A/N : Bonjour à tous ! Aujourd'hui, j'ouvre un recueil de nouvelles (OS). Ce recueil sera exclusivement consacré à mes écrits dans le cadre du Groupe écriture que j'ai proposé ce mois-ci sur le forum français. Personnellement, j'ai souhaité faire vivre de ce projet sous forme de recueil :) Ainsi, chaque chapitre cachera un OS différent, fidèle au thème commun.

Miss MPREG (anciennement Miss Homme Enceinte 2) ainsi que FicklePencil ont joué le jeu avec moi. Merci à vous deux, ça apporte un peu de joie dans le fandom.

Le thème qui a été choisi pour ce premier écrit est La douceur de Raphael, gentiment proposé par Miss MPREG. Il n'y a pas de date butoir. Vous pouvez encore rédiger un écrit si vous le souhaitez. Aujourd'hui, demain, dans deux mois, dans trois ans. Peu importe. Le but est d'écrire sur un thème commun.

Un gros merci tout doux à toutes les personnes qui continuent à me soutenir !

Contexte : univers 2014/2016. Quelque part, en hiver.

Rappel : l'histoire m'appartient, mais les TMNT ne m'appartiennent pas – tous les droits sont réservés à leurs créateurs. L'image ne m'appartient en aucune façon. Elle est tirée du jeu vidéo Injustice 2.


THÈME PREMIER : LA DOUCEUR DE RAPHAEL


C'est une froide nuit d'hiver. Le vent souffle si fort que l'air bourdonne et que les arbres se tordent. Certains nuages, tantôt sombres tantôt clairs, dissimulent la lune de leur épais brouillard. Quelques flocons de neige volettent fragilement dans les airs comme des oisillons perdus et fraîchement tombés du nid. Des écoulements d'eau - certainement les vestiges des dernières fortes pluies new-yorkaises - font résonner les canalisations derrière les murs de ma chambre. Cette symphonie atypique ressemble à un monstrueux gargouillis.

Allongé sur mon plastron abîmé, les fesses relevées sous mes lourdes couvertures et le visage enterré dans mon oreiller, je cherche le sommeil, en vain. Cela fait déjà presque cinq heures que j'éprouve des difficultés à m'endormir. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je repense à ma dernière dispute avec Michelangelo. Je culpabilise, je crois. Mes poings sont partis dans le mur et ma voix a déchiré ma gorge dans des cris exacerbés. La colère m'a défiguré et, comme toujours, mes mots ont manifestement dépassé ma pensée. Avec le temps et à force de répétition, j'ai finalement compris que mon impulsivité est vraie. Mais...

Franchement. Cette fois-ci j'avais raison, quand même. C'était la faute à Michelangelo. S'il n'avait pas tâché mes comics préférés avec sa pizza gorgée d'huile en les lisant* ! J'ai la désagréable impression qu'il joue constamment avec mes nerfs comme un chat jouerait avec une pelote de laine. Le pire, c'est que Michelangelo sait parfaitement où appuyer pour que ça dégénère entre nous. Il m'a tapé sur les nerfs, j'étais obligé de m'énerver. Mais...

Mais si mon comportement était justifié, alors pourquoi je me sens si barbouillé et nauséeux ? Je grogne. Je le sais, au fond, que mon comportement était abusif.

Bon sang, comment je peux pioncer dans ces conditions ?!

Un profond soupir d'exaspération m'échappe tandis que je me redresse péniblement sur mon matelas pour masser vigoureusement mon visage entre mes grosses mains cornées par le maniement des saï. Mon corps musclé est encore endolori par les derniers entraînements. J'ai le cœur noué, c'est douloureux. Malgré moi, j'ai horreur de ressentir de la culpabilité. C'en devient vomitif. J'aimerais me réconcilier avec mon frère, mais l'amertume et la colère sont tout simplement plus fortes que mon repentir et brouillent mon jugement. J'ai l'impression - à la fois agréable et déplaisante - que mes émotions négatives m'enveloppent dans un cocon protecteur destiné à cacher mes faiblesses. Un rire intérieur me secoue.

C'est idiot, je n'ai pas de faiblesse. Bon sang, ce que j'aimerais arrêter de cogiter et pioncer !

Un nouveau soupir, plus bruyant que le précédent, m'échappe. Je grogne. Je suis à nouveau envahi par une colère absurde. Mes yeux se ferment et mes lèvres se serrent péniblement. Je mords ma langue. Songeant que je ne parviendrai pas à trouver Morphée dans ces conditions, je fuis ma chambre en abandonnant derrière moi mes draps encore chauds et désordonnés. Alors que je déambule dans le couloir silencieux du repaire, un gémissement m'interpelle. Les yeux rougis, je constate que je me suis arrêté devant la porte de la chambre de Michelangelo.

