Ricochet - I
« Au fond des yeux, ils ont tous la peur, les éclats de verre des certitudes qu'ils ont fait voler en éclat, et des ecchymoses. Mais ça, ce sont les cicatrices que personne ne voit. »
Fairy Tail et ses personnages à Hiro Mashima.
Drabble I –
10 x 100 mots
xx
xx
I –
Dualité – La Voleuse d'âme
xx
xx
« Donner est un plaisir plus durable que recevoir car celui des deux qui donne est celui qui se souvient le plus longtemps. »
Chamfort
xx
xx
Elle se cachait sous ses cils, et quand elle Le regardait, derrière sa colonne de fumée de cigarette, il y avait dans ses yeux une fascination qu'Il n'aimait pas. C'était comme si elle Le dépossédait de sa vie pour la revêtir, elle, à la place de sa parure noire.
Grey n'aimait pas qu'on lui vole Sa vie.
C'est triste et ça fait mal, et ça fait peur, parce qu'après elle brille et lui un peu moins.
Mais elle, elle n'a jamais eu de vie, alors il la laisse emprunter des morceaux de la sienne pour les calfeutrer dans son cœur.
Elle était un peu voleuse, un peu donneuse, et elle brûlait Ses cigarettes le soir, Jubia. Elle a cru longtemps qu'on ne la verrait pas.
Il la voyait.
Elle les prenait discrètement, en allumait une et fumait juste une bouffée, le temps de se dire qu'elle était vivante et qu'elle volait encore un petit morceau de Lui. La fumée s'élevait comme un tourbillon autour d'elle, et elle donnait l'impression d'étouffer, au milieu de tout ce qui ne lui appartenait pas et qu'elle avait pris quand même, pour avoir quelque chose.
C'était beau et triste. Dans ces moments là, son âme pleuvait.
Il l'aimait bien, Jubia, avec ses longs silences et ses regards brûlants, jamais suffisants pour le faire fondre mais assez pour émietter la surface. Elle en profitait pour ramasser ce qui tombait, et elle le cachait tout au fond d'elle, comme pour dire qu'elle avait une vie, elle aussi.
Il la regardait avec un éclat dans les yeux, et il sentait se consumer les cigarettes autour de Lui.
La fumée piquait les narines, et un peu aussi le cœur. Elle avait l'air perdu, et alors regardait autour d'elle pour Le retrouver. Et quand enfin elle Le voyait, ses yeux souriaient.
Lui, c'était la Majuscule de sa vie.
Des pleurs, de la pluie et des cigarettes qui se sculptaient en forme de futur. Le froid, ça lui réchauffait le cœur, à cette drôle de fille. Il ne valait rien, l'homme qu'elle aimait ; elle le savait. Mais Il avait des yeux capables de la tuer ou de lui offrir le paradis, juste avec un petit regard plein de morceaux de verre. Alors elle attendait sous la pluie en Le regardant.
Bleu contre Vide.
Et puis, un petit morceau de gris sur beaucoup de noir, c'est un peu de couleur, malgré tout.
Et quand elle souriait, Il était le seul à voir les fentes derrière les sourires. La fille aux milles fissures, qu'on aurait du l'appeler, avec ses yeux trop bleus et son cœur atrophié. Et, comme perpétuellement avec elle, c'était un petit mensonge dans un gros, ce sourire heureux sur sa vie toute tachée.
Elle avait toujours su donner le change.
Il n'y avait que quand elle Le regardait lui, que les tous petits trous dans son cœur qui lui faisaient comme un précipice semblaient se combler, et alors elle ne souriait plus, parce que c'était faux et qu'Il le savait.
Et des fois, sous l'orage, la pluie étouffait la fumée et le gris se fondait dans le bleu. Alors elle ne Le cherchait plus. Elle restait seule à regarder tomber le ciel. Toujours toute seule, avec dans les yeux un éclat triste, alors que se déchirait son patchwork raté de vie, dont les morceaux volés s'imbibaient d'eau et coulaient invariablement.
Lui ne s'approchait jamais. Il restait sur le porche de la Guilde, Ses cigarettes à la main, à observer les volutes brumeuses s'embourber sous la pluie, et quand elle tournait le regard vers Lui, Il feignait ne pas la voir.
Il aurait bien aimé lui offrir une vie, lui aussi. Une rien qu'à elle qu'elle aurait serré dans ses bras sans parvenir à jamais la lâcher, et après laquelle elle L'aurait regardé avec d'autres yeux que ces yeux voleurs.
C'aurait été beau, une vie rien que pour eux, sans ces terribles fumées piquantes qui leur mangeait le cœur et obstruait les mots qu'Il aurait pu lui dire.
C'aurait été beau et long, et c'aurait été triste aussi, malgré tout, parce qu'elle n'aurait plus eu cet air infiniment heureux, quand elle prenait une partie de Lui et qu'Il la regardait s'envoler.
Des fois aussi, elle ne Le regardait pas, et c'était bien mieux, parce qu'alors il n'y avait pas cette voix dans Sa tête qui lui chuchotait qu'Il était lâche. Il attendait juste, sous la pluie battante, en sachant que ce n'était pas la sienne parce qu'elle n'était pas là, et qu'il allait falloir attendre un peu pour qu'elle rentre dérober peu à peu Son âme.
La fumée s'envolait, et, quelque part, il imaginait que c'était elle qui l'aspirait. Alors il se répétait que ce n'était que des conneries, tout ça, et il rentrait encore une fois en oubliant Ses cigarettes.
Elle lui volait en permanence ses cigarettes. Le ciel disparaissait sous la pâleur effrayante de la pluie qui s'annonçait, et elle restait là, à attendre, une cigarette à la main, comme une perle de brouillard prête à s'échapper entre les doigts. Quand son cœur se fissurait, elle comblait les fissures avec un peu de cendre tombée du bord de son âme.
Alors la cigarette brûle. Les démons rient dans le noir.
Les volutes de brouillard s'envolent, et la fumée ne parvient plus à les disperser.
Il la laissait faire en feignant ne pas la voir. Des cigarettes, Il en avait plein.
Elle revenait, il ne la regardait plus et ne pensait plus à ses ensorcelants yeux, et le jeu reprenait. Elle offrait tout l'amour du monde, et en retour, lui dérobait à chaque fois un peu plus de Lui pour alimenter son cœur tout faible et atrophié. Il l'ignorait, et elle recommençait jusqu'à ce que la pluie tombe et lui reprenne tout son bonheur.
Lui, Il attendait encore.
Il y avait la Jubia voleuse et la Jubia donneuse, et Grey ne savait choisir que l'attente pour voir laquelle gagnerait sur l'autre, en brûlant Ses cigarettes et le bout de Ses doigts.
xx
xx
