Demandé par une lectrice, exaucé par mes soins ! Emeric, l'un des personnages de Ludo Mentis Aciem (et l'un des préférés des lecteurs, j'ai l'impression ! Et l'un de mes favoris au passage !), a le droit à sa fiction. Alors, Sum Presentialiter Absens in Remota, c'est long, donc vous pouvez dire SPAIR.
Elle suivra le cours de la partie V de LMA, avec des parallèles réguliers entre les deux histoires, entre autres avec les courriers que Kate et Emeric s'échangeront au cours de cette longue année.
Parce qu'Emeric est un jeune homme attachant, il méritait que l'on parle un peu plus de plus et de ses aventures à Durmstrang. De longs mois qui ne seront pas des plus aisés... !
Les chapitres seront relativement courts. En tout cas, beaucoup plus que ne le sont ceux de LMA !
Sum Presentialiter Absens in Remota : Je suis avec toi, même quand je suis loin.
Et on débute l'aventure d'Emeric avec un passage très important avant d'arriver à Durmstrang : le fameux bateau ! L'occasion de rencontrer quelques premiers personnages hauts en couleurs...
CHAPITRE 1 - Embarquement à Lyme Regis
L'eau des docks était aussi noire que celle du lac qui bordait Poudlard. Les petits remous la faisait clapoter contre les pierres du quai et branler les quelques bateaux accostés. Les mouettes s'étaient tues depuis quelques heures déjà. Il était tard, en cette soirée du mois d'août. Une nuit très particulière pour Emeric, qui patientait là. Ses lourds bagages étaient collés à ses jambes. Une cage verrouillée contenait la belle chouette de l'oural que le jeune homme avait reçue la veille, comme cadeau d'anniversaire. Un présent de son père, qui lui avait fait remarquer qu'il en aurait grand besoin pour donner de ses nouvelles. Dans le Grand Nord, là où d'autres jeunes sorciers faisaient leur apprentissage. La chouette supporterait le voyage, habituée aux pays froids. Emeric se posait la question, se concernant.
Les températures n'étaient pas chaudes dès que la nuit tombait sur les côtes du Dorcet. Le rendez-vous avait été donné sur le cobb de la ville de Lyme Regis. Le lieu, accaparé par les touristes le jour, était déserté la nuit malgré le romantisme de l'endroit. Emmitouflé dans sa grande cape, Emeric avait cependant renoncé à l'idée de sortir son écharpe aux couleurs de Serdaigle, rangée dans les tréfonds de sa valise. Il devait s'habituer aux basses températures, qui lui seraient communes à Durmstrang. Il ne cessait de se demander s'il avait fait le bon choix. Partir un an dans l'école de sorcellerie la plus malfamée d'Europe. Pourtant, son père avait soutenu sa décision. S'éloigner, prendre du recul, retenir des enseignements de ces futures expériences, bonnes comme mauvaises.
Cependant, Eugene Beckett n'avait pas accompagné son fils, ce soir-là. Ils avaient certes fêté son départ et son anniversaire autour d'un copieux repas, partagé en tête-à-tête, mais il avait respecté l'envie d'Emeric de partir seul. Cela faisait partie de son cheminement personnel. Il s'était alors contenté de l'accompagner depuis leur petite maison, perchée sur les falaises de Stone Barrows, en balais volants, jusqu'aux quais de Lyme Regis, puis était parti après lui avoir souhaité un bon voyage.
Emeric s'imaginait déjà à quoi ressemblerait l'établissement. Les renseignements qu'il en avait reçus lors des démarches d'échange avaient été peu instructifs. Mais McGonagall la lui avait dépeinte comme une école de laquelle il ne fallait pas forcément attendre de la bienveillance. Ce à quoi Wolffhart, qui avait foulé le bâtiment lors de ses études, avait rajouté qu'il ne fallait pas non plus toujours s'attendre à en ressortir vivant.
De grosses bulles l'extirpèrent de ses pensées. Et un immense bateau surgit des eaux. Si Emeric s'y était attendu, ce n'était pas le cas de la chouette, qui sursauta et piailla.
— Pas de panique, Hlin, la rassura son nouveau maître.
