Le feu. Elément sacré, créateur du monde, nourricier de la vie et incarnation du mal. Dans le Cratère, le feu a toujours eu une connotation tout à fait bénéfique. C'est vrai, comment pourrions nous vivre dans un monde où seul la glace règne ? D'accord, si l'on est un élémentaire d'eau, c'est possible. Mais pour le reste ? Les hommes ne sont pas contre une petite flammèche dans les nuits glaciales. Le feu. Si beau, si pur, si puissant. Tout mage voudrait le dominer, en devenir le propriétaire légitime. Mais comme Icare, ils finissent par se brûler les ailes. Ce n'est pas l'homme qui domine le feu. Les premiers hommes du Cratère n'ont jamais fait la découverte du feu. Non. C'est le feu qui a permis qu'on s'en serve pendant tant de temps. Un mauvais pyromancien maîtrise le feu, il contrôle le feu. Un bon pyromancien ne maîtrise pas le feu, il l'apprivoise. Il ne dit pas comment brûler, il brûle. On parle souvent de ces personnes capables de parler aux objets, des illuminés selon les péons et les princes incultes ( c'est à dire la majorité ). Mais ce ne sont pas des illuminés. Les mages parlent aux objets comme ils parlent à vous et moi. Et le pyromancien parle au feu. Je dois l'admettre, ce n'est pas non plus une tâche à la portée de chacun. Pour parler au feu, il faut être proche de la source, là où le feu naît. Un endroit encore inconnu de tous, sauf de certains êtres dont l'ascendance vers le mal est beaucoup, mais alors beaucoup trop forte.

A l'académie, ce n'est un secret pour personne. Balthazar Octavius Barnabé Lennon, demi-diable, est un fêtard extraverti avec une légère rancune envers le monde. Il était réputé bon élève, mais avait une tendance à l'évasion lors de certains cours. Non pas l'évasion au sens de rêvasser. L'évasion au sens de disparaître de sa chaise pour ne jamais revenir. Il passait la majorité du temps à observer les groupes d'interventions de l'unité Phénix. Ce sont les seuls mages de l'académie à avoir la capacité et l'autorisation de manipuler le feu, considéré comme beaucoup trop destructeur par les professeurs. Ils ne voudraient pas à avoir à reconstruire une académie par jour. Alors les mages de feu sont triés sur le volet, parmis les élèves les plus brillants, les plus puissants et surtout les plus sages. Jamais un seul de ces mages n'aura l'idée saugrenue de mettre le feu à un bâtiment sans l'autorisation de la direction. Mais surtout, personne n'osait les voir, la pression était trop grande et en cas de conflit, un simple mouvement de l'orteil suffisait pour inviter les élèves à un barbecue...

Bob regardait envieux ces jeunes mages s'entraîner à brûler, détruire et surtout à créer. Mais alors qu'il se tenait encore dans les fourrées, un branche se craqua sous son pied. Quelqu'un entendit ce bruit et commença son ascension sur la colline où le pauvre Bob était perché. Il n'entendit pas les bruits de pas de l'étranger. Il continuait d'observer avec grand intérêt les flammes émanants des bâtons du groupe. Elles tournoyèrent devant ses yeux, laissant une étincelle de vie dans son regard. Et lorsque l'un des gigantesques serpents de feu se déchaîna, il vit une gerbe bondir dans sa direction. Il ne chercha pas à bouger, au contraire, il se leva, admiratif devant cette flamme si belle et si pure. Le feu dévastateur continua sa course aérienne sur Bob, les bras tendus en avant, le torse totalement à découvert. La toucher, juste effleurer cette magnificence, c'est tout ce qu'il voulait. Mais lorsque le feu approche, la peur envahit l'homme. Son élan de courage s'arrêta net et il essaya, effrayé, de se protéger en se couvrant le visage. Un hurlement se fit entendre en haut de la colline. Mais lorsqu'il ouvrit les yeux, le feu se tenait devant lui, aussi docile qu'un petit chiot. Le feu s'étouffa et le silence revint. Personne n'avait remarqué le cri abominable du jeune homme. Il se retourna d'un coup, pour regarder son sauveur en action. Et dans sa tête, un milier de possibilité s'offrit à lui. Un mage de l'escouade venu pour le secourir ? Un professeur qui le punira très violemment ? Son père ? Cet abruti de Dimitri, l'un des garçons les plus riches de sa classe ( après tout, Papa et Maman aurait pu lui payer des cours pour manipuler le feu à ce petit Dimitri ) ? Un vendeur à la sauvette qui lui offrirait le secret de la manipulation du feu ? Un monstre cadavérique ? Une licorne ?! Rien de tout ça.

Une jeune fille se dressa devant lui. Elle avait à peu près 11 ans, voir un petit peu plus jeune que lui. Elle portait une mignonne petite robe de magicienne aux couleurs des invocateurs de l'académie, un bâton qui lui arrivait au dessus de la tête, une adorable bouille de bambin avec ses yeux verts d'une innocence certaine et ses petites couettes rougeoyantes, flottants au gré du vent. Elle regarda Bob amusée et surtout quelque peu moqueuse de son état de panique. Il rougissait en la voyant et prononça un petit « merci » avant de se relever et de lui faire face. Elle sourit et lui répondit en ricanant :

- Alors t'as peur du feu ? Tu viens ici et t'es même pas capable de le maitrîser un peu ?

- Non, c'est pas vrai...

- Si c'est vrai !

- Non je te dis !

