Auteur: Ariani Lee

Bêta-lecture : Shangreela

Genres : Aventure, romance, psychologie, hurt/comfort

Fandoms: Kingdom Hearts, Shin Megami Tensei: Persona (3 et 4)

Disclaimer: Les personnages appartiennent aux studios Square Enix et ATLUS (ainsi qu'un certain nombre d'autres éléments en ce qui concerne ce dernier). Je ne fais aucun profit sur cette histoire.

Résumé: Roxas et Axel apprennent à vivre normalement à Destiny, en compagnie de Riku, Kairi et Sora. Tout se passe plus ou moins bien, jusqu'au moment où d'étranges évènements commencent à se produire. Des gens disparaissent, et d'étranges créatures font leur apparition: Les Ombres. Et quelles sont ces entités mystérieuses qui se manifestent les unes après les autres, et dont les héros ne connaissent que le nom: Persona?

Note: Cette histoire prend place après Kingdom Hearts II et ne tient pas compte de 3D. Si je la publie alors qu'elle n'est pas achevée, c'est pour éviter que la sortie désormais annoncée de Kingdom Hearts 3 finisse de la rendre incohérente avec le canon.

Note bis : Ce premier chapitre réunit deux de mes cent thèmes (Pen & Paper et Triangle), il est donc possible que vous l'ayez déjà lu. Je vous conseille tout de même de le relire car j'y ai apporté quelques modifications importantes pour la suite de l'histoire.

Remerciements à Shangreela et Plume d'Eau.

... Et j'arrête de vous pourrir, maintenant. Bonne lecture.


I am You and you are Me

~ 00: Prologue ~

We're all trapped in a maze of relationships
Life goes on with or without you
I swim in the sea of the unconscious
I search for your heart, pursuing my true self

Pursuing my true self, Shoji Meguro


Axel,

Je t'écris cette lettre alors que tu n'es plus là, et depuis un bon moment déjà. Mais j'ai besoin de le faire. Il le faut.

C'est le milieu de la nuit. Sora s'est endormi il y a des heures. C'est le moment où je peux exister. Quand il dort de son sommeil le plus profond, quand sa conscience est enfouie dans son esprit, enroulée dans les voiles des rêves et totalement au repos, la mienne peut prendre le contrôle. C'est la première fois que je me sers de cet état de fait pour réellement faire quelque chose. La première et la dernière.

Je me suis levé du lit, dans ce corps qui n'est pas le mien, et je tiens ce crayon avec une main qui n'est pas la mienne. Mais c'est bien mon écriture, je la reconnais. J'ai besoin de t'écrire cette lettre. C'est la dernière chose que je ferai.

Sora est un être humain, il a de nombreux amis, des gens qui ont besoin de lui, et on se souviendra de lui comme du garçon qui a sauvé les mondes. Lea a été vivant et réel, il a eu une famille et une histoire. Mais moi… Et toi… Nous n'avons été que deux similis… Deux créatures même pas réellement vivantes.

Personne ne se souviendra de nous.

Je ne veux pas me résoudre à n'avoir jamais existé. C'est la raison pour laquelle j'écris cette lettre. Quelqu'un, la première personne qui passera, la lira. Lira nos noms, notre histoire. Quelqu'un qui portera le souvenir ce que nous avons été et de mon amour pour toi, même sous la forme d'un lambeau de mémoire si profondément enfoui qu'il n'y repensera jamais.

Je veux que nous ayons existé.

Axel, mon amour, mon cher bien-aimé. Je regrette tant, je regrette tout. Je regrette d'être parti et de t'avoir quitté. Je n'ai pas eu le temps de comprendre mon erreur, je suis tombé dans un piège et tout a été détruit. Aujourd'hui, je sais, j'ai même un cœur, et ce que je ressens avec le plus d'acuité, c'est à quel point tout cela est futile. La seule chose qui comptait, je l'avais c'était toi. Tu avais donné un sens à ma vie, et je ne m'en suis pas rendu compte à temps. Je m'en veux d'avoir refusé de te faire confiance, je regrette de ne pas t'avoir écouté, de t'avoir tourné le dos. J'étais tellement en colère contre toi, et les dernières fois que je t'ai parlé, ça a été pour te dire des choses odieuses. Je m'en veux tellement.

Tu étais prêt à faire n'importe quoi pour moi. Tu as fait n'importe quoi pour moi, et tu y as perdu la vie sans savoir que je te voyais, que je t'entendais, que j'étais là tout le temps.

Son immobilité a paralysé mes jambes, le jour de votre première rencontre, alors que je voulais courir vers toi.

Son silence a étouffé ma voix, étranglé mes hurlements, tu la douleur hallucinante lorsqu'il t'a regardé mourir sans verser une seule larme. Il n'a même pas eu conscience de ma présence, il ne s'en est jamais rendu compte.

Il ne verra pas la différence quand je ne serai plus là.

Nous nous sommes promis de nous retrouver dans une autre vie. Il est temps pour moi d'honorer cette promesse. Je n'ai pas peur de mourir complètement. J'ai peur de la perte totale de ma conscience. La chose la plus difficile dans tout ça, c'est d'abandonner ton souvenir. Tous les précieux moments que nous avons passé ensemble. Mais s'il y a réellement quelque chose après, je sais que tu m'attends. Je viens te rejoindre.

Quand j'aurai terminé cette lettre, je retournerai dans le lit et je m'endormirai. Pour toujours. Je vais arrêter de me battre pour rester conscient. Je me dissoudrai enfin en lui, totalement, et il ne restera plus rien de moi. Plus rien de nous à part cette lettre.

