Bonjour à tous

J'ai le plaisir de vous publier aujourd'hui un essai. C'est un OS en plusieurs parties et je posterai tous les lundis

Bonne lecture

NA : Un grand merci à Duchaillu et Mystik7 pour leur relecture et leurs conseils


Ailleurs qu'au près d'elle

Tu fixes le calendrier avec insistance depuis vingt minutes sans parvenir à réaliser que le temps est passé si vite. Pourtant, les souvenirs intacts et les images encore claires dans ta tête te font souffrir inlassablement depuis toutes ces années. Habituellement les contraintes de ton travail te permettent de relayer au fond de ta mémoire cette période de ta vie pourtant lorsque le mois de février arrive tu ne peux pas empêcher la vague de douleur et de colère qui s'insinue dans tes veines.

Aujourd'hui, le soleil s'est levé et ton fils vient d'avoir dix ans. Dix ans qui se sont écoulés depuis que tu as décidé que ce serait elle qui s'en occuperait. Elle était ton premier amour, impossible, indomptable toujours fiévreux et destructeur. Les années vous séparaient, la vie aussi. Comment aurais-tu pu te faire une place auprès d'elle puisqu'à ses yeux tu ne représentais que peu de choses. Les souvenirs remontent et tu revois les circonstances de ta grossesse. Tu as encore dans le corps le sentiment de bonheur après lui avoir fait l'amour suivit de la brûlure dans ton cœur quand elle t'a finalement regardé avec tristesse laissant échapper que c'était une terrible erreur. Si seulement vous n'aviez pas dérapé ce jour-là. Son image lacère ton cœur comme les bords tranchants d'une lame pourtant cela devrait être passé en dix ans ! Tu as quitté son bureau les mains tremblantes, laissant derrière toi les vestiges d'un amour impossible. Tu te revois marcher le long de Chestnut Hill Reservoir, les yeux aussi humides que l'étendue d'eau que tu longes. Ton cœur tambourinait dans ta cage thoracique et la douleur ne s'estompait pas. Comment les choses avaient-elles bien pu se passer ainsi ? Ce rejet était sûrement celui de trop, celui qui te brise avant même que tu n'aies pu t'en rendre compte. Un abandon de plus… mais de toute façon tu n'es que ça, un bébé abandonné sur le bord d'une route comme on laisse un chien avant l'été. Un enfant prit et rejeté avant d'être inlassablement remis en foyer d'accueil. Tu avais dix-huit ans à cette époque et tu te souviens avoir croisé un copain de ta classe ce jour-là. Neal était gentil, un peu séducteur mais il prenait toujours le temps de savoir comment tu allais même si tu l'envoyais promener la plupart du temps. Ce jour-là, ton cœur brisé, ensanglanté entre tes mains, tu l'as laissé te réconforter. Il a pris soin de toi et même s'il t'a entraînée dans des mauvais coups par la suite, tu n'avais plus ce sentiment de solitude te déchirant de part en part.

Le radioréveil sonne et fait éclater la bulle de souvenirs dans laquelle tu étais plongée. Un coup de poing rageur s'abat sur le bouton rouge pour l'éteindre et, ensevelie dans ta colère, tu arraches la feuille du mois de février sur ton calendrier mural. La boule de papier tombe au sol avant que ton pied ne vienne l'écraser. Rapidement, tu enfiles ta veste rouge et tu sors de ton appartement en claquant la porte. Tu cours à travers les rues de New-York pour aller jusqu'au kiosque où tu achètes ton chocolat. La routine reprend son chemin mais ton cœur, lui, sait… il sait que la journée sera longue.


Tu n'imaginais pas avoir autant raison ce matin tu pensais que ton petit épisode nostalgique allait être englobé dans le flou de ta journée mais il semblerait que quelqu'un ait décidé de se jouer de toi là-haut.

