A, tLA ne m'appartient (hélas!) pas.

Tristesse d'exilée

Elle se pencha pour cueillir une nouvelle marguerite-flamboyante, dont la corole éclatante semblait un deuxième soleil, et l'ajouta avec soin au large bouquet qu'elle supportait sur son bras. Plus loin dans le parterre brillaient les pétales dorés d'une jonquille-sanguine, qui feraient une merveilleuse addition au bouquet. Ses longs doigts délicats piquèrent avec expertise la tige de la fleur écarlate, sans tremblement, avec une grâce et une précision qu'on n'enseignait qu'à l'Académie Royale pour Fille. Elle avait toujours eu des mains parfaites, créées pour prodiguer les plus tendres caresses, pour jouer de la harpe de Kai, pour balayer de leur chaleur les larmes de chien-alligators sur les joues des enfants.

Le soleil écrasait ses rayons sur le domaine. Un parc immense entourait le château ; la propriété couvrait quelques hectares de campagne et de forêt, dont le moindre arpent était une merveille de vie. La faune et la flore du parc étaient un ravissement de chaque instant pour la grande Dame. Mais Terra Moraturi n'était pas un havre, pas un paradis. Cet éden était une prison.

Tout en parcourant les sentiers appris par cœur au cour des dix dernières années, tout en aspirant de profonde bouffée de l'air frais et parfumés de la campagne, Ursa se sentait prise de vertige.

La somptuosité de son jardin -sa cage- l'amenait à se demander si, au fond, et malgré toutes les barrières posées par son orgueil, malgré toutes la froideur de son esprit ambitieux et machiavélique ; si quelque-part, à force de patience et de ces si douces caresses dont seules ses mains étaient capables ; si, presque involontairement, elle n'était pas parvenue à se creuser une petite place, non pas dans, mais jusqu'au cœur d'Ozai ; si, pour la garder en vie dans un tel luxe, une telle opulence, à une si ridicule distance se sa capitale -comme s'il avait imaginé la visiter en secret sans jamais s'abaisser à venir mendier l'affection de sa propre femme !- pour lui offrir tout ce dont on peut rêver, ou presque ; si, dans un sens, et en pesant bien évidemment tout le poids du mot, si elle n'était pas parvenue à se faire, plus ou moins, aimer d'Ozai.

Mais non, elle savait que ce n'était pas par amour mais par malice qu'il la gardait là, exilée au sein même de son pays natale, et retenue prisonnière des frontières d'une minuscule province appartenant, historiquement du moins, au Royaume de la Terre. Bannie à l'intérieur de la vaste île volcanique.

Elle savait que là, elle était complètement coupée du monde- depuis dix ans ! Qu'était-il advenu de son fils ? Ozai avait juré de l'épargner si elle parvenait à lui obtenir le trône, mais... Zuko était un petit garçon si sensible, si concerné, si humain- et le Seigneur du Feu considérait toute preuve d'humanité comme une démonstration humiliante de faiblesse- Ursa ignorait comment il se débrouillerait, sans elle, pour survivre à la coure de son tyran de père. Iroh pourrait guider l'enfant... s'il se laissait faire, si seulement il parvenait à se détacher de l'image idéalisée qu'il avait de son père.

Et Azula... elle avait si tôt embrassé la voie de ses aïeux dans la violence et le mépris !

Parfois, Ursa imaginait ses deux enfants, elle se représentait leurs traits. Elle voyait, aussi sûrement qu'elle voyait les beaux pétales de l'ignilys vénéneux, la beauté froide et implacable qui devait être celle d'Azula, à présent, pleinement femme du haut de ses dix-huit ans. Le prodige se serait pleinement épanoui, et il émanerait d'elle, comme des fleurs si chère à la Fire Lady exilée, un halot de confiance et de force, qui attirerait tous les regards et, Agni protège ses victimes, tous les cœurs.

Le fantasme d'Ursa se troublait quand elle tentait de capter le visage de son fils : ressemblait-il à son géniteur ? Avait-il hérité de sa stature, de sa démarche, de ses mains larges et puissantes- créées pour agripper fermement la courbe de la cuisse, pour enflammer les masses, pour encercler parfaitement la gorge...

Le bouquet échappa à l'attention de la grande Dame, petite fille de Roku, et s'éparpilla sur les pavés poussiéreux.

- Ma Dame, vous allez bien ? demanda la timide Sorera, qui l'accompagnait dans ses promenades silencieuses depuis dix ans.

- Oui, Sorera, ne t'en fait pas.

- Ils vous manquent.

Le constat, relaté à la fois par la voix calme et les grands yeux bruns de la petite femme de chambre, était sans appel. La suivante savait ce qui tracassait Ursa.

- J'aimerais seulement recevoir des nouvelles de l'extérieur ! plaida la noble femme.

- Vous pourriez...

- Tu sais que ce serait de la folie de s'opposer à la volonté d'Ozai. Il n'a aucun répit, aucune merci.

Le souvenir des aspects les plus sauvages de son époux fit tourner la tête d'Ursa, et elle dut chasser les images pour ne pas être (à nouveau) prise de nausées.

La noble Dame souffrait de l'ignorance dans laquelle on la maintenait depuis si longtemps, non seulement sur le sort de ses propres enfants- sa chair !- mais sur ce qu'il advenait du monde également. La comète de Sozin avait irradié le ciel pendant une journée entière, deux ans plus tôt, et si Ursa connaissait son époux, il était probable qu'il ne reste plus de vie nulle part ailleurs que dans la Nation du feu. Faire du monde un grand brasier au dessus duquel il rirait, réduire le royaume de la Terre en cendre et dominer un continent mort, voilà jusqu'où, dans ses pires instant, menait le désir de domination d'Ozai.

Elle aurait donné son dernier souffle, ne serait-ce que pour apprendre que ses enfants étaient vivants et sains, et s'ils n'étaient pas heureux, qu'au moins ils n'avaient pas perdu espoir.

Accompagnée de Sorera, Ursa remonta à pas lents et mesurés jusqu'au château suspendu au flanc du volcan qui surplombait le domaine de Terra Moraturi. Ursa était absorbée dans la contemplation du paysage, dans le réagencement de son bouquet, et ne remarqua les trois Rhinos qu'en entendant le hoquet stupéfait que leur présence produit chez Sorera.

- Ma Dame... vous- vous avez de la visite.


AN: Le paysage francophone manquait d'une fanfic tournant autour du "Zuko-cherche-sa-mère-postwar", alors... béh j'ai remédié à cette lacune :-p

Probablement encore un chapitre à venir.

Et pour ceux qui suivent mon "travail" sur , pas de panique: je ne me désintéresse pas du Cap! Il avance dans ma patite tête et quand je serai relancée, vous allez crouler sous les chapitres!