Cependant, il n'osa pas bouger face au titanesque vaisseau, qui continuait de branler sur les eaux dans de lourds craquements, dégoulinant de tous bords. Puis l'écoutille s'ouvrit. En sortit un vieil homme gigantesque, qui faisait claquer sa jambe de bois sur le pont. Sa mine peu avenante n'invita pas Emeric à lui adresser un sourire ou quelques salutations. Alors, le vieux sorcier tendit son bras vers lui, balançant sa grosse lanterne à huile au bout de ce dernier, puis plissa les yeux.
— C'est toi, le petit anglais ? brailla-t-il avec un fort accent.
Incapable de répondre, Emeric hocha la tête.
— Alors, bouge tes miches et charge-moi tout ce bastringue ! On ne fait pas attendre le vieux Sven !
Un temps surpris, Emeric ne se fit pas prier et tenta, tant bien que mal, d'attraper toutes ses affaires pour rentrer sur le bâteau.
— Désolé, Hlin, désolé ! murmurait-il à sa chouette malmenée dont la cage se cognait quelquefois à sa valise entre deux pas.
Une fois entré, le sorcier referma la grande porte d'un coup de baguette magique, un objet noir et cabossé, usé par les âges. Puis, il approcha son visage affublé de cicatrices et d'une barbe peu arrangée de celui d'Emeric, et l'étudia à la lumière humide de sa lanterne.
— T'es qui, gamin ? Quel est ton nom ?
— Emeric Beckett, sir, répondit courtoisement le jeune homme, pâle.
— Hmm, grogna-t-il, t'as tout l'air de ces petits trouillards prétentieux. Le vieux Sven n'aime pas les petits trouillards prétentieux.
Le sorcier s'éloigna d'un pas chancelant, invitant Emeric à le suivre, et ce dernier tenta d'animer un semblant de conversation polie.
— Qui est le vieux Sven ?
L'homme s'arrêta net et, pivotant les talons, lui annonça d'une forte voix :
— Je suis le vieux Sven !
Face à l'air terrifié d'Emeric, le sorcier ricana un temps, grommela quelques mots dans une langue que le jeune homme ne parvenait à comprendre, et poursuivit son chemin à travers les couloirs en bois du bateau. Les murs de ce dernier commençaient à frémir et, en sentant ses oreilles se compresser, Emeric comprit que le vaisseau avait replongé sous les flots.
— Nous arriverons à Durmstrang demain soir, lui annonça le vieux Sven après qu'ils aient déposé les bagages d'Emeric dans la cabine prévue à cet effet.
— Il y a encore beaucoup d'arrêts ? s'intéressa Emeric.
— On démarre toujours par l'Islande, puis l'Irlande. Exceptionnellement, pour ta tête blonde, on a fait le détour par ici. Il nous reste l'Allemagne, le Danemark, la Pologne, la Russie et les pays scandinaves. Trouve-toi une cabine, gamin. Le vieux Sven n'a pas que ça à faire que de te tenir la conversation. Il a un bateau à piloter !
Le sorcier le planta là, commençant à s'agacer de sa présence. Après un temps d'incertitudes, durant lequel le bateau commença à se mouvoir dans les profondeurs de la mer, Emeric prit la cage de sa chouette et continua son avancée dans l'étroit couloir que les faibles lueurs rendaient rougeoyant du fait des boiseries. Il jeta son dévolu sur une cabine qui, à son plus grand soulagement, était vide. La pièce était petite, avec des banquettes incrustées dans les murs, fourrées de coussins rouges et noirs, qui pouvaient également servir de lits d'appoint. Un hublot donnait un sombre aperçu de l'extérieur, dans les eaux noires de la Manche. Cependant, après avoir déposé Hlin sur un socle en bois mis à hauteur des assises, Emeric s'attarda quelques minutes sur les fresques gravées dans les murs. Les bas-reliefs en bois représentaient des scènes de magie ou de la mythologie scandinaves. Des runes légendaient les gravures, mais Emeric ne les saisissaient pas toutes, malgré ses connaissances dans le domaine. Cette année allait être l'occasion de les apprendre et de se les approprier.