Tout commençait à s'améliorer, ton humeur renfermée passait avec l'occupation. Flic n'était peut-être pas ce tu avais espéré mais cela payait ton loyer et te permettait de vivre correctement. Enfermée dans ta coccinelle jaune tu surveilles ton prochain poisson. De loin cet homme parait élégant, une prestance et un savoir vivre à toute épreuve. Imaginer que cet homme est recherché pour viol et agression sur des mineurs d'un pensionnat dans le sud du Massachusetts est difficile. Ajustant tes jumelles, tu remarques une femme qui s'arrête à sa hauteur. Ton regard dérive et s'attardent sur les traits de celles-ci. Cette élégante femme brune fait ressurgir fugacement devant tes yeux l'image d'une toute autre époque.

Tu détournes le regard avant de t'enfoncer dans la nostalgie qui t'as assaillie ce matin même. Cependant, tu ne peux pas réprimer le soupir de résignation qui nait au fond de toi. Parfois, et plus encore à cette période de l'année, le sentiment que ton cœur s'est reconstruit sur des éclats de verre t'étouffe et te déchire de l'intérieur.

Reprenant le contrôle de toi, tu rages en t'apercevant que ta cible n'est plus installée à table. Sans attendre, tu sors de la voiture et tu cours quand tu remarques qu'il s'enfuit par une rue adjacente. Cependant, ton temps de réaction a été trop long puisqu'il a disparu à travers les ruelles pavées du quartier de Harlem. Laissant tomber la traque pour ce soir, tu vagabondes à travers les rues. Tu n'as pas vraiment envie de rentrer chez toi et de retrouver la page de calendrier déchirée au milieu de ton salon. Malheureusement, le destin ayant un sens de l'humour un peu douteux, tu te retrouves sans t'en rendre compte devant un motel miteux qui te renvoie à celui dont tu te souviendras toute ta vie.

Ta gorge se serre et tu refoules sans vraiment y parvenir les larmes qui coulent. Il y a dix ans, une nuit auprès de Neal dont tu ne te souviens plus, t'as apportée la plus grande douleur de ta vie. Tu te souviens du bruit de la porte qui tombe dans un bruit sourd, te faisant sursauter. Tu revois la lampe du policier braquée sur toi avant qu'il ne t'attrape les poignets pour y passer des menottes. L'image de Neal, au pied de la porte, le regard bas et honteux. A ce moment-là tu sais tu sais que la police l'a retrouvé pour le vol de montres pour lequel tu as fait le guet mais ce qui te frappe encore plus c'est que toi tu es menottée et que lui à l'air plus coupable que jamais. La vérité te frappe : il t'a dénoncée.


Tu finis quand même par rentrer à ton appartement dans le sud-est de New-York, complètement ivre, une bouteille de rhum bon marché à la main. Les trois étages à gravir n'ont même pas réussi à te dégriser tellement tu es saoule. Ta voisine t'a lancée un regard plein de reproches ainsi qu'une réprimande non dissimulée.

- Tu as l'air d'une clocharde ma pauvre fille. En même temps tu ne peux être que ça, dévergondée comme tu l'es !

Son jugement de valeur glisse sur toi sans te pénétrer. Tu la regardes fixement, lui souriant de ce sourire hypocrite que les gens savent déchiffrer. A cela, tu ajoutes un doigt d'honneur qui vient éclairer son visage de stupeur. Ne voulant t'attarder plus que ça sur cette vieille peau, tu cherches dans ta poche les clefs de ton appartement. Tu fournis un effort phénoménal afin d'ouvrir la porte, te glissant à l'intérieur de chez toi avec difficulté. La porte close, tu t'effondres à même le sol ne pouvant pas tenir plus longtemps sur tes jambes. Une sonnerie vient rompre le silence de ton appartement mais tu n'as pas le courage de chercher ton téléphone. Ta tête heurte le sol d'inconscience en même temps que l'écran de ton smartphone s'allume. Tu as reçu un mail !


Les rayons du soleil se sont infiltrés dans ton appartement et tu ouvres les yeux avec difficulté. L'impression qu'un pivert a établi refuge dans ta tête ne s'évapore pas pour autant. Ta vision est floue et tu t'y reprends à deux fois avant d'arriver à te mettre debout.

