ça a donné avec Heath Ledger."

"Triste exemple. Le pauvre garçon est mort."

"Oui mais avant ça, sa carrière atteignait des sommets."

Sherlock soupira. "Qui a écrit le scénario?"

"C'est une scénariste débutante, Molly Hooper. Il paraît qu'elle a écrit le scénario en pensant à toi."

"Génial. Une fanfiction."

"Ça n'y ressemble pas." Greg fouilla dans son tiroir et en tira un script. Il le lança à Sherlock. "Prends-le chez toi. Lis-le. Quand tu auras fini, on en reparlera."


Sherlock emmena le script chez lui, dans l'appartement qu'il gardait à Los Angeles pour les séjours obligatoires qu'il y faisait. Il s'installa dans son patio avec un verre de vin et son ordinateur, et commença la lecture.

Quatre heures plus tard, il composa le numéro de Greg.

"Lestrade."

"Greg, c'est Sherlock."

"Alors?"

"Il faut que je sois dans ce film. Il le faut."

"Je le savais."

"Il faut changer le titre, par contre. 'Silence et Mort'? Complètement glauque. Ça sonne comme un film de Jim Jarmush, et on ne peut pas dire que le public se rue sur ses films, n'est-ce pas?"

"Je suis d'accord avec toi pour le titre, il y a matière à discussion. Alors, j'appelle Ang?"

"Dis-lui que j'auditionnerai pour lui, s'il le veut."

"Ah, tu consens à auditionner pour un rôle?"

"Pour celui-là, j'auditionnerai."

"Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Tu es l'acteur qu'il veut."

"Il peut me payer une bouchée de pain, je m'en fiche. Je veux le faire."

"Je ne t'ai jamais vu aussi excité pour un rôle, il me semble."

"C'est un rôle fantastique. Je vois en quoi cette Molly Hooper a trouvé de l'inspiration chez moi, mais Benjamin est... il est différent. Il est dans un cocon. Il y a aussi ce fantastique développement cyclique qu'elle a mis au point pour lui. C'est très intéressant."

"Je suis ravi que tu réagisses aussi bien. Et on ne te fera pas jouer pour une bouchée de pain, à mon avis."

"Est-ce qu'ils ont déjà attribué l'autre rôle? Qui veulent-ils pour jouer Mark?"

"Je ne suis pas vraiment..."

"Parce que j'ai quelques idées sur la question. Oh, je devrais appeler Jimmy, il adorerait ce rôle. Mais je crois qu'il est engagé sur Wanted. Tu sais qui serait fantastique? Matt Goode. J'ai fait un épisode de Buzzcocks avec lui, il était adorable."

"Sherlock."

"Quoi?"

Il entendit Greg soupirer. "J'ai peur que tu n'aimes pas beaucoup ce que je vais te dire. Il n'y a pas encore eu d'offre, mais le directeur de casting m'a dit que Ang voudrait John Watson."

L'estomac de Sherlock se serra. "Pardon?!"


John cligna des yeux. "Arrête ton char."

Mike sourit d'une oreille à l'autre. "Je suis sérieux, mon vieux."

"Arrête. Arrête ça tout de suite."

"Je suis sérieux! Est-ce que je mentirais sur une chose pareille?"

John saisit la veste de Mike, rayonnant. "Ang Lee veut me parler d'un rôle? Un rôle dans lequel je ne dois pas faire des yeux de merlan frit à une starlette de dix-huit ans?"

"Tu m'as bien entendu."

"Rappelle-le tout de suite! Prends rendez-vous maintenant, aujourd'hui! Où il veut!"

"Tu ne veux pas lire le scénario avant?" demanda Mike en riant.

"Bah, est-ce que c'est important?"

"Tu jouerais la moitié d'un couple gay."

"Je jouerais un serial killer transsexuel s'il me le demandait. Le scénario est bon?"

"Il est extraordinaire. Il pourrait révolutionner ta carrière, John."

"Ne te fiche pas de moi, Mike."

"Tu pourrais sortir du ghetto de la comédie romantique."

John s'assit lourdement. "Comment j'ai fait pour y entrer?"

"Eh bien, la première était en fait très bonne. C'était la partie attirante. Et elle a rapporté de l'argent. Et puis toutes les offres ont pris cette direction et..."

"Avant de m'en rendre compte, j'acceptais des rôles que même Matthew McConaughey aurait refusé." John se passa une main dans les cheveux. "Ce serait tellement agréable de jouer dans quelque chose de réel, quelque chose de substantiel, avec un partenaire qui dialoguerait vraiment avec moi."

"Eh bien, tu l'as peut-être trouvé. Devine qui Ang voudrait prendre pour te donner la réplique?"

"Aucune idée."

"Sherlock Holmes."