Intrigué, je m'approche silencieusement jusqu'à imprimer ma joue contre le bois dur et froid de la porte, les yeux bas. Un second gémissement plus larmoyant mais moins sonore résonne. Mon cœur se serre lorsque j'entends les larmoiements de mon frère et mon visage se défroisse instantanément. Une vague d'émotions me submerge et je me sens très vite mal-à-l'aise. Je ne sais pas quoi faire. Malgré mon manque d'assurance apparent et sans trop réfléchir, j'actionne la poignée pour risquer un œil confus dans la pénombre. Il fait chaud à l'intérieur, comme dans un four en préchauffe. La gorge sèche et toujours aussi serrée, j'entre à tâtons en laissant la porte entrebâillée derrière moi. Grâce à la faible lueur provenant de la porte entrebâillée, mon regard mouillé de fatigue trouve rapidement le visage crispé de mon frère, à moitié enseveli sous ses couvertures.

Je m'aperçois à cet instant que je ne ressens plus de colère envers lui. Un étrange sentiment semble l'avoir remplacée : l'inquiétude. L'inconfort, aussi. J'exprime si rarement mes émotions, hormis la colère, que je ne sais pas - ou plus - comment réagir lorsque mes frères manifestent les leurs. C'est alors que je m'aperçois, non sans remords, que je ne sais plus réconforter. J'ai su le faire, autrefois, mais en grandissant, mes émotions sont devenues trop difficiles à gérer. Enfant, je ne me souciais pas de mes émotions. Je les exprimais, c'est tout. Désormais adolescent, la pudeur s'est installée et des étoiles semblent avoir cessé de pétiller dans mes yeux. Au fond de mon cœur, j'envie Michelangelo d'avoir su préserver son innocence et son authenticité. Moi, je ne suis pas authentique. Je dissimule mes vrais sentiments derrière d'autres, plus néfastes et impulsifs.

Un sanglot étranglé secoue à nouveau mon frère et me tire de mes songes. C'est avec une profonde maladresse que je pose ma main tremblante sur sa joue moelleuse et rebondie, d'un geste instinctif et marqué par la tendresse. Sa peau est brûlante, mais il tremble et semble suffoquer. J'ai l'impression qu'il est prisonnier d'un cauchemar. Inquiet et attentif, je plisse les yeux tout en laissant ma main désormais plus assurée dériver vers son front dans une caresse légère. J'espère ne pas le réveiller car s'il m'aperçoit le border de cette manière, je peux être certain que j'en entendrai parler jusqu'à Noël prochain. Pourtant, malgré mes craintes et ma pudeur, je n'ai pas la force de l'abandonner à son cauchemar. Je préfère attendre qu'il s'apaise. Lorsque j'y réfléchis, je songe que, peut-être, c'est notamment cet aspect de moi qu'il affectionne et qui m'a valu le doux - non, l'infâme - surnom de gros nounours trognon. J'ai d'ailleurs plus tendance à me qualifier de gros mutant effrayant que de gros nounours trognon. Néanmoins, je dois bien avouer qu'en cet instant silencieux, j'agis assez comme un nounours trognon. J'ignore ce qui m'anime.

L'amour ? Baah, non ! Il a simplement besoin d'être réconforté et c'est aussi mon rôle ! Alors je m'exécute, voilà tout. Et puis merde. Oui, j'aime mon frère. Et alors?

Les minutes passent et, malgré mon inconfort qui semble grandir, je ne cesse les mouvements réconfortants de ma main sur son visage. Le souffle de Michelangelo se régule doucement, sa chaleur corporelle chute et son visage se lisse. Un bâillement sonore fait craquer mes mâchoires. Je crois que je me sens prêt à dormir et que Michelangelo est prêt à rêver. Pourtant, malgré le sommeil qui me guette, je ne bouge pas d'un pouce. Tandis que je regarde silencieusement sa frimousse d'un œil protecteur - avec une étrange affection à peine dissimulée - je ne peux retenir un sourire attendri que je couvre aussitôt de mon poing comme pour le cacher. Je m'impose de le cacher parce que finalement, peut-être que j'en ai, des faiblesses.


* clin d'œil à l'épisode Slash, le destructeur de la série de 2012 (technique piquée à Cass Shelly. Tu ne m'en veux pas trop? *yeux de chat*)

...Raphael, sors de mon corps ! Sors de mes doigts ! Ah bah enfin ! *soupir de soulagement* J'ai rarement écrit à la première personne du singulier mais je trouvais que, pour le coup, ce point de vue permettait d'explorer plus en profondeur les sentiments de Raphael, notamment l'aspect recherché : sa douceur. Le présent, par contre, c'est nouveau pour moi x) Il y a un début à tout ! J'avais envie de nouveauté. J'espère de tout cœur que cet OS vous aura plu et qu'il vous aura donnés envie de commencer et/ou continuer ce groupe écriture avec moi. En tout cas, j'ai pris beaucoup de plaisir à rédiger cet OS. Bises tout plein !

- Hiv.