Guérir de ses blessures
Richard Castle se précipita hors du taxi et marcha rapidement jusqu'aux portes de l'hôpital. Il traversa le hall en toute hâte, tourna deux fois à droite pour rejoindre l'ascenseur, puis se ravisa et se dirigea finalement vers les escaliers qu'il monta quatre à quatre. Il finit par atteindre son but, à la fois nerveux et heureux. Il salua les deux policiers en faction devant la porte.
Dix jours.
Il avait passé dix longues journées à ses côtés, à guetter le moindre signe de vie. Bien sûr, les machines auxquelles elle était reliée prouvaient qu'elle était vivante, mais ses yeux restaient désespérément clos et son corps était bien trop immobile.
La veille au soir, Martha avait convaincu son fils de rentrer pour dormir dans un vrai lit. « Richard, chéri, avait-elle dit d'un ton avisé, la dernière chose dont elle aura besoin en se réveillant, c'est d'un homme épuisé. »
Il avait tenté de protester, mais il avait fini par écouter le conseil de sa mère. Après une nuit assez agitée, il avait reçu un texto de Lanie. Trois mots pleins d'espoir : « Kate est réveillée ».
Et il était là, devant la chambre 324, ne sachant pas trop comment entrer. Il inspira profondément. Il n'était pas sûr qu'elle ait entendu les derniers mots qu'il avait prononcés et il n'était pas sûr non plus que cet instant précis était le bon moment pour aborder le sujet. Il voulait simplement la voir, lui parler, la sentir vivante.
Lorsque Kate Beckett ouvrit les yeux pour la première fois depuis dix jours, en plein milieu de la nuit, elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait ni de la raison qui l'y avait amenée. La première chose qui lui vint à l'esprit fut le nom de Castle, immédiatement suivit par un désespoir profond lié à l'absence de l'objet de ses pensées. Elle n'arrivait pas à se l'expliquer, mais son esprit semblait être focalisé sur l'écrivain.
La douleur, sourde mais bien présente, occulta un instant Castle et la ramena à la raison de sa présence en ce lieu. Montgomery. Les funérailles. Une détonation. Un cri. La douleur.
Des bribes de conversation, distantes, éparses, lui revinrent en mémoire. Rien de cohérent. Elle se sentait épuisée et ne tarda pas à sombrer dans un profond sommeil.
Lorsqu'elle se réveilla à nouveau , elle fut immédiatement éblouie par la lumière qui venait des fenêtres. Elle sentit une présence à ses côtés. Une infirmière vérifiait ses constantes et lui sourit.
« Bon retour parmi nous. Savez-vous où vous êtes ?
Kate acquiesça. Parler lui semblait trop difficile et certainement bien trop épuisant pour l'instant. Elle tenta de se redresser mais grimaça.
- Il faut limiter vos mouvement au maximum pour le moment. Si vous voulez vous redresser, utilisez la télécommande du lit. La douleur est supportable ?
Nouveau mouvement de tête de la part de Kate.
- Bien. Si la douleur devenait trop importante, on pourra augmenter les doses de morphine. Je vais prévenir le docteur St James pour qu'il passe vous voir ce matin, sur son temps de consultation. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, sonnez. »
Elle désigna la télécommande avec le bouton d'alerte, sourit de nouveau et sortit de la chambre.
Le médecin était arrivé peu après. Il se voulait rassurant ; le pire était passé. Son léger coma avait permis à son organisme de récupérer plus vite que si elle avait été consciente, ce qui représentait un mal pour un bien. Bien entendu, la convalescence serait encore assez longue, mais elle s'en sortait bien. En partant, il lui dit qu'il allait faire prévenir ses proches. L'esprit de Kate se focalisa à nouveau sur Castle. Il fallait qu'elle le voie. Il n'était pas là alors qu'elle avait désespérément besoin de lui. Sur ces pensées, le sommeil l'envahit à nouveau.
La troisième fois qu'elle émergea ce jour-là, Kate sourit en sentant que quelqu'un lui tenait la main. Elle tourna doucement la tête vers la gauche et ouvrit les yeux pour voir l'homme assis à côté d'elle. Josh. Une immense déception l'envahit et son sourire s'effaça. Elle s'en voulut aussitôt. Pourquoi n'était-elle pas capable de sourire alors que son petit ami était assis à côté d'elle, visiblement inquiet, et qu'il lui tenait la main ? Josh lui parlait. Elle le regardait mais elle n'écoutait pas. Où était Castle ? Elle se surprit à penser qu'il aurait dû être là, à la place de Josh, et éprouva aussitôt des remords.
