« Ne t'inquiètes pas pour eux, tu sais très bien qu'ils savent se débrouiller, il ne leur arrivera rien. En plus tu as reçu une lettre de leur part hier. »
Deux semaines qu'Hermione se répétait les mêmes phrases. Deux semaines qu'elle essayait en vain de se rassurer. Deux semaines qu'elle était revenue à Poudlard et qu'Harry et Ron étaient partis à la chasse aux Horcruxes. Deux semaines qu'elle n'arrivait plus à dormir, car oui, cela faisait aussi deux semaines que les phrases rassurantes qu'elle ne cessait de se rabâcher ne la rassuraient absolument pas. Elle avait constamment peur pour eux. Peur qu'ils se fassent attraper, voir pire, qu'ils se fassent tuer. Elle leur avait pourtant dit qu'elle préférait rester à leurs cotés afin de les aider, mais Harry avait déjà eut un mal fou à accepter que Ron l'accompagne, il ne voulait pas la mettre en danger elle aussi, et puis il voulait que quelqu'un puisse rester avec Ginny. Celle-ci lui avait même proposé à plusieurs reprises d'intégrer l'équipe de Quidditch pour qu'elle puisse se changer les idées, mais elle avait catégoriquement refusé. Elle, vivante sur un balai ? Jamais !
Sachant qu'elle ne se rendormirait pas de ci-tôt, Hermione glissa hors de son lit, alla chercher un livre au hasard sur une étagère et se positionna confortablement sur le fauteuil rouge et or de sa chambre de préfète-en-chef. Les dortoirs des Gryffondor lui manquaient de temps en temps, mais la tranquillité qu'elle pouvait trouver dans ses nouveaux appartements était des plus plaisante. Elle avait plus de facilité à y réfléchir.
Alors qu'elle venait à peine de commencer son livre moldu, un bruit de grincement de porte lui parvint du couloir. Quelques secondes plus tard, des pas résonnèrent pour s'éloigner ensuite en direction de la salle commune.
Curieuse, Hermione posa son livre sur son chevet, s'emmitoufla dans sa couverture et se dirigea à son tour dans le couloir. Lorsqu'elle arriva dans la salle commune, elle aperçu une silhouette installée dans le canapé face au feu de cheminée, seule lumière qui éclairait faiblement la pièce.
Elle s'adossa contre l'embrasure de la porte avant de lancer d'une voix faible :
« Malefoy ? »
Étant le deuxième préfet-en-chef, Drago Malefoy et elle avaient été dans l'obligation de partager leurs appartements, seul leur chambre était séparée. Hermione avait été des plus surprises lorsque la directrice lui avait annoncé qui serait son homologue masculin pour le restant de l'année. Elle n'aurait jamais imaginé que ce serait un élève de Serpentard. Mais ça avait tout son sens lorsque l'on sait que le défunt professeur Dumbledore avait demandé à ce qu'on rapproche les maisons. Il n'empêche que demander à deux ennemis de toujours d'emménager ensemble pendant un an était une idée un peu suicidaire. Malgré toutes ses attentes, la cohabitation s'avérait être plus vivable que ce qu'Hermione avait imaginé. Drago et elle ne se parlaient que très rarement, ce qui minimisait leurs disputes. Ils arrivaient même parfois à avoir des discussions aimables. Chose qui ne serait jamais arrivé l'année dernière. Leur appartenance au même camp arrangeait un temps soit peu leurs rapports. Car oui, la famille Malefoy, famille de Sang Pur extrême, famille à la botte du Seigneur des Ténèbres était en réalité des infiltrés de l'Ordre du Phénix.
Espions depuis toujours qui plus est ! De plus, leur fils unique ne semblait être au courant que depuis sa sixième année. Autant dire que pas mal d'événements se sont déroulés pendant les vacances.
« Qu'est-ce que tu fais debout Granger ? Va te recoucher. »
Hermione remarqua immédiatement le ton lasse et épuisé qu'avait utilisé Drago.
« J'aimerais bien te demander la même chose. Je t'ai entendu. Tu as encore fait des cauchemars c'est ça ? »
Profitant du fait de l'avoir surpris debout à cette heure-ci, Hermione put aborder un sujet dont elle n'osait pas lui parler, de crainte de se faire rembarrer. Même si il faisait tout pour paraître impassible, il n'arrivait pas à contrôler les cauchemars qui le submergeaient la nuit.
Drago se retourna pour la fixer intensément.
