Chapitre 1 : Jamir
Jamir était un endroit retiré du monde, perché dans les plus hautes montagnes du Tibet, où la vie semblait avoir suspendu son cours depuis longtemps. On n'y trouvait pas âme qui vive : aucun animal n'avait jamais pu élire domicile dans cette atmosphère glacée, et seul un chevalier aguerri pouvait se prévaloir d'en atteindre le sommet sans succomber au manque d'oxygène occasionné par une telle altitude.
Assis en tailleur au sommet d'un roc aplani et froid, le Chevalier du Bélier, Mü, poussa sa conscience aux confins du pays.
En contre-bas, dans la vallée de l'Ü-Tsang, il sentit que les paysans commençaient à se lever – dès que le soleil pointerait le bout de son nez, nul doute qu'ils partiraient tous labourer la terre, pour ne revenir chez eux qu'à la nuit tombée.
Un groupe d'enfants se réveillait également à l'orphelinat de Lhassa, la capitale : ils avaient un voyage d'organisé aujourd'hui, il leur fallait donc se lever plus tôt et préparer leurs bagages. Leur excitation était communicative, dès le saut du lit.
Prés des lacs salés du Chang Tang, une autre forme de vie attira son attention : un troupeau de Yacks – étonnamment nombreux pour cette période de l'année – était en train de se tremper les pattes dans les flots glacés.
Mü prit une grande inspiration – tous ces endroits qu'il avait déjà visités lui communiquaient clairement le même message : Kiki n'était pas au Tibet.
Mais par Athéna, où est-il donc ? Se demanda le mentor pour la troisième fois de la matinée.
D'ordinaire, lorsqu'il revenait de mission, le garçon l'attendait à Jamir – et les rares fois où il était avec Shiryu ou la princesse Saori, son cosmos lui permettait de communiquer sa position à son Maître, et de rentrer dans la journée.
Or, présentement, cela faisait une semaine que Mü était revenu d'Asgard où Athéna l'avait envoyé pour remettre un message à la princesse Hilda de Polaris – et toujours pas de Kiki.
Si un détail devait chiffonner Mü, ce serait l'absence totale des rayons de son jeune cosmos, rattaché dès sa naissance à la constellation du Bélier. Il ne les sentait nulle part – ni en Chine, près de la rivière de Rozan où il passait parfois du temps avec Shiryu, ni au Japon, où il aimait revoir Seyar, ni en Grèce – place forte du Sanctuaire même d'Athéna.
- Kiki, où es-tu donc passé ? Demanda-t-il à voix haute, un tantinet soucieux, comme si les rocs environnant pouvaient lui délivrer une telle réponse.
Soudain, une immense vague de calme et de douceur l'atteignit, en provenance de la frontière indienne. Mü sourit.
- Shakka, comprit-il.
- Tu as perdu quelque chose ? Lui demanda son confrère par la pensée, un brun amusé.
Le Chevalier d'or de la Vierge était à Âgrâ, ville où il avait vu le jour et dont il avait fait son lieu de retraite. Mü le localisa en une seconde et lui retourna sa vague de réconfort.
- Pour tout te dire, je cherche à établir contact avec mon apprenti… Avoua-t-il à l'indien.
- Je vois, sourit Shakka. J'ai l'impression que cet enfant aime te faire tourner en bourrique…
- Tu as remarqué, toi aussi ? IronisaMü. Je ne me rappelle pas avoir jamais été aussi diable à son âge. Ni aucun d'entre nous, d'ailleurs.
Shakka garda le silence quelques secondes – si bien que Mü crut un instant qu'il était retourné à sa méditation. Puis la voix douce de son confrère lui répondit :
- Ayor et Aldébaran ont eu leur période, le rassura-t-il avec un sourire perceptible. Je vais tenter à mon tour de localiser son cosmos…
Mü lui envoya une onde de reconnaissance : s'il y avait bien un Chevalier capable d'étendre son investigation au-delà des siennes, c'était Shakka.
Hélas, il sentit un soupçon de frustration remonter depuis l'Inde juste avant que son confrère ne lui réponde officiellement :
- Navré, Mü. Je ne le sens nulle part. C'est plutôt surprenant.
- En effet, répondit le Bélier. Je te remercie néanmoins.
- Si son cosmos m'apparaît, je te le ferai savoir sur le champ… Conclut Shakka.
Puis tout deux retournèrent à leur méditation respective.