Des voix lointaines lui laissaient entendre qu'il n'était pas le seul élève à bord. Comme l'avait précisé le vieux Sven, les Islandais et les Irlandais avaient déjà pris leurs quartiers. Mais l'heure n'était pas aux rencontres. Emeric n'était pas encore prêt pour ça. Il s'assit et rêvassa, menaçant quelquefois de chanceler et de s'assoupir. Mais il ne voulait pas courir le risque de s'endormir, malgré la nuit, et de se ridiculiser si d'autres élèves entraient. Au bout d'un moment, il alla chercher un livre sur les sortilèges informulés dans ses bagages pour faire passer le temps.
Il assista alors à l'émergence du bateau dans le port de Hambourg. Depuis le hublot, Emeric pouvait apercevoir les attroupements d'étudiants en capes d'hiver, réunis au beau milieu de la nuit dans ce port, normalement réservé à des fins commerciales et moldues. Leurs rangs étaient cependant bien organisés. On sentait que la discipline était bien plus inculquée qu'elle ne l'était à Poudlard. Le jeune sorcier assista à leur montée dans le vaisseau, par les mêmes écoutilles que lui. Les pas et les conversations résonnaient dans les couloirs. Emeric retint sa respiration en craignant que quelqu'un n'entre. Pourtant, personne ne le dérangea. Et le bateau reprit sa plongée. Aussi, Emeric sursauta lorsque la porte de la cabine s'ouvrit quelques minutes plus tard.
Une jeune fille lui apparut, avec son grand uniforme épais de teintes rouges et noires. Ses cheveux châtains relâchés recouvraient les fourrures qui fournissaient sa gorge, à l'exception d'une tresse, soulignant un côté de son visage. La présence d'Emeric semblait la surprendre, pourtant, seuls ses sourcils à peine froncés laissaient l'entendre sur son expression modérée. Elle tenta alors en anglais :
— Que fais-tu là ?
Sa voix était à la fois claire et tranchante, teintée d'un soupçon d'allemand qu'Emeric connaissait bien à force d'avoir entendu Wolffhart lors de ses cours de métamorphose. Il se leva sous la précipitation et se justifia :
— J'ai... j'ai juste trouvé la cabine vide. C'est pas là où je devrais être ?
Elle pivota légèrement la tête dans un geste de curiosité. Elle devait reconnaître, pour sa part, cet accent purement britannique. D'autant plus que sa tête ne lui rappelait rien. Il n'avait pourtant pas l'âge d'être un nouveau.
— Tu es le gars de Poudlard ? lui demanda-t-elle, suspicieuse.
— Euh, oui, c'est ça. Comment tu sais que...
Elle ne lui laissa pas le temps de finir qu'elle se rua sur lui. Face à cette agression surprise, Emeric ne parvint à réagir et il termina face à terre avec une clé de bras.
— Aïe ! Aïe ! Pardon ! Je ne savais pas ! Mais qu'est-ce que... Aïe, mais lâche-moi, s'il te plaît !
La jeune fille ricana quelques secondes puis relâcha la pression, avant de se lever. Emeric se redressa, peu fier, en se massant l'épaule.
— Eh bien. Si on a échangé notre Sigrid avec un arbrisseau comme toi... !
Emeric en déduisit que la dite Sigrid devait être l'élève de Durmstrang partie pour Poudlard cette année pour le remplacer. Il voulut lui faire la remarque que de telles salutations n'étaient pas les plus appropriées, pourtant, il sourit :
— Tu as... une sacrée force !
— Et toi, tu n'en as pas du tout ! Je pourrai te casser en deux !
— Je... je sais.
— Tu vas t'amuser à Durmstrang, mon petit gars.
Elle s'assit alors sur la banquette en face de lui, la pose victorieuse.
— Je m'appelle Vilma.
— Emeric. Enchanté.
— Je suis la meilleure amie de Sigrid. C'est pour ça. J'étais au courant que tu viendrais. Mais si j'avais su que je te trouverais dans notre cabine...
— Votre cabine ? Il y a des attributions ?
— Non. Mais c'est la nôtre. Toute l'école le sait. Personne n'y a jamais mis les pieds au risque de voir ses entrailles être jetées à la mer par Lyov.