- Putain ! J'ai la gueule de bois…

Tu enchaînes trois pas dans l'appartement avant de te rendre compte que tu n'arriveras pas à aller jusqu'aux toilettes pour dégueuler. Ton regard ère, hagard, autour de toi, cherchant une solution le plus vite possible car le contenu de ton estomac remonte aussi vite qu'un tsunami prêt à déborder. La poubelle te semble l'option la plus plausible, alors tu te jettes dessus et vide dedans l'alcool que tu as ingurgité hier soir, un cliquetis se fait entendre et une personne entre dans ton appartement.

Brièvement, tu relèves les yeux et tu devines, plus que tu ne vois, que Killian t'observe depuis l'entrée.

- Bon Dieu Swan ! Si je ne t'avais pas déjà fouttu dans mon pieu, je ne sais pas si je me serais laissé séduire. T'es affligeante.

- Dégage ! Siffles-tu entre tes dents avant de laisser échapper un nouveau renvoi gastrique.

Malgré ta réprobation, Killian s'approche de toi, la mine écœurée pour te tenir les cheveux. Du bout des doigts, il fait ce qu'il peut pour éviter de mettre la main sur les éclaboussures de vomi collées à ta chevelure. Patient, il attend que tes soubresauts se calment et il t'aide à aller jusqu'à ta baignoire. Une fois déshabillée, il fait couler de l'eau chaude autour de toi et te frotte le dos. Tu ne dis rien et tu te laisses finalement aller à ce contact réconfortant. Les larmes que tu as versées hier soir remontent et tu pleures en silence.

Killian ne dit rien, il respecte ton mutisme, ta frustration sans jamais te demander d'explication. Tu sors avec lui depuis un an maintenant mais même si tu le considère comme un bon ami avec une option « plan cul occasionnel », tu n'es pas prête à lui avouer ton secret celui qui te ronge depuis hier.

Au bout d'un certain moment tu finis par sortir de l'eau, Killian te tend ton peignoir et t'aide pour retourner dans le salon. Tu te sens toujours vaseuse mais le bain t'as fait du bien. Quand Killian te tend un verre d'eau et un cachet contre le mal de crâne, tu te dis que derrière son côté macho et coureur de jupon, il est quand même un mec bien.

- Merci.

- Tu ne veux sûrement pas en parler mais…

Tu lèves la main pour l'arrêter, tu n'as pas envie d'en parler. Tu n'en a pas la force et il respecte ça. Ne sachant plus quoi faire, tu le vois se lever et attraper quelque chose qui a glissé sur le parquet de ton salon. Tu récupères ton téléphone et le déverrouille en un clin d'œil. Le bourdonnement dans ta tête est toujours présent et la luminosité de l'écran te fait mal aux yeux. Un petit bonhomme, ressemblant à un lutin, s'affiche à l'écran juste au-dessus d'une grande enveloppe jaune. D'habitude sa mine joyeuse te fait sourire mais là tu as juste envie de disparaître immédiatement quand tu vois le nom de l'expéditeur du message. Régina Mills.


Tu ne sais plus avec certitude ce qui a aidé ta décision mais pourtant tu l'as prise. Les kilomètres défilent le long de la route. L'impression de se rapprocher inexorablement de ta perte te donne l'envie terriblement forte de faire demi-tour alors tu t'arrêtes et tu sors de ton blouson en cuir le paquet de clopes qui s'y trouve. La nicotine te détend, tu fermes les yeux pour expulser le sentiment d'angoisse qui enserre ta gorge. Comment as-tu bien pu accepter ?! Tu te revois la gueule vaseuse après la cuite mémorable que tu as prise, Killian te tend ton téléphone et là, le nom qui s'affiche à l'écran te fait l'effet d'une douche froide. Tu relèves les yeux vers Killian dans l'espoir que ce qu'il vient de se passer soit une supercherie de ton imagination mais tout ce que tu vois c'est l'air inquiet qu'il t'adresse.

- Em', on dirait que t'as vu un fantôme !

