CHAPITRE I

La victoire sur le Seigneur des Ténèbres était une victoire à la Pyrrhus. Certes, le mage noir avait été vaincu par Harry Potter, avec le concours – parfois pour le moins inattendu - de différentes personnes.

Poudlard était devenu un champ de ruine. Comme d'ailleurs l'ensemble du monde sorcier en Angleterre.

Le gouvernement provisoire, en crise et exsangue, ne pouvait pas apporter la moindre pierre à l'édifice, et si l'école devrait rouvrir un jour, ce serait avec le seul concours des élèves et de leur enseignants.

Le château s'était transformé en un immense camp de réfugiés. Il y avait bien entendu beaucoup d'élèves survivants qui n'avaient plus de raison de rentrer chez eux, parce que leur maison a été détruite, et souvent même leur famille entière décimée. Mais il y avait aussi des élèves qui voulaient à tout prix participer à la restauration de leur école, aidés en cela de membres survivants de leur famille. Il y avait aussi bien entendu les professeurs, dont le foyer et même la vie était Poudlard.

Les rescapés s'étaient organisés en camps, en fonction des affinités. Il n'y avait plus de Gryffondor, Serpentard, Poufsouffle ou Serdaigle.

Dans la tour de Griffondor, dont il ne restait que des ruines, Harry Potter et ses amis avaient élu domicile. Des lits de fortune étaient installés dans la salle commune qui servait de dortoir. Le dortoir des filles était aménagé en infirmerie. Le dortoir des garçons abritait une seconde grande « famille ». Au-dessus de leur tête, le ciel. Ils étaient protégés des intempéries par une bâche magique et invisible, tendue durant les premiers jours par des professeurs.

On se restaurait comme auparavant dans la salle commune. Des fastes d'antan, seuls subsistaient les bougies flottantes. Sur le côté, des chaudrons bouillonnants. Les repas se préparaient la, car les cuisines avaient été totalement détruite. Les elfes de maisons avaient âprement défendu la place, au prix de leur vie à tous. Divers marmitons improvisés étaient donc délégués à la cantine, sous la direction énergique de Molly Weasley.

Le château étant magique, et ayant été détruit par de la puissante magie noire et en l'absence de toute aide financière, les restaurations devaient se faire pierre par pierre, au prix de longues et formules magiques. Une telle situation pouvait durer des années.

Il était question de bâtir en vitesse de petites maisons dans le parc, pour pouvoir loger une partie des gens. Il était en effet plus facile de bâtir du neuf que de s'employer à restaurer l'ancien, même si on s'y employait egalement

Seul le bureau du directeur était en état, et il était occupé par Mac Conagall et les portraits des anciens directeurs, donc celui de Dumbledore. Ce dernier tentait de livrer des formules permettant de réparer plus aisément les dégâts, mais il n'y avait pas de miracles. Sans pouvoir acheter de l'énergie magique, il fallait être au moins deux sorciers expérimentés pour recaler une pierre, et ce pendant une vingtaine de minutes !

La bibliothèque avait été reconstituée tant bien que mal, et c'était toujours la sévère Madame Pince qui en assurait la garde. En outre, les livres de tous, élèves comme professeurs, avaient été rassemblés. Des ouvrages trouvés dans des décombres étaient régulièrement rapportés par des Aurors.

Des cours y étaient chaque jour organisés, par des professeurs mas aussi par des anciens élèves. Pour les plus petits, des élèves des deux dernières années prêtaient main forte.

Les cachots avaient résisté, et c'est là que se préparaient inlassablement des potions destinées aux infirmeries et même à Sainte Mangouste. L'équipe des potionistes était dirigée par Slughorn.

Certaines potions, parmi les plus pointues, se fabriquaient également dans le camp Potter. Autour de quatre chaudrons s'activaient les meilleurs élèves en potion : Draco Malfoy, Hermione Granger, Parvati Patil, Dean Thomas, Susan Bones mais aussi…Luna Lovegood et Neville Londubat. Ce dernier partait régulièrement avec Hagrid chercher des plantes dans la forêt magique ou dans des endroits plus lointains. Le tout se faisait sous la houlette du plus terrible des professeurs : Severus Rogue…

Ce dernier avait survécu à l'attaque de Nagini, grâce à l'intervention d'Hermione qui avait pris la précaution de glisser dans son sac un bézoard et une fiole de contrepoison, sachant qu'ils auraient à affronter le basilic. Finalement, ce ne fut pas à elle ni à Ron d'avoir à l'utiliser, ayant été sauvé in-extremis par Neville qui a abattu le serpent géant d'un coup d'épée de Gryffondor bien appliqué.

Rogue n'en était pas pour autant reconnaissant, loin sans faut. Il semblait encore plus amer, si la chose était encore possible. Il avait livré à ces insupportables gamins ses pensées et souvenirs les plus secrets. Ils étaient connus de tous, Potter a dû les présenter au Magenmagot pour l'innocenter. Il était devenu un héros, la plume de Rita Skeeter elle-même n'avait pas réussi à l'assassiner, et on a vu plus d'une fois son visage blême en couverture de « Sorcière Magasine ».

Comme il était encore très faible, un mois après l'attaque, on lui avait installé pour la journée un lit à côté des chaudrons. Il s'y tenait comme un empereur romain, se faisant apporter ses repas avec des gestes impériaux et dirigeait sa petite équipe de façon impérative et sans aucune concession. L'homme évitait cependant les sarcasmes, Hermione et Parvati faisant alors systématiquement éclabousser le contenu bouillant de leur chaudron sur les pieds du maître ingrat.

-Professeur !