Néanmoins, Mü venait de comprendre un point essentiel de la situation. Kiki avait forcément des problèmes… Si même le seigneur de la Vierge ne parvenait pas à le localiser, cela signifiait clairement que ses réserves d'énergie étaient au plus bas – ou qu'il était dans un autre sanctuaire divin, indétectable aux cosmos des chevaliers d'Athéna. Dans tous les cas, une situation fâcheuse.
Le Seigneur des Béliers se leva et alla prévenir son serviteur qu'il partait à la recherche de Kiki pour savoir quel était le dernier endroit où on l'avait vu. Si le garçon devait se manifester avant son retour, Shakka le préviendrait et il reviendrait alors immédiatement.
Le vieux Tsering acquiesça, inquiet. C'était lui qui s'occupait depuis son enfance d'entretenir et ravitailler la tour de Jamir en l'absence de son maître, et il n'aimait pas savoir que le petit Kiki était introuvable.
- Qu'Athéna vous protége, mon Maître, murmura-t-il en retournant aux cuisines.
Mü lui servit un sourire qui se voulait rassurant, puis il se téléporta tout d'abord aux Cinq Pics.
Dès son arrivée, il comprit que l'ambiance était à la fête. Il régnait dans l'atmosphère une joie collective, un sentiment euphorique qu'il était d'ordinaire assez rare de percevoir dans la retraite de Dokho.
Justement, le Chevalier de la Balance apparut à ses côtés. Tout deux étaient au sommet de la cascade de Rozan. Dokho avait de nouveau son apparence d'homme jeune – toutefois, on sentait qu'il était désormais capable de mûrir et vieillir comme tout à chacun : sa peau était burinée et de jolies faussettes se dessinaient progressivement autour de ses yeux et de ses lèvres.
- Bonjour, Mü, lui dit-il chaleureusement.
- Maître, inclina de la tête le seigneur des Béliers. Je ne vous importune pas, j'espère…
- Non, le rassura Dokho. En fait, Shiryu et Shunreï se sont mariés il y a quelques instants… La cérémonie vient tout juste de s'achever.
- Oh, sourit Mü. Il faut que j'aille les féliciter alors ! C'est une très heureuse nouvelle.
- En effet. Cette période de paix est propice à la reconstruction, de nos sanctuaires comme de nos vies… (Puis il redevint grave) : J'ai entendu ta conversation avec Shakka, Mü. Et malheureusement, j'ignore où est Kiki. Shiryu lui avait proposé d'être témoin au mariage il y a environ un mois, ce qu'il avait accepté, comme tu t'en doutes. Mais il ne s'est pas présenté, ce que je juge comme assez alarmant.
Le chevalier des Béliers encaissa la nouvelle et tout ce qu'elle impliquait. Plus aucun doute, le garçon était dans les ennuis jusqu'au cou. Désormais, il avait de quoi s'inquiéter pour de bon.
- Kiki est l'héritier de la maison des Béliers, il ne peut y en avoir d'autre, continua Dokho. Dès que les rituels du mariage seront terminés, je t'aiderai à le retrouver.
Mü acquiesça vivement, reconnaissant :
- Merci, Maître. Je vais continuer ma ronde auprès de Seyar et des autres. Je vous tiendrai au courant.
Puis il se téléporta en contre-bas, où Shiryu – qui avait apparemment senti sa présence – l'attendait. Après l'avoir félicité comme il se devait et lui avoir souhaité beaucoup de belles choses pour la suite, il le rassura sur le fait que Kiki n'aurait jamais oublié sa cérémonie et devait probablement attendre quelque part qu'on vienne lui donner un petit coup de main – ce qu'il allait faire sans tarder.
Il resta encore quelques minutes, le temps d'échanger une tasse de thé symbolique en hommage de la mariée, puis se téléporta au Japon, au siège de la fondation Kido.
Tatsumi, le majordome de la princesse, était en train de regarder les informations télévisées lorsque ce grand chevalier aux vêtements tibétains apparut à sa droite, et il poussa un cri paniqué, lâchant la télécommande et bondissant de son large canapé. En voyant les yeux du nouvel arrivant, il se retint néanmoins de sortir son bâton de Kendo : ce visage lui était vaguement familier.
- Mais qui es-tu toi, et comment as-tu fait pour arriver ici, hein ? Ah, j'y suis ! Tu es de la famille de ce vaurien qui s'amuse à me faire voler dans les airs, c'est cela ?
Mü comprit immédiatement la référence à son apprenti, et sourit :
- Je vois. Je suis le Chevalier d'or des Béliers, Mü. Et toi, qui que tu sois, tu me parais bien impoli.
