Je reviens avec une toute nouvelle fic! Mais là, attention, je me fais plaisir! Avant de commencer la lecture, vous devez savoir que ceci est un peu la conclusion de mes deux anciennes fics, soient Double Jeu et Ana. Si vous ne les avez pas lues, il se pourrait que vous vous posiez parfois des questions. Mais je vais écrire en ayant le soucis de ne perdre personne, promis. À vrai dire, vous n'avez pas besoin d'avoir déjà lu ces fics, mais si vous l'avez fait, vous allez pouvoir deviner des choses avant qu'elles n'arrivent!

Armistice va se dérouler sur presque dix ans, visitées en flashbacks, avec comme point central la relation entre Ezio et Sofia, et deux autres personnages que j'ai créés. Il se pourrait que vous ne soyez pas d'accord sur la façon que je vais décrire leur liaison, ainsi que sur les états d'âme d'Ezio. Je vais survoler cette tranche de leur vie où ils viennent tous les deux de s'installer près de Florence. Dans cette fic, leur relation sera fragile, et Ezio, vulnérable. Car malgré tout leur bonheur et leur amour décrits comme parfaits dans Revelations et Embers, je crois qu'ils ont eu à vivre des moments plus difficiles. Comme il arrive dans tous les couples, aussi parfaits soient-ils, quoi!

Bon, j'arrête de jacasser, et je vous laisse lire!

Florence - 1513

_Pas trop mal, cette résidence. Qu'en penses-tu?

Ezio secoue la tête. Il vient de se souvenir que Niccolo Machiaveli et lui sont encore en train de discuter en ce moment même.

Il a eu un bref moment lunatique, comme ça lui arrive trop fréquemment depuis les derniers mois.

_Bon, il y aura quelques rénovations à faire, je le concède, continue le grand et élégant homme, ignorant le manque d'attention de son ami. « Mais rien de majeur. Que des rafraîchissements. Si tout va bien à Rome, je pourrai enfin m'y installer d'ici un an.

Ezio ne sait pas où se tenir, dans ce grand espace trop vide.

Seules les pièces principales, soient une chambre, la salle à manger et la cuisine, sont meublées pour l'instant. Ce logement passera de seconde à principale résidence de Niccolo dans les mois qui suivront.

Cette large bibliothèque, où le son de leurs pas fait tant d'échos, n'attend qu'un chargement colossal de livres et de cartes pour enfin reprendre vie. La lumière crépusculaire renvoie des ombres dramatiques sur le parquet, et la poussière qui flotte dans l'air est perceptible à l'oeil nu. Mais on constate tout de suite que cet endroit a le potentiel de devenir un havre de confort et de quiétude.

Depuis son retour de Masyaf, voilà déjà presque un an de cela, Ezio avait fait des changements drastiques dans sa vie. Il avait délaissé son titre de mentor de l'Ordre des Assassins, abandonné toutes ses responsabilités à Rome, et avait déménagé à Florence, la ville qui l'a vu naître et grandir. Avec ses économies astronomiques, il s'était acheté une charmante villa en banlieue de la ville. Un belle et grande maison, avec étable et atelier, en plein milieu d'un champs vallonneux où le raisin y pousse avec aisance.

Pendant des décennies, il avait toujours porté de lourdes et complexes armures, et depuis ce changement de vie, il doit à présent se faire aux costumes simples et légers d'un citoyen ordinaire. Il se bat depuis contre plusieurs tics, surtout des mouvements de mains qu'il porte toujours à ses hanches, à la recherche d'un endroit où les déposer. Il se tient toujours trop droit, ou trop courbé, croise les bras, fermement, puis tente de relâcher sa posture pour quelque chose de plus décontracté. Il porte souvent la main à son visage, cherchant un rebord de capuche à lisser du bout de ses doigts joints. Comment fait-on pour non pas avoir l'air d'un homme ordinaire, mais en devenir un?

Maintenant qu'il est libre et sans obligations, jamais Ezio Auditore n'a combattu autant d'angoisse.

_Est-ce donc moi qui te donne ces idées de retraite, Niccolo?

_La retraite? Qu'est-ce que tu racontes! Tu crois que je vais cesser de travailler? Non… j'ai en tête depuis longtemps une idée pour une pièce de théâtre… Une comédie.

_Tu me surprendras toujours!

_Que ne ferais-je pas pour divertir un tant soi peu les Medicis!