Axel, mon amour. Tu as été la flamme qui éclairait ma vie. Les choses auraient pu être si différentes. Tu m'as rendu heureux alors que je n'avais même pas de cœur. Je chéris par-dessus tout les souvenirs que nous avons construit ensemble. Les couchers de soleil. Et les glaces à l'eau de mer. Je t'aimais. Je t'aime toujours.

Attends-moi.

Roxas.

Sora reposa la lettre sur son bureau. C'était de la folie, et pourtant… C'était bien son papier à lettre, une de ses enveloppes. Il l'avait trouvée posée là, en se réveillant. Libellée d'un « A qui de droit ».

Roxas, et Axel.

S'il avait su…

Il ne s'était jamais douté qu'une autre personnalité était cachée en lui, luttant pour ne pas disparaître. De la douleur que Roxas avait éprouvée. Était-il réellement parti ? Il ne sentait effectivement pas de différence.

Mais il avait mal au cœur. Il n'aurait rien pu faire, même s'il avait su.

Ils s'étaient aimés. Tellement. Le reste du monde avait beau l'ignorer, Sora le savait désormais. Avec ses moyens, il fallait qu'il accorde à Roxas sa dernière volonté.

Il regarda autour de lui et son regard s'arrêta sur une boîte plate et rectangulaire, en carton bleu nuit. Elle avait contenu une paire de gants, un cadeau du Roi. Il y déposa la lettre avant de se tourner vers le coffret en bois laqué qui contenait ses porte-clés. Il fouilla dedans jusqu'à ce qu'il trouve celui qu'il avait reçu d'Axel, celui qui transformait la Keyblade en Ignescence, ainsi que celui qu'il avait gagné après son combat contre Roxas à Illusiopolis, Deux-Pour-Un. Il n'eut qu'une seconde d'hésitation avant de les déposer avec la lettre.

Ce n'était qu'un maigre sacrifice.

Il sortit, emportant avec lui la boîte, et alla prendre le bac pour l'Île du Destin. Là où lui, Kairi et Riku allaient toujours pour jouer. Là où tout avait commencé. Le jour où les Sans-cœurs avaient attaqué leur monde, le jour où Riku s'était laissé emporter par les Ténèbres… Le jour de la naissance de Naminé, en réalité. En y repensant, elle était venue au monde lorsque Kairi avait perdu son cœur en le lui confiant. Le jour où l'inconnu s'était adressé à lui, semant le trouble dans son esprit.

« Celui qui ne sait rien ne peut rien comprendre. »

« Il y a tellement à apprendre… Et toi, tu ne comprends rien. »

Dans la cachette secrète derrière la cascade, la grotte où se trouvait la porte de ce monde.

C'était sa destination.

L'endroit n'avait pas changé. A droite, près de la porte, il y avait toujours le dessin qu'il avait gauchement gravé dans la pierre, lui tendant à Kairi un fruit Paopou, et qu'elle avait complété.

Sora posa son fardeau sur une grosse pierre et se mit à genoux. Il se mit à creuser un trou à deux mains, au pied du mur, et y enfouit la boîte. Il s'arma d'une pierre aux arêtes tranchantes et s'attela à graver un nouveau dessin au dessus de la tombe de fortune. Il s'appliqua à esquisser le visage d'Axel, avec ses tatouages et sa crinière de cheveux. Il connaissait les traits de Roxas pour l'avoir vu à Illusiopolis, et sur la photo que Riku lui avait laissée. Quand il eut fini les deux portraits, il leur ajouta à chacun un bras tendu vers l'autre, et qui tenait une glace à l'eau de mer. Ensuite, il chercha parmi les rochers une pierre plate assez longue.

C'est à cet instant là, quand il se saisit d'un grand galet et qu'il leva à nouveau son silex, qu'il se rendit compte qu'il pleurait.

Il ne sécha pas ses larmes, conscient qu'il serait le seul à jamais en verser pour les deux similis. Il les laissa couler librement sur la pierre claire, tandis qu'il y gravait une épitaphe.

En mémoire d'Axel et de Roxas.

Ils ont existé, et ils se sont aimés.

Il déposa la lourde pierre à plat sur le sol, au pied du mur et se releva. Il se brossa les genoux, les joues maculées de larmes et de poussière, et contempla son œuvre avec tristesse et abattement.

Il avait sauvé les mondes à deux reprises, affronté des adversaires terribles, il avait accompli des exploits spectaculaires et inédits. Mais à un homme qui s'était sacrifié pour lui sauver la vie, à un garçon qui avait été une partie de lui, à ces deux êtres tragiques qui s'étaient aimés en dépit de tout, il ne pouvait rien offrir de plus qu'une sépulture en hommage à leur amour.

Sora sécha ses larmes du revers de la main. Il éprouva un terrible sentiment d'impuissance, car pour la première fois de sa vie, alors qu'il avait fait tout ce qui était en son pouvoir… Il avait conscience que ce n'était pas suffisant.

Quelques semaines plus tard…

BAM !

- Vous en êtes sûr, Majesté ?!

- Sora !

Le Maître de la Keyblade sursauta.

- Un peu de respect ! Ajouta Donald. Ne brusque pas le Roi comme ça !

Sora se retourna vers le bureau du Roi Mickey, derrière lequel la souris se trouvait légèrement… désordonnée sur son fauteuil, dans lequel elle avait fait un bond de trente centimètres quand l'adolescent avait abattu ses deux poings sur la table.

