23 décembre 1984.

17h00.

Naples.

Le sapin de Noël brillait de mille feux dans le salon d'un grand appartement en plein centre-ville de Naples. Présente en ces lieux, une famille ordinaire si ce n'était peut-être le manque de toute présence féminine. Un homme d'une quarantaine années, habile homme d'affaires né dans la capitale italienne, était en train de déposer des cadeaux sous le sapin avec un sourire bien heureux. Derrière lui, deux enfants l'espionnaient à l'ouverture de la porte de leur chambre.

« Lovino, Feliciano, j'ai dit non. Les cadeaux sont pour demain soir. »

Lovino, cinq ans, offrit à son père une moue boudeuse. Quant à Feliciano, trois ans, tenta une toute autre approche. De ses petites jambes nouvellement habiles, le plus jeune de la famille Vargas s'approcha de son père avec un regard ambré larmoyant et suppliant. Mais la technique n'eut pas l'effet escompté, aussi le père de famille lui sourit gentiment et lui caressa la tête, lui faisant comprendre ainsi qu'il devait être patient. S'il ne pliait pas dans ses affaires, il ne pliait pas plus face aux beaux yeux verts et dorés de ses fils.

Ainsi donc, l'homme se leva et repartit dans sa chambre pour préparer sa valise posée sur son lit. Son ainé toujours grognon, se posta à l'entrée de la chambre, les bras croisés, près à en découdre.

« Tu t'en vas où comme ça ? »

Feliciano, pas vraiment très conscient du moment, s'accrocha au pull de son grand-frère. Le père de famille regarda Lovino et soupira. Pour sûr, il n'avait pas besoin de femme chez lui pour lui faire ce genre de réflexion, son ainé savait parfaitement remplir ce rôle. Mais comprenant qu'à son âge, on était curieux de tout, l'homme lui répondit en fermant la valise.

« Je pars à Milan pour une dernière réunion d'affaires, je rentrerai très tôt demain. Ne t'inquiètes donc pas, je serais là pour fêter Noël avec vous… »

« T'as intérêt ! »

Le père de famille soupira une nouvelle fois. Quel caractère de cochon avait ce petit tout de même. Tout le contraire de son cadet ! Si Lovino était grognon, bagarreur et pas souriant pour deux sous, Feliciano était un enfant enjoué, rieur et adorable. Enfin, bien souvent, les frères et sœurs ne se ressemblaient pas du tout, ça ne devrait pas le surprendre. Et puis, ils s'entendaient bien ainsi. C'est dans cette profonde réflexion que la sonnerie de la porte d'entrée se fit entendre.

« Ah ! Votre nounou est là ! »

« Ouai ! Katioucha ! Ouai ! »

L'homme regarda son ainé sourire jusqu'aux oreilles alors que le plus petit piétinait sur place en attendant que son père daigne enfin ouvrir la porte. Non, Lovino n'était pas le même avec les femmes, il avait oublié de le préciser. Mais pour cause, le romain ouvrant la porte, une jeune et jolie ukrainienne blonde au sourire timide et à la poitrine imposante fit son entrée. Et il pensait que le secret venait de là, sa poitrine. Aussi jeunes soient ses fils, le père de famille pensait dur comme fer que sa poitrine attirait, d'une façon innocente bien entendu, les deux petits garçons. Combien de fois était-il rentré du travail en trouvant ses deux fils la tête posée sur chacun de ces seins en regardant la télé après tout… La présence d'une mère devait leur manquer gravement, hélas, elle n'était plus de ce monde depuis la naissance de Feliciano.

« Bon je vous laisse. Je vous appelle en arrivant à mon hôtel à Milan. Je reviens demain matin, Katioucha dormira avec vous. »

Sur ces mots, l'homme embrassa le front de ses deux fils et quitta l'appartement pour rejoindre la gare et prendre l'Express 904 en direction de Milan.

23 décembre 1984.

19h00.

Tunnel de San Benedetto Val di Sambro.

Le froid, le sang, le noir, des flammes et la douleur…

Voilà tous les sentiments et les visions qu'il avait pu énumérer à ce moment. Il y avait encore dix minutes, le romain lisait un journal confortablement installé sur son siège préalablement réservé. Une explosion avait alors retenti, et puis plus rien. Il venait de se réveiller dans cet amas de tôles brulantes, de cadavres et de personnes gémissantes.

Réveillé… Mais il savait qu'il ne tiendrait plus longtemps. Le sang qui teintait l'herbe autour de lui était bien le sien et sa vue devenait de plus en plus trouble. Sa fin était proche et ses yeux ne parvenaient plus à lutter pour rester ouvert. Finir la veille de Noël, Dieu aurait au moins pu lui accorder de voir les regards émerveillés de ses enfants ouvrant leurs cadeaux…

Le froid, le sang, les flammes et la douleur disparurent…

Il ne restait plus que le noir qui, il savait, lui serait à présent éternel.