Tatsumi se dégonfla comme un ballon :
- Oh, un chevalier d'or, donc… Oh, pardonnez-moi je… Euh… Que puis-je pour vous ?
- Je suis justement à la recherche de mon apprenti, Kiki. Quand l'as-tu vu pour la dernière fois ?
- Ce garnement ! S'empourpra Tatsumi. Eh, il faudrait lui apprendre le respect, un peu ! (Voyant que Mü perdait progressivement son air affable, il enchaîna à toute allure) : je ne l'ai pas revu depuis la bataille d'Hadès, désolé. Mais il aimait bien passer du temps à l'orphelinat, peut-être a-t-il été vu là-bas entre temps…
Mü acquiesça :
- J'aimerais présenter mes hommages à la Princesse Saori avant de partir. Où puis-je la trouver ?
Tatsumi se mit instantanément au garde à vous, comme si le nom de Saori avait éveillé en lui quelque instinct serviable.
- A cette heure du matin, elle se promène dans le parc. Voulez-vous que je vous conduise ?
- Non ça ira, merci. Je pense pouvoir la trouver. Si Kiki réapparaît, soyez aimable de me faire prévenir sur le champ.
Tatsumi acquiesça, puis sursauta de nouveau en le voyant disparaître. Ces chevaliers, avec leurs pouvoirs spéciaux, allaient finir par le rendre fou…
Lorsqu'il se matérialisa près du cosmos d'Athéna, Mü fut immédiatement plongé dans un havre de paix et d'amour. Sa propre joie l'envahit et le soulagea de ses inquiétudes.
- Princesse, salua-t-il, heureux de la revoir.
Elle aussi avait mûri, et bien qu'elle portât encore sur son visage et ses mains quelques fines traces de blessures reçues pendant la dernière guerre sainte, elle était toujours aussi resplendissante de beauté. En cette heure matinale, elle avait troqué sa robe d'un blanc immaculé contre une jupe longue aux tons jaune pâle, et un débardeur brodé aux coloris un peu plus foncés.
- Mü, sourit-elle. Quel plaisir. Comment vas-tu ?
Saga et Kanon apparurent alors dans son champs de vision : le premier plongé dans la contemplation du paysage, le second s'approchant l'air accueillant :
- Salut à toi, Mü, lui dit-il.
Les jumeaux étaient tout deux habillés sobrement et semblaient servir d'escorte permanente à leur déesse, qui de son côté conversait gaiement avec eux.
- Je vais bien, sourit-il à son tour à l'attention de ses interlocuteurs. Il semble que vous aussi, Princesse. Cela me ravit.
Saori pencha alors la tête sur le côté :
- Un nuage accompagne pourtant ta venue, je le sens dans ton cœur. Que se passe-t-il ?
Mü acquiesça :
- Rien de grave, Majesté. Je suis seulement à la recherche de mon apprenti, Kiki. Il semblerait qu'il ait disparu.
Il vit immédiatement que la princesse saisissait les tenants et les aboutissants d'une telle information, à en juger par l'air grave qui se peignit de suite sur son visage :
- C'est terrible. Nous devons le retrouver immédiatement.
Mü tenta d'apaiser son inquiétude :
- Peut-être n'est-ce rien de grave, annonça-t-il calmement, il lui arrive souvent de partir aux quatre coins du globe. Je ne l'en ai jamais empêché, c'est sans doute de ma faute.
Athéna lui tourna le dos et s'avança plus profondément dans le parc :
- Mais il n'est pas du genre à disparaître sans donner de nouvelles. Il a, au contraire, toujours le don de se trouver là où on a besoin de lui…
Le Chevalier du Bélier accepta le compliment d'un signe de tête.
- Surtout tiens moi au courant dès que nous l'aurons retrouvé, ajouta-t-elle en se tournant vivement vers lui. Si d'ici demain tu n'as pas réussi à le localiser, je lancerai une mission officielle dans ce sens.
Saga s'intéressa alors à la conversation – conscient qu'il serait probablement le chevalier mandaté pour cette recherche.
Si Mü sembla trouver la mesure excessive, il n'en laissa rien paraître : la princesse Saori, de par sa connexion à Athéna, avait un sens de la menace plus développé que le sien. S'il lui paraissait donc légitime de lancer plusieurs chevaliers sur les traces de Kiki, il n'allait pas tenter de l'en dissuader.
- Quand as-tu noté sa disparition ? Demanda alors Saga d'une voix grave.
- Je l'ai fait appelé il y a environ une semaine.