C'étaient les vacances d'été. Le retour à la « vie civile » ne se faisait pas sans mal pour le Maître de la Keyblade. D'ici peu, il retournerait au lycée de Destiny avec Riku et Kairi. Jusqu'à nouvel ordre, les voyages étaient terminés, et d'ailleurs, il n'était là que parce que Mickey l'avait convoqué. L'idée de retourner sur les bancs de l'école lui semblait étrange au-delà des mots. Parfois, il sortait la Keyblade juste pour s'assurer qu'il n'avait pas rêvé. Lui et Riku se livraient régulièrement à des duels amicaux dans la cachette secrète, pour ne pas perdre la main, « juste au cas où ». Son ami avait remarqué la petite sépulture, avait certainement dû lire l'épitaphe, mais n'avait fait aucun commentaire, et il lui en était reconnaissant.

- Excusez-moi, Votre Majesté, dit Sora en s'inclinant.

- Ce n'est rien, ne t'inquiète pas, le rassura le Roi de sa voix haut perchée.

Donald émit un raclement désapprobateur et Dingo un « Hayuk » caractéristique.

- Et pour répondre à ta question, oui, j'en suis sûr. Je vais tout t'expliquer.

Le visage du garçon pâlit et ses jambes se mirent à flageoler. Pendant un court instant il craignit de s'effondrer avant d'arriver à se reprendre.

Un mois s'était écoulé depuis le jour où il avait enterré les seuls souvenirs qu'il avait possédés d'Axel et de Roxas. Quatre interminables semaines pendant lesquelles cette présence en lui, dont il n'avait jamais eu conscience, l'avait obsédé de façon lancinante. A tout instant il cherchait un indice, une preuve, n'importe quoi, mais un signe de Roxas, sans jamais rien trouver. Bien sûr, le jour où il avait compris que son simili était resté en lui comme une seconde personnalité, conscient mais imperceptible, avait aussi été celui où ce dernier avait renoncé à cet état de conscience et disparu.

Cependant… Sora ne s'était certes jamais aperçu de la présence de son double en lui, et même après ce matin où il avait trouvé sa lettre, écrite de ses propres mains, sur son bureau, dans sa chambre, il n'avait senti aucune différence. Il avait pourtant tant cherché ! Mais Roxas ne s'était jamais manifesté avant, alors comment savoir s'il était vraiment « parti » ? S'il n'était pas juste redevenu inactif ?

Sora avait été perturbé. Il s'était senti à la fois dépossédé de lui-même, et coupable et impuissant. Apprendre du même coup l'histoire déchirante qu'il [n'] avait [pas] vécue avec Axel l'avait également rendu… malheureux. Il y pensait tout le temps, il se répétait que c'était de sa faute, que sans lui, ils seraient encore là et qu'ils se seraient retrouvés.

Il était souvent retourné dans la grotte pour regarder la petite tombe. Il avait parfois cru voir une ombre glisser sur les murs de pierre et s'était inquiété. Quand on commence à voir des trucs qui n'existent pas, il y a vraiment un souci… D'autant que Riku, qui se trouvait parfois avec lui, n'avait rien remarqué.

Le maître de la Keyblade avait un peu maigri. Il était pâle et ses yeux étaient cernés de gris et tout le monde autour de lui s'alarmait de le voir ainsi, car chacun savait à quel point il était optimiste et pas du genre à se laisser abattre.

Et voilà que le Roi lui annonçait qu'il connaissait un moyen de les faire revenir ! Il en aurait pleuré s'il avait réussi à y croire vraiment.

- Lorsque nous nous sommes rendus à Illusiopolis, commença le Roi, j'ai eu le temps de discuter avec Ansem le Sage, qui m'a révélé un certain nombre de choses… dont l'existence d'un compartiment caché dans un des tiroirs de son bureau de la Forteresse oubliée. J'y ai trouvé quelques dossiers que j'ai étudiés avec Maître Yen Sid. Ansem avait travaillé encore davantage sur les similis que sur les Sans-Cœur et nous y avons appris que les similis, s'ils se dissipent, ne meurent pas.

Sora eut un vertige. Une explication, mon Dieu, une explication logique, débitée avec aplomb, avec sûrement des arguments solides, alors ça voulait dire que…

Il tomba assis sur une chaise, l'air hagard.

- … Alors c'est vrai, souffla-t-il.

Mickey hocha la tête et continua.

- Axel est mort comme meurent tous les similis. Son corps s'est délité en lambeaux de Ténèbres, mais les similis n'ont pas de cœur. Ils ne vivent pas réellement, ce qui signifie aussi qu'ils ne peuvent mourir. Un simili, c'est une conscience sans cœur, il ne peut donc rien en résulter. Ansem était arrivé à cette conclusion : les Ténèbres qu'on voit se dissoudre lorsqu'un simili meurt ne disparaissent pas. Ils restent « bloqués » : puisqu'ils n'ont plus de cœur, ils ne peuvent aller nulle part.

- Bloqués ? Où ça ?

- Quelque part dans les mondes. Il n'est pas évident de savoir où car ils peuvent se déplacer. Ansem avait écrit avoir déjà observé ce phénomène, et que cela ressemblait assez à un Sans-Cœur inconsistant, une ombre mouvante, parfaitement inoffensive.

Sora écarquilla les yeux. Était-il possible que… ?

