Te voilà mort. « Dragoncelle ». C'est pathétique.
Tu es pathétique. Un monstre de lâcheté.
Tu es méprisable. Tiens, voilà, je te méprise.
Oh Abraxas, si tu savais comme je te hais.
Comme je te hais d'avoir été si vieux et si indigent.
Comme je te hais d'avoir été si lâche, d'avoir été spectateur.
Quelle est ton histoire ? Quelle est notre histoire ? Existe-t'il un lien entre nous ?
Il parait que oui. Qu'il remonte vingt-six ans auparavant.
Tu étais déjà presque sénile. Elle était jeune, frêle, fragile. Du moins, c'est ce qu'on perçoit quand on regarde son petit portrait, tout en haut du grand mur du corridor, au manoir. Je ne l'ai pas connue. Tu ne m'en as jamais parlé. J'ai dû attendre mes douze ans pour qu'un elfe me dise « monsieur, cette femme est votre mère », en montrant un portrait de jeune fille, presque une fillette, pâle et maigre, dans un coin du mur à moitié caché.
Elle est morte, il y a 26 ans, en te donnant un héritier.
Qu'as-tu fait, pauvre fou… ?
Elle t'a donné un héritier que tu n'as jamais regardé. Tu étais enfermé dans ton bureau, à compter ton argent sans jamais le dépenser. Tu étais enfermé, à fuir les menaces, à fuir le destin, à refuser d'écouter. A roupiller nuit comme jour sur tes gallions et tes mornilles…
Jamais une embrassade, c'était les elfes de maison qui me nourrissaient, m'habillaient. Ils m'accompagnaient même voie 9 ¾, et déjà j'avais honte. Honte de n'avoir qu'un père qui n'était pas un père. Qui n'était rien.
Jamais un cadeau. Je réclamais parfois un jouet, un balai, ou même simplement du matériel pour l'école. Mais rien, jamais. Tu comptais tes sous, vieillard. Et ton fils… quoi ton fils ?
L'héritier de la plus grande et noble famille de sang-pur –peut-être après les Black- devait voler son propre géniteur pour ne pas arriver à Poudlard en haillons.
Jamais même une brimade. Je pouvais tout faire. Jamais tu n'as haussé la voix, levé la main sur moi.
Tu étais faible, si faible, vieillard…
Tu es ridicule. Tu es pathétique.
J'ai honte de toi Abraxas. J'ai honte. Je n'ose même pas te nommer père.
Tu es hideux.
Je suis heureux que tu sois mort aujourd'hui. Je suis heureux pour mon fils qui vient de naître et qui ne te connaîtra pas, qui ne connaîtra pas ton odeur fétide, ta lâcheté puante, ton ignominie.
Tu n'as rien d'un méchant homme, parce que tu n'es rien, n'as jamais rien fait. Je ne pourrais jamais dire, la tête haute, « cet homme était mon père ». Je suis content qu'il ne te connaisse pas.
Il me connaîtra, moi. Je ferai tout pour être l'homme qu'il admirera.
Il pourra. Je ne gâcherai pas tout. Pas comme toi.
Je pouvais tout faire, disais-je. Je n'ai rien fait. C'était avant. Presque 10 ans que je suis le serviteur du seigneur des ténèbres. Et moi, « serviteur », je suis moins bas que toi. Et je m'élève sans cesse.
Il me fait confiance, tu comprends ? C'est mon seul père. Grand, fort, puissant.
Je ne me contente pas d'avoir un sang-pur, je me bats pour lui comme il bat en moi. Ce sang que tu m'as donné en héritage compte plus que tout ton or amassé. Ce sang que je partage avec lui comme avec mon fils. Ce sang… pur.
Tu étais bas, je ferai quelque chose de grand, de haut, de beau.
Le nom Malfoy retrouvera par moi les lettres de noblesse que tu as failli lui faire perdre par ton inaction. Notre sang battra de nouveau la cadence du monde.
Et Draco, mon petit Draco, mon fils, qui a ce même sang pur, si pur…
Je te le promets, cadavre, dépouille. Je te le jure, sale crapule méprisable, gisant au fond d'un trou, la seule place qui te convient…
Il ne manquera de rien, jamais.
Il n'aura pas à rougir de son père, comme je l'ai fait du mien.
Dors bien Abraxas. C'est tout ce que tu as toujours su faire.
