Chapitre un: L' invitée inattendue
C'était une journée comme on n'en avait pas vu depuis longtemps à Little Whinging. Une journée ensoleillée après tant de jours moroses et pluvieux. Cela pouvait expliquer la rare bonne humeur qui régnait au 4, Privet Drive. Pourtant ce changement n'avait pas l'air du goût d'un jeune homme resté dedans, allongé sur son lit malgré la chaleur étouffante. Grand, maigre, les yeux verts, le garçon portait des lunettes et avait sur le front une cicatrice étrangement ressemblante à un éclair. Il avait de grands cernes sous les yeux, le teint très pâle. Même ses cheveux étaient plus plats que d'habitude.
Depuis la mort de son parrain, Sirius Black, Harry Potter n'était plus que l'ombre de lui-même.
Harry était épuisé. Ses sentiments se perdaient en lui. Seul Sirius lui occupait l'esprit. Sirius... Sirius...Il est mort, se disait Harry et il replongeait dans sa torpeur.
La chaleur qui régnait au dehors l'invitait à ne pas bouger. Il fixait le plafond, de grosses gouttes de sueur perlaient à ses tempes. Sa respiration se précipitait de plus en plus. Ses paupières devenaient lourdes... «Non... ne pas dormir, ne pas dormir... » Sa lutte contre le sommeil devenait de plus en plus ardue...
Il était dans la Grande Salle, penché sur son questionnaire d'histoire de la magie. Il ferma les yeux et plongea son visage dans ses mains afin d'essayer de se concentrer....
Il marchait à nouveau dans le couloir menant au Département des Mystères. Il se retrouvait ensuite dans une grande pièce circulaire avant de franchir une seconde puis une troisième porte. Il aboutissait une fois de plus dans cette salle remplie d'étagères et de globes de verre.
Tout au bout d'une allée, entre deux rangées d'étagères, il voyait Voldemort torturant son parrain Sirius, allongé sur le sol, en agonie, et le menaçant de mort.
Pas à pas, Harry revivait son calvaire entre son rêve « prémonitoire » et l'assassinat de Sirius...
« Allons, tu peux faire beaucoup mieux que ça ! » criait son parrain à Bellatrix de sa voix forte
Le second jet de lumière le frappa en pleine poitrine.
Le rire ne s'était pas complètement effacé de ses lèvres mais ses yeux s'agrandirent sous le choc.
Sirius semblait mettre un temps infini à tomber. Son corps se courbait avec grâce et basculait lentement en arrière à travers le voile déchiré suspendu à l'arcade.
L'étoffe déchirée se souleva un bref instant, comme agitée par une forte rafale, puis se remit en place.
D'un bond, il parvint au bas des gradins et entendit résonner la puissant voix de son parrain l'implorant :
« Harry ! Harry ! Pourquoi ?... Harry ! Tu ne... »
Il rouvrit les yeux. Sa cicatrice lui faisait horriblement mal comme si elle était sur le point d'exploser. Il était tout en sueur et son corps était parcouru par des spasmes, comme s'il avait le hoquet.
Cela devait faire au moins la centième fois qu'il faisait cet affreux rêve depuis la mort de son parrain. Cette mort lui occupait tout son esprit laissant très peu de place à un quelconque sentiment heureux. C'était déjà assez difficile comme ça de s'épanouir quand on habitait dans une famille comme les Dursley.
Il se leva, titubant dans les ténèbres, et s'approcha du miroir brisé siégeant au milieu de sa chambre. Il se rendit alors compte que l'on pouvait confondre son reflet avec les murs d'un blanc douteux de sa chambre. Un rayon de soleil pénétra soudain dans sa chambre encore restée sombre, les volets étant à demi clos. Harry se précipita vers sa montre et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il s'aperçut qu'il était plus de 10h du matin. Il avait donc dormi plus de... 18 heures d'affilées. C'était par conséquent aujourd'hui son anniversaire.
Il avait aujourd'hui seize ans et rentrerai bientôt en sixième année à Poudlard.
Après avoir ouvert ses volets, il s'allongea sur son lit afin de méditer. Il se remémora toutes ses belles années à Poudlard, sa véritable maison, ainsi que les bons moments passés en compagnie de ses amis Ron et Hermione.
En première année, il avait empêché Voldemort de s'emparer de la Pierre Philosophale qui lui aurait permis de récupérer ses anciens pouvoirs. De plus, il avait aidé sa maison, Gryffondor, à remporter la Coupe des Quatre Maisons et à gagner la Coupe de Quidditch de Poudlard.
Pour sa seconde année, il avait du affronter l'héritier de Salazar Serpentard, le fondateur de la maison du même nom, qui avait rouvert la Chambre des Secret de Poudlard...
Sa tête devenait lourde. Ses paupières se fermaient peu à peu malgré la résistance d'Harry.
Il se sentait sombrer dans le sommeil...
Il parcourait toujours le couloir qui menait au Département des Mystères. Il se retrouvait devant la première porte qu'il ouvrait d'habitude sans difficulté.
« TOC ! TOC ! TOC ! »
« TOC ! TOC ! TOC ! »
Harry se réveilla en sursaut. Quelqu'un tapait avec vigueur à sa fenêtre. Il ouvrit enfin les yeux et remarqua alors les auteurs de ce tapage.
Plusieurs hiboux se tenaient sur le rebord de sa fenêtre restée close depuis la veille. Harry reconnut l'un d'eux pour être Coquecigrue, le hibou de Ron, tandis que l'autre, assez petit, au plumage blanc comme la neige, lui sembla inconnu tout comme le troisième qui possédait un plumage noir argenté qui paraissait gelé et claquait du bec. Tous trois étaient munis d'une lettre et d'un colis chacun. Seul le hibou argenté n'avait pas de colis. Coq portait un paquet beaucoup trop gros pour lui.
Harry s'empressa d'aller leur ouvrir la fenêtre. Aussitôt, les hiboux s'engouffrèrent dans la pièce se jetant sur la boîte de nourriture d'Hedwige, la chouette d'Harry, partie depuis quelques jours apporter une lettre à Ron dont Harry attendait toujours la réponse. Rassasiés, les hiboux se décidèrent enfin à remettre leur cargaison à Harry.
Il commença par attraper la lettre à l'écriture féminine au petit hibou blanc.
Mr Harry Potter
4, Privet Drive
Little Whinging
Surrey
Il ouvrit d'abord le paquet et trouva à l'intérieur une boîte de Chocogrenouilles qu'il s'empressa de commencer, n'ayant pas mangé depuis la veille à midi.
Il remarqua alors au dos de la lettre qu'elle était aux armoiries de Poudlard.
« Bizarre, se dit-il, nous recevons normalement les fournitures seulement quelques jours avant la fin des vacances et en plus d'habitude il n'y a pas de cadeau joint avec la liste des livres. »
Harry se décida enfin à décacheter la lettre.
Il en tira un papier jauni sur lequel était écrit :
Cher Mr Potter,
J'ai l'honneur de vous annoncer que vous avez été désigné comme successeur à Angelina Johnson au poste de Capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor sous réserve d'acceptation de votre part. Etant donné le nombre d'élèves ayant quitté l'école, vous devrez sans doute constituer une nouvelle équipe.
J'espère que l'interdiction de jouer que vous avez eu l'année dernière ne vous aura pas trop handicapée. Je compte sur vous pour faire gagner une fois de plus à Gryffondor la Coupe de Quidditch.
Bonne chance.
Je vous prierez de m'envoyer votre réponse par l'intermédiaire de mon hibou personnel.
Minerva McGonagall,
Directrice de Gryffondor,
Professeur de Métamorphose.
PS : Bon anniversaire !
Harry du relire la lettre à plusieurs reprises afin de se rendre compte de ce que l'on lui proposait. Lui, Harry Potter, capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor ! Il n'en croyait pas ses yeux ! C'était sans doute le plus beau cadeau d'anniversaire que l'on pouvait lui faire.
Il resta hébété quelques instants puis reporta son attention sur le paquet qu'apportait Coq. Il soupesa le colis et fut intrigué du poids. Il le déballa et un énorme livre tomba sur ses genoux avec un bruit sourd. Le titre du livre était : Comment mener son équipe à la victoire ? Cela laissait entendre que Ron était au courant pour sa nomination.
Harry posa le livre sur le coté et prit la lettre qu'il décacheta :
Salut Harry
Bon anniversaire !
Alors tu as été nommé Capitaine ? Tu as vraiment beaucoup de chance. Pour les sélections, tu pourrais pas me trouver une petite place en tant que gardien ?
Comment se passe tes vacances ? Ce n'est pas trop dur ? (Harry savait qu'il faisait allusion à ce qu'il s'était passé en juin) Du moment que tes Moldus te fichent la paix... On essayera de se retrouver sur le Chemin de Traverse. Je peux pas te dire plus de choses au cas où la lettre serait interceptée. Ron
Harry fut déçu. Il espérait que Ron lui donnerais de nouvelles mais Harry ne savait pas quel genre de nouvelle pouvait lui faire plaisir désormais. C'était comme si le sort de ses amis ne lui importait plus. Il avait peur de ce sentiment. Devenait-il égoïste ? « Non, je ne le suis pas. » se défendait-il avec ferveur.
