Jusque là et après

Mary Campbell avait lu Cyrano de Bergerac quand elle avait seize ans. John lui faisait vraiment penser à Christian dans la pièce, pour la bonne et simple raison qu'il était incapable de lui dire des mots doux avec aisance.

C'était mignon, d'après elle. C'était lamentable, d'après lui.

Elle aimait bien lui demander à quel point il l'aimait. Rien que pour le voir s'empêtrer, rougir et bafouiller – oui, c'était du sadisme. Et alors !

« Tu m'aimes, John ? »

« Bien sûr que oui ! » répondit le jeune homme, d'un ton presque outré que sa tendre et chère ose douter de son affection.

« Même quand mon rimmel a coulé et que j'ai l'air d'un raton laveur ? »

« Un ravissant raton laveur » rétorqua l'ex-Marine.

« Même très tôt le matin, quand je n'ai pas encore pris de café et que je ne me suis pas lavé les dents ? »

« Moi non plus, je ne suis pas très fréquentable le matin… »

« Même quand je suis dans ma mauvaise période du mois ? »

« Mary, dis ce que tu veux, je t'aime. C'est tout et ça ne changera jamais. »

Elle le considéra avec tendresse.

« Et si je deviens grosse comme une baleine ? Tu m'aimeras toujours ? »

« Mais oui ! »

« Et si je perds mes deux jambes dans un accident de voiture qui me laissera aussi défigurée ? »

« Je t'aimerais quand même. »

« Et quand je serais vieille ? Avec le teint fripé comme une pomme pourrie, des seins tout flapis et plus aucun sex-appeal ? Tu m'aimeras quand même ? »

« Oui » jura solennellement le jeune homme aux cheveux noirs.

La jeune femme blonde se lova contre lui.

« Et quand je serais morte ? »

« Je t'interdis de mourir avant moi, tu m'entends ? On partira ensemble. »

« Réponds, gros malin. »

Il l'enlaça.

« Tu seras toujours ma femme. »

Elle sourit.

« Tu m'aimes jusqu'à la mort, alors ? »

Il lui rendit son sourire.

« Jusque là, et après. »