- JE-VEUX-PAS !
Kay tourna la tête vers la gamine qui hurlait d'une voix stridente sur sa mère, une table plus loin. Celle-ci balayait du regard la salle, l'air gênée, s'excusant auprès de tout les clients.
Elle se détourna et gifla sa fille qui en tomba sur les fesses en se tenant la joue, bouché bée. Les clients du café détournèrent le regard, à leur tour gênés. Kay observa la petite fille retenir vaillamment ses larmes en défiant sa mère du regard.
- Ça suffit, Mary ! la gronda-t-elle. Ne discute pas !
La petite Sarah baissa la tête, bouillant de fureur contenue sous sa frange blonde. La mère avait l'air très fatiguée, des énormes cernes soulignaient ses yeux et elle était très pâle.
Elle portait un uniforme d'infirmière.
Profession ou fétichisme ?
Empoignant d'une main le bras de sa fille, elle sortit en trombe du café, les joues en feux. Kay porta machinalement la tasse à ses lèvres, but une gorgée de Earl Grey et la reposa sur la table.
Qu'est-ce qu'elle détestait ses parents qui n'étaient pas fichu de tenir leurs gosses en public.
Il y avait des gens qui prétendait que ce n'était pas l'éducation des enfants qui façonnait leur personnalité plus tard.
C'étaient des parents qui avaient perdus.
.
Quelques indices pour concernant l'éducation :
- Si les parents prennent l'habitude de donner à un enfant tout ce qu'il veut, celui-ci, en grandissant, deviendra un enfant gâté, et donc, détestable.
- Si les parents fument comme des pompiers devant leur enfant, celui fera – la plupart du temps – pareil devenu grand.
- Si les parents sont alcooliques, les enfants ont de grandes chances de le devenir adultes.
.
Tout cela pour dire que lorsqu'on élève bien un enfant, il devient quelqu'un de bien qui élèvera bien ses enfants à lui.
Parce que si il y avait bien une chose que Kay ne supportait pas c'était les parents qui se demandent pourquoi leur enfant à mal tourner et pense que c'est dans ses gênes.
Que c'est Dieu qui décide si un enfant réussi à devenir un bon citoyen ou non.
En gros, que c'est le hasard.
Mais pas une seule seconde ils ne se disent que c'est de leur faute, ils préfèrent penser que c'est la faute à Dieu.
La plupart du temps, lorsqu'elle disait cela à quelqu'un, il pensait qu'elle venait d'une riche famille où tout était beau et magique et que les Bisounours venaient prendre le thé tout les après-midi.
Ridicule.
Tout le monde savait que les Bisounours ne buvaient pas de thé.
.
.
Kay monta difficilement les marches, les bras encombrés par de gros sacs de courses. C'est dans ces moments là qu'elle regrettait d'avoir prit une chambre de bonne sous les combles de ce vieil appartement de Londres. Et que, accessoirement, son frère soit un véritable flemmard.
Arrivée devant sa porte, elle passa difficilement les trois sacs de son bras droit sur son bras gauche et tâtonna dans sa poche de veste longue pour attraper ses clefs. Elle les sentit du bout des doigts mais, rien à faire, Kay n'arrivait pas à les prendre.
Elle tambourina à la porte.
Rien.
- Johnny ! cria-t-elle, ses bras commençant à fatiguer. C'est moi, ouvre !
Kay entendit un grognement vague de l'autre côté, mais aucun bruits de pas annonçant que son frère venait l'aider. Elle jura, insultant à grands renforts de noms d'oiseaux son frère si... énervant – restons polis.
Elle déposa précautionneusement ses sacs au pied du mur et, les mains enfin libres, attrapa les clefs au fond de sa poche. Elle ouvrit la porte, reprit les courses et pénétra d'un pas furieux dans la chambre de bonne.
- Jonathan ! gronda-t-elle en s'interposant entre son frère assis dans un fauteuil et la télévision. Tu es sourd ou quoi ?
Il bougea la tête, tentant de voir l'écran, et finit par écouter ce qu'elle disait, soupirant d'ennui.
- Oh, c'est bon, Kay, protesta-t-il. Arrête de me prendre la tête, j'entends pas la télé. T'es chiante à la fin !
Furieuse, elle abandonna les sacs devant le fauteuil et se dirigea vers ce qu'elle appelait '' sa chambre ''. C'est-à-dire un lit, une armoire et un petit bureau séparé du reste de la pièce par un paravent asiatique.
