Note de l'auteure :
Avant de commencer votre lecture :
Voici le résultat d'un petit défi qu'on m'a proposé et que j'ai finalement transformé en histoire complète. J'avoue que j'ai pris un certain plaisir à le faire, surtout qu'il était question d'un couple que j'apprécie beaucoup actuellement.
Je ne prends en compte que la série originale de Masami Kurumada, pas les séries dérivées.
Le ''T'' de la classification n'est pas présent pour faire joli, vous voilà prévenus !
Certaines répliques de Minos ou d'Eaque proviennent directement du jeu vidéo Saint Seiya : Soldiers' Soul sur PS4.
Pardonnez-moi pour les éventuelles fautes qui auraient échappées à ma vigilance.
Cette histoire doit être considérée comme une suite de ma précédente histoire : Rencontre Infernale. Je remercie au passage tous ceux qui l'ont lu.
Si vous avez le temps, laissez-moi un petit commentaire pour me dire ce que vous en avez pensé.
Disclaimer : Les personnages et l'univers de Saint Seiya appartiennent à Masami Kurumada.
Sur ce, bonne lecture à vous.
Ce fut le bruit pesant d'un frottement de pierre qu'on déplace qui le ramena à lui.
Minos cligna des yeux. Tout était désespérément noir. Pas la moindre parcelle de clarté, ni la moindre once de luminosité, rien qu'un noir abyssal s'offrait à sa vision.
Il était allongé sur le dos et immobilisé sur un sol dur et froid. Sa respiration sifflante résonnait tout autour de lui. Où se trouvait-il donc ?
Un poids significativement lourd et chaud était posé sur son corps et l'oppressait. Une respiration faisant écho à la sienne s'en échappait et il réalisa aussitôt qu'une autre personne gisait inerte sur lui.
Le griffon s'aperçut également avec horreur qu'il ne portait pas son surplis, mais uniquement sa tenue usuelle qu'il revêtait sous son armure.
Désireux de se sortir de cette étrange et incompréhensible situation, il parvint à dégager une main de sous son dormeur indésirable et commença à tâter autour de lui. Il n'eut pas à chercher loin, une paroi lisse comme le verre se trouvait sur ses côtés. Déplaçant sa main libre vers le haut, il trouva la même chose au-dessus de lui. Mauvais ça. Il était un espace particulièrement réduit, à peine plus grand qu'une malle ou qu'un cercueil …... un cercueil ?
Minos, prit de panique essaya de se débarrasser du corps sur lui quand celui-ci se mit à crier avec force.
« Bon sang, c'est quoi ce cirque ? » cria l'inconnu dans ses tympans.
« Eaque ? C'est toi ? »
Bonne nouvelle, il s'agissait d'un de ses frères d'armes doté d'une force équivalente à la sienne.
« Minos ? Où sommes-nous ? Qu'est-ce que tu fais là ? Pourquoi est-ce que je me retrouve sur toi ? Pourquoi sommes-nous plongés dans l'obscurité ? C'est quoi...c'est quoi cet endroit ? » brailla le Garuda avec force.
Minos entendit un grand bruit sourd suivi d'un juron en népalais. De toute évidence, Eaque venait de faire connaissance avec le plafond de leur petite cellule et s'était rendu compte à son tour de l'étroitesse du lieu.
« Je ne sais pas, je ne me souviens pas de la façon dont nous nous sommes retrouvés ici. » Minos essaya de creuser dans ses souvenirs, en vain. « Je ….. je ne me souviens plus de rien. »
Eaque tenta à son tour de trouver la solution à ce mystère, mais tout comme Minos, il n'avait pas la moindre idée de la manière dont ils s'étaient retrouvés piéger ainsi. Pourquoi ne se souvenaient-ils de rien ? La panique commença à gagner le Garuda. Tremblant, il toucha à son tour les parois et chercha un verrou, une petite porte, un moyen de sortir d'ici. Vu le peu de place de l'habitacle, la manœuvre n'était pas aisée. Minos grimaçait en se faisait écraser les différentes parties de son corps, là où Eaque s'appuyait pour examiner les parois.
Après un court examen, le Garuda dût se rendre à l'évidence, il n'y avait pas la moindre issus. Sa respiration s'accéléra davantage et sa panique monta d'un cran. Il y avait forcément une ouverture, pas vrai ? Ils n'auraient quand même pas été emmurés vivants ? Non, impossible.
