Amestris

Je me souviens du jour où on m'a annoncé que je partais au front. J'étais abasourdi. Heureusement, je n'avais pas de famille, donc personne qui me pleurerait. Je me doutais bien que je mourrais.

Mais il faut avouer que j'ai été pris au jeu, une fois que j'eut rejoint les troupes.

Mais il faut avouer que j'ai pris du plaisir à me voir contrôler la vie et la mort d'anonymes.

je suis pourtant un mec bien, mais comme cet alchimiste fou l'a dit à cette jeune sniper, ce que je ressentais était sans doute là la satisfaction du travail bien accompli.

Et en même temps, même le soir du premier jour, après ces dizaines de corps entassés les uns sur les autres sans distinction de race, brûlés, explosés, criblés de balles ou tranchés en morceaux, je dois avouer que j'ai fait des cauchemars à en faire trembler l'enfer.

Et ça n'a pas cessé d'empirer.

Puis vinrent les alchimistes d'état.

Je n'étais qu'un simple soldat, je me sentais enthousiasmé de voir ces armes humaines nous épauler.

Tout comme je me sentis presque heureux de voir leur force à l'oeuvre.

Détruire et détruire encore.

Mais je vis leurs yeux. Ces yeux tristes, affamés, assoiffés, pleins de remords, ces yeux de meurtriers...

Ils vinrent supplanter mes horribles visions dans mes rèves odieux.

Et un peu plus tard, je vis que j'avais le même regard.

Je me suis aperçu ensuite que pratiquement tout le monde autour de moi portait son fardeau sur son visage.

Puis, au combat, je la vit nous tuer l'un après l'autre. Une magnifique femme qui combattait du côté des ishbals, sans liens visibles avec eux. Son visage resplendissant, sans trace de fatigue, de souffrance, frais et lisse m'intrigua.

Lassé de vivre, lassé de combattre, je l'ai donc attendu.

Elle avait une somptueuse chevelure écarlate et des iris oscillant entre bleu et vert. Entre les reflets qui dansaient dans ses prunelles, ses yeux étaient aussi froids et durs que sa lame bleutée. Je me rends compte aujourd'hui que je fit attention à peu de choses à part elle, durant cette guerre, ou plutôt ce génocide immonde.

Elle ne manifesta pas d'étonnement. Je ne devais pas être le premier à la laisser le tuer sans lutter...

Une chose cependant me titillait. Alors qu'elle levait son sabre pour m'achever, je posai ma question.

"Comment faites-vous pour ne pas être torturée par les meurtres que vous commettez ?"

Elle me répondit d'un ton tranchant, ferme mais pourtant doux.

"Il y a une grande différence entre nous. Moi, je sauve des vies et par eux, un peuple. Vous, vous ne vous contentez que d'anéantir une race."

Puis elle abaissa son arme.