« Une rencontre n'est que le commencement d'une séparation. »

Blaine Anderson avait trainé les pieds jusqu'ici, jusqu'à cet endroit où tout avait commencé. Ce quartier de Lima. Cet immeuble déjà dans un état abominable autrefois et qui aujourd'hui avait été laissé à l'abandon et livré à la nature qui l'avait désormais totalement dompté. Il se tenait droit, le regard posé sur cet endroit où il avait vécu il y avait maintenant presque quinze ans. Il avait beau chercher à travers ce paysage presque apocalyptique, c'était comme si toute trace de vie avait été effacé. La nature s'était chargée de faire oublier à ceux qui s'en souviendraient encore les faits qui avaient pu se passer, mais oublier n'était pas une tâche acceptable pour Blaine. Il avait promis de toujours garder en mémoire ce qu'ils avaient pu partager. Tous les deux. Ils avaient passé un pacte, et on ne rompait jamais un pacte, jamais. On le gardait avec soi jusqu'à ce que la mort nous emporte, jusqu'à ce que notre souffle ne cesse totalement d'exister.

Pas la moindre trace humaine, seulement quelques insectes qui sortaient quelques fois de n'importe où ou encore quelques lianes qui semblaient vouloir le retenir. Personne réussirait à faire cela, le retenir. Il n'était pas là par hasard. S'il s'était rendu dans cet endroit empli de souvenirs qui lui transperçaient le cœur, c'était pour vérifier que tout cela n'avait pas été qu'un simple rêve. Pour vérifier que cette fente avait bien existé, parce que c'était par elle que tout avait commencé. C'était dans ce que les ingénieurs auraient pu voir comme une simple erreur que tout résultait. Il aurait simplement fallu qu'un homme soit plus préoccupé par son travail que par sa famille au moment de la construction de cet immeuble pour que la raison de toute une vie disparaisse aussitôt.

Les marches étaient toutes plus abîmées les unes que les autres, et c'était à se demander comment l'immeuble entier réussissait encore à rester debout, sans s'écrouler misérablement au sol. « Il est le gardien de notre amour. Il ne pourra jamais se détruire. », voilà ce que ne pu s'empêcher de penser le jeune homme qui s'arrêta soudainement devant une porte dont la peinture rouge s'écaillait par l'usure du temps. Seul un petit écriteau persistait à cette dégradation qui semblait générale. « 07 ». C'était ici. Il posa alors lentement la paume de sa main sur la porte de l'appartement dans lequel il avait habité, avant d'exercer une pression assez forte pour qu'elle s'ouvre complètement, venant s'abattre brutalement contre le mur. Ce bruit sourd l'avait comme rappelé à la réalité. « Tu ne rêves pas, Blaine… Ne reste pas bêtement planté ici. Tu sais très bien ce que tu as à faire. ». Une certaine hésitation s'éprit soudain de lui… Et si finalement, ça ne lui faisait plus de mal que de bien… ? « Tu ne peux pas t'arrêter si près du but. ». Ses pas le guidèrent sans qu'il ne contrôle quoi que ce soit. Un automatisme. L'habitude. Il se retrouva planté au milieu de ce qui était autrefois sa chambre. Petite, certes, mais remplie de souvenirs qui ne se gênèrent pas pour fuser de toute part. Cette trace laissée par la cire… « Trois pas, Blaine. Seulement trois pas. » Il s'accroupit devant son propre mur, sortit sans attendre de sa poche un bout de papier déchiré à la hâte, et le fit glisser de l'autre côté du mur. L'air lui manquait, à présent. Tout était vrai, son esprit n'avait rien inventé. « C'est l'effet que t'impose la réalité, lorsqu'elle te prend de court. »