Octobre était arrivé, et avec lui le vent froid qui faisait tournoyer dans les airs les feuilles des arbres aux couleurs rougeoyantes. Dans un château enchanté, une sorcière se leva pour fermer la fenêtre.

Hermione ferma le battant sans bruit, jetant un regard au parc de Poudlard. Puis son regard s'arrêta sur son propre reflet qui transparaissait sur la vitre. Elle avait beaucoup changé ces deniers temps. La petite écolière était devenue une ravissante jeune femme. Même si ses épais cheveux ébouriffés et ses grands yeux noisette lui donnaient encore un air candide. Mais depuis que la septième année avait commencé, elle avait remarqué un voile de mélancolie dans son regard et des inexplicables tourments dans son cœur.

Elle se rassit à sa place, au premier rang, à côté d'Harry. En se retournant, elle avait tâché de prendre une expression sereine, neutre. Elle était en classe, il était de son devoir de se concentrer et de chasser les pensées dérangeantes qui l'envahissaient beaucoup trop, ces derniers temps. Surtout dans ce cours...

Le professeur McGonagall était au milieu d'une explication sur les différentes sortes de métamorphose humaine.

"La semaine prochaine, nous étudierons en détail les transformations dont la cause est l'amour entre un mortel et une créature magique, sirènes et fées. Mais pour revenir aux succubes..."

Hermione, malgré tous ses efforts, n'écoutait qu'à moitié. Mais elle ne détachait pas son regard du professeur. Il fallait avouer que Minerva McGonagall était magnifique. Même si sa beauté avait perdu le premier éclat de sa jeunesse, du haut de ses quarante-cinq ans, elle était plus séduisante qu'une écrasante majorité d'étudiantes de l'école de sorcellerie. L'élève regardait la bouche bien dessinée du professeur se mouvoir au rythme des mots qu'elle prononçait, découvrant le bout de ses dents blanches ; elle contempla les yeux au regard si intense, détailla le visage aux traits fins, s'émerveilla de la couleur ébène si singulière de la chevelure disciplinée en un chignon serré. Elle admira la robe émeraude qui mettait en valeur la silhouette grande et mince et dont le bustier lacé dévoilait la finesse de la taille et la naissance des seins.

Le cours terminé, Hermione saisit ses affaires et partit brusquement. Ron regarda Harry qui venait ne s'était pas encore levé.

"Où est-ce qu'elle va ?

-A la bibliothèque, ça va de soi" répondit le brun en se levant à son tour.

Mais Hermione n'avait pas l'intention d'aller étudier. Elle sortit du château, sans même prêter attention au carnage causé par Peeves dans une salle de classe inoccupée.

Courant presque, elle traversa le parc et longea le lac. Arrivée à sa destination, c'est-à-dire sous un saule dont les longues branches tombantes formaient un rideau feuillu que les regards éventuels ne pouvaient traverser, Hermione se laissa tomber sur l'herbe et s'effondra en pleurs.

La nuit était tombée depuis longtemps lorsque la sorcière se résolut à quitter son refuge et renter au château. La lumière de la lune se reflétait sur les eaux du lac, et aussi sur les larmes qui ruisselaient sur les joues de la jeune fille.

Si elle était aussi bouleversée, c'est qu'elle venait de réaliser une chose étrange et pourtant évidente: elle aimait son professeur de métamorphose, Minerva McGonagall.

Le lendemain, Hermione s'était de nouveau concentrée sur son travail scolaire. Après le repas du soir, elle avait regagné la bibliothèque pour rédiger le devoir pour le cours de métamorphose du mardi suivant, sur les sirènes éprises de mortels qui deviennent humaines par amour. Hermione souriait en songeant qu'une simple lecture de contes moldus permettait de connaître l'essentiel du sujet.

S'accordant une pause, elle lâcha sa plume et regarda autour d'elle.

La bibliothèque, éclairée par des flambeaux fixés aux murs de pierre, était presque déserte à cette heure tardive. La sorcière remarqua une table éloignée où Parvati et Lavande discutaient et riaient en se couvrant la bouche avec les mains pour ne pas s'attirer les foudres de madame Pince. Plus proche d'elle, un Poufsouffle de troisième année écrivait frénétiquement sur un long parchemin.

Elle aimait beaucoup ce lieu. Tout ce savoir bien rangé sur des rayonnages. Des grimoires rédigés des siècles auparavant, par des sorciers érudits soucieux de transmettre leurs connaissances. Tout comme le faisait McGonagall.

"Mais bien sûr!" songea tout à coup Hermione. "Je n'aime pas le professeur McGonagall, mais juste ce qu'elle représente! Elle est l'incarnation de tout ce que j'admire, elle est une puissante sorcière qui connaît les plus anciens secrets de la magie. Rien de plus. Non, Hermione, rien de plus", se persuada-t-elle pour faire taire une petite voix qui s'était élevée dans sa tête: "Mais justement, c'est pour ce qu'elle est que tu l'aimes".

Exaspérée, Hermione ouvrit rageusement un des grimoires qu'elle avait posé sur la table. Elle feuilletait les fines pages de papier jauni, aux effluves de cannelle, lorsque son regard fut accroché par une illustration. C'était une gravure qui représentait de magnifiques jeunes femmes qui auraient pu sembler humaines si l'on faisait abstraction de quelques détails. Hermione lut la légende :

"Naïades de la Forêt Interdite du domaine de Poudlard, Ecosse".

Son coeur se mit à battre: y avait-il vraiment de telles créatures si près de là? Comment se faisait-il qu'elle n'en ait jamais entendu parler? Elle allait commencer à lire le texte lorsqu'elle entendit une toux sèche au-dessus d'elle. Levant la tête, elle se rendit compte que la bibliothécaire la fixait d'un air irrité, les mains posées sur les hanches :

"Vous ne savez pas lire l'heure? La bibliothèque ferme, jeune fille".

A regret, Hermione se leva. Elle voulut emprunter le livre mais madame Pince refusa en évoquant l'heure avancée.

Déjà rendue dans le couloir du château, Hermione n'entendit pas la bibliothécaire maugréer quelque chose à propos des livres qui ne devraient pas être laissés à portée des écoliers, et elle ne la vit pas non plus se diriger vers la Réserve pour y ranger le grimoire en question.