- Si on retrouvait l'ombre d'Axel, on pourrait le ramener ? Demanda-t-il d'une voix fébrile.

- Oui. Ansem avait trouvé un moyen. Il n'avait pas l'intention de s'en servir un jour, mais il avait néanmoins consigné sa théorie par écrit et maître Yen Sid est convaincu qu'elle est exacte. Le principal problème en réalité, c'est de le retrouver.

- Et comment ça marche ? Demanda Sora.

- La mort d'un simili, c'est seulement la désintégration d'un corps. Il devient cette ombre sans-forme. Ça doit te rappeler quelque chose, Sora ?

Le garçon cligna des yeux. Donald et Dingo le regardèrent d'un air ahuri.

- La… la non-forme ?

- C'est exact. C'est ce qui reste du moment où tu as été transformé en Sans-Cœur. Bien sûr, quand ça t'arrive, tu restes reconnaissable, c'est sans doute à ça que ressemblerait un Sans-Cœur possédant un cœur… Comme les similis n'en ont pas, leurs ombres n'ont aucune forme. Mais elles subsistent, et en leur donnant un cœur, on peut leur rendre forme et vie humaine.

Sora resta ébahi.

- C'est… si facile ? Mais alors pourquoi… L'Organisation… Si c'était si facile de récupérer un cœur, pourquoi ils ont fait tout ça ?

Il n'en revenait pas.

- Il y a deux raisons, dit Mickey, avec la même voix enjouée.

Même quand il parlait de choses si graves, sa voix avait toujours des intonations joyeuses.

- D'abord, c'est possible parce qu'il s'agit d'ombres et plus de similis ayant une enveloppe physique concrète. Et ensuite, parce qu'aucun des membres de l'Organisation ne savait qu'il leur suffisait de « mourir » pour pouvoir renaître.

- Ça veut dire qu'on pourrait tous les ramener ?

Donald et Dingo poussèrent des exclamations choquées.

- C'est ce que tu veux ? S'étonna Mickey.

- Non, répondit Sora, un peu trop précipitamment.

Il n'oublierait jamais non plus le Maître de l'Eau qui était venu l'affronter à la Forteresse Oubliée en étant parfaitement conscient de courir à sa perte. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il n'y avait pas eu une once de méchanceté en lui, et qu'il n'avait pas mérité ce qui lui était arrivé.

- Je me posais simplement la question.

- Hé bien, à condition de retrouver leurs ombres, oui, ce serait possible.

- Et pour Roxas ? Lui, il n'est pas mort comme les autres.

- Non, c'est vrai. Mais Roxas n'était pas comme les autres non plus. Il avait un cœur, un cœur bien à lui… dans un sens. Même s'il ne le savait sans doute pas.

Pour le coup, le Porteur crut bien qu'il allait en tomber de sa chaise. Comment était-ce possible ?!

- Avec les recherches d'Ansem le Sage sur les similis, j'ai trouvé autre chose. Les Rapports de Xehanort.

Sora pencha la tête sur le côté. Après les Rapports d'Ansem qui avaient en fait été écrits par le Sans-Cœur de Xehanort et les Rapports Secrets d'Ansem qui eux, étaient bien le travail d'Ansem de quoi pouvaient bien parler ceux-là ?

- Ils ont été écrits il y a plus de dix ans par un vieil homme qui trouva le moyen de prendre possession du corps d'un apprenti Maître de la Keyblade, et qui devint le premier disciple d'Ansem. Il y est question d'un garçon nommé Ventus.

Sora frémit sans comprendre pourquoi. C'était la première fois de sa vie qu'il entendait ce nom…

- Xehanort voulut l'utiliser pour s'approprier Kingdom Hearts. Pour ce faire, il utilisa la Keyblade et arracha à Ventus les Ténèbres qui étaient en lui, créant un autre garçon nommé Vanitas. Ventus tomba dans une sorte de coma, provoqué par la destruction de son cœur. Et Xehanort voulut l'abandonner sur l'île du Destin.

- Mon île ?

- Oui.

- Mais je ne l'ai jamais rencontré…

- C'est normal. Il ne l'y a pas laissé finalement. Parce que lors de son passage sur l'île du Destin, le cœur de Ventus s'est miraculeusement reconstitué, pour des raisons que personne ne connait et qu'on ne peut que deviner. Et ce que nous avons deviné, c'est que c'est au contact du tien que ce miracle s'est produit.

Sora fit la moue. C'était bien mince, ces suppositions…

- Comment pouvez-vous être sûr qu'il y a un rapport avec moi ? S'enquit-il, dubitatif.

- Parce que je l'ai connu, répondit Mickey. Donald et Dingo l'ont aussi rencontré.

Sora se tourna vers ses compagnons.

- C'est vrai ?

Donald croisa les bras et fit claquer son bec et Dingo se gratta le menton.

- Ben ça vous a pas marqués, apparemment…, nota l'élu de la Keyblade.

- Je m'en souviens ! S'exclama soudain Donald.

- On ne l'a vu qu'une fois, dit Dingo.

- Le garçon blond qui…

Silence. Les deux comparses se regardèrent, l'air frappé par la foudre.

- Quoi ?

- J'ai vu cette photo de Roxas avec ses amis de la Cité du Crépuscule, reprit le Roi. Et j'ai reconnu Ven. C'était lui, à l'identique, jusqu'à la moindre mèche de cheveux. Même ses vêlements ressemblaient à ceux qu'il portait le jour où je l'ai rencontré.

Sora resta bouche bée un instant.