Il restait une dernière lettre à lire. Ne sachant pas à quoi s'attendre, il se montra précautionneux en dépliant le message. Il lut entièrement le contenu de la lettre une fois, deux fois, trois fois... Il ne pouvait pas y croire...
Tout les participants à l'AD (l'association de Défense Contre les Forces du Mal que Harry, Ron et Hermione avaient monté l'année dernière) lui avait écrit un petit mot. Chacun lui avait souhaité un joyeux anniversaire et le félicitait pour sa nomination. Apparemment tout le monde était au courant avant Harry. Le mot de Luna le fit particulièrement sourire :
Salut Harry
Je voudrais te souhaiter un joyeux anniversaire. En ce moment je suis en Antarctique avec l'expédition que mon père a organisé pour trouver une Ronflack Cornu. (Harry avait dès lors compris pourquoi le hiboux était transis de froid.) Pour l'instant, on tourne en rond mais on touche au but. Je t'enverrais une photo dès qu'on aura mis la main dessus.
J'ai bien fait d'assister au réunions de l'AD l'année dernière. J'ai pu repousser un Gobelin Tortueux des Neiges. Il était vraiment affreux.
Luna
Lorsque Harry eut fini de lire toutes ses lettres, il se précipita au dehors de sa chambre pour aller manger un peu. Chose bizarre, il se sentait bien. Cela n'était pas arrivé depuis le début des vacances. Il se demanda, en descendant l'escalier à la volée, laquelle des lettres avait pu avoir cet effet sur lui. La réponse lui vint aussitôt :
McGonagall, je vous adore, pensa Harry en déboulant dans la cuisine.
Les Dursley n'étaient pas en train de manger du fait de l'heure tardive mais Harry ne s'en souciait pas le moins du monde. Après tout si il pouvait déjeuner tranquille, il n'allait s'en plaindre.
Il venait de sortir la tête du réfrigérateur, les bras rempli de bacon, de fruits et de yaourts, quand il entendit crier dans la pièce voisine. Harry posa précipitamment son copieux assortiment sur la table et se rua vers le salon.
Sa tante était là, une lettre à la main. L'oncle Vernon derrière elle, essayait tant bien que mal de la rassurer. La tante Pétunia tremblait de tout son corps, le teint pâle, les traits extrêmement tirés. Harry se demanda si sa tante n'allait pas s'évanouir. Alors qu'il s'avançait pour lui porter secours au cas où, la tante Pétunia reprit des couleurs et ses yeux lancèrent des éclairs au jeune homme.
- Toi, hurla t-elle, qu'as-tu encore fais ?
Harry la regarda, interloqué.
- Moi ? bafouilla t-il, mais... mais je n'ai rien fais.
- Et ça, c'est quoi alors ? dit-elle en brandissant le parchemin.
- Allons, allons Pétunia, ma chérie... essaya l'oncle Vernon.
- Tiens, lis plutôt, coupa t-elle en lui mettant le courrier sous le nez
L'oncle Vernon commença sa lecture. Au fur et à mesure qu'il avançait, il passa du blanc rougeau au franchement rouge, pâlit, puis s'effondra sur un fauteuil pas loin. Le siège s'affaissa sous son poids.
Il se tourna brusquement vers Harry :
- Qu'as-tu encore trafiqué ? demanda t-il avec violence.
Harry l'observa, bouche bée. Il avait suivit toute la scène mais il ne comprenait encore rien. Il ne savait toujours pas de qui ni de quoi parlait cette lettre. Il se ressaisit et demanda enfin qu'on lui explique.
- Expliquer quoi ? brailla l'oncle Vernon.
- Ce que je suis censé avoir fait, s'impatienta Harry.
Pour toute réponse, Vernon lui jeta la lettre à la figure. Harry baissa les yeux vers la missive et lut à haute voix :
Mr et Mrs Dursley,
Des amis de Mr Harry Potter que vous hébergez généreusement chez vous, ont été victimes d'attaques par des fidèle de Lord Voldemort. Ce dernier a réussi à reprendre une forme humaine. Mr Potter a assisté à son retour sans le vouloir lors du Tournoi des Trois Sorciers, il y a deux ans. Lord Voldemort a alors tué un de ses compagnons. Depuis son retour, il a pu rassembler des adeptes l'aidant dans sa quête du pouvoir.
Miss Granger a été attaqué à son domicile, hier soir. Elle n'as pas été blessée du fait de la présence d'Aurors dans les environs mais le pire à été évité de justesse. Miss Granger est en grand état de choc.
Quand à Mr Weasley, il a été la cible de menaces, la semaine dernière mais rien ne s'est encore déroulé et il est surveillé de très près par une brigade de sécurité.
Nous aimerions que la situation n'empire pas, c'est pourquoi je vous demande de bien vouloir accueillir chez vous Miss Granger, Mr Weasley étant sous bonne garde. Elle arrivera demain, en fin d'après midi. Veillez à ne pas les laisser sortir de votre jardin et qu'ils ne s'aventurent dehors sous aucun prétexte.
Merci d'avance,
Albus Dumbledore, directeur de Poudlard.
Ps : Bon anniversaire, Harry.
Harry, choqué, rendit la lettre à son oncle. Toute la joie qu'il avait éprouvé lors de sa nomination capitaine s'était envolée aussi rapidement qu'elle était venue.
Hermione et Ron... attaquée et menacé... par sa faute. Il sentit la culpabilité lui tourner autour pour finir par s'introduire en lui. Son cœur était pris dans un étau et il respirait difficilement. « Ils auraient pu mourir par ta faute, idiot. » se lança t-il.
L'oncle Vernon le sortit de ses sombres pensées :
- Alors tu nous expliques, oui ?
Mais Harry était trop bouleversé pour répondre et il s'enfuit du salon sous les vociférations de son oncle. Une fois dans sa chambre, il s'affala sur le lit, en proie à une forte colère contre lui.
- Pourquoi ? demanda t-il au plafond qui resta de marbre. Pourquoi ?
Pourquoi ? La question aurait pu lui arraché des cri de fureur. A chaque question, le ton de sa voix devenait plus dure et plus ferme.
- Voldemort, vous n'êtes qu'un lâche ! lança t-il au plafond. Vous vous en prenez à mes amis alors que c'est moi que vous voulez. La prophétie me concerne. Pas Ron, pas Hermione, moi.
Il sentit les larmes lui picoter les yeux. Non, il ne pleurait pas. Ce n'est pas le moment.
Il se leva avec la ferme intention de parler à quelqu'un de ce qui venait de se passer, de demander des explications.
Il s'installa à son bureau, prit une plume et du parchemin et resta là, pensif. Qu'allait t-il écrire pour exprimer ce qu'il ressentait. Puis une autre question plus terrible encore lui traversa l'esprit : à qui ? A qui écrire cette lettre ? Hermione et Ron lui en voulait sûrement. Ils ne voudrais pas l'écouter et Hermione ne serais sûrement pas en état de lui répondre. A leurs noms, la culpabilité se frotta à nouveau contre ses jambes comme un chat. Lupin ? Non, il lui dirait probablement que ce n'était pas de sa faute mais Harry était persuadé du contraire. Dumbledore ? Harry repoussa cette idée le plus loin possible de son esprit. Et puis quoi encore ? Il se voyait mal parler de ça à quelqu'un qui lui avait envoyé la mauvaise nouvelle. Restait une personne cependant Harry ne voulait même pas y penser. Mais l'idée persista à s'écouler dans son cerveau comme si il y avait une fuite.
- Sirius, pourquoi m'a tu laissé seul ? gémit-il
Mais il regretta tout de suite ses paroles. Après tout si Sirius avait disparu (Harry se refusait à dire mort), c'était de sa faute. S'il avait correctement pratiqué l'occlumancie alors rien de tout cela ne serait arrivé, son parrain aurait reçu sa lettre et aurait pris tous les risques possibles pour venir le voir. Ca aurait été tellement bon de le retrouver...
Disparu...disparu... disparu... menacé... disparu...disparu...attaquée... disparu... Ces mots se succédaient à une cadence effrénée dans l'esprit de Harry. Il s'efforça de ne pas entendre le chœur des voix lui répéter « de ta faute, de ta faute » sur un ton moqueur.
Il fit valser son parchemin et sa plume. Les mots continuaient leur musique abominable. Harry refusait de les écouter. En vain. La chanson emplissait son crâne lui interdisant toutes autres pensées. Puis une image vint s'ajouter à ce bazar ; Ron, mort au square Grimmaurd. Harry de secoua. Non, la personne étendu sur le sol était un stupide et bête Epouvantar.
