Je devine bien maintenant que la fascination pour le mal n'est bénéfique que si l'on en fait partie. J'aurais du m'en éloigner quand il m'a été dit de le faire. Mais lorsque l'amour intervient dans la fascination, elle en devient mortelle. Pas à pas on s'approche de notre propre gouffre sans s'en rendre compte; il est tellement difficile d'observer sans participer. Surtout lorsque celui que l'on observe est plus tentant que le diable lui même. Mais après avoir vécu cela, je n'ai qu'une chose à dire:
Le Mal n'est qu'un miroir qui nous met face à nous même.
Et n'est ce pas la forme la plus terrible de maléficiance?
PROLOGUE
Je m'étais assoupie.
Mon esprit fut brumeux lorsque je me réveillai, et ouvris les yeux.
Je n'étais pas chez moi.
J'étais au milieu d'une forêt dense et sombre, et la nuit semblait être tombée depuis des siècles. Je ne voyais rien, et cette impression dura un moment, jusqu'a ce que mes yeux s'habituent à la pénombre ambiante.
Un sentiment de manque m'envahit alors, dévorant, comme une faim affreusement prenante et à laquelle il fallait que je remédie au plus vite. Mécaniquement, je me relevai, sur d'avoir perdu quelque chose. La terre qui se trouvait sous mes pieds était sèche, presque aride. Cependant, la végétation était luxuriante. Fougères, arbres (notamment des chênes et des noisetiers) s'entendaient a perte de vue. Mes mains étaient écorchées, on eut dit que j'étais tombée avant de m'endormir profondément.
Je me mis alors a marcher, ne contrôlant plus mes mouvements. Je fis ainsi plusieurs pas, puis me mis sans raison à courir. Je levais la tête, mais ne voyais pas le ciel transparaître à travers l'épais feuillage des arbres dévorants dont les racines s'entremêlaient sous mes pas.
Plusieurs minutes de cette courses m'épuisèrent, et je m'arrêtai brusquement. J'avais peur, mais elle n'était pas due au fait d'être dans une forêt à la tombée de la nuit. Elle était due au fait que j'étais seule, complètement seule, sans personne autour de moi, pas même un animal. Rien ne bruissait en entre les feuilles, ni ne grattait, rien ne couinait. même un hululement de chouette ou un hurlement de loup m'aurait semblé agréable. Mais rien, non rien, n'était présent dans cette forêt à part moi. Moi et les arbres.
Cette peur flottant autour de moi m'enveloppa petit à petit, et de froides larmes glissèrent sur mes joues très pâles. Je me sentais stupide d'être là, et je ne savais même pas ce que j' étais venue y chercher. J'étais dans cette forêt, seule, sans raison, épuisée et morte de peur.
Un long moment s'écoula, avant qu'une présence ne se fasse entendre. Et je sentis cette présence se rapprocher, sans la voir, jusqu'a ce qu'elle se retrouve derrière moi, et que je sente son souffle sur ma joue. Je fermai les yeux et reconnus alors ce parfum. Son parfum.
Son odeur. Des mains puissantes me prirent alors les épaules, et me retournèrent brutalement, pour me plaquer contre le tronc d'un arbre avec violence, comme si on avait voulu me fracasser le dos contre le bois dur. Je vis alors ce visage. Son visage. Ses yeux étaient noirs, et, comme la nuit ou il m'avait attaquée, noir grenat. Ils étaient durs, et dardés sur moi. Mais ils n'étaient pas affamés.
Son menton carré et lisse était crispé, il serrait les dents.
Il me poussa alors violemment à terre, et je tombai sur les mains. La douleur cuisante des écorchures me revint alors au ventre, coupante.
Plus grave, mon coeur était en déroute. Ce n'était pas le Jeremiah que je connaissais, c'était un cruel vampire. Mais celui ci avait prit son apparence, pour me battre comme il était en train de le faire, au point de me jeter a terre et m'infliger une douleur telle que j'en avais le souffle coupé. Il était debout devant moi, et semblait mesurer deux bons mètres. Il semblait immense, menaçant. Il me fit peur.
Et ce fut la première fois que je ressentis à son égard ce détestable sentiment.
Ses lèvres rouges que j'admirais en contre plongée remuèrent, et il baissa ses yeux meurtriers.
-Avril, je te déteste. Je ne t'aime pas, tu entends?
Il ne criait pas, mais sa voix mélodieuse était autoritaire et dure, elle si velouté d'habitude. Les paroles me vrillèrent les tympans. Je me bouchais alors les oreilles comme un enfant, pour ne plus avoir à faire à ce terrible individu et à ses mots dévastateurs.
Il s'accroupit alors devant moi, toujours aussi dur, et m'emprisonna les poignets dans ses mains d'acier au point de me faire contact me pétrifia. Il voulait que j'entende ce qu'il avait à me dire;
-Laisse moi. Va t'en, je ne veux plus te voir! Plus jamais!
Ses lèvres étaient retroussées sur deux terribles crocs pointus, ou la lumière de la lune se reflétait. La vision était horrible, si agressive, si forte, que j'eus l'impression de tomber dans l'inconscience.
Je ne l'entendis pas, mais il finit par partir, et je me réveillai une seconde fois. Mes joues étaient mouillées, j'avais pleuré pendant mon sommeil.