_J'imagine que ce sera de l'humour satirique! lance une voix de femme depuis l'autre bout de la pièce.

Les deux hommes se retournent, et sourient à la belle et élégante dame à la chevelure rousse qui s'approche d'eux.

Sofia Sartor.

Elle embrasse Niccolo, puis se glisse sous le bras réconfortant d'Ezio, qui la serre contre lui.

_La place du Dôme était chaotique aujourd'hui. Excusez mon retard à me joindre à vous!

Elle regarde autour d'elle avant d'ajouter un compliment sur l'endroit. Niccolo et elle s'échangent quelques mots, mais Ezio est déjà ailleurs. Il admire le profil à la fois prononcé et délicat de Sofia.

Bon sang, ce qu'elle peut être belle!

Ezio n'imagine toujours pas la chance qu'il a d'avoir une femme aussi extraordinaire à ses côtés. Ils s'étaient tous les deux mariés il y a de cela quelques mois, lors d'un passage à Venise, pour régler les détails de la succession de la librairie de cette dernière à Constantinople.

Ce fut une cérémonie simple, parfaite.

Lorsqu'elle l'a suivi dans son périple qui les a menés de la Turquie jusqu'à Masyaf, Sofia avait fait la promesse d'être là pour lui s'il décidait de tout laisser tomber par la suite. Elle a su tenir parole. Dès les premiers jours de leur retour vers l'Italie, Ezio tomba physiquement très malade pendant le voyage. Ce qui avait tout l'air d'être une sévère grippe, avec toux, douleur musculaire et fièvre, était le premier symptôme de son soudain relâchement.

Il n'y a rien à faire. Malgré tout le bonheur qu'il ressent depuis qu'il a fait le choix de cette nouvelle vie, Ezio vit depuis d'épisodiques moments de déprime et de fatigue qu'il ne sait contrôler.

Sofia ne fléchit pourtant jamais. Elle est toujours près de lui, sait trouver les mots justes, se montrer patiente et attentionnée… Parce qu'en dehors de ces brefs moments de panique qu'Ezio peut vivre, ils sont fondamentalement heureux.

Sofia se doutait au moment de lui promettre son support, que la chose ne serait pas aisée. Il s'agissait là de tout un défi.

Apprendre à un homme comment vivre à nouveau.

Malgré qu'il n'ait jamais été déconnecté de la civilisation, certaines réalités lui étaient devenues complètement abstraites avec les années. Comme ce souper de ce soir. Dénué de tout objectif, autre que de passer du bon temps avec les gens qu'on apprécie. Prendre place à une table, parler de tout et de rien en attendant que les plats arrivent. Lorsque Niccolo les avait invité à se joindre à lui pour le dîner pendant son bref séjour à Florence, le premier réflexe d'Ezio fut de lui demander pour quelle raison ils avaient à manger ensemble…

Ce fut plus fort que lui, pendant tout le repas, Ezio n'a fait que parler de politique et d'actualité. Que se passe-t-il à Florence? Quels sont les enjeux en ce moment? Et la Toscane en général? Quelle est la situation socio-économique? Les affaires vont bien? Les fermiers se plaignent? Ah bon? Comment cela se fait-il?

Toujours en train de chercher justice.

La situation est pourtant loin d'irriter Sofia, toujours aussi charmée par le tempérament résolument allumé de son mari. En voilà un qui ne vieillira pas dans la bêtise et l'indifférence!

Leur relation a toujours été particulière. Pendant très longtemps, leurs rapports furent strictement platoniques. Ils avaient mutuellement une forme de respect, une tendresse et une bienveillance qui se rapprochaient davantage du dévouement, de l'altruisme et de l'amitié que de l'amour. Le temps aura su ajouter très rapidement des chapitres de tendresse et de dilection à leur relation.

Leur amour ne fait maintenant plus aucun doute aux yeux d'Ezio. Sofia est la femme de sa vie. Il lui offre toute son énergie, toute sa passion. Malgré qu'il n'ait pas encore réussi à prononcer ces mots si fondamentaux.

« Je t'aime. »

Ça reste coincé dans le fond de sa gorge, à chaque fois. Elle le sait. Elle sent ses tentatives, son acharnement à tenter de sortir cette si courte phrase, mais oh! si vitale pour le futur de leur couple.

Sofia sait se montrer patiente. Elle a compris depuis longtemps qu'elle se trouve en face d'un homme qui s'en demande énormément, en cette période de sa vie. Il a tant de fatigue, de traumatismes et de vieux réflexes à maîtriser. Elle se sent parfois comme une nurse qui veille sur un malade.