Les yeux de John s'écarquillèrent. "Merde." Il s'affaissa. "C'est fichu alors."

"Comment ça?"

"Un projet auquel Sherlock Holmes participe ne va jamais m'engager, moi, le roi du film à l'eau de rose."

"Ne te décourage pas si vite. Ça fait un moment que Kanisza est sorti, et son éclat s'est quelque peu terni depuis lors. Je ne crois pas que Sherlock soit en position de choisir le casting. Je veux dire, tu as vu Le Paradoxe de Schrodinger?"

"Oui. Sherlock était le seul élément valable. Il y avait écrit 'problème de studio' sur tout le film." John soupira. "Bon sang. Une chance de travailler avec Sherlock Holmes. Pince-moi s'il te plait."

"Je vais appeler Ang et organiser une rencontre. Il voudra que Holmes et toi fassiez un bout d'essai ensemble. Vous allez devoir porter le film à vous deux et tout dépendra de votre alchimie, donc il voudra vérifier qu'elle est bien présente."

"Envoie-moi le scénario par mail. Je le lirai ce soir. Mais si c'est aussi bon que tu le dis, tu peux dire à Ang que je travaillerai pour du café gratuit et un donut."


"Comment j'ai pu accepter ça?" murmura Sherlock en roulant et déroulant le script entre ses mains.

"Tais-toi donc," coupa Sally en lui tendant sa tasse de thé. "Tu dois jouer ce rôle."

"S'ils engagent ce bouffon, le film est mort. Tout ce potentiel? Tout ce génie dans ces pages? John Watson va pisser dessus avec son jeu réchauffé et ses choix évidents. Ça demande de la subtilité, pas la lourdeur d'un homme habitué à badiner avec la starlette du jour."

"Il a fait du travail très intéressant quand il a commencé, tu sais."

"Et ça remonte à quand, la dernière fois qu'il a joué autre chose qu'un prince charmant?"

"C'est un acteur, tout comme toi."

"C'est un monsieur tout-le-monde, moi j'ai besoin d'un partenaire qui place la barre plus haut. Quelqu'un qui me fasse réagir! Lui c'est une saleté de page vierge."

Sally soupira. "Et tu te demandes pourquoi on te prend pour un partenaire difficile."

"Je suis difficile. Tous les grands le sont."

"C'est ça."

"Le scénario requiert de l'artillerie lourde. Il y a une scène dans laquelle Mark découvre le corps de son frère jumeau après qu'il se soit suicidé! Ce n'est pas du matériau pour quelqu'un qui joue dans des films dont la B.O. fait partie du top 50!"

"Tu es juste nerveux parce que tu vas devoir tourner des scènes d'amour avec lui."

"Je suis un professionnel. Je peux gérer les scènes d'amour. J'en ai déjà fait."

"Pas avec un autre homme, ça non. Tiens, donne-moi ton manteau. Tu sais que tu transpires toujours avant une audition. Tu veux avoir l'air tout rouge devant la caméra?"

"Que ferais-je sans toi?"

"Tu ne trouverais pas d'autre assistante, ça c'est sûr. Je suis qualifiée pour le corps diplomatique, maintenant que j'ai travaillé pour toi."

"Alors, tu l'as déjà rencontré? Watson, je veux dire. Peut-être quand tu travaillais pour cet affreux publiciste?"

"Je l'ai rencontré une fois, aux SAG Awards. Il est très sympathique."

"Sympathique. Comme c'est charmant," dit Sherlock. Il carra les épaules alors qu'ils arrivaient dans les bureaux de la production. "Bon. La partie peu commencer."

On les mena dans un bureau aménagé pour l'audition. "Salut, Jim," dit Sherlock en serrant la main du producteur, Jim Schamus. Il regarda autour de lui. "Ang ne se joint pas à nous?"

"Il est sur le repérage des lieux de tournage. Il regardera les séquences directement en streaming."

"Je vois," dit Sherlock d'un ton irrité. Il aurait vraiment préféré avoir le réalisateur à ses côtés. "Vous connaissez mon assistante, Sally Donovan."

"Oui, bonjour Sally," dit Shamus.

"Jim, Ang est-il vraiment sérieux à propos de John Watson?" demanda Sherlock, saisissant sa chance tant qu'ils étaient seuls. "Pour ce matériau? Pourquoi pas Justin Timberlake, tant qu'on y est?"

Jim gloussa. "Tu sais, personne ne pensait pas non plus que Jim Carrey pourrait gérer Eternal Sunshine, quand on l'a engagé. Et personne ne croyait que Michelle Williams était celle qu'il fallait pour Brokeback." Jim lui lança un clin d'œil. "Fais-moi confiance, Sherlock. Nos directeurs de casting savent ce qu'ils font."