« Y a-t-il des personnes à l'extérieur qui peuvent nous entendre ? » interrogea Eaque.
« Comment le saurais-je ? J'en sais tout autant que toi sur ce lieu. »
Eaque tambourina à plusieurs reprises l'une des parois.
« Ouvrez-nous immédiatement ! Je suis Eaque, spectre du Garuda. Je vous ordonne de nous libérer sur-le-champ si vous ne voulez pas connaître une fin atroce ! » s'époumona-t-il.
Le silence qui suivit sa menace se fit plus oppressant encore. Il n'y avait pas le moindre son qui parvenait à leurs oreilles. Eaque poussa un grognement de rage.
« Lorsque je tiendrai les responsables de cette mauvaise plaisanterie, je les dépècerai vif. »
« Entendu, mais ne les achève pas ! Je me ferai un plaisir de leur arracher leurs membres un par un. » ajouta Minos.
Mais ce n'était visiblement pas des menaces dans le vide qui leur permettraient de sortir d'ici. Eaque en était douloureusement conscient et toute cette situation commençait à l'épouvanter. Le népalais se redressa autant qu'il le pouvait et prit appuie d'un bras sur le torse de Minos et de l'autre, il rassembla toute sa force et frappa d'un énorme coup de poing la paroi. Une douleur fulgurante le traversa et il cria de souffrance, il venait à coup sûr de se fracturer quelques doigts dans sa manoeuvre. Le bruit sourd du choc contre la paroi vint les accabler de plus belle. Cette paroi lisse comme le verre était aussi solide qu'un mur de granit. En temps normal et doté de sa force surnaturelle dut à son statut de Juge des Enfers, Eaque n'aurait eu aucun problème pour briser des obstacles bien plus robustes, mais le lieu étrange où ils se trouvaient semblait affecter leurs physiques et neutraliser leurs capacités hors du commun. Il ne pouvait pas se libérer par la force brute. Ils devraient donc trouver un autre moyen pour sortir.
« Attends, ne bouge pas ! Je vais utiliser mes pouvoirs.» dit Minos.
Le griffon se concentra, mais rien ne se produisit. Les petits fourmillements qu'il ressentait habituellement dans son corps lorsqu'il faisait appel à ses pouvoirs ne se manifestèrent pas. Il n'était donc plus capable de lancer la moindre attaque. Il dut se rendre à l'évidence, l'essence divine qu'il avait obtenu l'avait bel et bien désertées.
« Je... je n'ai plus mes pouvoirs. » balbutia le Griffon d'une voix affolé.
Quelques minutes se passèrent sans qu'aucun des deux ne parle, chacun essayant d'analyser au mieux leurs conditions actuelles et leurs chances de survie. Les deux hommes étaient piégés dans un environnement minuscule, sans échappatoire et pour assombrir le tout, sans le moindre pouvoir, ni personne aux alentours pour les aider. Ils comprirent que la situation dans laquelle ils se trouvaient était tout bonnement catastrophique.
« Je veux sortir d'ici ! » chuchota Eaque.
« Moi aussi. »
« Je veux sortir d'ici ! » répéta-t-il, plus fort.
« ... »
« JE VEUX SORTIR D'ICI ! » hurla Eaque, ses nerfs commençant à lâcher.
« Eaque. »
« LAISSEZ-MOI SORTIR D'ICI ! »
Sans prévenir, Eaque vociféra et propulsa ses bras et ses jambes dans toutes les directions. Il se mit à frapper inlassablement les parois de toutes ses forces, ignorant la douleur que lui provoquaient les impacts de ses coups.
Sortir d'ici à n'importe quel prix, il n'avait que cela en tête. La terreur qu'il avait réussi à contenir jusque là était en train de pendre le pas sur tout le reste.
Minos ne sut comment réagir. Lui-même était dans un état proche de celui du Garuda, mais l'agitation sans retenue de celui-ci lui faisait paradoxalement un effet calmant. Il fallait qu'il y en ait au moins un des deux qui essaye de garder son calme et il savait parfaitement bien que cela ne pourrait être Eaque. Le Griffon connaissait l'amour du Garuda pour la nature et les grands espaces et inversement, il connaissait aussi très bien sa plus grande peur : les lieux confinés. Il était claustrophobe. Une ancienne mission ensemble l'avait fait arriver à cette simple évidence. Aiacos avait bien tenté de le dissimuler, mais il y avait des signes qui ne trompaient pas.