Pas le grand luxe, en gros.
Elle essaya d'enlever sa veste, mais elle tremblait tant de rage que les boutons refusaient de glisser dans les boutonnières. Abandonnant vite, elle ressortit immédiatement de l'appartement.
Si il y avait une chose qu'il fallait éviter, c'est qu'elle reste dans la même pièce que son frère.
Sinon, il risquerait de passer par la lucarne.
Kay marcha jusqu'à un parc, histoire que l'air frais de Londres la calme. Elle inspira un grand coup.
Décidément, vivre avec Jonathan avait été une véritable erreur.
Elle avait cru pouvoir le supporter, mais c'était haut-dessus de ses forces, il était bien trop difficile à vivre.
Même pour elle et son caractère bien trempé.
Elle s'assit sur un banc pour réfléchir. Kay venait de finir ses études et travaillait dans un restaurant, à vingt-trois ans elle n'avait pas beaucoup d'autres choix que de rester avec son frère plein aux as – qui avait gentiment (?) accepter de vivre avec elle dans un tout petit appartement.
Comme quoi, il pouvait être sympa des fois.
Mais là, elle en avait plus que marre de vivre sous le même toit que le petit c.o.n. qui lui servait de frère.
Kay soupira profondément : il fallait qu'elle trouve un autre endroit pour vivre, et vite !
- Kelly-Ann ?
Tout à ses pensées, elle ne releva pas son prénom entier.
- Kelly-Ann Watson? insista-t-on.
Cette fois-ci elle entendit et tourna la tête vers un homme gros portant un imper beige et un énorme visage rond.
- John ? dit-elle, surprise.
.
.
.
- J'ai entendu dire qui tu t'étais fait tirer dessus, en Afghanistan ? s'écria-t-elle tout à trac, sans préambule. C'est vrai ?
Il baissa les yeux.
- Oui.
- Ouah... Mon cousin et ancien voisin est un héros de guerre... dit-elle, faisant mine d'en être béate.
John sourit. Il aimait beaucoup celle qui avait un jour été le petit bout de chou qui habitait la maison en face. Kelly-Ann avait, déjà à l'époque, un caractère bien à elle.
- Et sinon, Kelly-Ann, qu'est-ce que tu fais en ce moment ? l'interrogea-t-il alors qu'il s'approchait pour s'asseoir aussi sur le banc.
- Ben... Je viens de finir ma dernière année d'art appliqué et je vis chez mon frangin depuis ma majorité, répondit-elle. Et toi, John ?
- Je travaille, enfin j'essaye de travailler, dans un cabinet de consultations et je vis avec un... ami.
Elle secoua la tête, déçue.
- Un ancien médecin militaire qui finit dans un cabinet et qui vit avec un colocataire ? Bon sang, tu as du faire des choses atroces dans une vie antérieur pour que Dieu te fasse ça, constata Kay.
John H. Watson sourit encore, ayant l'air de retenir un rire.
- C'est possible.
.
.
- Alors, c'est là que tu vis, dit-elle en contemplant la façade. C'est sympa.
Le docteur Watson ouvrit la porte et laissa passer Kay.
- Merci.
Une petite femme habillée en tout violet – et avec des cheveux d'une teinte cuivré surprenante – lui sauta presque dessus lorsqu'elle entra. Elle se précipita vers John.
- Qu'est-ce qu'il y a Mme. Hudson ? s'inquiéta-t-il en voyant l'air alarmé de la vieil dame.
- John, dit-elle d'un ton plaintif. Il a encore remis ça. Cette fois, je le mettrais sur votre facture !
Il leva les yeux aux ciel, profondément exaspéré, et bondit dans les escaliers. Mme Hudson se tourna vers elle.
- Je peux faire quelque chose pour vous, mademoiselle ?
- Oh, non. Je suis juste la cousine du docteur Watson, Kelly-Ann.
Mme Hudson sourit en portant une main à sa joue.
- Vous voulez une tasse de thé ? lui proposa-t-elle.
- Oui, merci. Je serais... là où John est.
Kay monta, suivant le chemin qu'avait prit son cousin et arriva dans un appartement où le mot rangement ne devait rien dire. Il y avait un homme très pâle et grand allongé sur un sofa contre la mur droit. Il tenait dans la main un revolver. Un gros smiley jaune avait été fait sur le mur contre lequel le sofa était installé et des impacts de balles étaient visible en plein milieu. Et John criait sur l'homme, qui l'ignorait.