— Lyov ?
— Hm. Le plus sanguin de nous quatre. Il a ses petites habitudes. Il n'aime pas trop qu'on les lui bouscule.
— Mais euh, t'es sûre que ça ne le gênera pas que je sois là ?
— Deviens pas tout blanc, Bäumchen. Je te défendrai.
Son premier sourire rassura Emeric, qui le lui renvoya. Malgré son agression, Vilma avait peut-être moyen de devenir son point d'attache dans l'école de sorcellerie.
— Tu as rencontré d'autres élèves ? s'intéressa-t-elle.
— Non. Personne. À part le vieux Sven. Qui n'a... pas l'air vraiment des plus sympathiques !
Vilma se mit alors à rire, ramenant ses jambes sur la banquette.
— Le vieux Sven ? Il n'a rien de méchant !
— A-ah bon ? Je... ne voulais pas dire ça, je me trompais sûrement ! Il est qui au juste ?
— C'est le pilote du bateau et le vigile de l'école. Il a pas l'air super aimable, comme ça, je te l'accorde, mais si tu te le mets dans la poche, il t'a à la bonne. Tiens, regarde.
Elle sortit alors de ses poches des bourses entières remplies de confiseries étranges.
— Tout ce qu'il m'a donné en montant.
— Ah oui ! En effet ! Il a l'air de beaucoup t'apprécier !
— Je l'ai sorti d'un sacré pétrin, une fois. Je te raconterai ça un jour. Tu veux en prendre ?
— Qu'est-ce que c'est ?
— Oh, rien de spécial. Des chocolats langue-de-dragon. Tu en veux alors ?
Emeric hocha la tête dans un remerciement, mais avant qu'il n'ait eu le temps de s'emparer d'une friandise, Vilma lui subtilisa le sachet sous le nez, à la vitesse de l'éclair. Il allait lâcher une expression de surprise quand elle rit :
— Tu apprendras qu'ici, Bäumchen, on mérite ce que l'on a ! Tu auras des chocolats quand tu seras aussi rapide que moi ! C'est Durmstrang, ici. Pas la garderie.
Elle s'installa plus confortablement sur les banquettes et commença à picorer des chocolats, avec un air triomphant, face à un Emeric qui avait du mal à dissimuler sa face dépitée.
— Pourquoi tu viens à Durmstrang ? s'intéressa Vilma, sans se départir de son sourire.
— Pour apprendre de nouvelles choses !
— Mouais, pour apprendre de nouvelles choses, répéta Vilma, peu convaincue.
Après quelques secondes de réflexion, Emeric décida de déballer toute la vérité, aussi violente et brusque soit-elle.
— Il y a eu une prise d'otages, l'an dernier, à Poudlard. Pendant plusieurs jours.
— Une prise d'otages ?! Trop cool, comme quoi, finalement, il y a un peu d'action dans votre Angleterre sinistre !
Emeric grimaça, passant outre cette remarque limite. Il ne s'étendit pas non plus sur le fait qu'il s'y soit rendu de son propre gré alors qu'il aurait pu en être sorti d'affaire.
— J'ai vu la fille que j'aime, morte.
Aussitôt, Vilma se calma et son expression se décomposa. Commençant à culpabiliser, Emeric se rattrapa :
— Mais elle va bien aujourd'hui !
— Bien ?! Elle est morte !
— Oui, mais en fait non, elle ne l'est plus. C'est... c'est compliqué ! Mais j'ai cru un moment qu'elle était partie.
— Mais alors... pourquoi être parti ? Ta petite amie est en vie, tu aurais dû rester à ses côtés.
— En fait... elle n'est pas ma petite amie. Elle est déjà avec quelqu'un d'autre.
— Je vois. Tu es parti pour t'éloigner d'elle.
— En partie, probablement.
Vilma soupira et retrouva son grand sourire sournois.
— T'es un peu lâche, quand même… !
Emeric grimaça et haussa les épaules.
— T'en fais pas, Bäumchen ! Quand tu reviendras à Poudlard, on aura fait de toi un guerrier et elle tombera dans tes bras !
Même s'il refusait de l'avouer à haute voix, c'était bien à cela qu'Emeric aspirait secrètement. Embarrassé, il rajusta ses lunettes sur son nez aquilin et toussota.