Tu ouvres les yeux et l'écho de la voix de Killian devient lointain. Autour de toi il n'y a que des arbres et du silence. Tu n'aimes pas le silence celui qui te laisse dans tes tourments et tes réflexions angoissantes. Tu souffles encore désespérément, il faut que tu reprennes la route en direction du Maine. Bon sang, qui s'enfoncerait ainsi dans le trou du cul des Etats unis. Quand tout cela sera réglé, ton billet d'avion t'attendra sur la table de ton appartement. L'Europe est une bonne solution.


La nuit noire et le silence du quartier résidentiel de Mifflin Street furent perturbés par la cacophonie de ta pauvre petite coccinelle. Tu finis par t'arrêter devant le 108 et tes yeux s'agrandissent d'étonnement devant le luxe de cette maison. Alors c'est là qu'elle s'est installée ! Tu ne comprends pas vraiment pourquoi elle tient tant à te voir. Elle le sait pourtant, cet accord que vous avez passé à l'époque. Tu étais en prison quand tu as découvert avec stupeur que tu étais enceinte tes « parents » adoptifs de l'époque avaient tout de suite émis le souhait que tu sortes de leur vie. Encore une fois tu t'es retrouvée toute seule. Seule face à cette grossesse terrifiante. Soudain, un jour dont tu ne te souviens plus de la date, elle est venue te voir. Elle était terriblement désolée pour ce qu'il t'était arrivé. Tu as toujours en tête son regard rempli de sincérité et de culpabilité. A l'époque tu l'avais rejetée, tout ce qui venait d'elle était trop douloureux. Cependant, quand tu as perdu les eaux, tu savais que tu ne voulais pas que ton fils ait la même vie que toi. Tu étais seule, pas d'ami, aucune famille alors tu as pensé à elle. Son regard brun et envoutant, ses attentions toujours présentes et sa gentillesse à toute épreuve. Tu le savais, la vie ne l'avait pas épargnée et elle n'avait pas d'enfant. Bien que l'idée te paraisse folle, il fallait que tu essaies.

Deux heures se sont écoulées et tu es toujours adossée à ta voiture. La cigarette que tu tiens dans ta main se consume toute seule. Tu ne fumes pas habituellement mais là c'est plus fort que toi. Quand il s'agit de Régina, tu ne peux pas t'empêcher d'en allumer une. C'est d'ailleurs au mois de février que tu en consommes le plus. Le voile devant tes yeux te ramène à une époque lointaine. Tu n'avais pas plus de seize ans quand un jour elle t'a convoqué dans son bureau pour te faire la morale. Mme la principale adjointe t'avais vu fumer et la soufflante que tu as prise cette fois-là t'a dissuadée d'y retoucher pendant un long moment. A l'époque tu courbais l'échine à chacune de ses attentions. La sensation de chaleur qui s'échappe de la cigarette te ramène à la réalité. Il est réellement trop tard pour importuner les gens chez eux et malgré l'envie de fuir, tu te diriges vers le centre-ville dans l'espoir de trouver un endroit pour passer la nuit. La lumière éclairée du seul endroit encore ouvert te tend les bras. Tu entres dans le Granny's et une jolie femme rousse t'accueille avec un sourire sincère que tu rends avec plus de difficulté.

- Bonjour, est-ce qu'il serait possible d'avoir une chambre.

Le sourire de la jeune femme s'agrandit comme si elle avait gagné au loto et tu te fais la réflexion que les visites d'étrangers doivent être rares dans cette ville. Elle te tend un jeu de clef tout en te dévisageant et même si tu crèves d'envie de te vautrer dans un lit, ton estomac te réclame bruyamment

- Nous servons encore si vous voulez, lui indiqua la jeune femme de l'accueil

- Merci, mais je ne veux pas déranger.

Tu ne se sentais pas vraiment à l'aise, surtout que le restaurant était vide.

- Ne vous inquiétez pas, je peux vous faire un burger ou une salade, dites-moi ?

- Heu… un burger si c'est possible.

- Ok

La jeune femme se retourne et te laisse aussi vite qu'une fusée. Tu saisis ton léger bagage et tu viens t'installer sur la banquette la plus proche. Tu en profites pour envoyer un message à Killian et tu ne sais pas encore si tu es prête à rencontrer ton amour de jeunesse.