Le débat dura un petit moment avant qu'enfin l'un finisse par changer de disque.

- Et puis d'abord, t'es qui toi ?

Moi, répondit la jeune fille ? Je m'appelle Petricia, mais tu peux m'appeler Petra. Et toi c'est comment ?

- Moi c'est Balthazar Octavius Barnabé, mais tout le monde m'appelle Bob.

- Bob ? C'est un joli nom. Alors racontes, tu veu faire partie des Phénix ?

- Ben... J'aimerais bien, répondit-il gêné.

- Tu veux apprendre à faire du feu ? Je peux t'apprendre si tu veux.

Les yeux de Bob s'illuminèrent, il s'exclama d'un seul coup :

- Oui, oui, oui, oui, apprends moi ! Je veux savoir !

- D'accord, d'accord... Mais à une condition...

- Laquelle ?

Elle rougit un instant sous les yeux surpris et intrigué de Bob.

- Je veux que tu sois mon amoureux...

Il rougit à son tour et, baissant la tête, déclara timidement.

- D'accord...

A peine eut-il finit de dire ça que Petra s'était déjà jetée sur lui, embrassant sa joue. Elle lâcha le petit Bob de son étreinte et s'en alla en gambadant. Une brave fille...

Durant les mois qui suivirent, Bob et Petra s'entraînèrent ensemble. Ils étaient heureux. Des enfants s'amusants avec leur nouveau jouet. Un jouet mortel. Mais le feu ne leur fera jamais de mal. C'est un feu né d'un amour hors du commun, rien ne pourrait les toucher. La destruction, le malheur, c'est surfait. Ce feu là est fait pour réchauffer les âmes des vivants, créer un équilibre dans le Cratère. Et plus ils passaient de temps ensemble, plus le feu devenait puissant. Bien plus puissant que les membres de Phénix. Les jours où ils ne s'entraînaient pas, ils passèrent leur temps à parler de leur projet. Entrer dans ce groupe et devenir le plus puissant. Voilà la seule chose qui faisait battre leur cœur : le feu. Cette idyle dura pendant plus de 7 mois. Bob était heureux. Heureux de vivre, heureux de jouer, heureux d'apprendre, heureux de brûler son cœur en embrassant pour la première fois sa dulcinée. Voilà ce qui se passa pendant ces 7 mois. Mais un jour, comme tout le présageait, un événement fit basculer la vie et le destin des deux amants.

Alors qu'il se rendait gaiement sur la colline près du centre d'entraînement, Bob fut surpris de ne pas avoir encore croisé Petra. Elle devait être retenue avec ses devoirs ou alors elle préparait un cadeau à son petit amoureux. Alors, il attendit. Dix minutes passèrent. Encore dix. Cinq. Il s'inquiéta un peu. Encore un peu plus. Au bout d'une heure, il perdit toute raison et la panique l'empara. Elle ne l'aimait plus, c'est ça! Elle ne voulait plus le voir! Mais qu'avait-il fait de mal pour mériter ça ?! Rien , absolument rien ! Mais si ! Il avait forcément fait quelque chose sinon il ne serait pas là à l'attendre ! Haaaaaaaa !... Et puis, une voix familière s'éleva. Une petite voix de jeune fille. Il monta sur la colline et scruta les alentours à la recherche de la jeune fille. Il aperçut la petite tête rouge de la jeune fille en bas de la colline, dans le camp des Phénix. Que faisait-elle là ? Elle savait très bien qu'il était interdit d'y entrer. Mais elle était là, ne bougeant pas. Deux autres silhouettes s'approchèrent du petit point rouge. Deux hommes, à la carrure incroyable. L'un était blond aux cheveux courts, l'autre avait des cheveux d'une blancheur éclatante. Ils portaient tout les deux la robe des Phénix. L'un s'approcha de la jeune fille.

-Alors comme ça, on s'est perdue ? Et puis on fait des étincelles sans la permission des professeurs ? C'est pas bien tout ça. Pas bien du tout.

-Ouais, c'est vrai ça. Le feu c'est pour les grands, pas pour les petites filles comme toi. Allez maintenant, il est temps qu'on fasse comme on nous l'a apprit. T'es une magicienne renégat et ça c'est mal.

- Vous êtes méchants !

- Ho ! Tu as entendu ça ?! On est des vilains méchants pas beaux ! Bouboubouh, je crois que je vais me mettre à pleurer ! Allez, qu'on en finisse.

Bob vit un mouvement de la part de l'homme aux cheveux blancs. Un coup qui fit tomber la jeune Petra à terre. La tête blonde de l'autre homme bougea d'avant en arrière, comme si il récitait quelque chose. Bob essaya de tendre l'oreille pour entendre ce qu'il disait. Futile...

Le feu se propagea, embrassa le corps de la jeune fille, ses cris stridents résonnaient dans toute la cour, le Cratère entier se réveilla en entendant la puissance de ses hurlements plaintifs. Sa chair brûlait, elle fondait sous l'intensité des flammes. Ses os ne ressemblaient plus qu'à des petits tas de cendres et son visage si délicat finit englouti sous l'assaut de la Mort.

Il assista impuissant à la mort de sa chère. Aucune larme ne coula. Il se releva et retourna vers son dortoir comme si le meurtre n'avait jamais eu lieu. Bob est un homme curieux. Tout peut arriver, il gardera son calme. Mais il y a une chose qui fait que Bob reste le pire ennemi que l'on puisse avoir.

Il n'oublie jamais.