- Ven avait affronté Vanitas et il l'avait vaincu, il avait récupéré son cœur complet et il l'a perdu ensuite. Je ne peux que le supposer mais je crois que son cœur, lié au tien pendant si longtemps, s'est réfugié en toi. Quand tu t'es transformé en Sans-Cœur, tu as aussi libéré le cœur de Ven et le simili qui est né, Roxas, avait ce cœur et la même apparence également. Et ce cœur t'a réintégré en même temps que Roxas.

Mickey avait l'air un peu triste. Sora posa une main sur sa poitrine. Deux cœurs… Comment était-ce possible ? Alors qu'il avait gardé le cœur de Kairi en lui pendant un long moment… Il se fit mentalement la remarque que son corps n'était pas un hôtel, merde quoi.

- Roxas n'était pas vraiment un simili. C'était plutôt une sorte de réincarnation, avec sa propre existence, son propre cœur, sa propre âme. Vous pouvez coexister.

- Mais… Pourquoi a-t-il fallu qu'il revienne en moi pour que je me réveille, alors ?

- A cause de Naminé. Ce sont tes souvenirs qu'il devait te rendre. Tes souvenirs, et non ton cœur.

- Oh.

Il y avait déjà un moment que Mickey leur avait expliqué ce qui était arrivé au Manoir Oblivion. Sora crispa une main sur sa poitrine.

- Alors… C'est pour de vrai ? Demanda-t-il d'une voix tremblante. On peut les ramener !

Et il éclata en sanglots. De soulagement. Au cours de ce mois interminable, il avait éprouvé la plus totale, la plus intolérable des solitudes. Le sentiment d'être face à un problème qui n'avait tout simplement pas de solution, son impuissance et la conscience acérée que personne ne pouvait l'aider et qu'il était tout seul… Le poids qu'il avait sur la poitrine venait de s'alléger de façon incroyable.

Il allait pouvoir leur demander pardon.

- Oui, c'est vrai, répondit Mickey tandis que Donald et Dingo se rapprochaient de Sora pour le réconforter. Comme je le disais à l'instant, la principale difficulté là-dedans, c'est de retrouver l'ombre d'Axel.

Le Porteur s'essuya les yeux et sourit. Où était l'ombre d'Axel ? La réponse était à la fois totalement improbable et d'une logique imparable.

- Je crois savoir où chercher.

Il se trouverait là où il serait le plus proche de ce qui restait de Roxas.

Tuer des Sans-Cœur pour récupérer un cœur fut facile. Transporter ledit cœur le fut moins mais ils y parvinrent et ils se rendirent tous sur l'île du Destin. Sora entra seul dans la grotte. Une vague appréhension mêlée d'excitation faisait bruisser son sang à ses oreilles.

Il déposa sur la petite tombe le bocal de verre qui contenait le cœur et s'assit. Il lui sembla soudain qu'une journée à peine s'était écoulée depuis qu'il avait gravé ces portraits approximatifs dans la pierre. Que ce n'était que la veille qu'il s'était agenouillé là pour creuser la terre et qu'il avait pleuré pour eux.

- Axel, dit-il à voix haute sans quitter le cœur des yeux. Montre-toi, je sais que tu es là.

Il attendit un instant avant de poursuivre.

- Tu peux vivre, si tu veux. Ce cœur est pour toi. Je veux faire ça pour toi, s'il te plaît, permets-moi de me rattraper pour ce désastre dont j'ai été la cause. Vis, je t'en prie. Pour Roxas. Si tu reviens, tu pourras être avec lui, je te le jure.

Il sursauta. Descendant du plafond, une ombre épaisse glissait sur le mur devant lui et recouvrit bientôt le dessin. Le nuage noir était opaque et mouvant et Sora sut qu'il ne s'était pas trompé. C'était bien la chose qu'il avait déjà aperçue, du coin de l'œil quand il venait ici. Elle resta devant lui, en suspend sur la petite tombe.

- Ne bouge pas…, dit-il.

Il tendit les mains à travers les Ténèbres compactes, ne sentant rien d'autre sur ses mains qu'une caresse fantôme, et ouvrit le bocal.

Il distingua à travers la brume noire la lumière rosée du cœur qui faisait ce que font tous les cœurs quand ils sont libres : s'élever doucement vers le ciel. Mais celui-ci s'immobilisa après quelques centimètres, pris dans l'ombre qui se contracta autour.

Sora retira ses mains et se leva. Il regarda la chose changer de forme, se tordre et s'allonger, s'éclaircir. Il reconnaissait déjà la silhouette qui prenait forme devant lui – la même, longue et dégingandée, qui hantait ses rêves depuis des semaines.

Puis les Ténèbres se déchirèrent et il fut là. Vêtu exactement comme la dernière fois qu'il l'avait vu, ses cheveux formant les mêmes épis rouge sombre, seuls manquaient les tatouages sur les joues. Mais Sora n'eut guère le temps d'y réfléchir car à peine se fût-il matérialisé qu'Axel se précipita sur lui. Sa rapidité, conjuguée à l'effet de surprise, empêcha Sora d'éviter ce qui lui sembla d'abord être une attaque frontale, mais qui se révéla être juste… extrêmement bizarre.