Sherlock avait des doutes là-dessus, mais il n'eut pas le temps de protester davantage. La porte s'ouvrit à nouveau et John Watson entra, souriant et rouge d'excitation. Il était accompagné d'une femme, manifestement une parente, qui semblait être son assistante.

"Ah, John, ravi de te revoir," dit Schamus en serrant la main de Watson.

"Jim, salut. C'est bon de te rencontrer enfin en personne. Voici ma sœur Harry, qui est aussi mon assistante." Shamus serra la main d'Harry. Watson se retourna et leva la tête, beaucoup plus haut, vers Sherlock. L'homme était assez petit. "Monsieur Holmes!" dit-il en tendant la main.

"Appelez-moi Sherlock," dit-il, d'un ton à peine cordial. Il lui serra la main.

"Mon dieu, vous êtes grand! John Watson, s'il vous plait, appelez-moi John. C'est fantastique de vous rencontrer, je suis un grand fan. J'ai dû voir Rôtisserie au moins une douzaine de fois."

Sherlock se radoucit malgré lui à ces mots. Rôtisserie était également son film préféré parmi tous ceux qu'il avait tournés, mais personne ne le mentionnait jamais, parce que c'était un film d'auteur assez obscur qui remontait à ses débuts. "Merci, j'aime beaucoup ce film." Watson lui sourit avec enthousiasme, espérant clairement une louange en retour pour l'un de ses films, mais à la grande honte de Sherlock, il était incapable d'en citer un seul. "Et vous, bien sûr - je suis un...fan," dit-il enfin, en espérant avoir l'air convainquant.

Le sourire de John retomba. Il ne semblait pas dupe. "Eh bien, je suis très excité par ce projet."

"Tout comme moi."

John se remua un peu. "Bon, Jim, on s'y met?"

"Oui. Nous avons installé les caméras ici, double coverage, donc tu peux évoluer à travers la scène aussi naturellement que possible."

John laissa son script sur la table. Sherlock haussa un sourcil. "Tu le fais par cœur?"

"Oui, bien sûr."

Sherlock renifla. "Je ne le fais pas par cœur avant la relecture avec tout le casting. Inutile d'engager sa mémoire trop tôt."

"Je préfère travailler par cœur. Ça me donne plus d'espace pour respirer." John roula ses épaules et craqua son cou, dans un sens, puis dans l'autre. Sherlock reposa son thé en levant les yeux au ciel dans le dos de John.

Il fit un pas devant la caméra, script à la main - il avait au moins une partie de la scène en tête, mais il n'était pas encore prêt à se séparer du texte - et s'assit avec John sur la table placée là pour évoquer le banc sur lequel Benjamin et Mark se rencontrent.

"C'est quand vous voulez," dit Shamus.

John avait la première réplique. Sherlock attendit, se positionnant dans le personnage de Benjamin. Cette audition ne concernait pas son interprétation à lui, mais plutôt la manière dont John et lui s'accorderaient. Sherlock espérait que ce serait un échec lamentable, pour être honnête. Lui-même avait déjà signé le contrat pour ce job, donc John était le seul à être mis à l'épreuve. Si leur interaction ne répondait pas au désir de Ang, ils choisiraient quelqu'un d'autre pour Mark. Sherlock imaginait déjà les autres acteurs avec qui il pourrait jouer ce scénario. Les possibilités lui mettaient l'eau à la bouche.

Et il attendait toujours. John se tenait là en silence.

Il allait dire quelque chose quand brusquement, la posture de John changea, ses épaules se reculèrent d'un cran et - il était différent. Difficile de dire en quoi exactement, mais il était différent. Il leva les yeux vers Sherlock et délivra sa première réplique. C'était comme une balle de tennis, lancée à travers la table, et Sherlock la renvoya machinalement avec sa propre réplique. John la rattrapa avec un geste et un sourire incertain, son personnage ignorant encore à qui il avait affaire, et il poursuivit le dialogue.

Sherlock oublia son espoir de voir John échouer. Il oublia qu'il était en train d'auditionner. Il se rassit simplement et joua la scène. C'était facile, comme de s'élancer sur la piste de danse avec un vieux partenaire, comme de se blottir dans la forme qu'on a creusée dans son propre matelas. Il regarda à peine son script. Certaines de ses répliques n'étaient pas exactement les bonnes, mais John trouva des réponses qui cadraient et maintint le déroulement de la scène. Sherlock sentit son personnage prendre forme, mais prendre forme en tandem.

C'était seulement une scène de trois pages. Elle fut terminée en cinq minutes.

John sourit d'une oreille à l'autre, le personnage qu'il avait enfilé s'évanouissant instantanément pour ne laisser que lui. "C'était vraiment bien," dit John. "Magnifique scénario, n'est-ce pas?"