Le jeune sorcier se prit la tête entre ses mains. La figure obsédante de Ron restait lumineuse sous ses paupières closes. Elle se dissipa peu à peu, laissant la tache rouge des cheveux de son ami dans le regard de Harry. Le rouge feu au début passa au rouge sang dans son esprit.
Le sang... Le sang... la mort.
- Non, hurla t-il à son cerveau. Ron n'est pas mort, ni Hermione. Capté ?
- Oui, oui, compris, répondit ironiquement une petite voix dans sa tête. N'empêche que...
- TAIS TOI, ordonna Harry.
La petite voix n'ajouta rien. Mais Harry savait qu'elle referait surface dans un moment pire que celui là ; elle revenait toujours.
Pour se changer les idées, il se leva et alla se poster devant le miroir qui couvrait toute la porte de son armoire. Il se regarda attentivement comme si il ne s'était jamais vu auparavant.
Harry, contrairement aux autres années, n'avait pas beaucoup grandi. Il devais atteindre tout au plus un mètre soixante quinze. Mais il paraissait plus petit à cause de la maigreur effrayante qui s'était emparée de lui et sa pâleur n'arrangeait rien.
Il s'approcha davantage de son reflet. Sa cicatrice était plus marquée et elle le picotait continuellement. Il n'y prêtait pas attention.
Il descendit son regard vers ses yeux. Ils n'avaient pas changé de couleurs même si ils étaient plus pâles qu'avant comme si Harry avait perdu la petite flamme qui y brillait habituellement. Même si ils avaient perdu un peu de lumière, les yeux de Harry contrastait étrangement avec le reste de son visage. « A cause des cernes » se dit Harry.
Sa bouche était fine, ses lèvres d'un blanc affolant étaient gercées. Harry ne comprenait pas pourquoi elle étaient ainsi mais il ne faisait rien pour les empêcher de se crevasser davantage. Autour de sa bouche, il y avait une sorte de noirceur peu visible : la barbe. Pour le moment cela ressemblait plus à un duvet qu'à autre chose.
Harry ne s'était pas encore fait à son visage. Il ne se souvenait pas avoir jamais été comme ça. « Je suis affreux » se dit t-il sans conviction.
Sa voix aussi avait changé. Elle avait pris un ton plus grave laissant de côté le timbre enfantin. Harry se rappela qu'il avait essayer de chantonner pour voir l'effet de sa nouvelle voix. L'oncle Vernon avait alors surgit dans sa chambre en demandant ce qui faisait ce bruit. Harry avait été terriblement vexé et il n'avait plus essayé de chanter.
Finalement il recula de son reflet en se disant qu'il finirait par abîmer le miroir. Il pouvait se voir en pied.
Chercher les erreurs qui se sont glissées entre l'image d'un zombie et moi, plaisanta t-il sans ardeur. Alors ? Non effectivement, il n'y en a aucune.
Il se sourit pour essayer de se donner un air humain mais ses lèvres gercées s'ouvrirent et commencèrent à saigner. Harry poussa un soupir et se pinça les lèvres. Il regarda l'heure sur son réveil.
11h. Bon, ça me laisse le temps de ne rien faire. Ou de commencer mes devoirs, dit il après un moment de réflexion.
Il sortit les livres de sa valise et s'assit sur son lit. Il regarda par la fenêtre. Il faisait chaud, très chaud. Il ouvrit la fenêtre pour tenter d'inviter la fraîcheur mais cela provoqua l'effet inverse. Son t-shirt lui collait à la peau. Il l'enleva découvrant des bras fins et sans muscles apparents. Son torse était d'un blanc laiteux. Ses côtes ressortaient du fait de sa maigreur. Mais il s'en moquait. En ce moment, le physique était la dernière chose dont il se souciait.
Il se pencha sur son devoir de métamorphose. La question était : Comment deviens t'on animagus ?Naît-on ainsi avec le pouvoir en soi ou doit–on apprendre à le devenir ? Qu'est ce qu'apporte la transformation ? Quelles sont les différentes méthodes pour devenir animagus ?
Harry avait du mal à se concentrer. Il relut plusieurs fois la question avant de s'apercevoir qu'il comprenait un mot sur trois. Il ria jaune car dans sa tête la question était devenue : Comment...on...naît...avec...en...apprendre...qu'est...transformation...différentes...devenir
- C'est explicite, clair et on comprend facilement.
Au moment de manger, personne ne l'appela pour descendre. Il se dit qu'il ne devait sûrement pas être la bienvenue.
Il travailla l'après midi entier. Harry n'avait pas franchement le choix. Si il s'arrêtait, il ne pouvait s'empêcher de se faire des remarques désagréables ou il sentait la culpabilité remonter dans sa gorge. La mort de Sirius, l'attaque dont avait été victime Hermione ainsi que les menaces reçues par Ron lui pesaient sur les épaules Il se sentait étourdi. Ses épaules s'affaissaient et il rentrait la tête comme s'il s'attendait à voir l'armoire lui tomber dessus.
Le soir, après qu'il eut à nouveau sauté le repas, il se glissa dans le jardin pour profiter de l'air frais. Il frissonna de plaisir en sentant une brise lui caresser la nuque. Il s'assit sur la pelouse, une jambe pliée et l'autre tendue et resta ainsi le nez en l'air respirant le vent délicieusement agréable. Tout était calme dans Privet Drive. Rien ne venait troubler le silence du quartier. La lumière qui émanait des fenêtres du voisinage était tamisée par les rideaux.
Harry commença à penser sérieusement à passer la nuit dehors mais lorsqu'il entendit la tante Pétunia le chercher à travers la maison, il se releva et se dirigea vers sa chambre. En passant devant elle, il prit un air ostensiblement ennuyé. Il mit son pyjama mais enleva le haut car sa chambre était une fournaise. Il se coucha, fit son possible pour chasser toutes pensées de son esprit et s'endormi paisiblement.
Harry se réveilla le lendemain, assez tard car il pouvait faire la grasse matinée. Son oncle et sa tante avaient décidé de l'ignorer superbement et ils le laissaient dormir. En plus c'était la seule méthode que Harry avait trouvé, à part le travail, pour ne pas se sentir coupable de la mort (« disparition », pensait Harry ) de Sirius. Depuis qu'il était arrivé à Privet Drive, il passait le plus clair de son temps sur son lit ou sur la pelouse, à se reposer. « Garde tes forces ! La guerre n'a pas encore commencé. Garde tes forces pour quand elle arrivera. » se disait Harry pour se justifier de ne rien faire. Il lui semblait se mentir à lui-même. Il n'avait pas la moindre envie de faire quoi que ce soit et c'est ce qui le poussait à s'affaler sur le sol dès qu'il en avait l'occasion.
Il laissa filer la journée dans l'attente du soir et de l'arrivée d' Hermione. La chaleur était extrême et Harry, bien que allongé paresseusement à l'abri des haies, transpirait abondamment. Il alla prendre une douche.
Il était en train de se laver les cheveux quand il entendit la sonnette de la porte d'entrée.
- Oh oh ! Et zut ! dit-il en se frottant les yeux pour que le shampoing parte.
Mais il aggrava son cas car à présent ses yeux le piquaient affreusement.
- Oh bon tant pis ! On se rince, Harry, on se sèche et par-dessus tout on se grouille !
Il attrapa une serviette sèche, l'enroula autour de sa taille, courut jusqu'à sa chambre. Il laissa la porte entrouverte pendant qu'il s'habillait rapidement.
- Bonsoir Mr Dursley, ravi de me revoir ? grogna une voix que Harry ne parvint pas à identifier.
L'oncle Vernon répondit par un grognement semblable. Harry dévala l'escalier, failli rater la dernière marche dans sa précipitation et déboula dans le hall. Maugrey, Lupin,Tonks se trouvait là ainsi que l'oncle Vernon, Mr Weasley et Hermione. Pétunia et Dudley n'étaient pas là.
- Bonsoir tout le monde, dit Harry
- Bonsoir Harry, répondit Mr Weasley.
- Salut, dit Tonks en lui adressant un clin d'œil.
- Tu vas bien ? lui demanda Maugrey
Harry ne répondit pas et Tonks donna un coup de coude dans les côtes de l'ex-Auror. Il se renfrogna.
- Harry, demanda Lupin, voudrais tu bien amener Hermione dans ta chambre, s'il te plait ?
- Oh ! oui, bien sûr professeur
- Et arrête de m'appeler professeur. Je ne le suis plus dorénavant. Mon nom, c'est Remus, d'accord ?
- Oui, prof... euh... Remus.
Harry prit la main d'Hermione qui n'avait pas fait un seul mouvement depuis son arrivée. Elle qui sautait toujours au cou de Harry dès qu'elle le revoyait après longtemps. Il tira Hermione mais elle ne fit pas un seul mouvement.
- Oh attend, s'écria Tonks, enervatum !