L'ex-Numéro VIII l'étreignit, le soulevant presque de terre, et enfouit son visage dans son cou en murmurant le nom de Roxas. Surpris, Sora se raidit d'abord – c'était pas comme s'il avait eu l'habitude de se retrouver dans les bras d'un mec comme ça. Puis il se dit que ça aurait pu être pire, qu'il aurait pu essayer de lui rouler une pelle. Il rendit son étreinte à Axel, heureux de le savoir là, vivant. Il l'était plus qu'il ne l'avait jamais été depuis leur première rencontre…

Axel finit par le relâcher. Il avait les yeux brillants et Sora lui fit un sourire hésitant. Il se sentait épouvantablement mal à l'aise. Puis il prit une grande inspiration et se lança dans les excuses qu'il s'était répété en pensée pendant des heures.

- Je suis désolé, dit-il en regardant Axel dans les yeux. Je te demande pardon, tout ce qui est arrivé était de ma faute. Si j'avais…

Axel lui posa un doigt sur les lèvres en souriant, le faisant taire. Sora resta coi, étonné, intrigué.

- Merci, lui dit l'ancien simili. Merci, Sora. Merci beaucoup.

Le garçon secoua la tête.

- Je n'ai fait que réparer mon erreur, tu n'as pas à me remercier.

- Je ne parle pas de ça. Je parle de ça.

Et de sa main gantée de noir, il désigna la petite sépulture de fortune. Sora haussa les sourcils.

- Ce que tu as fait compte énormément pour moi. Peut-être que c'était totalement par hasard ou peut-être qu'une part de toi le savait parce qu'il le savait. La plus grande peur de ma vie a toujours été de disparaître sans laisser de trace et que personne ne se souvienne de moi.

Sora hocha lentement la tête, perplexe. Il avait simplement voulu faire quelque chose pour Roxas et à la lecture de sa lettre, c'était tout ce qui lui était venu à l'esprit. Une lettre qui, maintenant qu'il y repensait, était adressée à Axel. Il décida sur-le-champ de ne pas parler à Axel de ce qui était enterré sous la pierre. Après tout, Roxas allait réellement revenir. Il préfèrerait peut-être lui dire tout ça lui-même. Même s'il se doutait que Sora lirait sa lettre, il semblait plus sage de ne pas s'en mêler.

- Je suis heureux que tu sois là, Axel, dit-il après un instant de battement. Je ne t'ai jamais remercié pour ce que tu as fait.

Le roux secoua la tête.

- Tu me crois meilleur que je suis. Je n'ai rien fait d'autre que chercher Roxas. À partir du moment où j'ai compris qu'il n'y avait plus rien à faire et que je ne le reverrais jamais, je n'avais plus rien à perdre. Je ne voulais plus exister et tu étais la seule personne pour laquelle ça valait la peine de mourir.

Sora déglutit, soutenant de son mieux le regard de ses prunelles vertes, un regard qui affirmait et interrogeait en même temps. Un regard qui attendait qu'il donne davantage de détails quant à la promesse qu'il avait faite.

Il parla de longues minutes durant lesquelles Axel l'écouta avec un intérêt passionné. Sa main était crispée sur son manteau, à l'endroit où son cœur tout neuf pompait douloureusement et à toute vitesse. Quand Sora en eut terminé avec ses explications, Axel laissa retomber son bras le long de son corps, son visage figé dans une expression d'émerveillement incrédule.

Puis il ferma les yeux, et deux larmes coulèrent lentement sur ses joues.

Une fois qu'ils furent sortis de la grotte, Mickey et les autres les embarquèrent à bord du vaisseau Gummi et tout ce beau monde fila au Jardin Radieux car le Roi voulait utiliser les infrastructures de l'ancien laboratoire d'Ansem.

Le temps que tout soit enfin prêt, Sora se chargea d'occuper Axel. Il commença par lui faire faire la connaissance de plusieurs personnes – Aerith, Yuffie, Leon, Cid et Cloud – et par lui trouver des vêtements. Leon leur refourgua une ancienne tenue à lui composée d'un pantalon noir, d'un T-shirt blanc et d'un veston noir avec de la fourrure blanche autour du col. Passée la première impression bizarre et une fois qu'Axel eut revêtu le tout, il s'avéra que le résultat était plutôt pas mal bien qu'un peu saugrenu. Sur ses épaules se livrait un duel féroce entre le col fourré et sa chevelure et celle-ci était fort vindicative.

Mais il semblait que le distraire resterait chose impossible et Sora le réalisa très vite. Le Roi tenait à faire des recherches avant de procéder à ce qu'il avait appelé « l'extraction », afin d'éviter à Sora d'éventuelles séquelles. Il n'y avait pas de raison ce soit le cas, mais deux précautions valent mieux qu'une. Ainsi l'Elu de la Keyblade s'était-il vu bombardé Maître du Simili-sitting. Ex-Simili. Mince, comment fallait-il désigner Axel maintenant ?

Comme ils ne manquaient pas de temps à perdre, il fit tout ce qui lui passa par la tête : il l'emmena chez Merlin pour qu'il lui fasse passer les tests d'aptitude à la magie. Il s'avéra qu'Axel avait conservé son pouvoir sur les flammes mais que pour le reste c'était une authentique truffe. Il l'emmena à la glacière de l'oncle Picsou pour essayer de lui trouver de la glace à l'eau de mer et l'initier au skate-board. Deux échecs cuisants, et le vieux canard regretta profondément cette visite. Axel passa plusieurs à écouter Cid pérorer à l'infini sur la beauté de l'espace et tenter de le convaincre que les blocs Gummi étaient la plus belle inventions de tous les temps. Quand Sora lui demanda pourquoi il ne s'esquivait pas comme tout le monde quand le navigateur partait vers le large, Axel avoua qu'il n'avait jamais rien compris à la mécanique et qu'il ne percutait pas la moitié de ce que Cid lui disait. Il était simplement ébahi de voir à quelle vitesse il avait été intégré au groupe, au point que les autres lui faisaient des grimaces compatissantes dans le dos de Cid qui lui parlait. Cid qui voyait en lui un interlocuteur comme un autre. Sora ne lui dit pas mais il pensait que Cid discourrait sur l'espace avec une porte s'il restait seul assez longtemps.

