I Think We'll Go And Find The Time Of When Yoite Really Lived
La lumière de la fin de l'hiver, la blancheur de la neige, l'éblouirent un court instant. La lassitude, somnolente et tiède, encore. Il ferma les yeux.
La voix de Miharu.
La chute des flocons immaculés.
Le vent venu de la mer.
Yoite pouvait presque les entendre, lorsqu'il était ainsi assis, les yeux fermés, entièrement focalisé sur les sons. Etouffés, un peu brumeux, mais presque audibles.
Le souffle de Miharu accompagnant ses paroles.
La caresse de la neige qui tombe.
Le vent venu de la mer.
Sur la peau de son visage seule se reflétaient encore ces petits bouts de réel. Ses mains étaient devenues deux taches sombres dans son champ de vision, et ne sentaient plus rien. Il aurait pourtant bien voulu la sentir, la neige, pour savoir si elle était toujours aussi froide, ou si le sourire de Miharu l'avait elle aussi réchauffée.
Même l'odeur de cuir tout neuf des chaussures de Miharu.
Même l'arôme de la limonade brûlante.
Même le parfum piquant du vent venu de la mer.
Même cela, son nez ne le savait plus. Mais il pouvait s'en souvenir, un peu. Thobari et Hanabusa avait la même odeur, mais Hanabusa-san avait aussi, dans le lointain, la senteur des fossiles et Thobari celle de la photocopieuse brûlante. Raimei sentait l'acier de deux épées jumelles. Gau avait conservé ce parfum de fleur, d'une fleur, celle de Raiko. Kôichi et cette chatte, Shijima, avaient tous deux ce parfum d'infinie vieillesse dissimulées.
Et Miharu… Miharu sentait Miharu. C'était bien le seul parfum dont il pût se souvenir avec précision.
Il y avait longtemps qu'il n'avait plus le goût.
Tous ses sens, un par un, étaient devenus flous, brouillés, et avaient disparu, entraînant avec eux une autre pan du monde, de la vie. Yoite avait tellement pleuré, tellement supplié pour qu'ils attendent encore un tout petit peu. En vain. Rien de ce qu'il avait perdu ne lui serait rendu.
Yoite ne les regrettait plus. Chaque parcelle de 'sensible' que perdait son univers rendait plus réelle la présence. Il y avait eu la présence de Miharu, si forte et si proche, d'abord. Il y en avait aussi d'autres, maintenant. Ce n'était triste que lorsqu'il était seul.
Yoite n'était plus seul.