Et pourtant…

Un léger silence après une longue conversation. Les trois sont assis à la table. Les assiettes sont consumées, les verres ne sont pas encore vides, mais ça ne saurait tarder.

Ezio laisse échapper un long souffle après avoir bien ri d'une anecdote que venait de raconter Niccolo. Les regards se croisent, un ange passe.

Sofia en profite pour se redresser sur sa chaise.

_Attention! scande-t-elle d'un air officiel en cognant délicatement le rebord d'une petite cuiller sur le ballon de son verre. « J'ai une annonce à vous faire.

Les deux hommes retiennent leur souffle, intrigués, et se préparent pour la suite.

_Ezio, j'espère que tu ne m'en voudras si je n'attends pas que nous soyons tous les deux seuls pour l'annoncer. Mais Niccolo est un vieil ami à toi, je suis réjouie de partager ce moment avec lui, et puis cette soirée est si belle. Je ne peux mieux choisir le moment.

_Alors, vas-y! lance Ezio, impatient. Dis-nous quelle est cette si belle nouvelle!

Excitée, Sofia prend quelques secondes pour se reprendre. Elle pose sa main sur celle d'Ezio, étendue sur la table. Il regarde Sofia fixement.

_Ezio… Je suis enceinte.

_Nous allons avoir un enfant?

_Oui!

_Ça alors… !

La nouvelle l'émerveille réellement. Il reste un moment sans rien dire, béat.

Niccolo tape dans ses mains, un grand sourire au visage.

_Toutes mes félicitations! Il y aura donc un Auditore de plus en Italie avant la fin de l'année!

_Le médecin m'a dit que j'étais en parfaite santé, et que la grossesse devrait se dérouler sans problème.

_N'est-ce pas merveilleux? Je suis si heureux… merci Sofia. Merci. Grazie!

À ce moment, Ezio lève les yeux vers Niccolo. Malgré son bonheur apparent, on devine tout de suite que quelque chose le préoccupe. Il est pourtant persuadé que son ami est sincèrement heureux pour eux. À quoi songe-t-il, alors?

_Il commence à se faire tard, dit finalement Ezio après quelques minutes. « Je descends préparer nos montures.

Niccolo va à sa suite, alors que Sofia reste pour aider la domestique à débarrasser la table.

_J'aurais souhaité que tu sois plus enjoué à l'écoute d'une si bonne nouvelle, mon ami, commence Ezio d'emblée en s'approchant des bêtes, attachées à quelques pas de la bâtisse.

_Je n'ai jamais été aussi heureux pour toi, Ezio. Je suis sincère, crois-moi.

_Alors, dis-moi ce qui a semblé t'inquiéter lorsque Sofia a fait cette annonce.

_Ezio… Ne me force pas à te dire ce que tu sais déjà.

Les deux hommes se dévisagent, puis Ezio se penche sur la bassine remplie d'eau servant d'abreuvoir à l'animal. Il soupire en observant le reflet qui lui est renvoyé.

Je suis vieux… Si vieux. Et elle, si jeune.

Peu importe de ce que sera fait l'avenir, une seule conclusion est possible. Ezio devra quitter Sofia, un jour. Il l'abandonnera sans prévenir, le jour où la vie l'emportera de son dernier souffle. Sofia se retrouvera seule, jeune et veuve, à s'occuper d'un enfant qui aura eu à peine le temps de connaître son père.

C'est inévitable.

L'idée lui avait brièvement parcouru l'esprit lorsqu'il s'était trouvé seul dans la bibliothèque d'Altaïr, en face de cette pomme d'Eden. Il y a songé. De prendre le fragment, et profiter de ses extraordinaires pouvoirs. Il a pensé à Altaïr, qui avait vécu jusqu'à l'âge incroyable de 92 ans.

La décision s'était alors imposée d'elle-même. Il ne pourrait avoir à la fois Sofia et la pomme d'Eden. Posséder cette relique, c'était accepter de continuer cet interminable jeu du chat et de la souris entre les Templiers et lui. S'il voulait réellement tout laisser tomber, il devait abandonner l'idée de garder le fragment pour lui. Il avait bien vu tous les ravages que cela avait causé sur les ancêtres de l'Ordre des assassins.

En refusant de prendre possession d'un tel pouvoir, il devait accepter de rester un homme ordinaire. De continuer de vieillir et éventuellement, mourir.