« Tu devrais aller te recoucher. »
Il détourna son regard pour contempler le feu, afin d'échapper à cette discussion qui le déroutait. Il se doutait qu'il devait parler pendant son sommeil, mais savoir que quelqu'un réussissait à l'entendre le gênait quelque peu. Hermione ne souhaitait cependant pas laisser filer une des seules chances qui lui était donnée d'obtenir une réponse. Elle restait Miss-je-sais-tout après tout !
Elle s'avança doucement et prit place à ses côtés sur le canapé.
« Parler ne tue pas. Même à une ennemie, rajouta-t-elle avec un sourire. »
Drago ne répondit pas, sachant pertinemment que la laisser parler lui donnerait la paix plus rapidement. Face à son silence, Hermione fit donc une des choses qu'elle savait le mieux faire : parler jusqu'à l'agacement de son interlocuteur.
« Oh je peux très bien parler pour deux tu sais, commença-t-elle. Tu n'auras qu'à me répondre par hochement de tête. Ou par signaux de mains, c'est comme tu préfères. Donc je disais ... Oui ! Tes cauchemars ! À parier, je pense qu'ils concernent tes parents. Ce qui peut être normal quand on connaît leur situation. La mission dont ils ont été chargés est très importante. Donc ton inquiétude est justifiée. »
Drago avait tourné la tête dans sa direction et la fixait comme si elle venait de dire la plus grosse bêtise de tous les temps. Chose qui n'empêcha pas à Hermione de continuer de parler.
« Quoi ? C'est le mot "inquiétude" qui te gêne ? Ah mais oui, c'est que le grand Drago Malefoy ne doit s'inquiéter pour rien à part pour lui-même. Ça doit quand-même être épuisant de devoir toujours se montrer sans émotions. Tu sais comme les gardes à Londres-côté-moldu ! C'est super incroyable n'empêche ! T'as beau faire n'importe quoi ils ne-
‒ Granger, Granger, Granger ... lui dit-il d'une voix agacée. Tu ne t'arrêtes donc jamais hein ? »
Malgré toutes les bêtises qu'elle venait de lui sortir -et ô combien elle en avait dit-, il y avait une part de vérité dans ses propos. Elle savait exactement de quoi elle parlait.
Même si elle ne pouvait pas vraiment comprendre, elle avait deviné son ressenti et ça, ça avait vraiment le don de l'insupporter. Cette manière de savoir aussi facilement ce qu'il pensait lui faisait peur à certain moment.
« Tu n'arrives pas à dormir à cause de tes cauchemars et par chance, je suis réveillée. Il faut en profiter tu ne trouves pas ?
‒ "Par chance", marmonna t-il. »
« Mais qu'est-ce que ça peut bien lui faire ? Qu'elle retourne se coucher plutôt ! » Drago était vraiment fatigué et souhaitait juste pouvoir se reposer tranquillement.
« Granger, je ne te le répéterais qu'une seule fois ; va te recoucher et fiche moi la paix. »
Hermione n'était pas impressionnée pour autant. Elle avait connu bien pire de la part du blondinet. De plus, parler avec quelqu'un lui empêchait de penser à ses propres craintes.
« Oh mais ce n'est pas pour toi que je suis venue. Vois-tu je m'ennuie, et le seul passe-temps que j'ai trouvé, c'est toi. »
Elle avait accompagné ses paroles d'un grand sourire hypocrite.
« Tu t'ennuies ? Va donc prendre un livre tel le rat de bibliothèque que tu es, lui répondit le Serpentard avec le même sourire. »
Il eut la grande satisfaction de voir les joues de la Gryffondor virer au rouge, sûrement dû à la colère qu'elle commençait à ressentir.
« Pathétique. Tu ne peux pas accepter l'idée que quelqu'un puisse vouloir t'aider ou quoi ?
‒ Oh, pourtant il me semble que tu m'es explicitement avoué que ce n'était pas pour moi que tu étais venue me parler. »
Il adorait littéralement mettre la jeune femme en rogne, qu'importe l'heure. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même.
« Crétin. J'étais entrain de lire figures-toi, mais tu m'as interrompu en faisant du bruit pour venir ici.
‒ Merlin ! Miss-je-sais-tout utilise des gros mots ! Curieuse comme tu es, il a fallu que tu sortes de ta maudite chambre.
‒ Exactement ! Et c'est justement parce que je suis curieuse, et un tant soit peu aimable, que je suis venue endurer la compagnie de ta charmante personne.
