FullMetal Alchemist appartient à Hiromu Arakawa. Les chansons utilisées dans mes titres et comme bande-son pour chaque texte appartiennent au groupe Explosions in the Sky. D'où une partielle explication du titre de ce recueil, le pluriel du mot "artifice" étant volontaire - parce qu'un jour, Roy et Riza n'auront plus besoin de jouer la comédie.
Et je ne remercierai jamais assez ma relectrice, trésor de patience.
A song for our fathers
- Le Fullmetal n'a jamais fait l'effort de venir, alors je pense que vous me pardonnerez mon absence pour cette fois.
Regard et sourire polis dénotaient pourtant une certaine fermeté, de celle qui laissait entendre que la réponse était définitive et que rien ne les ferait changer d'avis. (Car même si elle avait également reçu la traditionnelle invitation, elle était trop habituée à le suivre pour contester cette décision décrétée commune. Elle le ferait sûrement, juste pour se moquer, mais il fallait reconnaître que l'idée de ne pas assister à d'interminables discours - de devoir en écrire un, également - et autres célébrations d'intérêt très variable la tentait assez.)
- Néanmoins, vu tout le trajet que vous avez accompli pour nous rejoindre dans notre région reculée, permettez-moi de vous offrir de quoi boire ou manger.
Elle pouvait jurer qu'il ponctua sa phrase d'un clin d'oeil car elle avait vu arriver de loin les deux émissaires: si l'un semblait avoir de l'expérience, l'autre était une rouquine qui devait à peine être majeure et n'être venue que se renseigner sur la véracité des rumeurs. En entendant les gloussements de la péronnelle, Riza leva les yeux au ciel et conclut qu'on répèterait toujours autant à Central que, même trois fois grand-père, Roy Mustang était toujours aussi beau gosse.
Aussi décida-t-elle de rappeler sa présence et alla s'adosser contre un mur de l'entrée avec un sourire beaucoup moins avenant que celui de son conjoint. Lequel fit semblant de ne rien remarquer et se contenta d'exprimer ses regrets quand la demoiselle qui se voyait déjà dans le manoir bafouilla qu'ils avaient de la route et feraient mieux de partir de suite.
- Tu es assez terrible dans ton genre, tu sais ?
Riza haussa les épaules, d'un air parfaitement innocent.
- Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. Par contre, j'ai beaucoup aimé ta mention de notre "région reculée". Si le manoir est toujours aussi difficilement accessible, je croyais que c'était parce qu'il y avait une raison.
- J'ai tenté de réparer cette terrible omission des ingénieurs, mais figure-toi que les formulaires sont restés introuvables.
Roy semblait véritablement désolé et, comme à chaque fois, elle comprenait pourquoi tant de gens tombaient dans le panneau. (Mais, quand même, il fallait être idiot pour ne pas remarquer que, étrange hasard, seuls quelques endroits très ciblés n'avaient pas profité des nombreuses campagnes de développement des transports. Pour ne pas citer le manoir ou Resembool.)
- Et ce pendant des années ?
- Ils devaient être très bien cachés.
.:.
Avec le printemps qui arrivait, le ciel se dégageait petit à petit, et cela faisait plusieurs jours qu'il suffisait de lever la tête pour observer les étoiles: si les enfants installaient chaque soir leur télescope au grenier ou dans le jardin, Roy, lui, se posait directement sur le toit.
- On ne devrait pas être là.
- Ca fait combien de décennies que tu me le mentionnes et que nous n'en avons rien à faire?
Elle ne put retenir un rire, écho de discrètes échappées nocturnes dont la première, de trop nombreuses années plus tôt, s'était terminée en un repli stratégique à cause du déluge qui les avait surpris avant minuit. Mais Riza retrouva son sérieux avant que son compagnon ne croie avoir parfaitement détourné la conversation.
- Il n'empêche que nous avons sans doute passé l'âge.