Sora réalisa rapidement qu'il n'y avait pas grand-chose à faire au Jardin Radieux. En désespoir de cause, il emmena Axel dans les endroits encore « sales » de ce monde pour chasser des Sans-Cœur, et ce fut de loin la meilleure idée qu'il avait eue jusque là.

Il n'était pas vraiment à l'aise avec Axel. Celui-ci pensait à Roxas tout le temps et plus le temps passait, plus il s'impatientait. Les seuls moments où il ne semblait pas fatigué d'attendre étaient source d'encore plus de gêne pour Sora. Par instants, l'ancien Numéro VIII le regardait… fort. Intensément. Comme s'il n'y avait plus eu qu'eux deux dans le monde entier, comme si rien d'autre ne comptait, et Sora était dans ses petits souliers car comment ignorer que, dans un sens, il contenait celui qu'Axel regardait ainsi en vérité ? Il avait l'impression d'être un coffre au trésor fermé à clé, et il se sentait mal et n'en pouvait plus d'attendre de s'ouvrir. Peut-être était-il même encore plus impatient que son compagnon du moment.

Ils eurent également quelques discussions, à propos de tout ce qui s'était passé et de Roxas lui-même. Ce furent des moments où Sora se sentit bien.

Quand au bout d'une semaine Dingo leur annonça que le Roi avait terminé, il eut été difficile de déterminer lequel des deux avait le plus hâte d'arriver au laboratoire.

Le Roi avait dégagé un grand espace dans la plus vaste pièce. Elle était tout à fait vide à présent, à l'exception d'un lit d'appoint posé dans un coin, deux chaises disposées à côté. Tout le reste avait été évacué et Sora se tint debout au milieu de la pièce sans trop savoir quoi faire.

- Je m'en occupe moi-même comme la dernière fois, où… ? Demanda-t-il, inquiet.

Cet épisode avait été pénible, s'ôter lui-même le cœur avec la Keyblade n'était pas une expérience qu'il avait envie de réitérer. D'autant qu'il s'était transformé en Sans-Cœur et que son retour parmi les « vivants » avait tenu du miracle. Comment être sûr de ne libérer que le cœur de Ventus, et non le sien ou les deux ? Le Roi le rassura.

- Je vais m'en occuper. C'est assez simple, tu sais, et il n'y a pas de danger. C'est comme pour les cœurs des mondes, il y a un verrou à l'intérieur. Le cœur de Ven est enfermé à l'intérieur du tien, alors je vais le faire sortir en maintenant l'autre à sa place.

Sora déglutit durement. Ça n'avait l'air ni simple si sans risques, mais il avait fait une promesse. Il croisa le regard d'Axel qui se tenait non loin de lui et se décida. Il ne pouvait plus reculer, et de toute façon, il ne l'aurait pas fait. Il savait qu'il ne pourrait plus vivre comme ça, en sachant.

Le roux le regarda baisser la tête et fermer les yeux quand Mickey lui demanda de se détendre et alla se placer derrière lui. Puis il leva sa Keyblade et la pointa vers son dos, et un mince rayon de lumière étincelante en jaillit pour aller frapper directement le cœur de Sora.

La lumière ressortit de l'autre côté du corps de Sora comme si elle n'avait pas rencontré de résistance. Elle continua sur sa lancée pendant un ou deux mètres puis s'arrêta net, comme arrêtée par un mur invisible, et quelque chose de rose se matérialisa au bout. C'était brillant et cristallin, absolument magnifique, et la lueur s'étendait rapidement.

Sora rouvrit les yeux et observa le phénomène avec curiosité, surpris de constater qu'il ne sentait rien du tout. Au bout du fil d'or qui reliait son propre cœur à l'autre, à présent libéré, la lumière rose et dorée commençait à s'amasser, à se concentrer. Le garçon songea que c'était exactement l'inverse de ce qui s'était passé avec Axel. Il lui avait donné un cœur pour qu'il puisse se reconstruire autour ; Roxas, lui, se récréait à partir de ce cœur. Comme si tout son être avait été enfermé dedans et en sortait peu à peu, telun papillon de sa chrysalide.

La matérialisation fut rapide. Moins d'une minute fut nécessaire pour que Sora découvre Roxas, en chair et en os. Les lumières se dissipèrent et il se tenait là, debout devant lui, dans les mêmes vêtements que ceux qu'il portait sur la photo.

Il ne savait pas quoi dire. Il n'y avait pas réfléchi. Pourtant il avait tant désiré ce moment… Rencontrer son double, pouvoir lui parler, le connaître… Depuis ce jour où il avait compris qu'il existait quelque part en lui. Mais non, il ne savait pas quoi dire… et Roxas, lui, ne disait rien.

Sora s'inquiéta tout à coup. Roxas restait là, les paupières mi-closes sur ses yeux bleu marine, le regard vide. Même sa posture avait quelque chose d'absent, comme s'il avait été maintenu dans la position debout par une force extérieure.