- Mauvaise journée ? suggéra-t-elle en pénétrant dans l'appartement.
L'homme se redressa et tourna la tête vers elle.
- Qui est-ce, John ? demanda-t-il toujours sans faire attention aux cris du docteur.
John posa les yeux sur Kay qu'il n'avait pas vu arriver et arrêta de crier.
- Heu... C'est Kelly-Ann, ma petite cousine. Mais, dis moi plutôt pourquoi est-ce que tu t'amuse à démolir notre appart ?!
- Qu'est-ce qu'elle fait là ? continua-t-il.
- On s'est rencontré dans un parc, aujourd'hui, expliqua-t-il en s'interrompant une fois de plus. Mais ce...
L'homme sauta sur ses pieds, il était drapé dans un peignoir bleu marine qui mettait en valeur son teint, ses boucles sombres et ses yeux bleu-gris clairs. Il s'approcha d'elle alors qu'elle lui tendait la main.
- Vous pouvez m'appeler Kay.
Il lui prit la main.
- Irlandaise ? demanda-t-il en s'éloignant d'un pas pour l'observer tel un prédateur.
John lui lança un regard sombre pour le prévenir de ne pas en dire plus.
- Oui, à moitié, répondit Kelly-Ann, fronçant les sourcils. Comment savez-vous ?
- Prénom irlandais, nom de famille irlandais, cheveux roux et yeux vert clairs. On dirait un cliché sur pattes.
Elle pouffa.
- Bien joué, le félicita-t-elle.
- Vous ne devriez pas porter de lentille, vous savez. C'est juste une mutation, après tout.
Kay pencha la tête, intriguée.
- Je vous demande pardon ?
- Sherlock... grommela John. Arrête.
- Votre œil gauche n'a pas la même teinte de vert que le droit. Il est bleu d'après la nuance. Vous mettez une lentille verte pour camoufler, donc ça vous travai...
- Sherlock ! le coupa John.
- Quoi ? protesta-t-il.
Kelly-Ann leva la main vers son cousin.
- Non, laisse le – elle sourit –. Que pouvez-vous dire de plus sur moi... Sherlock, c'est ça ?
- Je peux vous dire que vous faîte de l'art. Ça se voit à la trace de peinture bleu dans vos cheveux, aux traces argentée sur le tranchant de votre main droite et aux tâches de marqueurs sur l'ourlet de vos manches. Vous n'avez pas remarqué, n'êtes pas maquillée et vos vêtements sont unisexes, donc vous n'êtes pas très coquette. Vous portez des baskets de sport simples mais pour professionnels, donc vous êtes une sportive. Vos jambes sont longues, fines et musclées, vos bras aussi, alors je pense que vous faîtes de la gymnastiques. Vu que vous n'avez qu'un bijou, et vu votre cousin, vous ne roulez pas sur l'or. Et vu que ce bijou est une chevalière que vous portez au bout d'une chaîne parce qu'elle est trop grande, c'est celle de quelqu'un d'autre : un homme. Ça pourrait être votre père, mais je ne pense pas qu'un père donne ce genre de chose à sa fille, alors c'est soit votre frère, soit votre petit ami, soit votre cousin ici présent dont vous êtes très proche, débita-t-il.
Il avait parlé si vite que Kay était déboussolée. Reprenant ses esprits, elle applaudit lentement en faisant la moue.
- C'est brillant.
Sherlock la regarda bizarrement.
- Quoi ? demanda-t-elle.
- Vous et John êtes identiques.
- Ah. On me le dis souvent. Et effectivement, la chevalière est à mon frère.
Elle rejoignit le docteur Watson et jeta un coup d'œil circulaire à la pièce.
- C'est pas mal du tout ici, John. Je ne voyais pas ça comme ça quand tu m'en a parlé tout à l'heure.
- C'était pas de l'appartement que je parlais, marmonna-t-il.
Kelly-Ann montra le fauteuil où il y avait un coussin aux couleurs de l'Angleterre.
- Je paris que c'est ton fauteuil, dit-elle en souriant.
Elle s'assit dessus alors que Mme Hudson arrivait pour lui servir le thé. Kay la remercia d'un sourire courtois et porta la tasse à ses lèvres. Son regard tomba sur l'étagère au-dessus de la cheminée.
- C'est un crâne humain ?
