C'est durant l'hiver que je t'ai rencontré. Tu sais, on a beau faire l'indifférent, montrer qu'on est intouchables, porter un masque impassible comme tu sais bien le faire, mais au fond, on est tout le contraire. T'en es le parfait exemple. Cette nuit-là, triste et morne, peinte d'un ciel sombre sans étoiles, je t'ai vu pour la première fois.

J'avais l'habitude d'aller dans la Tour d'Astronomie, qui offre une vue qui nous donnait l'impression que le monde nous appartenait. C'était un rituel, tu sais, un peu un déstressant, avec tout ce qu'il se passait. Je t'avais vu assis sur la rambarde, qui séparait la vie et la mort. J'imagine que tes yeux étaient trop brouillés par les larmes pour me voir, et tes oreilles trop rougies par le vent pour m'entendre. C'était la première fois que je voyais à quel point tes joues étaient aussi creusées. Peut-être que la guerre n'atteignait pas seulement le côté du Bien.

T'étais vraiment pathétique, à pousser des gémissements, n'importe quelle personne aurait cru que t'étais sur le point de crever; pendant que ton corps entier convulsait dû aux sanglots auxquels t'essayais de mettre un terme, en vain.

A ce moment-là, j'ai eu l'impression que toute la tristesse du monde était ancrée en toi, pendant que la pluie se mêlait à tes larmes, et que la neige se confondait à tes cheveux blancs. Honnêtement, je n'ai pas pu retenir un sourire, en te voyant aussi faible et désemparé.

La dernière fois que je t'ai vu, il ne neigeait pas. Il ne pleuvait pas non plus. Il faisait gris, comme ta peau. Des orages éclairaient le ciel, où l'on pouvait apercevoir d'énormes nuages qui ressemblaient tellement à tes yeux. Inertes.

Ton visage arborait un sentiment que je n'avais jamais vu sur toi. La joie.

Dis-moi, quand t'étais en train de chialer en haut, est-ce-que tu souhaitais que la faucheuse t'accueille comme un vieil ami ?

Je m'abaissai pour recouvrir tes pupilles de tes paupières.

Si c'était le cas, ton souhait doit être réalisé.