En ce moment-même, le puissant et invincible Eaque, spectre du Garuda de l'étoile Céleste de la Supériorité n'était plus qu'un être humain en proie à sa peur la plus profonde.
Ne supportant plus de se faire écraser et malmener par son compagnon d'infortune, Minos lui saisit fermement les épaules pour l'immobiliser en premier lieu, puis le secoua sans ménagement.
« ARRÊTE ! Ça suffit ! Cela ne sert à rien, tu es seulement en train de te blesser inutilement. »
L'affolement d'Eaque cessa aussitôt. Vaincu et épuisé par ses vaines tentatives, il se laissa choir lourdement sur le corps du Griffon sans rien dire.
Minos soupira de soulagement avec ce retour au calme provisoire. Une goutte d'eau tomba alors sur la naissance de son cou, puis une deuxième...
Il ne pouvait pas pleuvoir dans cet endroit maudit. Assurément, cela provenait d'Eaque. Il n'eut pas à tendre l'oreille pour entendre les petits gémissements étouffés qu'il faisait juste au-dessus de lui. Il était en train de pleurer silencieusement. Oublié son amour-propre, la carapace d'orgueil et de suffisance qu'il s'était forgé depuis longtemps était tout bonnement en train de s'effondrer. S'il ne se trouvait pas dans la même situation que lui, Minos se serait réjoui de le voir ainsi diminué.
« Est-ce que nous sommes morts » ? Demanda Eaque, la voix écorchée par son mal-être.
« Pourquoi penses-tu une chose pareille ? » Le questionna Minos, perplexe.
Reniflant, Eaque poursuivit son raisonnement.
« Les Dieux ne nous ont pas pardonné d'avoir servi le Seigneur Hadès et nous ont punis. Ce lieu horrible et improbable en est la preuve. C'est mon enfer personnel. »
« Ne sois pas stupide ! Si tel était le cas, qu'est-ce que je ferais là ? »
Après quelques secondes, le Garuda émit un petit rire jaune et méprisant.
« Tu as tout-à-fait ta place dans mon enfer personnel. »
« Que cherches-tu à me dire ? » s'énerva le Griffon.
« Me retrouver coincé dans cet endroit avec toi était sans doute la pire chose qu'il pouvait m'arriver. »
« Ah vraiment ? Parce que tu crois que cela m'amuse peut-être de devoir supporter cette proximité et ton comportement infantile. » La patience de Minos commença à flancher, elle aussi.
« Tu n'es pas à même de me juger, tu passes ton temps à comploter et à médire sur les autres et surtout sur moi. Et que dire de tes petits sourires et rire sous cape ? Tout sonne faux dans ton comportement, c'est risible ! » attaqua Eaque, piqué au vif.
« Et tu es sans doute exempt de tous reproches, n'est-ce pas ? Tu prétends toujours à tord et à travers que tu es le plus fort des cent-huit spectres d'Hadès et le plus fort des Juges. Mais d'où te viens ce besoin viscérale de surpasser et d'asseoir ta domination sur tout le monde ? N'y aurait-il pas quelque chose que tu chercherais à compenser, Eaque ? » contra Minos, fin énervé cette fois-ci.
Un silence assourdissant suivit les dernières paroles de Minos. Celui-ci eut un mauvais pressentiment et se demanda s'il était vraiment adéquat d'insulter la virilité de son compagnon de cellule dans son état actuel. Plongé dans le noir total, il ne pouvait déchiffrer les émotions d'Eaque qui se trouvait au-dessus de lui. Il sentit soudain un léger mouvement à côté de sa tête suivit aussitôt d'une pression énorme sur son cou. Les mains du Garuda se resserrèrent de toutes leurs forces sur lui. Minos poussa un hurlement étouffé. Eaque essayait de le tuer. Il était devenu complètement fou. En un instant, la terreur du Garuda s'était muée en rage sourde.