Harry la regarda, interloqué. Mais Hermione ne bougeait toujours pas. Il la prit par les épauler et la força à avancer. Il jeta un coup d'œil par-dessus son bras pour regarder Tonks. Celle-ci ne semblait pas affectée d'avoir lancé un sort sur Hermione.
On aurait dit que Hermione était rouillée ou qu'elle n'avait jamais appris à marcher de sa vie. Elle se cognait contre les murs comme si elle était aveugle et elle avait du mal à se déplacer. Il la conduit dans sa chambre et la força à se coucher sur son lit. Il ressortit et ferma la porte derrière lui.
- Alors ? demanda Tonks quand Harry revint dans le hall.
- Je ne sais pas si elle va très bien. Je l'ai forcée à se coucher et je ne sais pas si elle dort.
- Elle est encore sous le choc.
Harry acquiesça, compréhensif. Lui aussi avait été choqué plus d'une fois.
- C'est pas que je m'ennuie mais il nous faut repartir, grogna Maugrey. Prend soin de Granger, Potter,elle en a besoin.
- J'ai encore une question. Pourquoi Tonks a dû lui jeter un sort ?
- Ne t'en fait pas Harry, rassura Lupin. C'est juste que nous lui avons fait prendre une potion pour qu'elle reste endormie jusqu'à ce qu'elle réussisse à emmagasiner tout ce qu'elle a vécu. Tu vois ce que je veux dire ?
- Oui, prof... Remus
- Mais ne t'inquiète surtout pas. Quand elle sera prête, elle se réveillera. Et nous avons du lui lancer un sort car elle est devenue incontrôlable après l'attaque.
- D'accord. Mais qu'est ce que...
- Harry, interrompit Lupin, nous devons absolument y aller. Il est l'heure.
- Tu diras bonjour aux Dursley, n'est ce pas ? demanda Mr Weasley avec une pointe d'espoir dans la voix.
- Oui oui, bien sûr, dit Harry.
- Bon, alors, à bientôt Potter, grogna Maugrey avant de sortir de la maison.
Lupin sortit à sa suite puis Mr Weasley et enfin Tonks.
- N'oublie pas de passer le...
- Arthur ! gronda Tonks, arrête d'embêter cet enfant.
- Ne vous en faites pas Mr Weasley, je n'oublierais pas.
Mr Weasley, rassuré, transplana dans un craquement sonore. Ses amis firent de même. L'écho du craquement se fit entendre quelques secondes encore puis se dissipa. Harry regarda un moment l'endroit d'où ils venaient de disparaître. Il se retourna pour courir dans sa chambre au chevet d'Hermione. Il croisa au passage l'oncle Vernon et Harry lui cria qu'il avait le bonjour de Mr Weasley. L'oncle Vernon ne répondit pas et alla au salon.
Il entra doucement dans la chambre au cas où Hermione dormirait. Il ne regarda pas le lit tout de suite. Il n'osait pas encore le faire. Si jamais elle était plus mal que Harry ne le pensait, il ne pourrait que s'en vouloir.
Il se dirigea vers son bureau et s'installa à califourchon sur sa chaise, les bras contre le dossier. Il ferma les yeux et tourna la tête vers le lit où reposait son amie. Il voulait retarder le plus possible le moment ou il devrait ouvrir les yeux et regarder le mal qu'elle avait subi. Il prit une grande inspiration et souleva ses paupières.
Hermione était roulée en boule, ses bras autours de sa tête, comme si elle voulait se protéger de quelque chose. Elle avait les traces du passage des larmes sur son visage convulsé. Sa peau était pâle mais elle n'avait pas de cernes sous les yeux. Elle paraissait avoir pris cinq ans à cause du rictus que formait sa bouche et du froncement de ses sourcils comme si elle était en proie à une grande douleur. Ses cheveux étaient encore plus ébouriffés que d'habitude et ils étaient sales. Ses vêtements étaient froissés et crasseux, couverts de sang, de boue et de poussière.
Harry ne bougeait pas. Il ne reconnaissait pas son amie, d'habitude si propre. Il contemplait ce spectacle affligeant, avec la ferme intention de faire quelque chose pour l'aider à supporter sa douleur mais il ne savait quoi faire. Il aurait voulu hurler pour lui dire de se réveiller, qu'il ne fallait pas céder, qu'il était là. Mais rien ne sortait de sa bouche. Lui aussi souffrait en silence. Il savait que la potion ne l'aiderait pas à aller mieux avant quelques jours mais pendant ce laps de temps, qu'allait devenir Hermione ?
Soudain, elle se recroquevilla davantage sur elle même. Elle murmura « maman...maman, au secours...papa. ». Elle avait juste chuchoté ces mots mais, pour Harry, c'était comme si elle les avait hurlés dans son oreille. Les larmes se mirent à rouler sur les joues d'Hermione. Elles lui mouillaient le visage déjà sale et l'oreiller de Harry. Il fut bientôt trempé. Mais les larmes continuaient d'affluer et Hermione continuait de gémir, agitée de tremblements convulsifs.
Harry la regardait, impuissant. Il savait ce qu'elle ressentait car lui-même avait fait des cauchemars aussi ou plus terribles que ceux d'Hermione, l'année dernière. Il était heureux que Dudley ne soit pas là pour lui rappeler.
Son cousin passait les journées chez sa petite amie. Quand Dudley avait annoncé cela au début des vacances, Harry avait du faire appel à son sang froid pour se retenir de rire. Une petite amie... L'idée le faisait encore rire. Pas qu'il trouvait que ce n'était pas bien, au contraire, mais il n'avait pas comprit comment son débile de cousin s'était débrouiller pour en dégoter une. Soit Dudley avait réellement un charme fou, soit la petite amie était franchement bête. Mais Harry n'avait pas cherché à en savoir plus. Il ne voulait pas engager la conversation avec son cousin souvent absent, sachant que ce dernier prendrait plaisir à lui rappeler que Harry n' avait pas de copine.
Il se secoua et reporta son attention sur Hermione. Elle pleurait toujours mais ne gémissait que rarement maintenant. Il su tout d'un coup quoi faire comme si la solution avait toujours été présente dans son esprit. Il se leva et s'approcha du lit le plus doucement possible. Hermione était toujours prostrée. Harry posa sa main sur l'épaule de son amie, essayant de faire passer une flux de paix dans son corps. Mais il se rendit compte qu'il n'était pas en paix avec lui et il retira sa main. Il la posa sur la joue d'Hermione, et lui caressa doucement le visage en murmurant : « Calme toi... Il ne peut rien t'arriver...Je suis là... Tu es en sécurité ici. »
Harry n'aurait pas su dire combien de temps il était resté ainsi. Mais maintenant Hermione ne sanglotait plus. Il enleva la main de sa joue et sortit de la chambre. Il entra dans celle de son cousin qui n'était pas là. Harry se refusa à laisser vagabonder son imagination jusqu'à la chambre de la petite amie. Il prit la couette qui recouvrait le lit n'ayant pas servi depuis plusieurs jours visiblement. Il l'emporta dans sa chambre avec un oreiller, bien décidé à ne pas laisser seule Hermione. Une fois dans la pièce, il plia la couette en deux de façon à se fabriquer un matelas. Il posa l'oreiller, enleva ses lunettes et s'allongea. Il était encore tout habillé.
- Tant pis, je ne me change pas.
Ses paupières se fermèrent lentement. Une main vint lui caresser la joue, lui murmurant de ne pas faire de cauchemars, qu'elle était là et que rien ne pouvait lui arriver. Il se tourna vers cette jeune femme qui lui chuchoter doucement à l'oreille. Elle avait les cheveux roux, les yeux extraordinairement verts. Elle le regardait amoureusement.
Harry se réveilla en sursaut :
- Maman, murmura t-il.
Il regarda par la fenêtre. Le jour perçait à travers les volets qu'il avait pris soin de fermer. Il faisait beau et la journée était déjà avancée.
Il se leva, tira sur ses vêtements pour les défriper mais c'était peine perdu. Il se tourna vers Hermione. Elle dormait toujours mais elle ne pleurait plus et avait cessé de gémir.
Harry se dit qu'il pouvait la laisser seule un moment. Il sortit de la pièce sur la pointe des pieds. Il dévala l'escalier et débarqua dans la cuisine. Il fut surpris de voir l'oncle Vernon et la tante Pétunia en train de manger. Il pensait qu'il était déjà tard et donc qu'ils ne seraient pas là.
- Tiens, mon garçon, dit l'oncle Vernon. On voulait te parler.
Harry fronça les sourcils. Habituellement quand l'oncle lui disait ça, il ne fallait rien présager de bon.
- Cette fille, là, Hermio.
- Hermione, rectifia nonchalamment Harry.
- Oui, oui, Hermione... elle est sorcière je suppose ?
- Tu suppose bien, dis donc, répondit ironiquement Harry.