"En effet," dit Sherlock en se ressaisissant. Il se leva. "Jim, Ang veut une autre scène?"

"Non, je pense que ça suffira," dit Jim. "On vous tient au courant."

John bondit presque pour serrer à nouveau la main de Sherlock. "C'était un vrai plaisir de lire avec vous, Sherlock. J'espère que nous travaillerons ensemble sur ce projet."

En dépit de lui-même, il se mit à l'espérer aussi. "Merci," ajouta-t-il simplement.

"Je dois y aller. J'ai une conférence de presse cet après-midi," dit-il en faisant la grimace. Tout le monde détestait les conférences de presse. "On s'attend à ce que je m'extasie sur ma partenaire, elle qui ne s'est jamais intéressée au tournage... Bon eh bien, bon après-midi!" dit-il avec un signe de la main. Et ensuite il avait disparu.

Shamus était déjà au téléphone. Il fit un signe de la main à Sherlock tandis que Sally et lui quittaient les bureaux de la production. "Je trouve que c'était plutôt bon," dit Sally.

Sherlock grogna. "S'il te plait, ce type est une blague. Son jeu avait à peine le niveau soap opera."

"Tu l'as aimé, n'est-ce pas? Tu sauves la face, là. Quoi, tu as peur d'être surpassé par Monsieur tout-le-monde?"

"Tu es ridicule. Vas-t'en et trouve-toi ailleurs, s'il te plait."

"J'adore quand tu manques de confiance en toi. C'est adorable."

Ils grimpèrent dans la voiture de Sally. "Qu'est ce qu'on a prévu pour cet après-midi?" demanda Sherlock.

"On a l'après-midi de libre, en fait. Tu as ta réception ce soir au Paley Center. Qu'est-ce que tu veux porter?"

"Oh, je m'en fiche. Choisis quelque chose."

Ils s'étaient à peine éloignés de deux blocs quand le téléphone de Sherlock sonna. "Holmes."

"Ici Jim Schamus, Sherlock. J'ai pensé que tu aimerais savoir. Ang a adoré le bout d'essai. Nous allons intégrer John au film. Tu as ton Mark. On te contactera pour les réunions de pré-production."

"D'accord, Jim. Merci." Il raccrocha avec un soupir las. "On dirait que je vais devoir porter Monsieur tout-le-monde sur mes épaules."

"A ta place j'attendrais un peu avant de le dénigrer."

"S'il ruine ce film, je m'assurerai qu'il ne travaille..."

"...plus jamais dans cette ville," acheva Sally en riant. "Où est-ce que j'ai déjà entendu ça? Ah oui - ce n'est pas ce que Lars t'as dit avant de t'éjecter du plateau?"

Sherlock s'échauffa. "Et regarde comment ce film a tourné, sans moi. Un navet danois masturbatoire, minimaliste et nombriliste."

Sally secoua la tête. "Peut-être que John Watson est ce qu'il te faut pour te remettre les idées en place, Sherlock."

"Je n'ai besoin de personne, Sally. Et encore moins de toi, alors mêle-toi de tes affaires."

"Je n'ai pas peur de toi, tu sais. Et lui non plus." Elle déboucha sur l'autoroute, abaissant la vitre. "Je sens qu'on va bien s'amuser."


Remarques de l'auteur:

1. David, qui engage Robert Downey Jr à la place de Sherlock est David Fincher, le réalisateur de beaucoup de films géniaux, comme Se7en et Fight Club. Il a travaillé avec Robert Downey dans Zodiac.

2. La R.A.D.A. est la Royal Academy of Dramatic Arts, une école qui a formé beaucoup de grands acteurs britanniques. Cela dit, Benedict Cumberbatch n'a jamais été à la RADA, mais à la London Academy of Music and Dramatic Arts.

3. Quentin est, bien sûr, Quentin Tarantino.

4. Le réalisateur de The Schrodinger Paradox est Paul Haggis, le réalisateur de Crash.

5. Les Unités de L'Ombre est une vraie série de thrillers paranormaux, écrite par un groupe d'auteurs de science-fiction. Allez voir sur Google, c'est fantastique. Mais je ne sais pas s'il y a une adaptation prévue, j'ai inventé ce détail.

6. Jim schamus est le vrai producteur collaborateur d'Ang Lee.

7. Jimmy, le partenaire que Sherlock voudrait avoir, est James McAvoy, qui est dans la vie réelle un ami proche de Benedict Cumberbatch. Il est en réalité engagé pour tourner Wanted.


Note de la traductrice:

Bon j'espère que ça vous a plu! N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de ce premier chapitre, et à me signaler les erreurs. Je précise également que toutes mes traductions sont aussi disponibles sur AO3.