Neville arrivait avec quelque chose de remuant dans les mains

-Combien de fois dois-je vous dire que je ne suis plus professeur puisqu'il n'y plus d'école. En revanche je suis toujours maître des potions…vous savez donc ce qu'il vous reste à faire, malgré votre cerveau limité, gronda Rogue.

-Oui, bon…Maître ! Regardez, j'ai réussi à cultiver et multiplier l'Antimoine pustuleuse dans les serres de l'école!

Rogue se départit un court instant de son masque froid. Cette plante turbulente était sauvage et ne pouvait pas se cultiver. Il savait que son ancien élève, passionné par la botanique, tentait de cultiver toutes sortes de plantes essentielles pour les potions, pour ne plus avoir à aller les chercher dans des endroits parfois très improbables et dangereux. En outre, il fallait s'assurer d'une quantité importante de plantes vu les centaines de litres de filtres et potions dont on avait besoin au quotidien.

Comme il avança de trop près son nez aquilin, la plante carnivore le lui mordit à l'aide de l'une de ses tentacules surmontée d'une petite gueule munie de dents très pointues.

Jurant les cent diables, Rogue renvoya Neville et sa plante à ses cultures.

-Fort bien Neville, dit Hermione. Si tu pouvais nous en fournir assez rapidement pour qu'on amorce la potion Tue-Arag, je t'en serais reconnaissante. Une vingtaine de personnes sont toujours prisonnières de toiles d'araignées dont on ne parvient pas à les dégager, et ils sont durs comme de la pierre. A Sainte Mangouste, il y en a aussi, et ils sont à court de potion.

Neville s'en alla en assurant qu'il ferait son maximum. Les Mangemorts avaient été inventifs en magie noire, et certains sorts n'étaient toujours pas identifiés. Rogue lui-même ne pouvait aider, n'ayant pas été mis au courant de toutes les manigances de Voldemort.

Rogue étouffa un grognement. Il était si faible. Il devait épargner ses forces. Bien entendu, Miss Je-sais-tout se mêlait de tout, et se comportait comme si c'était elle le maître des potions. Elle passait son temps libre à éplucher les livres de magie noire pour trouver des antidotes. Il le faisait bien entendu aussi, il dévorait des livres du matin au soir.

Il sentit le bout de la baguette de Granger pointer sur son nez ensanglanté.

-« Sectum ».

La plaie disparut par enchantement et la jeune fille continuait à remuer son chaudron et à y lancer des ingrédients comme si rien ne s'était passé.

Il était aussi son voisin de dortoir. On les avait installés ensemble pour que la jeune fille puisse le soigner au quotidien, des cas plus gravissimes occupants les infirmeries de fortune.

Dans l'alcôve, il y avait aussi Potter, Neville, hélas, tout ce qu'il restait des Weasley (C'est-à-dire quand-même Molly Prewett, son mari Arthur, Ginny, Percy, Ron, Georges, Charlie, Bill et son épouse Fleur Delacour) et encore Angelina Johnson, Drago et Luna. Il y avait aussi quatre professeurs : Septima Vector, Aurora Sinistra, Sibylle Trelawney et le centaure Firenze. Et enfin, même un Auror : Kingsley Shacklebolt.

Cette période en dortoir commun avec tout ce petit monde était pour lui, le solitaire, l'une des pires épreuves qu'il avait jamais endurées. La situation risquait de perdurer aussi bien pour lui que pour ses compagnons d'infortune. Son appartement attenant à la salle de classe avait été complètement démoli, et il ne restait plus rien de sa petite maison à l'Impasse des Tisseurs. Le terrier des Weasley était un tas de ruine qui avait tellement reçu de sortilèges qu'il serait désormais impossible de rebâtir quoi que ce soit sur le terrain. Londubat n'avait jamais eu de chez lui sinon chez sa grand-mère, et justement la maison et la grand-mère avait soufflé dans une explosion. Le centaure n'était toujours pas le bienvenu parmi ses pairs. Les trois femmes enseignantes étaient célibataires et ne possédait pas de logement ailleurs qu'à Poudlard. Kingsley avait vu son appartement ravagé et de toute façon, il était délégué à la surveillance du château, s'occupait à rebâtir avec les autres, faisait de fréquents aller-retour avec le ministère, et accessoirement consolait Aurora Sinistra de la perte de sa famille entière. La propriété des Malfoy était mise sous séquestre pour une période indéterminée et Lucius – trop compromis - n'avait pu échapper au baiser des Détraqueurs. Aussi Drago et sa mère Narcissa, graciée pour avoir déclaré à Voldemort qu'Harry était mort, l'épargnant ainsi, étaient à la rue. La mère occupait la tour Serpentard. Les parents de Granger avaient recouvré la mémoire, mais pas leur maison et leur cabinet qui avaient été vendus après leur départ en Australie. Ils avaient les moyens de racheter quelque chose, mais encore choqués par cette guerre dans un monde qui ne leur appartenait pas mais les concernait de si près, ils étaient actuellement les seuls Moldus à être admis dans le château. Ils étaient logés à l'infirmerie principale où ils aidaient efficacement les Medicomages avec leurs sciences moldues. Ils avaient en outre appris les rudiments des potions et Georges Granger, à la stupéfaction de tous, parvenait même à exécuter des sorts simples de cicatrisation à l'aide d'une baguette qu'on lui avait prêtée. George passait tout son temps libre en compagnie d'Arthur Weasley, les deux hommes étant fascinés par leur monde respectif.

Il ne restait que Potter qui avait miraculeusement conservé la maison à Square Grimaud. Mais il se sentait plus utile et plus chez lui au château et il avait laissé la maison entre les mains d'une organisation de sorciers sans abri.