- Ne me cherche pas ! grogna l'oncle Vernon. Je ne veux pas qu'elle s'approche de Dudley ou de Pétunia, compris ?
- Quoi ? s'écria Harry. De toute façon, il est toujours chez sa copine alors il n'y a pas de risques. Et tu ne t'es jamais demander ce qu'il y faisait chez...
- Et tu dors dans la même chambre qu'elle ? interrompit l'oncle Vernon.
- Oui pour le moment
Harry s'arrêta en voyant le regard plein de sous entendu de son oncle. Il reprit brutalement :
- Je ne sors pas avec Hermione, O.K. ?
- Encore un truc, pas question que vous mangiez avec nous. On ne veut pas que des choses bizarres nous arrivent. Et si jamais quoi que ce soit qui sort de l'ordinaire se passe, c'est dehors tout les deux.
- Non, Vernon, coupa la tante Pétunia. On ne peux pas les mettre dehors.
L'oncle Vernon tourna vers elle, interrogateur. Elle lui jeta un coup d'œil du style « Ne pose pas de questions » puis replongea dans son bol de thé.
Harry prit des fruits dans une coupe posée sur le bar et monta à l'étage. Dans sa chambre, il regarda la jeune sorcière assoupie magiquement. Elle n'avait pas changé d'état depuis tout à l'heure. Il s'assit sur le rebord de la fenêtre et dégusta les fruits. Les maisons voisines étaient repliées sur elle-même, volés fermés comme si elles tentaient par tout les moyens de se protéger du soleil brûlant. Seules quelques fenêtres était ouvertes, elles semblaient hurler l'arrivée d'une brise inexistante.
Hermione sommeilla trois jours durant. Les derniers jours, elle s'était détendue, avait déplié les jambes, son froncement de sourcil avait disparu et ses bras n'était plus enroulés autour de sa tête. Elle paraissait paisible.
Harry, lui, continuait de se reposer au chevet de son amie et de manger dans sa chambre. Il avait reçu des hiboux de Lupin lui demandant des nouvelles de la jeune fille. Il avait répondu en disant qu'elle dormait inlassablement. Il avait nettoyé le visage d'Hermione, la veille pour enlever les traces de ses larmes. Quand il avait passé le gant sur son front, il s'était rendu compte qu'il était brûlant. Quand il lui avait retouché les front ce matin, il avait constaté qu'elle n'avait plus de fièvre.
Il était assit à califourchon sur sa chaise comme lorsque Hermione était arrivée. Il la fixait, ses yeux traçant les contour de chaque ligne de son visage comme s'il craignait d'en perdre une miette. Il avait retracé les bords de ses yeux, de ses lèvres et de son nez. Il la contempla comme cela n'était jamais arrivé, dévorant les détails du visage fin de son amie.
Harry s'arracha à sa contemplation. Il prit un parchemin et écrivit rapidement :
Si tu te réveilles, je serais dans le jardin. Appelle moi si tu as un problème.
Harry
Il descendit dans le jardin pour profiter de l'air frais du soir. Il regarda les parterres de fleurs, débordant de couleur bien qu'asséchés par le soleil. Les fleurs bougeaient avec la brise.
Il était assis par terre, une jambe pliée, l'autre tendue devant lui, les bras vers l'arrière pour le soutenir. Il avait les yeux plongés dans les platebandes, attirés par les teintes chatoyantes. Il entendait vaguement le bruit des Dursley s'agitant dans la maison. La voix de l'oncle Vernon s'élevait dans la maison pendant qu'il appelait sa femme puis une autre voix se mêla à celles de sa tante et de son oncle. La voix d'un timbre éteint disait :
- Bonsoir Mr et Mrs, Excusez moi de vous déranger mais pourriez vous me dire comment on accède au jardin ?
La tante Pétunia poussa un cri perçant. L'oncle Vernon lâcha un juron et se mit à insulter la pauvre personne qui venait de parler.
Harry se releva d'un bond et couru à toute vitesse vers la maison. Il arriva dans la cuisine, essoufflé, et fut témoin d'un terrible spectacle ; l'oncle Vernon menaçait du doigt Hermione qui était recroquevillée contre le buffet. Harry sentit une vague de fureur monter en lui. Il se précipita sur son oncle, le renversant. Il lui assena un coup de poing dans la mâchoire. La tante Pétunia, pétrifiée, hurlait de tout son soûl. Harry, toujours au sol, se battait avec son oncle. Il avait déjà esquivé plusieurs coups, mais lui n'en ratait aucun. Il décrocha des coups dans le ventre de l'oncle Vernon. Ce dernier se débattait mais son neveu tenait bon.
Puis tout à coup, l'oncle Vernon stoppa tout mouvements. Il resta étendu sur le sol, les bras en croix, le visage rouge. La tante Pétunia se tu, affolé par l'état de son mari.
Harry se releva et hurla à son oncle :
- Ne t'avise jamais plus d'insulter Hermione, compris ?
Mais l'oncle Vernon ne répondit pas. Il était toujours par terre soufflant comme un taureau prêt à charger. Harry l'attrapa par le col de sa chemise et le souleva. Le corps de l'oncle Vernon s'éleva de quelques centimètres. Il se baissa, son visage très près de celui de l'oncle. Il grinça :
- Compris ?
- Oui, haleta l'oncle Vernon.
Il lâcha son oncle qui s'affaissa sur le sol. Tout bouillonnant de colère, il se tourna vers sa tante qui recula.
- C'est aussi valable pour toi !
La tante Pétunia, horrifiée, répondit par une grimace. Puis il se tourna enfin vers son amie. Mais quand il s'adressa à elle se fut d'une voix douce :
- Ca va mieux, Hermione ?
Elle hocha de la tête toujours appuyée contre le buffet, les genoux contre la poitrine. Elle leva les yeux vers Harry, ils étaient pleins de larmes. Il l'aida à se relever, puis il la prit dans ses bras lui disant doucement de se calmer. Elle hocha de la tête, toujours appuyée contre le buffet, les genoux contre la poitrine. Elle leva les yeux vers Harry : ils étaient pleins de larmes. Il l'aida à se relever, puis il la prit dans ses bras lui disant doucement de se calmer. Hermione se colla contre lui, toujours tremblante. Elle ravala ses sanglots et étreignit Harry de toutes ses forces. Il la repoussa enfin et la regarda dans les yeux :
- Viens ! Dans le jardin, il fait frais. C'est agréable
Hermione acquiesça, la gorge trop serrée pour parler. Harry l'entraîna dehors et ils s'installèrent près des haies qui bordaient le jardin trop parfait des Dursley. De là où ils se trouvaient, personne ne pouvait les entendre, à moins de coller l'oreille contre le massif broussailleux. Hermione s'assit, les yeux dans le vague. Harry la regarda puis s'assit à coté d'elle. « Elle a du vraiment avoir peur pour être dans cet état. »
Il attendit que Hermione fasse le premier pas pour lui raconter ce qui c'était passé. Après tout peut être qu'elle ne voulait pas en parler et tout garder pour elle. Harry l'aurait compris sans problème. Il savait que tout rentrer en soi était stupide mais lui aussi faisait pareil : il n'avait pas dit qu'il n'avait plus le choix qu'entre devenir victime, ou pire, assassin. Il refusait d'admettre des faits ou des évènements et ne parlait à personne de ses peurs et de ses angoisses. Pourtant, il arrivait un moment où tout explosait, à cause de cette accumulation de sentiments refoulés. Hermione décida de lui en parler :
- Oh, Harry ! C'était terrible, terrible. Je ne sais même pas comment je suis arrivée ici. Terrible...affreux...sont tous arrivés d'un coup...mes parents...blessés...me suis cachée
Ses idées s'embrouillaient et ses paroles s'en ressentaient.
- Hermione, intervint Harry. Hermione ! Calme-toi !
Harry se plaça à genoux devant elle. Les mèches de cheveux sales étaient collés au visage ravagé par les pleurs de son amie. Il les écarta, les plaça derrière son oreille, caressant au passage sa joue comme une promesse qu'il serait toujours là pour la rassurer.
- Avant de commencer à me raconter, vas prendre un bain. Tu vas te détendre et te laver. Ca va te calmer.
- Si tu veux, dit-elle d'une voix faible. Mais... euh... j'ai peur...
- Tu as peur de quoi ? s'enquit Harry.
- De ton oncle, finit Hermione, timidement.
- Ce n'est que ça ? s'esclaffa Harry.
- Oui, c'est tout.
Et Hermione se mit à rigoler. Mais son rire n'était pas profond comme d'habitude : on aurait dit que son cœur était fermé à toutes émotions heureuses, qu'elles devaient rester en surface et ne pas déranger son âme troublée.
Harry se releva et tendit la main vers elle pour l'aider à se relever. Elle l'agrippa et se mit debout lourdement. Où était passée la gracieuse Hermione qu'il avait toujours connu ? Toujours accrochée a son bras, Hermione suivit Harry jusqu'à dans la salle de bain.