Ils discutèrent longuement de la vie à Durmstrang, de celle à Poudlard, tandis que le bateau magique continuait de sillonner les fonds glacés de la mer Baltique. Il lui raconta entre autres qu'un professeur partageant la même nationalité qu'elle lui enseignait la métamorphose. Il trouva bon de préciser que ce même professeur, dont il ne dévoila pas le nom, lui avait donné un autre sobriquet allemand : Blondkoft. Cela fit rire Vilma, qui continuait de gober quelques chocolats, et cette dernière, après lui avoir accordé que cela lui seyait, lui proposa d'alterner entre les deux surnoms pour ne pas le dépayser de l'école britannique.
Puis, quand survint le premier bâillement d'Emeric, Vilma lui proposa un temps de repos, avant qu'ils ne débarquent en Russie, à l'aube. Ce que le jeune homme accepta sans débattre, avec la seule crainte que Vilma, qu'il devinait déjà de nature fourbe et joueuse, ne s'amuse à lui dérober quelques effets personnels ou même ne disparaisse avec sa chouette !
— Bäumchen ? Debout !
La main de Vilma avait attrapé son épaule et la secouait avec vigueur. Emeric grommela et se redressa.
— On est arrivés, on est à St Petersbourg. Allez, viens ! On monte sur le pont ! Faut pas rater ça !
Mais quand Emeric chercha ses lunettes pour retrouver la vue, il tâtonna dans le vide. Il sonda les alentours, par terre, pensant qu'elles étaient tombées. Et, en entendant le ricanement de Vilma, il comprit aussitôt qu'elle le mettait déjà à l'épreuve.
— Mes lunettes, geignit-il. Vilma, s'il te plaît !
Dans un grand rire, l'Allemande quitta la cabine pour le semer. Emeric grogna, mécontent. Il ne voulait sûrement pas manquer la vue sur la si belle ville russe, dont on vantait la beauté architecturale. Et lui, passionné d'art, ne laisserait pas passer cela ! Il s'approcha, prudent, de la couche où s'était reposée Vilma et y trouva son grand manteau noir. Emeric sortit alors sa baguette magique en bois de pommier, la pointa sur la fourrure et marmonna :
— Indagare.
Alors, sa baguette se mit à vibrer et l'incita à suivre une direction. Elle le mènerait jusqu'à Vilma. Sa vue brouillée par sa myopie, Emeric sortit dans le couloir et brava la foule des élèves qui désiraient également assister à l'arrivée. Il garda son sang-froid et la tête haute, comme s'il n'était pas handicapé par ses yeux, se laissant guider par les pulsations de sa baguette magique. Dans ses oreilles bourdonnaient plein de langues étrangères, des rires et des cris d'excitation. Et Emeric se félicita que sa discrétion eût toujours été l'un de ses points forts !
Une lumière éblouissante en haut d'étroits escaliers lui indiqua le chemin à suivre jusqu'au pont. L'air devint soudainement beaucoup plus froid. Les planches craquèrent sous ses pieds, alors que le vieux Sven sonnait la cloche qui indiquait qu'ils allaient bientôt amarrer, sous le vacarme des mouettes qui planaient au-dessus de leurs têtes. Puis, les vibrations de la baguette se calmèrent et Emeric reconnut la silhouette floue de Vilma, accoudée à la rambarde. Il s'approcha et réclama avec une voix modérée, bien qu'agacée :
— Rends-moi mes lunettes, s'il te plaît !
— Eh bien ! s'exclama-t-elle, épatée qu'il soit parvenu à monter jusqu'ici. Je m'attendais à ce que tu restes en bas en boudant… !
— Je ne suis peut-être pas très dégourdi, mais je sais aussi ce que je veux. En l'occurrence, mes lunettes. S'il te plaît !
— Hm. Je ne sais pas.
— Rends-moi mes lunettes.
