Nous étions pourtant les maraudeurs
Il n'arrivait plus à dormir. C'était comme ça depuis quelques années maintenant, mais il était loin de s'en soucier.
Ses rêves étaient peuplés de fantômes étranges qu'il aurait aimé enterrer: les morts et les traitres s'y disputaient ses faveurs.
C'était une rengaine morbide qui lui rappelait chaque nuit à quel point il était seul, à quel point ils lui manquaient tous, même ce traitre de Sirius au plus profond de sa geôle.
Rémus se leva alors de son lit. C'était peine perdue il ne retrouverait pas le sommeil. Il se passa de l'eau sur le visage et lissa quelques mèches, parcourant au passage les fines cicatrices qui grêlaient son visage: a une époque il s'en serait soucié. Maintenant son apparence lui importait peu. Il s'approcha de la fenêtre, oubliant qu'il avait froid, et se pencha pour regarder la rue en contrebas: elle était déserte. Le pavé noir renvoyait à peine la lueur des quelques réverbères qui brillaient comme des phares: l'allée des embrumes ne serait décidément jamais fréquentable.
Mais où quelqu'un comme lui aurait-il bien pu aller? Sa lycanthropie lui interdisait d'exercer un métier honnête et le peu d'argent qu'il lui restait ne lui permettait guère de s'offrir un appartement décent.
Il rit soudain en considérant son sort et ce qu'il était devenu. il regarda autour de lui: un lit défoncé, une table et une chaise dans un coin cuisine aussi spacieux que l'ancien bureau de Rusard, une salle de bain délabrée: C'était tout ce que possédait Rémus Lupin; c'est ce qu'était sa vie... Et c'était là tout ce qu'il pouvait appeler son "chez lui". Le destin avait décidé d'être vraiment ironique.
Il sourit pour lui-même, presque désabusé. Demain serait jour de pleine lune. Ces nuits étaient devenues encore plus dures avec le temps : il avait été habitué à les affronter seul quand il était plus jeune. Mais il avait trouvé des camarades, des amis, des protecteurs qui l'avaient aidé à se sentir presque humain. La rupture avait été brutale et douloureuse… C'était peut être durant ces nuits là qu'il se rendait vraiment compte de tout ce qu'il avait perdu… Et cela c'était joué en à peine une journée.
Il se dirigea vers une petite commode en bois peint et en sortit une photo. La seule qu'il avait gardé de leur époque : on y voyait quatre jeunes hommes qui chahutaient : l'un avait des cheveux en batailles et s'évertuait à faire tourner un vif d'or entre ses doigts, à sa gauche un homme au regard dur souriait pourtant d'un air mutin
Un autre encore se tenait dans un coin du cadre et tentait presque de s'effacer derrière ses deux amis… Il se reconnut enfin à l'extrême gauche de la photo, un livre entre les mains et un sourire béat flanqué au visage. Il avait changé.
Sans s'en rendre compte une larme coula le long de sa joue, qu'il sécha rapidement.
Ils n'existaient plus.
il se souvint avec tristesse des conversations qu'ils avaient eu à Poudlard, quand il était élève…
… quand il était élève ; cela lui faisait bizarre de repenser à cette période, qui lui paraissait si lointaine maintenant.
Il s'y était senti protégé et aimé
Rémus Lupin, que l'on disait promis à un grand avenir ; ils auraient refait le monde ! Eux quatre réunis, les Maraudeurs…
Que pouvait James maintenant. Près de sa Lily… unis à jamais : il avait au moins réalisé cette ambition la.
Que pouvait Peter Pettigrow,… Il n'avait même plus de corps que l'on pouvait pleurer ; son nom n'était gravé sur aucune tombe. Que pouvait-il cet ami fidèle qui pour la première fois de sa vie avait agit avec bravoure? (ce dont même Rémus l'aurait cru incapable)
Et que pouvait Sirius Black… Rémus devait-il encore l'appeler ami ?
Il l'avait tellement haït mais en fait c'était surtout de l'incompréhension qu'il ressentait : Sirius Black avait trahit sans raison. Il se souvenait de ce jeune homme séduisant qu'il avait été, qui s'était détourné de sa famille parce qu'il rejetait leurs croyances: et voilà qu'il se révélait être Mangemort. Sirius avait toujours été imprévisible. Mais que pouvait-il maintenant, entouré de Détraqueurs ?
Il ne l'avait même pas reconnu quand ils l'avaient emmené une dernière fois. Il ne lui avait jamais connu cet air hagard et fou :
Ce n'était plus Sirius
Il n'y avait plus de James.
Et encore moi de Peter.
Mais y avait-il encore un Rémus Lupin ?