- Fais-toi couler un bain, prend tout ton temps. Les serviettes sont là, dit-il en ouvrant un placard, et les produit de toutes sortes, ici, ajouta-il en tirant un rideau qui masquait une niche.
- Merci pour tout, Harry.
Elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa une baiser sur la joue de son ami. Il sortit de la pièce, les joues enflammées, titubant comme une ivrogne. Harry entendit Hermione glousser dans son dos, du même rire que tout à l'heure. Il se dirigea vers sa chambre et s'affala sur le lit. Le matelas rebondit légèrement et s'immobilisa. Harry n'en revenait pas : il n'avait pas été embrassé par une fille depuis que Cho s'était approchée de lui, dans la Salle sur Demande. Certes, ce n'était pas le même genre de baiser que lui avait donné Hermione mais il savait ce que cela représentait pour elle et pour lui. Elle n'était pas habituée à ce genre de démonstration d'amitié. Puis il eut la vision furtive des yeux furieux de Ron. Harry sentit son estomac se contracter. Il se sentait coupable vis-à-vis de son ami. C'était stupide et il en était conscient. Complètement stupide. Il resta étendu sur le lit, se baladant quelque part entre la Terre et la Lune.
Quelqu'un toqua à la porte. Harry fut surprit : les Dursley ne se donnaient pas cette peine habituellement. Il alla ouvrir et ce qu'il vit le laissa pantois. Hermione, sur le pas de la porte, le regarda bizarrement.
- Harry, ferme la bouche ou tu vas finir par avaler une mouche.
Harry reprit une contenance à peu près normale.
- Je viens chercher des affaires propres, reprit Hermione. Mais ma valise est restée chez moi après... Est-ce que tu pourrais me passer des vêtements, s'il te plait ?
- Hein ? Oh, oui... bien sûr.
Il détourna les yeux, rougit, montra l'armoire d'où débordaient des pantalons, des T-shirts et des sous-vêtements. Hermione lui adressa un bref regard de remerciement et se dirigea vers l'armoire. Harry, toujours les joues en feu, sortit précipitamment de la pièce. Une fois qu'il eut fermé la porte, il s'y appuya. Il était essoufflé comme s'il venait de parcourir un cent mètres à toute vitesse. Il se passa la main dans les cheveux, l'air décontenancé. Il essaya de chasse l'image d'Hermione de son esprit, sans succès : elle était arrivée dans sa chambre enroulée dans une simple serviette.
Hermione reparut, habillée d'un vieux jean passé et d'un T-shirt délavé bien trop grand pour elle. Elle semblait renaître après s'être débarrassée de la couche de crasse qui la recouvrait.
- Tu vas mieux ? lui demanda t-il.
- Oui, un peu. Ressortons dans le jardin, s'il te plait.
Ils sortirent de la maison. Harry, qui suivait Hermione, l'observait : ses cheveux mouillés pendaient dans sa nuque et dégoulinaient sur le T-shirt. Ses bras nus laissaient voir des blessures et des égratignures plus ou moins profondes. Elle s'assit sur la pelouse et Harry se posa à côté d'elle.
- Je vais essayer de tout te raconter, dit-elle. Mais je ne suis pas sûre de tout me souvenir et je voudrais que tu ne me poses pas de questions, d'accord ?
Elle tourna la tête vers Harry, en attente d'une réponse. Il s'assit en face d'elle et cela parut la satisfaire. De son nouvel emplacement, il pouvait voir que les yeux de Hermione cachaient une peur profonde et une immense détresse. Elle resta un petit moment silencieuse comme pour se souvenir du moindre détail. Puis, elle prit la parole :
- Je crois que cela remonte à quelques jours déjà. C'était le 30 juillet. Je m'en souviens parce que j'avais demandé à Ron de m'envoyer Coq pour que je puisse expédier ton cadeau.
- Il ne m'a apporté que le paquet de Ron.
- Je sais et j'en suis désolée. Ton cadeau est resté dans ma valise...
Elle se tu, prit une grande inspiration pour se donner du courage.
- Mais ils sont tous arrivés d'un coup.
Sa voix sortait difficilement de sa gorge faisant penser que quelque chose y était coincé. Ses yeux se mouillèrent et elle renifla :
- J'étais dans ma chambre et j'ai, tout à coup, entendu un grand bruit. Je n'ai pas compris ce qui se passait. Je me suis précipitée au salon pour aller voir... Ma mère... Maman était inconsciente sur le sol et mon père...
Elle éclata en sanglot :
- Papa, reprit-t-elle, lui, c'était encore pire... Il était sur le canapé mais sa tête saignait... C'est la seule chose que j'ai vu. Une main s'est refermée sur ma bouche et sur mes bras... Je ne pouvais plus faire le moindre mouvement. Les Mangemorts étaient quatre. Il y en avait un qui me tenait et les autres sont partis chercher je ne sais quoi. Je me suis retrouvé toute seule avec le Mangemort. Je lui ai mordu la main jusqu'au sang. Il a hurlé et m'a lâché. J'en ai profité pour sortir de la maison.
Au fond de lui, Harry pensait que son amie était faite de sans froid. Elle manifestait une telle présence d'esprit même dans les situations les plus difficiles.
- Il pleuvait des hallebardes. Il y avait de la boue partout. Un Mangemort qui était dans le jardin m'a vu. Je me suis mise à courir pour lui échapper... Mais il m'a lancé le maléfice du Jambes-en-coton, et je me suis effondré sur le sol. J'ai quand même réussi à me retourner sur le dos. Le Mangemort a plongé sur moi pour me maintenir en respect... Ce que je ne comprend pas c'est pour quelles raisons il ne m'a pas stupéfixé... Il y avait un muret juste à coté de moi et quelques briques étaient tombées... J'en ai attrapé une et je lui ai frappé le crâne avec... Il s'est écroulé sur moi. Oh, Harry, je crois que je l'ai tué.
Elle essuya ses larmes et continua son récit :
- J'ai ramassé la baguette et j'ai brisé le sortilège. Puis j'ai lancé des étincelles pour que les Aurors qui étaient dans le coin viennent m'aider.. Je me suis traînée jusqu'à la cabane de jardin et je m'y suis cachée. J'ai attendu... et d'un coup, j'ai pris conscience que papa mourrait peut-être. J'ai voulu aller le rejoindre mais la porte de la cabane s'est ouverte. Et un autre Mangemort était là... Il a pointé sa baguette sur moi... Je n'ai pas réagi, Harry. J'avais une baguette et je ne m'en suis pas servie... Puis, et je n'ai pas compris ce qui c'était passé, il s'est effondré aussi sur le sol. Je me suis précipitée dehors mais un Aurors m'a retenue et m'a dit de me calmer, que j'étais hors de danger, que tout était fini... Mais je me foutais de moi. Ce que je voulais voir, c'était papa. L'Auror m' emmenée dans le salon. Il y avait Lupin et Tonks aussi et d'autres personnes que je connaissais pas. Il n'y avait plus rien dans la pièce. Maman et papa n'étaient plus là. Il y avait juste une mare de sang sur le canapé... Je leur ai demandé... Je leur ai demandé où il était passés.
Elle eut un rire dur et amer :
- Elle m'a dit qu'ils allaient bien et qu'ils avaient été transporté à Ste Mangouste. J'ai explosé, Harry... S'ils allaient bien, pourquoi étaient-t-ils à l'hôpital ? Pourquoi il y avait du sang partout ? J'ai brandi la baguette que j'avais ramassée et j'ai stupéfixé l'homme le plus proche. Au moment où j'allais en attaquer un autre, j'ai vu Lupin lever sa baguette vers moi ... C'est la dernière chose dont je me souviens jusqu'à tout à l'heure.
Elle se tu. Les larmes commencèrent à inonder ses yeux. Elle poussa un profond gémissement plaintif puis reprit :
- Je ne sais même pas si mes parents vont bien, si mon père s'est remis. Je ne sais même pas si je pourrais aller le voir.
- J'enverrais un hiboux à Dumbledore pour le savoir, si tu veux, dit Harry compréhensif.
- Mais, Harry, ce n'est pas ça le pire. C'est horrible. Je n'en peux plus, j'étouffe. Dès que j'essaye d'envisager l'avenir, je te vois mort avec Ron puis je sens que moi aussi, je mourrais et je suis prise d'étourdissements. Je me sens prisonnière, sans aucun moyen de m'échapper. Le matin, quand je me réveille, je sens que l'atmosphère est lourd et qu'il pèse sur ma poitrine et je me sens oppressée...
Ses tremblement la reprirent et Harry l'entendait respirer difficilement. Il se mit à genoux et la prit dans ses bras. Il la sentait brûlante alors que Hermione murmurait qu'elle avait froid. Il sentit la poids de la culpabilité sur ses épaules : c'était à cause de lui que Hermione voyait la vie en noir. Les tremblements d'Hermione était apparemment contagieux car Harry se surprit à être pris de spasmes convulsifs. Il la serra davantage contre lui, le temps d'un ou deux secondes, puis la regarda :
- Viens, on va aller dormir.