La serveuse revient trop rapidement à ton goût et s'installe devant toi en posant ton assiette comme si vous vous connaissiez depuis toujours.

- Je m'appelle Ruby et je suis la petite fille de Granny, la propriétaire.

- Enchantée, Emma, réponds-tu avec politesse.

- Comment ça se fait que tu arrives ici au beau milieu de la nuit… pas que je me plaigne, hein ! Mais on n'a pas trop l'habitude de voir des touristes dans le coin.

Tu lui souris, un peu crispée avant de laisser échapper que tu viens voir quelqu'un. Evidemment elle veut savoir qui et tu arrives à détourner la conversation, non sans lui faire remarquer qu'il s'agit d'un sujet privé. En même temps, à part une certaine curiosité et un gout visiblement prononcé pour les ragots, il s'avère que Ruby est finalement une jeune femme assez sympathique. Tu te laisses entraîner par sa joie de vivre et vous finissez la soirée à boire des shooter. Tu devrais vraiment diminuer ta consommation d'alcool.


Un gémissement plaintif se bloque dans ta gorge sèche quand le soleil vient t'éclairer la figure. Ta main tâtonne auprès de ton lit à la recherche de ton téléphone mais il n'est pas sur ta table de chevet. D'ailleurs, ce n'est pas ta table de chevet ! Tu ouvres grand les yeux au point que tu es persuadée que ta rétine va se consumer sur place. De panique tu te redresses brusquement et dans le mouvement tu finis par terre. Des coups frappés à ta porte se font sursauter encore une fois

- Emma, ça va ?

La voix de Ruby te ramène à la réalité. Tu te lèves pour aller lui ouvrir et elle t'accueille avec un grand sourire auquel tu réponds par un grognement.

- Tu viens prendre le petit déjeuner ?

Tu lui fais oui de la tête, la gorge toujours serrée de ta présence dans cette ville. Tu t'apprêtes à la suivre quand elle te fait subtilement remarquer d'un regard langoureux le long de ton corps que tu n'es pas assez habillée pour paraître descente dans la salle de restaurant.

Tu retournes vite fait enfiler un top blanc associé d'une chemise entrouverte et d'un jeans avant de redescendre. La salle est calme malgré les quelques clients attablés. Personne ne fait attention à toi et c'est tant mieux. Tu t'installes au bar et tu plonges le nez dans un chocolat à la cannelle que Ruby vient de déposer devant toi. Visiblement tu as lâché cette information hier soir et tu espères ne rien avoir avoué de plus.

Alors que tu es plongée dans ta boisson, le bruit du tabouret à côté du tien te fait tourner la tête. Un jeune garçon d'une dizaine d'années vient de s'assoir à côté de toi et interpelle Ruby pour avoir un chocolat chaud à la cannelle. Cela t'interpelle, tu pensais bien être la seule à le déguster comme ça. Le jeune garçon finit par se rendre compte que tu le fixes et se tourne vers toi avec un grand sourire.

- Bonjour, je m'appelle Henry.

- Emma… je pensais bien être la seule à mettre de la cannelle dans du chocolat.

Le jeune Henry te fait un sourire encore plus éblouissant en t'expliquant qu'il ne le boit que comme ça et que pour lui il n'y a pas meilleure chose sur terre. A part les lasagnes de sa mère, peut-être ! C'est un vrai moulin à paroles et tu espères qu'il est tout de même un peu plus méfiant envers les inconnus habituellement.

- Henry ! Viens !

La voix d'un homme résonne dans le café et le jeune Henry se redresse, une expression neutre sur le visage. Une fois que le garçon et l'homme sont sortis, tu te retournes vers Ruby pour en savoir plus. Cette fois, son côté « mère ragot » va bien pouvoir être utile. Elle t'apprend donc que l'homme n'est pas le père d'Henry mais le compagnon de sa mère et que ce dernier s'appelle Robin. Ton ressentiment principal n'est pas bon mais tu t'abstiens de faire une quelconque réflexion sur un homme dont tu ne connais rien.