Kanon s'éloigna un peu, et tous sentirent qu'il développait ses sens au reste du monde pour tenter de localiser l'enfant. Mü ferma les yeux, anticipant la réponse que lui donnerait son confrère :
- Shakka et moi n'avons pas réussi à trouver trace de son cosmos, ce qui justifie ma démarche jusqu'ici. Incidemment, j'ai entendu dire qu'il y avait un orphelinat qu'il affectionnait tout particulièrement dans les environs, savez-vous où je peux le trouver ?
Le visage de Saori s'illumina d'un coup :
- Oui, il est en face du port. (Après un bref instant de réflexion, elle ajouta avec amusement) : Seyar y est en ce moment-même, tu devrais pouvoir le localiser facilement.
- En effet. Merci Princesse. Je vous tiendrai informée des fruits de ma recherche dès demain matin.
Kanon et Saga s'approchèrent :
- C'est assez étrange, je ne sens pas sa présence moi non plus, entama le plus âgé.
- Pourtant la constellation du bélier ne semble pas avoir perdu d'étoile, relativisa son frère.
Mü acquiesça : si Kiki était mort, il l'aurait senti, c'était certain.
Saori posa une main sur l'épaule de Saga :
- Nous devrons élucider ce mystère. (Puis se tournant vers Mü) : Nous attendons de tes nouvelles, Chevalier.
- Princesse, répondit celui-ci en guise de salut et d'acquiescement.
Puis il se fia au cosmos de Pégase et se téléporta à ses côtés, atterrissant ainsi à l'orphelinat principal de Tokyo.
Une fois encore, il fut accueilli par un cri de terreur : celui d'un jeune garçon brun qui alla détaler derrière Seyar. Le Chevalier Pégase éclata de rire :
- Oh, salut Mü ! Et bien, quelle surprise !
Une jeune femme à ses côtés frictionna le dos du garçon en question :
- Allons, n'aie pas peur, Makoto. C'est un chevalier.
L'enfant laissa poindre le bout de son nez mais ne désira pas en montrer d'avantage :
- Il ressemble à Kiki ! Chuchota celui-ci en regardant Seyar, et en se rapprochant de Mylène.
- Mais c'est normal, c'est son maître, répondit Pégase. (Puis le jeune homme attrapa la main de la jeune femme) : Mü, je te présente Mylène, ma fiancée.
Le chevalier du bélier baissa la tête en signe de salut – il sentait une grande douceur émaner d'elle :
- Félicitations, sourit-il. Je vois que tu as su trouver une femme qui te complète.
Seyar comprit immédiatement le message, et grimaça :
- Je ne vois pas ce qui te fait dire ça, je suis très calme et pacifique moi aussi quand je le souhaite.
Tous les quatre s'esclaffèrent.
- Bon et Kiki, comment va-t-il ? Ca fait longtemps qu'on ne l'a pas vu ! Demanda Seyar en s'étirant. C'est toi qui l'entraîne jour et nuit, ne lui laissant même pas une minute pour aller voir ses amis ?
Le sourire de Mü se figea immédiatement, puis disparut. Seyar s'avança immédiatement d'un pas :
- Attends une minute. Que se passe-t-il ? S'inquiéta-t-il.
- Kiki a disparu – c'est pour ça que je suis ici. J'aurais souhaité savoir quand il a été vu ici pour la dernière fois…
Seyar sursauta :
- Il a disparu ? Non mais comment ça, il a disparu ? (Voyant que Mü ne bougeait pas et ne répondait rien, il enchaîna) : Mais il faut à tout prix le retrouver ! Enfin, on ne disparaît pas comme ça, pas lui ! (Il se tourna vers Mylène) : De mémoire, il est revenu deux ou trois fois depuis notre retour des enfers. C'est bien ça ?
Mylène acquiesça :
- Oui, cela fait environ une quinzaine de jours que je ne l'ai pas vu. La dernière fois qu'il est passé, il a soigné Cassïdy.
Seyar pivota de nouveau vers Mü :
- Oui, ils sont proches tous les deux, peut-être qu'elle sait quelque chose. Et puis elle fait partie du même peuple que toi, elle peut sûrement le repérer !
Le chevalier du bélier pencha légèrement la tête, intrigué par le dernier morceau d'information :
- Une Atlante ? Ici, à Tokyo ? Tu dois faire erreur.
Son peuple avait quasiment disparu de la surface de la Terre, et il n'était même pas sûr que d'autres représentants que Kiki, Scion et lui puissent encore exister en ce monde. En imaginer un à Tokyo relevait de l'impossible.