Il aurait voulu dire autre chose, n'importe quoi pour la rassurer mais il ne trouva rien. Hermione voulu se lever mais ses jambes refusèrent de la porter. Harry fit passer un bras autour de l'épaules de son amie pour l'aider. Ils grimpèrent difficilement les escaliers puis Harry coucha Hermione sur le lit. Elle s'endormit aussitôt, exténuée par les évènement qui la dépassaient. Elle n'était plus reine de la situation et cela la fatiguait. Harry s'en rendait compte. Des cheveux couvraient le visage de son amie : il les repoussa du bout des doigts et sourit de plaisir. Il enleva ses lunettes et s'allongea sur le matelas qu'il s'était fabriqué. Son cousin ne venait plus dormir à la maison donc il n'était pas urgent de trouver un endroit où dormir.
Il ne trouva pas le sommeil. L'angoisse profonde qu'Hermione avait tenté d'exprimer le travaillait. Il savait ce qu'elle ressentait : tous les matins ensoleillés sur lesquels Harry se réveillait lui paraissaient noirs et pluvieux. Quand il regardait l'horizon de son futur, il le sentait bouché et gris.
La même peur sourde et enfouie au fond de lui, remontait à ses oreilles, frappait contre ses tempes, l'empêchant de faire comme si elle n'existait pas : Harry savait. Il savait, tout comme ses parents avant lui, qu'il allait mourir dans un avenir assez proche. Mais il restait dans l'expectative au lieu d'agir pour retarder sa fin tragique. Harry se mettait alors dans une colère froide qui lui faisait se sentir fort et invincible tandis qu'il se savait faible et vulnérable. Il s'en rendait compte et malgré cela, il prenait tous les risques pour arriver à ses fins. Ses sentiments lui donnaient le tournis.
Mais, au fond de lui, Harry se demandait s'il n'allait pas à l'encontre des dangers pour prouver à tout le monde qu'il valait quelque chose. La voix d'Hermione lui disait : « Il compte sur ta capacité à vouloir jouer les héros. » Et il sentait le désespoir monter en lui comme il se souvenait des paroles du Choixpeau : « Tu as un grand désir de faire tes preuves ». Faire ses preuves ? Il mettait sa vie et celle des autres en danger pour juste faire ses preuves ? Il avait alors le sentiment d'être le dernier des idiots : il savait pertinemment que Dumbledore connaissait sa valeur.
Pourquoi toujours ce besoin de montrer aux personnes autour de lui qu'il n'était pas un pion sur un échiquier, mais maître du jeu ? Maître du jeu ? Non, plutôt, il se voulait maître mais sans avoir à subir les conséquences de ses actes ou de ses paroles. Autrement dit, il voulait être pion et roi.
Il pouvait rester des heures à réfléchir à la question. Il arrivait à se persuader qu'il avait la situation en main et pour rien au monde, il ne voulait avouer qu'elle lui filait entre les doigts. Si il l'admettait, sa confiance en lui et son assurance s'effondraient, comme un château de carte. C'était souvent le cas depuis la mort de Sirius. Il lui fallait alors reconstruire son fragile édifice dans la peur qu'il s'écroule à nouveau. La peur... la peur... toujours la peur... encore la peur...
Harry s'endormit d'épuisement, au petit matin. Son sommeil fut troublé d'étranges rêves où il se trouvait sur un échiquier géant. Il avait pris la place d'un pion et, en même temps, d'un roi blanc. Voldemort, en face de lui, du côté noir, était à la place d'un roi. Harry faisait avancer ses pièces vers le camps adverse, mais il devait jouer le rôle des deux pièces à la fois. Et elles s'écartaient de plus en plus. Et Harry avait de plus en plus de mal à se tenir sur les deux cases à la fois. Une voix aiguë lui disait alors : « Comment va tu faire pour conserver tes deux places, petit pote Potter ? » Et Harry voyait Voldemort ricaner. Puis le sol s'ouvrait tout d'un coup sous lui et il tombait, tombait...
Il s'éveilla en sursaut. Hermione était sur le lit, à côté et le regardait avec inquiétude :
- Harry, tu vas bien ?
- Oui, dit-il à bout de souffle, j'ai juste fait un mauvais rêve, c'est tout.
- Tu m'as fait peur. Tu marmonnais, tu tournais sur toi-même, tu gémissais...
- Hermione ! Arrête, s'il te plaît, implora Harry.
Elle rougit et détourna les yeux, consciente qu'elle en avait trop fait. Elle marmonna un « s'cuse-moi » puis se dirigea vers la porte, d'un pas raide.
- Non, attends, s'exclama Harry, en levant la main. Excuse moi, ajouta t-il avec lassitude, sa main retombant comme un vulgaire bout de chiffon.
- Bon, allez, viens. Tu es tout pardonné et tu le sais, dit-elle avec un grand sourire. C'est de ma faute. Je sais que tu es dans une mauvaise passe depuis que Sirius... C'est ma faute.
Harry se leva, un sourire s'étala sur son visage maigre et il entraîna Hermione hors de la chambre.
- Je ne sais pas pour toi, dit-il, mais moi, j'ai faim.
- Moi aussi, renchéri Hermione, mais j'attendais que tu me propose d'aller déjeuner.
Ils arrivèrent dans la cuisine et, lorsqu'ils poussèrent la porte, ils tombèrent nez à nez avec les Dursley. Hermione eut un mouvement de recul en voyant l'oncle Vernon. Harry aperçut Dudley à travers l'embrasure de la porte. Son cousin était échevelé et paraissait fatigué. Harry s'avança dans la cuisine pour aller chercher de quoi manger :
- Alors, Popkins, lança t-il joyeusement, c'est moi ou tu as réellement mal dormi, cette nuit ? On se demande tous ce que tu faisais. Tu nous expliques ?
- La ferme, dit nonchalamment Dudley.
- T'en fait pas, Dudy, j'ai une petite... non, une grosse idée de ce que tu faisais mais je ne vais pas la répéter sur tout les toits. Quoique...
- Tu vas la fermer, oui ?
- Oui, j'ai fini de tout préparer. C'était histoire de faire taire le silence mortifiant qui règne ici.
Harry ressortit, des fruits et des yaourts dans son T-shirt qu'il avait remonté de façon à faire une sorte de panier, en laissant derrière lui un Dudley furieux. Il trouva Hermione, sur le pas de la porte, effondrée de rire.
Ils remontèrent dans la chambre et Harry posa ses provisions sur le bureau.
- J'espère que tu aime les fruits, dit-il.
- Oui, je ne suis pas difficile.
Harry ne rajouta rien et il ouvrit la fenêtre. Les voisins tentaient de profiter de la fraîcheur matinale avant que le soleil les oblige à se calfeutrer à nouveau dans leur maisons aux angles parfaitement droit.
Les hommes, tous construis sur le modèle de l'oncle Vernon, arrosaient leurs jardins pour essayer de garder le vert qu'offrait autrefois les pelouses. Mais des tâches jaunes apparaissaient ici et là et formaient un spectacle de couleurs fades.
Les femmes à l'air précieux s'éventaient sous un immense parasol que leurs maris avaient péniblement installé au prix de grosses gouttes de sueur.
Harry s'éloigna de la fenêtre et regarda Hermione.
- Prend ce que tu veux, dit-il.
- Tu n'as pas faim ? s'étonna Hermione.
- Si, mais vas-y, mange. Tu n'as rien avalé depuis trois jours. Il faut que tu reprennes des forces.
Hermione ne souleva pas d'objections et entreprit de croquer dans une nectarine.
Au même moment, une grande chouette effraie s'engouffra dans la pièce, furieuse. Elle voleta un instant avant de lâcher un rouleau de parchemin sur le lit et de ressortir en claquant du bec.
Harry se précipita pour regarder ce que le volatil avait livré et fut déçu de découvrir La Gazette du Sorcier.
- Tiens, dit Harry en tendant le journal. C'est pour toi. La chouette a du mettre un temps fou à te trouver ici !
- Tant pis, je paye l'abonnement pour ça de toute façon, assura Hermione en haussant les épaules avant de croquer dans son fruit.
Harry jeta un coup d'œil à la couverture. Quelque chose attira son regard...
- Tu permets que je la lise ?
- Mais je t'en prie.
Il déroula les parchemins. Un visage replet, las et fatigué avec un chapeau melon de travers le fixa des yeux avant de s'écrouler contre le bord du cadre et de s'endormir. Harry était persuadé que si la photo émettait des sons, il aurait entendu l'homme ronfler. Il le regarda d'un air dégoutté et lut le titre qui s'étalait sous ses yeux. Il poussa une exclamation de surprise, aussitôt suivi d'un cri de douleur :
- Hermione, c'est formidable ! Regarde, ordonna Harry en lui mettant le journal sous le nez.