Quand tu quittes le café, il est déjà presque dix heures. Tu angoisses de te retrouver face à l'objet de ta venue mais tu décides d'y aller avant de te dégonfler. Tu finis par arriver face à la grande demeure de ton ancien amour et la boule dans ton ventre est aussi lourde qu'une boule de bowling. Avec le peu de courage dont tu disposes encore, tu sonnes à la porte et tu attends avec angoisse que ça s'ouvre. Pourtant au bout de dix minutes à patienter, tu te rends à l'évidence, elle n'est pas là. Tu ne sais pas vraiment si c'est la frustration, l'angoisse, la peine ou un mélange de tout ça mais tes jambes lâchent sous ton poids et tu finis assise sur le perron de ton fantôme personnel.

- Si vous cherchez Madame Mills, elle doit sûrement être à son bureau à la mairie.

Tu relèves les yeux vers la vieille femme au bout de l'allée et la remercie d'un hochement de tête. Tu te relèves et retourne à ta voiture en ayant l'air normal pour ne pas interpeller la curiosité de la vieille dame mais une fois dans ta voiture, tu sais que tu ne vas absolument pas la rejoindre dans son bureau. Qu'importe soit-il, il est bien trop douloureux pour toi d'imaginer revoir Régina dans ce genre d'endroit. Tu démarres ta voiture et roule sans faire attention à ta destination. Au bout d'un moment tu arrêtes le moteur, n'étant plus du tout concentrée sur ta conduite. Sans le vouloir, tu te retrouves auprès du port et parfois tu te demandes s'il ne faudrait pas mieux que tu sautes.

Ta main cherche dans la poche de ta veste ton paquet de clopes et tes pensées filent au gré de la fumée de la cigarette que tu viens d'allumer. Tu te retrouves onze ans en arrière. A l'époque, tu t'étais rapprochée d'elle quelques années auparavant lorsqu'elle n'était encore que prof de français. Tu avais quinze ans et tu es tombée amoureuse d'elle tout de suite. Elle était froide, détestée mais tu ne pouvais pas empêcher ton cœur de battre comme un fou en sa présence. Alors tu as fait tous les efforts imaginables pour qu'elle s'intéresse à toi, sauf que tu restais Swan… le pauvre petit canard abandonné qui venait encore une fois de changer de famille. Un soir, des jeunes de ta classe te sont tombés dessus. Ils t'ont tout pris, de tes chaussures à ton portable. Il faisait froid et tu pleurais, en sous-vêtements dans la ruelle. Puis elle est arrivée, tu ne voulais pas qu'elle ait pitié de toi alors tu l'as d'abord repoussée avant de la laisser panser tes blessures. Après ça, votre relation n'a plus jamais été la même, tu te confiais à elle, tu lui faisais confiance plus qu'à n'importe qui. La seule chose qui te blessait était qu'elle ne te racontait jamais rien. Tes sentiments étaient encore plus forts plus le temps passait et chaque rejet te brisait encore un peu plus.

Le vent soufflant sur le ponton chasse tes larmes. Ces souvenirs sont toujours douloureux mais visiblement tu n'as pas encore fait une croix dessus. Tu pensais pourtant y être parvenue mais ton voyage ici, dans cette petite ville du Maine, te renvoie inexorablement à la figure tes faiblesses. Ta cigarette est finalement éteinte et tu n'arrives pas à la rallumer, de rage tu la jettes dans la mer qui te fais face. Le vent qui frappe ton visage te fait du bien et tu aimerais qu'il emporte avec lui tes souvenirs. Sauf que ça n'arrive pas…

Un jour, tu as débarqué dans le bureau de Régina avec de quoi déjeuner. Tu savais que lorsqu'elle avait conseil de classe, elle ne sortait pas alors tu as pris les devants. Tu as frappé à sa porte un moment mais personne ne t'as ouvert. Tu savais qu'elle était là alors tu es entrée quand même. Elle a relevé un regard froid vers toi, un regard rougis par les larmes. Tu as voulu savoir, la réconforter avoir un peu de la place que tu chérissais tant. Tu t'es approchée d'elle pour la prendre dans tes bras mais elle t'a repoussée et tu as explosé. Les cris et la rage que tu ressentais à ce moment-là avait implosé dans ta poitrine, tous les sentiments qu'elle t'inspirait éclairaient tes yeux et tes gestes. Finalement, tu n'as pas pu résister à l'embrasser. Tu t'étais juré de ne jamais dépasser la ligne et pourtant, cette après-midi là tu as dépassé toutes les bornes, toutes tes règles mais aussi toutes les lois.