Castle ouvrit doucement la porte de la chambre. Il vit d'abord Josh, debout, tenant la main de Kate. Il lui parlait, lui promettant de rester à New York le temps de sa convalescence. Il n'avait pas remarqué la présence de Rick dans la pièce. Ce dernier se racla la gorge et s'approcha du lit. Josh le salua et Kate tourna la tête vers lui. Elle parvint à murmurer :
« Castle.
Il lui sourit en retour.
- Enfin réveillée, lieutenant ?
Kate déglutit difficilement ; le soulagement se lisait dans son regard.
- J'avais peur que vous ne veniez pas... dit-elle dans un souffle.
Josh venait de lâcher sa main mais elle ne semblait pas s'en rendre compte. Elle regardait Castle dans les yeux. Il allait prendre la parole lorsque Josh le devança.
- Je dois y aller.
Il embrassa Kate sur le front avant d'ajouter :
- Je peux vous parler, Richard ?
Castle haussa les sourcils, promit à Kate de revenir immédiatement et suivit Josh à l'extérieur de la chambre, visiblement inquiet.
- Que se passe-t-il ? Les médecins vous ont dit quelque chose ? Est-ce qu'elle va...
- Elle va bien, coupa Josh. Et elle ira de mieux en mieux. Simplement, ce n'est plus à moi de m'en occuper maintenant.
Castle le regardait, interloqué. Il ne comprenait pas où il voulait en venir. Josh prit une inspiration et eut comme un petit rire avant de dire :
- Je vais partir, Richard.
Un instant, Castle pensa que Josh voulait lui passer le relais auprès de Kate pour la journée. Connaissant le fort caractère de la jeune femme, il se dit qu'elle n'aurait sûrement pas aimé savoir que quelqu'un veillait sur elle comme on veille sur un enfant. D'où la conversation dans le couloir, sans doute.
- Aura-t-on le plaisir de vous revoir demain ?
- Non. Quand je dis partir, je veux dire... vraiment, loin. Médecin Sans Frontières m'a proposé une mission en Asie. Je pensais refuser vu les circonstances, mais finalement...
Cette fois, la réalité des propos de Josh frappa Richard. Le choc se lut sur son visage. Castle n'avait jamais aimé Josh. Non pas que ce ne fut pas un chic type ; un homme qui sauve des vies chaque jour et qui travaille pour MSF ne peut pas foncièrement être mauvais. Oui mais voilà, il tenait Kate éloigné de l'écrivain en entretenant avec elle une relation, tout en ne la comblant pas comme lui aurait pu le faire. Il maîtrisa la colère dans sa voix lorsqu'il lui répondit.
- Kate est à l'hôpital et vous... vous partez ? Mais vous venez de lui promettre de rester !
- Un triste sourire se dessina sur le visage de Josh.
- J'ai essayé, Richard... Vraiment, j'ai essayé de faire marcher notre relation. J'ai renoncé à des missions pour elle ; j'ai mis de côté mon travail, chose que je n'aurais jamais imaginée possible avant... avant elle.
Sa voix s'était éteinte et Castle comprit à quel point Josh tenait à elle.
- Mais voilà... je suis arrivé une demie heure avant vous. Elle n'a pas prononcé un mot pendant tout ce temps. Et vous, vous franchissez à peine le pas de la porte qu'elle dit votre nom. C'est de vous dont elle a besoin, pas de moi.
- Elle a besoin de tout le soutien possible.
- Croyez-en mon expérience. Sa rémission sera plus rapide si elle n'est pas préoccupée par notre relation, par le choix qu'elle doit faire. En partant, je la libère de ce choix. Si elle veut toujours de moi à mon retour, je serai là.
A nouveau, ce sourire triste face auquel Castle ne put réprimer un sentiment de culpabilité. Josh mit sa main sur l'épaule de l'écrivain et murmura :
- En attendant, prenez soin d'elle. »
Rick soupira. La silhouette de l'ex petit ami avait disparu au bout du couloir. Il entra de nouveau dans la chambre et sourit à Kate. En le voyant, elle prit sa main, ferma les yeux et s'endormit, soulagée. Elle savait maintenant qu'il serait là à chaque fois qu'elle ouvrirait les yeux.