Hermione parcourut le titre, tout en tenant les doigts qu'elle venait de se mordre. Et elle sauta de joie à son tour... Harry entreprit de lire à haute voix :
LE MINISTRE DE LA MAGIE DEMISSIONNE
Après avoir nié le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, pourtant affirmé par le Survivant, Harry Potter, Mr Cornelius Fudge a démissionné hier soir de son poste de Ministre de la Magie. Il a été houspillé par la Confédération Internationale des Mages et des Sorciers, affublé du nom de « troll » pour avoir refusé de voir la vérité en face. Il a pourtant été avertie maintes fois par Albus Dumbledore, célèbre directeur de Poudlard, sans jamais avoir prit la menace au sérieux. « Il a discrédité Dumbledore » affirme un membre de la Confédération, « Il n'est ni plus ni moins qu'un emplumé. Et encore je mâche mes mots. Il nous a tous mis en danger et a obligé Dumbledore à démissionner du Mangenmagot et de la Confédération. Il était pourtant le plus qualifié pour faire face à la situation. »
Notre correspondant permanant, Wilbert Feuild'chou a assisté à la réunion dans l'Amphithéâtre : « On peut dire que ça a bien remué là-bas, dites donc ! Ca oui ! Le Ministre était drôlement secoué, dites donc ! L'assemblée aurait bien voulu lui jeter le sortilège Vérulius, ben ça oui, dites donc ! »
Le Ministre ne s'était pas présenté à une réunion depuis les tristes évènements de juin dernier. Les membres de la Confédération lui ont dit qu'il minimisait la sécurité au profit de la conservation de son poste. De ce fait, l'honneur du Ministre a été grandement ébranlé et il a préféré s'en aller.
Harry fini sa lecture, un sourire barrant son visage d'une oreille à l'autre. Il aurait pu sauter de joie et embrasser tout le monde si dans la rue, on ne le prenait pas pour un délinquant débraillé.
- Fudge reconnaît enfin son erreur ! s'écria-t-il.
Hermione éclata de rire devant la mine réjouie de Harry. Il se laissa tomber sur le lit, les bras en croix, heureux d'avoir eu une bonne nouvelle. Il ferma les yeux et respira lentement. Il sentit le matelas s'affaisser légèrement à coté de lui et les ressorts usagés grincer.
- C'est merveilleux, Harry, chuchota Hermione qui venait de s'asseoir.
- Hum, grogna Harry.
- Tout le Ministère suit toujours le Ministre. S' il commence à se rebeller, alors les gens prendront conscience que ce que leur dit le Ministère n'est pas une vérité absolue.
- Ils ne peuvent que me croire, dorénavant. Plusieurs personnes, dont Fudge et des Aurors, ont vu Voldemort quand...
- Harry s'interrompit et rouvrit les yeux.
- Chut ! murmura doucement Hermione. Ne pense pas à tout ça.Pas maintenant.
Il se tourna sur le côté et prit appui sur son coude. De sa main libre, il tritura les peluches qui se formaient sur le couvre lit, à force de lavages intempestifs.
- Je ne peux pas m'en empêcher... Ca tourne dans ma tête... C'est comme un film que je repasse des milliers de fois, contre ma volonté, dit-il, désespéré.
- Tu n'as pas encore accepté les évènements qui te sont arrivés, consola-t-elle. Il faut que tu puisse te les rappeler sans éprouver une immense tristesse.
- Je n'y arrive pas.
- Je sais... ou tout du moins, je comprend, assura-t-elle.
Harry ne répondit rien. Il était perplexe face à Hermione et à sa compréhension. Avait-elle jamais vécu ce que lui endurait en ce moment ? Il en doutait.
Il se leva, prit une nectarine sur le bureau et mordit dedans à pleines dents. Il était bien décidé à laisser de côté ses problèmes pour la journée. Harry finit de manger et proposa à Hermione de faire des jeux de société pour s'occuper. Les Dursley en avaient quelque uns mais les jeux n'avaient jamais servi. Harry soupçonnait même qu'aucune boîte n'avait jamais été ouverte.
Hermione refusa catégoriquement. Elle avait prit du retard dans ses devoirs, disait-elle. Elle prit des plumes et des parchemins dans la valise de Harry et commença à lire la question dans le cahier de texte misérable et déchiré qui reposait sur le bureau.
Harry voyait que Hermione revivait, une fois le nez dans les bouquins. Il avait déjà fini son devoir de métamorphose et il s'amusa à lancer une balle de tennis dans les airs et à la rattraper. Ses réflexes étaient impressionnants, de par leur rapidité.
Bien après 15h, Hermione referma le livre et poussa un soupir de satisfaction. La pile de parchemin avait considérablement baissée. Harry, sur le lit, se réveilla : la chaleur et le manque de sommeil avaient eu raison de lui. Il s'étira paresseusement et se frotta les yeux.
- Tu t'es bien reposé ? demanda Hermione.
- Oui. Merci
- Parfait ! On va pouvoir entamer le devoir de potions.
Harry comprit immédiatement pourquoi elle arborait un immense sourire. A croire que rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de travailler. Il poussa un gémissement plaintif :
- Ca ne peut pas attendre demain ?
Hermione se redressa et lui décocha un regard digne de McGonagall.
- Bon, bon. D'accord, céda-t-il, sachant qu'il valait mieux ne pas insister.
Il s'étira une nouvelle fois et bailla. Il alla chercher son livre de potions dans sa valise. Hermione s'installa par terre et Harry l'imita. Ils travaillèrent sans relâche, écrivant brouillons sur brouillons, cherchant dans le livre les réponses adéquates... Et le temps défilait... Et ils travaillaient toujours...
Harry avait mal au poignet à force d'écrire mais il n'osait pas se plaindre car il voyait la plume d'Hermione virevolter à la surface du parchemin, devenant presque floue à force de vitesse.
Puis, tout à coup, une bourrasque de vent s'engouffra dans la chambre. Hermione n'y prêta aucune attention, elle ne leva même pas la tête. Ce fut différent pour Harry...
Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. Il ne comprenait pas ce qui ce passait : l'atmosphère de la pièce semblait changée. Il regarda lentement autour de lui. Il ne vit rien...
Un bruit... Cela venait de par là... Non, par ici... Soudain Il vit avec horreur une chose s'envoler et traverser la pièce à toute vitesse.
Le livre (car c'était un livre) alla s'écraser dans sa valise, ses pages se cornèrent et la couverture craqua sinistrement. Ce bruit fit lever la tête d'Hermione. Mais elle se rabaissa bien vite car une volée de plumes entamait son baptême de l'air, toutes pointes dehors. Harry fit un bond sur le coté pour les éviter.
Les parchemins de leurs devoirs inachevés volèrent eux aussi mais, se posèrent en douceur cette fois dans la malle.
Harry, terrifié, regarda autours de lui dans l'espoir de voir quelque chose ou quelqu'un. Il aurait plongé sur sa baguette restée sur le bureau, si, au même moment, il n'avait pas senti un autre livre lui frôler le crâne. Cela l'incita à demeurer à sa place, collé contre le mur.
L'instant d'après, ce fut l'apocalypse... Tous les objets présents dans la pièce s'envolèrent avec dextérité pour atterrir dans la valise. Ils volaient dans tous les sens, certains se cognaient et tombait lourdement par terre, d'autre encore étaient hors de contrôle et n'en faisaient qu'à leurs têtes, passant au ras de murs et du sol. Hermione était partie se réfugier sous le lit et Harry du faire un effort colossal pour ne pas la suivre.
La valise se referma d'un coup sec, laissant place au calme qui régnait auparavant. Seul la baguette de Harry et la cage d'Hedwige n'avaient pas bougé. Il se précipita dessus, se préparant à affronter l'invisible. Un homme se matérialise devant lui. Un homme grand, et chauve mais qui conservait une couronne de cheveux roux...
- Mr Weasley ? dit Harry, abasourdi.
- Dépêchez vous. On n'as pas beaucoup de temps. On est surveillé.
Hermione qui n'en revenait pas non plus, s'extrayait de sa cachette :
- On est surveillé ? On vas où ?
- C'est vous qui avait fait voler mes affaires ! s'exclama Harry.
- Oui, c'est moi. Mais vite ! Le temps s'écoule...
Mr Weasley réduisit la valise à la taille d'une carte à jouer et la plaça dans sa poche. Harry prit Hedwige et se tourna vers Mr Weasley, dubitatif.
- Et maintenant ? demanda Harry.
Mr Weasley leur tendit une vieille chaussette qui aurait bien mérité un lavage. Les deux adolescents ne posèrent pas de questions. Ils s'approchèrent de Mr Weasley.
- Maintenant, décréta-t-il.
Harry posa son doigt sur la chaussette et il se sentit tiré par le nombril. L'instant d'après, il n'y avait plus personne dans la chambre.