Ezio lève enfin les yeux vers Niccolo.

_Une seule année avec Sofia à mes côtés, vaut déjà mieux que cent ans à continuer à me battre. Je sais que certaines choses sont inévitables, mais pour l'instant, je veux profiter de tout le bonheur que je peux vivre avec elle.

_Fais attention, dans ce cas, mon ami. Je sais que tu vis une période de tourment intérieur, mais tu as la chance d'avoir une femme merveilleuse à tes côtés. Ne la perds pas.

_Je sais… Je croyais que ce serait plus facile que cela de laisser tomber notre Confrérie…

_Et c'est probablement le geste le plus brave que tu aies jamais accompli, Ezio.

_Merci pour ton franc parlé, mio fratello.

Sofia vient les rejoindre à peine quelques instants plus tard. Ils prennent tous les deux place sur la charrette, puis prennent la route vers la campagne.

Pendant tout le voyage, les deux ne cessent de s'exclamer au sujet de la grossesse de Sofia.

_Ce sera un garçon ou une fille, selon toi? demande la rouquine.

_J'aimerais que ce soit une fille, lance Ezio, enchanté. Elle aura tes yeux, et ton intelligence.

_Je suis tellement heureuse de fonder une famille avec toi…

_C'est toi, qui me rends si heureux. Je…

Ils sont enfin arrivés à destination. Les chevaux se stabilisent, et Sofia reste sans bouger, dévisageant intensément Ezio.

«Dis-le, mierda! Dis-le, bon sang! Tu n'as jamais été aussi certain de ton amour, pourquoi n'es-tu pas capable de lui dire?»

Le moment est idéal. Ils se trouvent en face de leur magnifique demeure et Sofia vient de lui annoncer qu'elle va lui offrir une famille. Que faut-il donc de plus?

_Entre tout de suite. J'emmène les chevaux à l'étable, et je vais te rejoindre.

Sofia continue de regarder Ezio un instant, se remettant de sa brève excitation, alors qu'elle croyait enfin pouvoir entendre ces mots si chers. Elle se décide enfin à poser pieds sur terre, voyant bien que la tentative d'Ezio a échoué, une fois de plus.

Lui-même soupire, et fait quelques pas vers l'étable, où il attache les deux bêtes.

Il lève enfin la tête, et regarde sa villa, sa maison. Il a parié tout son bonheur sur cette résidence, sans savoir que ce serait à lui, de faire tout le travail.

Il pose les yeux sur la porte secondaire qu'il s'apprête à franchir, et qui mène directement à la cuisine.

Elle a été défoncée.

Son coeur explose dans sa poitrine alors qu'il songe à sa femme qui se trouve à l'intérieur. Il se propulse vers l'avant et empoigne avec frénésie un large couteau de cuisine avant de rejoindre le hall où se trouve toujours Sofia, en train de retirer son manteau.

Il y a un intrus dans leur demeure.

Sofia sursaute en voyant son mari venir vers elle, le couteau bien empoigné, la démarche sur la défensive. Il lui fait immédiatement signe de ne pas dire un mot.

_Quelqu'un est entré, chuchote-t-il. « Reste calme et suis-moi.

Ils déambulent avec lenteur dans le couloir, qui débouche sur le salon, grande pièce encerclée d'une mezzanine qui fait le tour de l'espace, donnant sur les chambres, à l'étage supérieur. Ils longent le mur, hors de portée au cas où le ou les bandits les guetteraient au niveau du balcon, et atteignent les marches, qu'ils montent, une à une, dans un silence où seuls leurs souffles sont audibles.

Sitôt l'étage gagné, ils tombent sur la silhouette d'un homme, assis à même le sol, l'épaule déposée contre le mur. Il leur fait dos et ne semble pas éveillé. Sa posture avachie laisse croire qu'il a perdu connaissance.

Sofia fait mine d'aller vers la personne, mais Ezio la retient immédiatement.

Et s'il s'agissait d'une grivèlerie?

Il s'approche, et porte la main sur l'épaule de l'inconnu. Sa tête, puis tout son corps, bascule vers l'arrière, tombant sur le dos dans un geignement.

Un homme, brun et barbu, aux vêtements usés en au visage sale et tiré. Il est à moitié conscient, et son souffle est lent et difficile.

_Il a besoin d'aide! s'exclame Sofia qui se permet enfin de se manifester en se penchant sur lui.