Roy balaya l'objection d'un geste.
- Il nous reste de bon réflexes. Rappelle-toi, je claque des mains, et hop, je peux même réparer le toit en cours de route.
Il lorgnait sur deux tuiles en équilibre précaire pour ignorer le regard dubitatif de Riza, mais reporta brusquement son attention sur le jardin.
- Je crois qu'il y a quelqu'un.
Son murmure eut l'effet escompté : le revolver de Riza sortit avec naturel et rapidité d'une cachette que Roy, malgré toutes ces années, n'avait toujours pas réussi à trouver - il suspectait des poches secrètes. Ou peut-être des doubles fonds ?
- Je ne vois personne.
Un bref instant, Roy s'imagina répliquer que ça semblait normal puisqu'il faisait nuit, mais le nom de jeune fille de Riza n'était pas Hawkeye pour rien.
- C'est parce qu'il n'y a que des arbres, ceux du genre inoffensif.
Elle eut un regard noir mêlant un "je te déteste quand tu fais ce genre de choses" et "souviens-toi de tes aventures avec la balançoire".
- Je voulais juste te prouver que tu as toujours de splendides réflexes et que par conséquent nous ne risquons rien, ma chère.
- Ca aurait pu être ta nouvelle admiratrice de ce midi.
- La perte n'aurait pas été grande ?
- Belle tentative.
- Tu dois quand même être la seule grand-mère à posséder une arme continuellement à portée de main.
Riza songea un instant à Winry et sa clé à molette, mais Edward n'était pas là pour témoigner de la dangerosité de ces dernières.
- Abigail et Eliane sont ravies de pouvoir s'entraîner ici, tu sais ? Elles vont se demander pourquoi on ne va pas à l'anniversaire.
- Elles seront surtout contentes de ne pas avoir à s'exhiber et se faire pincer les joues, répliqua Roy avec une indignation qui laissait supposer qu'il avait eu le droit au même traitement - Chris avait toujours eu des amis étranges, pourtant il n'avait jamais pu le lui reprocher.
- Nous ne les avons jam-
- Je sais, Riza. C'est juste que non seulement il n'y a plus besoin de nous à Central, mais qu'il faut aussi qu'ils le réalisent - et le fait qu'on ne vienne pas pourra sans doute aider. Se rappeler de ce que nous avons fait, c'est formidable. Cependant il y a des leçons à en tirer, et c'est la démocratie qu'ils doivent fêter, pas nous. Enfin, si un jour ils décident d'écrire une chanson pour conter nos exploits, quelque chose d'un peu glorieux, tu vois, pour se rappeler qu'Amestris n'a pas que fait la guerre depuis sa création, mais qu'il y a eu des gens biens, aussi, ce serait plutôt chouette.
Et il se mit à fredonner. Grâce à sa longue expérience, Riza parvint à dissimuler son sourire.
- Quelque chose qui parlerait du grand Roy Mustang, l'homme amoureux des mini-jupes et impuissant sous la pluie?
- Ce n'est pas le genre de détails dont j'aimerais qu'on se rappelle. Mais avoue que tu meurs d'envie d'avoir un couplet.
- Je me suis contentée des chansons pour la fête des mères, merci, je n'ai pas besoin que les générations futures chantent une version déformée des mérites de leurs aïeux sans savoir vraiment ce qui était en jeu. Ni ce qu'on a traversé.
Elle s'était levée et repartait par le fenêtre du grenier quand il finit par répondre.
- Si l'on avait pu instaurer une prescription sur ce genre de choses, je l'aurais fait.
Avec un sourire, elle le cita:
- Je sais, Roy. Même si elle n'aurait pas été nécessaire.
Bien plus tard dans la nuit, il lui promit qu'il lui écrirait malgré tout son couplet. Elle se contenta de lui donner un coup de coude dans les côtes en lui affirmant qu'il ferait mieux de dormir au lieu de raconter des âneries.