‒ Arrête ça, lui dit-il d'une voix plus froide qu'il ne l'aurait voulu. »
Il voulait au plus vite finir cette discussion qui n'avait aucun intérêt pour lui.
« Arrêter quoi ? lui demanda t-elle.
‒ Arrête de faire comme si tu te souciais de mes soi-disant "problèmes". La pitié que je peux entendre dans ta voix m'écœure. On est pas amis, alors arrête de te comporter comme telle. »
Il plongea son regard d'acier dans le sien comme pour appuyer ses propos. Mais au lieu qu'elle ne se vexe pour de bon ou s'énerve et le laisse en plan en retournant dans sa chambre, elle se mit à lui sourire. Un sourire tellement sincère que le cœur de Drago se serra le temps d'une milliseconde.
« S'il te plaît, je pense que c'est plutôt à toi d'arrêter toute cette comédie. Tu n'en as pas marre de toujours jouer le garçon insensible sans cœur ? Franchement ça ne m'impressionne pas. Tu as raison, nous ne sommes pas amis. Et on ne le deviendrait probablement jamais. La faute à qui hein ? »
Sur ces mots, elle enleva sa couverture de sur elle pour la poser sur les épaules de Drago, sous le regard ahuri de ce dernier. La dernière phrase qu'elle avait prononcée lui avait fait ressentir quelque chose d'anormal. Un sentiment oublié.
Elle se redressa, lui sourit et tourna les talons en direction de sa chambre.
« Essaye de dormir Monsieur-je-veux-pas-qu'on-soit-gentil-avec-moi. »
Et elle disparut de la pièce.
Seul, Drago trouva que la tranquillité qu'il avait tant désiré était bien trop silencieuse à son goût. Cette discussion n'avait pas eu lieu d'être. Pourtant le comportement de la Gryffondor l'intriguait. Jamais elle ne réagissait comme ça en temps normal. Sûrement la fatigue dû à l'heure tardive.
Il laissa tomber sa tête en arrière, remonta la couverture de sa charmante homologue sur ses épaules avant de s'endormir avec son odeur inconnue pour le bercer.
Drago se réveilla en sursaut. Il regarda l'heure, 2h du matin. Maudit cauchemar. Il soupira et remarqua qu'il s'était endormi sur le canapé. La couverture de Granger toujours posée sur ses épaules. Il se demanda soudain avec quoi elle avait pu dormir, vu qu'elle n'avait plus sa couverture.
Il se leva et s'approcha doucement de la chambre de la jeune femme. La porte était entrouverte. Il se glissa à travers celle-ci et découvrit une Hermione, pelotée dans une couverture verte qui contrastait assez mal avec la décoration bordeaux de la chambre. Il se surprit à sourire en se rendant compte qu'elle avait préféré aller chercher la couverture du Serpentard au lieu d'aller lui redemandé la sienne. Il resta plusieurs bonnes minutes à l'observer, et essaya de comprendre le mystère qui l'entourait. Elle paraissait tellement vulnérable endormie dans cette position. Pourquoi tant d'années de haine entre eux deux ?
Pris d'un élan de courage, il s'avança et vint se coucher juste à côté d'elle. Il se recouvrit la couverture rouge sur le corps. Dans son sommeil, Hermione se rapprocha de lui jusqu'à le toucher et il la prit délicatement dans ses bras, découvrant cette nouvelle sensation avec plaisir. Drago pensa à contrecœur qu'en temps normal, la Gryffondor n'aurait jamais pris l'initiative de se coller contre lui. Elle avait sa tête posée sur son torse et soupira doucement de contentement.
« Je suis heureuse que tu aies réussi à mettre tes différents à mon égard de côté, murmura-t-elle. »
Il fit surpris de constater qu'en réalité, la jeune femme ne dormait pas. Il ne fit, cependant, aucune remarque.
« Il faut dire que tu es assez persuasive. »
Hermione émit un léger rire, que Drago trouva très joli à entendre.
« J'ai toujours su qu'un jour tout le monde pourra avoir l'honneur de rencontrer le vrai Drago, lui expliqua-t-elle doucement.
‒ Merci, Hermione. »
Elle leva la tête afin de le regarder droit dans les yeux, de beaux yeux gris. Il lui adressa un sourire timide auquel elle répondit par un léger baisé sur la joue.
« Bonne nuit Drago. »
Il resserra son étreinte, et, après s'être promis d'enfin briser son armure, put enfin s'endormir en tenant dans ses bras, celle qui va, il l'espère, l'aider à aller mieux.