- Mais si, insista pourtant Seyar. C'est bizarre qu'il ne t'en ai jamais parlé !
Mylène posa sa main sur le crâne du garçon qui se cachait encore derrière elle :
- Makoto, veux-tu bien aller chercher Cassïdy s'il te plait ?
L'enfant détala immédiatement.
Seyar poursuivit :
- …D'ailleurs maintenant que j'y pense, c'est Kiki qui nous l'a amenée il y a un an ou deux – on a jamais su d'où exactement. Cassïdy a quelques pouvoirs elle aussi, même si elle les cache la plupart du temps - elle ne veut pas devenir chevalier. Oh, je pensais que tu la connaissais, tu vas voir elle est assez… Hors du commun.
Une fillette d'environ dix ans apparut alors calmement dans la cour. Makoto tournoyait autour d'elle, à priori en train de vanter la rapidité et le charisme du nouveau chevalier qu'elle allait rencontrer dans quelques instants. Elle portait une chevelure dorée libre, ainsi que des yeux et des points de même couleur. Sa tunique noire était sobre mais lui conférait une maturité bien au-delà de son âge. Le cœur de Mü s'emplit de joie lorsqu'il réalisa que son peuple n'était finalement pas encore au bord de l'extinction comme il l'avait longtemps cru, et qu'il avait en face de lui une véritable Atlante – au sang pur, et à la dignité affichée. Puis une terrible pensée s'instaura dans son esprit. Comment Kiki avait-il pu lui cacher pareille information ?
- Salutations, fit-elle en inclinant la tête avec respect. Je suis Cassïdy.
Le Seigneur des béliers posa un regard sur Seyar, qui comprit la requête silencieuse : ils raccompagnèrent Makoto à l'intérieur, leur conférant ainsi un semblant d'intimité. Mylène jeta un coup d'œil à Cassïdy pour s'assurer que la fillette n'allait pas s'en effrayer, mais comme à son habitude elle paraissait parfaitement maître de la situation.
- Je m'appelle Mü, répondit alors doucement le Chevalier une fois que leurs trois compagnons furent à quelques pas. Sais-tu qui je suis ?
Elle acquiesça lentement :
- Vous êtes le maître de Kiki, le Chevalier d'Or des Béliers, du sanctuaire d'Athéna.
- Et sais-tu pourquoi je suis ici ?
- Parce que vous recherchez Kiki.
Il s'avança d'un pas et prit la pleine mesure de la puissance de la fillette – cosmos qui émanait d'elle involontairement.
- Et sais-tu où il se trouve ?
Cassïdy ferma les yeux dans une gestuelle familière chez les Atlantes :
- Oui. Mais hélas, je ne suis pas autorisée à vous communiquer cette information. Et je ne sais pas s'il va bien… Je le pense. Je l'espère.
Mü s'apprêtait à pousser plus loin l'interrogatoire, mais elle leva une main pleine d'autorité devant lui :
- Le dieu que je sers m'interdit de vous révéler ce détail. Mais il y a quelqu'un que tu connais, et qui – lui – passe au dessus de cette autorité. Il s'agit de Shun, de l'Andromède. S'il est revenu, il sera plus au fait que moi sur ce qui arrive à Kiki en ce moment. Bonne chance, Mü du Bélier. Kiki me parle beaucoup de vous, je suis heureuse de vous avoir rencontré.
Mü du faire appel à son plus grand calme lorsqu'il la vit se volatiliser et éteindre son cosmos. Elle aussi avait disparu.
Il tenta de suivre les traces de son esprit, de son âme, de l'once de vie qui avait frôlé ce sol quelques instants auparavant – en vain. Elle était à son tour totalement indétectable.
Son apprenti était dans donc bel et bien dans un autre sanctuaire divin – probablement celui-là même que la fillette venait de rejoindre. Seule cette hypothèse pouvait expliquer que des guerriers émérites comme lui-même et Shakka ne puissent plus détecter leurs cosmos. Mais que venait donc faire Shun dans cette histoire ? Le jeune chevalier était, à sa connaissance, reparti pour l'île d'Andromède peu après leur retour à tous des enfers. L'idée de la création d'un nouveau sanctuaire d'Hadès lui traversa l'esprit mais il la repoussa pour l'instant : dans ce genre de situation, la suspicion était la pire des conseillères.
- Kiki, dans quel pétrin t'es-tu donc encore fourré ? Soupira le seigneur des Béliers en regagnant l'intérieur de l'orphelinat.