- Qu'est-ce qui se passe ? Demanda Sora à Mickey qui observait lui aussi l'ex-Numéro XIII. C'est normal ?

Mickey haussa les épaules dans un geste qui signifiait « Je ne sais pas », et ce fut Axel qui répondit à sa question. Axel dont il avait un instant oublié la présence dans la pièce.

- Oui, c'est normal. Ça va passer.

Sa voix était un peu voilée. Sora le regarda avancer vers le blond, le regard brillant, et s'arrêter devant lui. Roxas resta sans réaction, et il ne réagit pas plus quand Axel caressa sa joue du bout des doigts avant de glisser un bras dans son dos et l'autre au creux de ses genoux et de le soulever. Le corps resta inerte dans ses bras, la tête se renversa en arrière et les yeux restèrent ouverts et vitreux, puits d'un vide bleu nuit.

Il l'emmena vers le lit et l'y déposa avec précaution. Sora s'approcha, un peu hésitant.

- Pourquoi il est comme ça ?

Axel caressa les cheveux du blond, un tendre sourire sur le visage.

- C'est la recréation. La première fois qu'il est venu au monde, il est resté dans une espèce de coma ambulant pendant une semaine, et il n'a gardé aucun souvenir de cette période. Mais tout était beaucoup plus compliqué. Il va rapidement prendre conscience, je crois.

L'Elu de la Keyblade sourit.

- Je vais te laisser seul avec lui, alors…

Le Roi était déjà sorti. Mais lorsque Sora fit mine d'en faire autant, Axel le retint.

- Reste, s'il te plaît… Roxas a toujours voulu te rencontrer. Il voulait te connaître.

Sora essaya d'ignorer la pointe d'amertume dans sa voix. Il posa une main sur l'épaule du jeune homme.

- Plus jamais je ne serai un obstacle entre vous deux.

- … Merci, Sora.

Ils patientèrent un long moment, dans un silence confortable. Sora se sentait bien – en paix. Il avait enfin soulagé sa conscience, et il avait aussi réussi à s'exclure de cette espèce de triangle qu'il formait avec Axel et Roxas. Bientôt, le blond se réveillerait, et enfin ils seraient complètement et irrémédiablement devenus deux entités distinctes, capables de vivre chacune une existence propre. Il avait fait ce qu'il avait à faire pour tout le monde, pour réparer les dégâts qui avaient été causés par sa faute et que tout se passe bien. Il avait le sentiment de se retrouver lui-même : il avait enfin repris possession de son corps dans son intégralité (pas que Roxas ait été envahissant, bien au contraire, mais il commençait à se demander si son propre cœur ne manquait pas de place, là-dedans…) et il avait en plus sauvé la situation. Et quelle bonne nouvelle que le retour de ce cher vieux lui-même ! Après ces longues semaines de déprime, il se sentait à nouveau prêt à défendre opprimés, veuves et orphelins! Il était en pleine forme, remonté comme une pendule. Pourquoi les Sans-Cœur n'étaient-ils jamais là pour se faire latter quand on avait besoin d'eux ?

Sora fut distrait de ses poussées belliqueuses par du mouvement dans le lit et son attention revint aussitôt se concentrer sur le blond encore inconscient. Il avait cligné des yeux, et une de ses mains bougeait.

Roxas leva le bras droit. Sora n'avait jamais vu un mouvement aussi lent, de toute sa vie. Il lui sembla que cela durait des heures, avant qu'enfin il ait amené sa main devant ses yeux qui la fixèrent sans ciller. Puis la main descendit et il toucha son visage, comme s'il en vérifiait la tangibilité. L'autre main vint s'ajouter. Sora remarqua que son regard semblait se focaliser.

Axel tendit la main et toucha celles de Roxas pour attirer son attention, ses yeux brillants de la même émotion contenue que tout à l'heure. Sora se sentit à nouveau très mal à l'aise, pas à sa place, et cette impression augmenta encore quand Roxas tourna la tête vers le roux et que leurs regards se croisèrent.

Il vit sa mâchoire se contracter brièvement, puis il posa une de ses mains sur son cœur et l'y crispa, avant d'ouvrir la bouche et de dire, d'une voix encore rauque :

- …Aïe.

Sora ne comprit pas, mais Axel sourit et lui répondit :

- Oui, moi aussi. Aïe.

Ils se sourirent. Sora renonça à comprendre. Le blond s'assit doucement, avec l'aide de son ami, puis Axel prit son visage dans ses mains et le regarda longuement, avant de l'attirer dans ses bras.

Sora vit Roxas fermer les yeux avant de détourner le regard. Il songeait qu'il n'aurait vraiment pas dû rester là et que de toute façon, la conversation que lui et Roxas devaient avoir n'était pas pour tout de suite. Alors il se leva et s'éclipsa aussi discrètement que possible, sans pouvoir s'empêcher de penser qu'il aurait pu jouer des castagnettes tout nu en chantant l'Hymne des Citrouilles qu'ils ne l'auraient pas plus remarqué que ça.

Avant de quitter la pièce, il jeta un dernier regard vers les deux amis enlacés. Il était vraiment, vraiment heureux de pouvoir les voir comme ça.


Ce parfum de nos années mortes, ce qui peut frapper à ta porte
Infinité de destins
On en pose un et qu'est-ce qu'on en retient ?
Le vent l'emportera
Pendant que la marée monte et que chacun refait ses comptes
J'emmène au creux de mon ombre des poussières de toi
Le vent les portera

Le vent nous portera, Noir Désir