Sa voix ne s'était pas particulièrement haussée, mais Vilma avait bien distingué que son ton avait tout à coup changé. Plus tranchant, presque autoritaire, glacial. Quelque chose que l'on n'aurait pas forcément soupçonné chez ce jeune homme réservé qui semblait toujours sourire pour forcer la courtoisie. Refroidie, Vilma sortit les lunettes d'Emeric de sa poche et les lui tendit. Une fois qu'il les eut reposé sur son nez, il soupira et savoura la magnifique vue depuis la Neva. Le palais d'hiver des tsars resplendissait sous les lueurs de l'aube, se détachant du ciel rosé par ses murs bleus et ses colonnades blanches et dorées. Un drapeau russe flanchait au sommet de ce dernier.
— Désolé… de t'avoir crié dessus, bredouilla-t-il.
— Ne t'excuse pas. C'était ce que je recherchais. Tu l'as dit toi-même. Tu veux t'endurcir, t'affirmer. Mets ça sur le compte de ton apprentissage, Bäumchen.
Ils assistèrent ensemble à l'amarrage du bateau de Durmstrang sur les petits quais aménagés spécialement pour les sorciers. Des centaines d'élèves étaient rassemblés et attendaient de pouvoir rentrer. Certains aînés n'avaient pas l'air particulièrement commodes.
— Ici, on ne récupère pas seulement les Russes, expliqua Vilma à Emeric. Mais aussi ceux qui viennent des pays baltes, de la Pologne et de l'Europe de l'Est. Roumanie, Bulgarie, tout ça… Certains font vraiment un très long voyage avant d'arriver à Durmstrang.
— Et donc, je suppose qu'on va rencontrer ton ami Lyov ? Vu son nom, je dirais qu'il est russe.
— C'est exact. Et Marek, aussi. Mais Marek est polonais, lui.
— Et vous arrivez tous à vous comprendre ?
— On parle tous à peu près l'anglais. Il y a bien des élèves qui restent entre pays et qui ne parlent pas un mot d'anglais. Mais c'est dommage. Ce n'est pas du tout le but de Durmstrang, de scinder les nationalités. Mais bon. Du coup, en traînant avec ces trois gus, j'ai quelques notions de russe, de polonais et de suédois !
— Mais comment vous faites, en cours ? Vos professeurs, ils parlent anglais ?
— Ah ça, tu verras par toi-même !
Elle lui dédia ce qui semblait être un clin d'œil. Puis, ils guettèrent l'avancée des élèves, accueillis par un Sven tonitruant, qui terrifiait les plus jeunes. Cela semblait beaucoup amuser le vieux sorcier, qui faisait claquer sa jambe de bois pour donner plus d'effets à ses sermons.
— Là, c'est lui, Lyov. Avec Marek.
Vilma lui désigna alors un jeune homme qui s'apprêtait à monter. Il portait un long manteau noir, qui rappelait à Emeric celui de Wolffhart. Ses yeux plissés laissaient pourtant paraître un regard que l'on devinait acéré. Ses cheveux, d'une teinte auburn un peu terne, étaient noués en catogan. En s'amusant de la terreur des plus petits, il s'adressa à un autre élève, qu'Emeric supposa aussitôt être Marek, et qu'il compara à son ami Terry Diggle. Marek était immensément grand, les épaules larges sous son manteau rouge. Cependant, il avait un front plus large, un nez plus imposant, des cheveux plus courts, des traits plus anguleux, des arcades sourcilières plus proéminentes et des pommettes plus saillantes que le Poufsouffle. Car si Terry inspirait à la bienveillance, le dit Marek ressemblait davantage à un antique guerrier très peu avenant à première vue.
Leur arrivée ne présageait rien de bon pour Emeric, qui craignait de se faire éjecter dès leur première rencontre. Cette appréhension, Vilma la ressentit clairement et joua dessus avec des yeux brillant de malice :
— Allons à leur rencontre ! Tu viens, Bäumchen ?
Ils redescendirent dans les entrailles du bateau pour rejoindre le quartier des cabines. Les deux comparses avaient d'ores et déjà pris leurs marques dans la pièce et semblaient s'étonner de la présence d'affaires étrangères.
— Bienvenue à bord, Narren* ! les accueillit-elle avec une forte voix, les bras ouverts.
— C'est quoi, ça ? demanda Lyov, neutre, en pointant la chouette d'Emeric de son pouce.