Le souvenir de tes lèvres sur sa peau et de son orgasme entre tes bras te fait toujours frissonner ou bien est-ce le vent qui balaye une fois de plus tes états d'âme.


Tu as fini par passer l'après-midi sur la plage et quand ta montre t'a indiquée dix-huit heures, tu as finalement pris la décision d'y retourner. Tu as fait le point sur votre ancienne relation et malgré la peine que tu ressens encore, tu n'imagines pas d'autre issue à l'histoire que tu aurais voulue avec elle. Ta voiture file à travers la ville et tu arrives chez elle, une voiture est garée dans la cour. A peine es-tu sortie de ta coccinelle jaune qu'une voix que tu reconnaitrais entre toutes t'interpelle.

- Je vous saurais gré de garer votre poubelle ambulante ailleurs.

Sa voix froide remonte le long de ta colonne vertébrale comme des aiguilles glacées. Bon sang, tu te sens si ridicule d'être encore impressionnée. Tu te retournes et cette fois c'est ton cœur qui s'ouvre en deux. Ça fait si longtemps et tu aurais préféré qu'elle soit devenue vieille et moche. Sauf qu'elle est loin de tout ça et tu as presque l'impression que le temps n'a pas eu d'emprise sur elle. Tu ne peux même pas empêcher ton regard de la dévorer, s'arrêtant quelques secondes de trop sur le tatouage qu'elle porte juste au-dessus de la poitrine.

Un raclement de gorge te rappelle à l'ordre et le regard noir qu'elle t'adresse n'est pas de bon augure.

- Définitivement toute politesse vous fait défaut, mademoiselle !

Tes mots sont coincés dans ta gorge et quand tu essayes en vain de dire quelque chose, il ne sort qu'un bégaiement pitoyable. Tu l'entends soupirer mais avant qu'elle ne te lance encore une pique, la porte d'entrée de sa maison claque et le jeune garçon que tu as croisé ce matin, Henry, en sort en courant.

- Maman !

Elle se tourne vers lui pour le rattraper et ça te percute aussi vite que si tu avais reçu un coup de batte de baseball dans les côtes. Tu ne sais même plus comment respirer et ta tête tourne. Seulement tu n'as pas eu le réflexe de t'enfuir avant que ton estomac ne digère lui aussi la nouvelle. Tu ne régurgites que de la bille et ça te brûle l'œsophage tandis que Régina te lance un regard d'incompréhension teinté d'inquiétude auquel tu ne fais pas attention.

Henry souffle quelque chose à sa mère et repart alors qu'elle s'approche de toi pour t'aider. Brutalement tu te relèves et t'écartes comme si elle t'avait brûlée. Cette fois les larmes coulent et tu fixes son regard plein d'incertitudes.

- Je ne sais pas ce qui m'a pris de venir ! Souffles-tu entre tes dents.

- Vous êtes sure que tout va bien, je peux appeler un médecin.

Son regard est doux, comme dans tes souvenirs. Un instant elle ressemble à une vipère et un autre elle tente de te protéger. Tu ne sais plus ce que tu ressens. Ton cœur crève d'envie qu'elle te serre contre elle mais ton esprit, lui, refuse. Sans rien dire, la laissant dans l'incompréhension, tu retournes dans ta voiture et la démarre. Vite… Loin !

Tu fuis au point que tu ne vois même pas Henry revenir avec une bassine et un gant humide.

- Maman, pourquoi tu as laissé Emma partir !


TBC

Voilà pour le début

En espérant que cela vous donne envie de connaitre la suite. Pour cela vous savez quoi faire : Review ;-D

A lundi prochain