Le jour était venu, le nouvel an chinois pour être précis. Gabriel se tenait très droit dans le hall d'entrée de sa maison. En haut des marches comme à son habitude, au même endroit où il se trouvait la dernière fois où elle avait franchi la porte.
Adrien arriva en courant depuis sa chambre, son téléphone à la main. «Père, mes amis m'invitent à aller avec eux regarder la parade depuis le balcon de l'appartement de Nino. Est-ce que je pourrais y aller, s'il-vous-plaît? »
« Du moment, que ton chauffeur t'y accompagne. »
« Génial, merci père. »
« Adrien » le retint Gabriel esquissant un geste dans sa direction. « Je voulais te dire que je suis désolé… pour la disparition de ta mère. »
« Mais père, vous n'en êtes en rien responsable… »
« Non, mais je sais à quel point elle te manque. Je sais combien tu l'aimais… »
Adrien resta silencieux et songeur un moment regardant la pointe de son pied. « Je l'aimais beaucoup et je l'aime encore et elle me manque mais, suis-je dans l'erreur si je dis que de vous deux, ce n'est pas elle qui m'aimait le plus? » Gabriel resta interdit. « D'aussi loin que je me rappelle, vous avez toujours beaucoup travaillé. Chaque jour à votre bureau avant le lever du soleil et jusqu'à tard le soir. Mais toujours disponible pour moi quand j'avais besoin de vous. Elle, soit elle était là, soit, elle était en voyage, loin de nous. C'est vrai, elle jouait avec moi et vous pas. Mais ce qu'elle m'a apprit surtout c'est à attendre son retour. Vous m'avez apprit ce que c'était que d'avoir quelqu'un qui veillait constamment sur moi, sans relâche, sans repos. Ce que je regrette le plus de la dernière année, ce n'est pas l'absence de ma mère, c'est celle de mon père. Ma mère, elle… elle a fait son choix. »
Il partie vers la porte d'entrée pour rejoindre la voiture.
Gabriel retira son foulard et attrapa dans sa main le miraculous du Papillon, celui d'Audrey Bourgeois.
« Audrey me comprends, pas toi. Tu n'es pas un porteur comme nous le sommes. » Les derniers mots qu'Émilie lui avait dit avant de partir pour le Tibet flottaient à ses oreilles comme des fantômes qui le hantaient. La grande amie de sa femme, sa partenaire au combat, formant avec elle l'équipe de Paon et du Papillon. Elle était déjà là-bas depuis des années, depuis qu'elle avait quitté sa famille pour se consacrer à sa carrière d'héroïne et à sa quête.
Il avait suivit Émilie, parcourant la moitié de la terre et laissant son fils aux seuls soins de Nathalie pour la première fois.
Sur place, il n'avait pas trouvé sa femme. Il avait trouvé Audrey, la porteuse du Papillon qui lui avait expliqué ce qu'avait jadis été l'ordre des gardiens et ce qu'avait tenté de faire Émilie.
Il avait aussi trouvé le corps de sa femme, la femme qu'il n'avait jamais cessé d'aimer et de décevoir, la mère qui représentait le monde entier pour ce fils qu'il adorait.
En quittant Paris, il avait promis à Adrien qu'il ramènerait sa mère. Il avait ramené un corps, des histoires de magie… Et une solution : Le miraculous du Papillon arraché au corsage d'Audrey.
Deux ans après ce tragique événement, Gabriel se demandait si cette lutte constante menée depuis son repaire contre Paris, Labybug et ChatNoir en valait la peine. Pourquoi vouloir ramener à tous prix cette mère qui n'avait que peu d'amour à leur donner à tous deux. Cette mère qui jouait avec Adrien mais le quittait sans regret pour la mission suivante. Elle n'était pas celle qui soignait ses blessures, ni celle qui lui préparait un avenir. Elle avait choisie la quête de l'ordre des gardiens avant sa propre famille.
Peut-être était-il temps de renoncer à la mère pour sauver le père qu'il était peut-être encore?
« Nooroo, je renonce à toi. »