_Probablement un sans-abri qui a vu notre maison au loin… répond Ezio, qui se détend enfin.

_Soulève-le jusqu'à la chambre d'ami. Nous allons lui venir en aide, au moins pour cette nuit.

Ezio croise les bras, exaspéré. « Tu n'es pas sérieuse? »

_Et que voudrais-tu faire d'autre?

_Tu as raison, excuse-moi, soupire-t-il en se penchant vers la masse inerte.

Sofia s'empresse de déployer les draps, et Ezio y glisse l'homme, qui continue de gémir faiblement, les yeux mi-clos. Elle quitte la pièce, à la recherche d'une bassine et de serviettes propres.

Ezio en profite pour débuter son enquête et repousse du bout des doigts de larges mèches de cheveux qui cachent son visage. Impossible de savoir s'il est Italien, Espagnol ou de toute autre nationalité. Il semble avoir un teint basané, mais il est si sale et échevelé que même les traits de son faciès sont ardus à définir. Il lui soulève une main, puis une autre. Une alliance. Cet homme est donc marié. Il lui donne trente ans, peut-être moins. Ses mains, mais aussi ses vêtements, sont recouverts de terre et de verdure, ce qui laisse croire à Ezio que cet homme a accédé à leur maison en passant par la forêt avoisinante, et non par le chemin. Est-ce qu'on le poursuit? Son accoutrement n'est pas d'une plus grande aide; une large chemise, et une veste trop grande, sans aucunes caractéristiques notables.

À son cou, il voit reluire ce qui semble être une chaîne. Il en dégage un pendentif, collé à sa poitrine.

Sofia revient à ce moment.

_Qu'est-ce que c'est? demande-t-elle en déposant la bassine.

_Je ne sais pas… C'est une fleur rouge, on dirait une rose.

Sofia se penche, intriguée. Ses yeux pétillent de surprise.

_C'est l'emblème de la maison Tudor, la famille royale d'Angleterre…

_Tu en es certaine?

Ezio a soudainement un mauvais pressentiment. Il commence à croire que ce n'est peut-être pas un hasard si cet homme se trouve chez eux cette nuit.

_Est-ce que l'Ordre des assassins a des liens avec le Roi?

_Non, pas à ce que je sache…

_Les Templiers, alors? demande Sofia en avalant sa salive de travers.

_Non, je ne crois pas. J'ai eu vent d'une tentative ratée de leur part pour discréditer l'accession au trône par le roi Henri VIII il y a de cela plusieurs années. Ils ont platement échoué.

Sofia soupire, et éponge le visage recouvert de terre de l'étrange visiteur. Ses lèvres décharnées et ses traits tirés laissent deviner qu'il souffre d'épuisement et de déshydratation. Il n'a plus aucune force.

_Je ne crois pas qu'il nous veuille du mal, dit-elle.

_Peu importe ce qu'il nous veut, il n'aura rien. C'est terminé pour moi, ces histoires.

_Je sais… laissons-le dormir et reprendre des forces. Et puis, nous aussi avons besoin de repos, Ezio.

_Va te coucher. Je préfère faire le guet. De toute façon, je ne pourrai dormir en sachant qu'il y a un inconnu sous notre toit.

Sofia se lève, non sans lui lancer un petit regard découragé. Il ne lui trouve comme réplique qu'un chaleureux sourire.

Tant de zèle l'irrite, mais elle sait très bien qu'elle n'y peut absolument rien.

Plusieurs minutes passent. Ezio les occupe en dévisageant l'homme qui se trouve allongé devant lui, les yeux fermés mais les sourcils travaillés par la douleur et la fatigue, et le souffle, lent et rare. Il semble dormir, mais son sommeil est léger.

Pourquoi ai-je l'impression de le connaître? Je suis pourtant incapable de me souvenir l'avoir déjà rencontré. Surtout s'il vient d'aussi loin.

L'homme ouvre les yeux, et se tourne difficilement vers Ezio en retenant une toux rugueuse au fond de sa gorge.

À travers ses paupières minces et lourde, on voit briller deux prunelles. Deux grands yeux, marrons et profonds. Tristes et pétillants. L'inconnu regarde intensément Ezio, très longtemps, sans dire un mot. Ce dernier en vient à en ressentir un malaise, par tant de profondeur et de mystère. Il se sent étudié, ausculté dans ses moindres détails, par des yeux qui le crèvent par leur simple irisation.

_Nous voilà enfin, toi et moi, dit enfin l'étrange homme.