— Une… chouette de l'Oural, il me semble, répondit Vilma, ravie de sa plaisanterie.
— C'est la mienne.
La petite voix d'Emeric leur parvint. Vilma s'écarta pour le laisser paraître. Pourtant, aucun autre échange n'eut lieu. Le silence fut pesant. Alors Lyov reprit :
— C'est toi qui viens de Poudlard ?
— C'est moi. Je m'appelle Em…
Mais Lyov l'interrompit, s'adressant en russe à Marek, dans ce qui semblait être une moquerie, puisque le géant esquissa un sourire.
— T'es pas sympa, Lyov, soupira Vilma qui avait compris ses mots, alors qu'elle rentrait dans la cabine.
Sans se vexer, Emeric hésita avant de s'asseoir. Un branle leur indiqua que le bateau reprenait sa route sous-maritime.
— Des nouvelles de Sigrid ? demanda Lyov en retirant son grand manteau, révélant de fastes habits pourpres aux broderies dorées, le col droit et remonté, laissant entendre l'importance de son rang social.
— Aucune ! répondit Vilma d'une voix fluette. Pas une lettre, rien. Aussi silencieuse que d'habitude. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles.
Lyov approuva d'un petit grognement puis s'assit à son tour, tandis que Marek restait debout, observant de temps à autre les mers depuis le hublot. Puis les discussions reprirent. Mais seulement en russe. Les garçons n'adressaient ni regard ni parole à Emeric, qui comprit que sa présence parmi eux n'était pas désirée. Vilma tentait quelquefois de l'intégrer, mais les conversations viraient toujours sur quelques sujets inaccessibles pour le jeune anglais. Alors, plutôt que de se sentir sans cesse rejeté en tentant de suivre quelques discussions, Emeric s'isola dans un coin de la cabine pour poursuivre sa lecture.
Le vieux Sven passa sur le coup de midi pour distribuer des casse-croûtes. Celui d'Emeric s'écrasa à ses pieds quand le concierge le lui lança. Cela fit sourire les deux jeunes hommes, auxquels Sven avait donné les mets en main propre. Il avait également apporté une double-ration pour Vilma, enchantée par ce privilège.
Puis tomba le soir et l'excitation enivra le navire tout entier. Des élèves chantaient l'hymne de Durmstrang dans les couloirs, faisant vibrer les murs. Quand cela atteignit la cabine des jeunes sorciers, Vilma se leva, le sourire aux lèvres, et tira Emeric.
— Viens, Bäumchen ! Il faut que tu voies Durmstrang !
En jetant un dernier coup d'œil aux deux autres sorciers, Marek hocha la tête et Lyov se contenta de hausser des sourcils, comme si cet enfantillage le lassait depuis déjà plusieurs années.
Le vaisseau d'apparence spectrale jaillit alors des flots noirs, sous une nuit étoilée, voilée de brume. Les élèves grimpaient les escaliers, placés de parts et d'autres du pont, pour admirer la bâtisse. Les briques rouges devenaient brunes avec l'obscurité et les tuiles d'ardoises qui revêtaient les tours pointues reflétaient la lumière bleutée de la lune gibbeuse. L'école paraissait bien plus petite que ne l'était Poudlard, songeait Emeric. Le coude de Vilma dans ses coudes le fit réagir.
— Alors, tu en penses quoi ? s'intéressa-t-elle, curieuse.
La vérité, c'est qu'Emeric en avait la gorge nouée malgré sa fascination pour la façade de Durmstrang. Il se heurtait à la réalité que ces murs allaient l'abriter pendant une année. Et que Poudlard lui manquerait. Ses amis. Kate.
J'espère que ce court chapitre d'introduction vous aura plu ! N'hésitez pas à me donner votre avis sur vos premières impressions, sur Emeric, sur les premiers personnages introduits, sur l'univers de Durmstrang qui se met tranquillement en place. Ou même sur vos hypothèses ! Je suis certaine que vous en avez déjà !
Le prochain chapitre à paraître sera sûrement du côté de LMA. Je pense que ça va alterner. ;)
A tout bientôt ! Merci d'avance pour l'accueil que vous réserverez à SPAIR !
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