Utilisant ses réflexes lestes, le griffon attrapa les avant-bras du Garuda et tenta de le faire lâcher prise, mais sa position actuelle ne l'aidait absolument pas dans sa tâche. La pression s'accentua encore et Minos commença à suffoquer.
Le griffon lâcha l'un des avant-bras du Garuda et au prix d'un formidable effort, il flanqua un grand coup de poing dans la direction où devait se trouver la tête de son adversaire. Il atteignit celui-ci en pleine joue, mais si Eaque avait poussé un cri de douleur, il ne relâcha pas sa prise pour autant, bien au contraire, il appuya davantage sur la carotide du Griffon. Complètement affolé, Minos se débattit, presque à l'instar d'Eaque quelques instants auparavant, mais ses coups de pied ne purent faire grand chose alors que son assaillant était flanqué sur lui et le maintenait cloué au sol.
À bout de forces, Minos parvint à articuler quelques syllabes.
« Arr...arrê...arrête, Ea...que ! » supplia-t-il, à peine plus fort qu'un murmure.
Réalisant enfin la portée de son geste, Eaque le relâcha précipitamment. Minos se mit à tousser et prit aussitôt de grandes et profondes inspirations. Quel plaisir de pouvoir respirer à nouveau librement. Il se massa son cou douloureux et essaya de calmer son rythme cardiaque. Il venait d'échapper au pire à la dernière minute.
Eaque, au-dessus de lui, n'était pas fier. Il n'était habituellement pas aussi prompt à s'emporter de la sorte. Il avait faillit assassiner son frère d'arme et il l'aurait fait s'il n'avait pas entendu sa voix au dernier moment. Comment en avait-il été réduit à cela ? Minos, de par son comportement souvent faux et hypocrite, l'avait toujours énervé, mais de là à vouloir sa mort, c'était une tout autre histoire. Il se souvenait même d'avoir eu un petit faible pour lui lors de leurs premières rencontres, il y a déjà quelques temps de cela. À présent, il se sentait parfaitement misérable d'avoir laissé agir ses pires instincts et d'avoir attenté à sa vie.
« Minos, je ne sais pas ce qui m'a pris, je suis déso... » commença Eaque.
Il ne finit jamais sa phrase. Des lèvres s'écrasèrent sur les siennes et virent le couper dans son élan. Ses yeux s'agrandirent ? Que se passait-il donc ? Après s'être fait agresser par lui, Minos était en train de l'embrasser ? Avait-il donc lui aussi perdu l'esprit ?
Eaque hésita, totalement déboussolé par les événements et Minos en profita pour approfondir le baiser et se cambra légèrement pour venir se coller entièrement contre lui. Le Griffon passa ses bras autour de la tête du Garuda et dans ses cheveux pour l'inciter à participer davantage.
Le Griffon agissait comme s'il recherchait désespérément du réconfort à tous ces sombres événements qu'ils vivaient en ce moment. Les derniers doutes du népalais furent balayés par la passion et le désir du norvégien. Ce premier baiser était rude, très brutal, à l'instar des deux créatures mythologiques qu'ils incarnaient. Ils se combattirent sauvagement comme deux fauves, se dévorant et se cajolant en même temps. Ils luttaient pour la domination à coup de dents et de langues.
Eaque émit un grondement bas et possessif en passant ses mains sous la tenue de Minos et commença à parcourir et caresser son torse, lui arrachant des gémissements à travers leur baiser. La perte de leurs visions ne faisait qu'amplifier leurs autres sens.
Profitant encore de l'avantage procuré par sa position, Eaque tira les longs cheveux de Minos en arrière pour avoir un accès plus exposé vers sa gorge et descendit son visage pour atteindre le cou meurtri de Minos. Il se mit à le câliner tendrement de ses lèvres, comme pour demander pardon pour ce qu'il avait fait plus tôt. La réaction ne se fit pas attendre et le Griffon commença à perdre pied et se mit à frissonner de plaisir. Minos venait sans doute de perdre aussi cette bataille-là, mais cela n'avait pas d'importance, car cela sonnait bien davantage comme un armistice entre eux. Abandonnant la partie, le Griffon se livra au Garuda.
Toute la pression et la peur qu'ils avaient pu éprouver jusqu'à présent étaient en train de s'envoler. Étaient-ils morts ? Étaient-ils vivants, mais condamnés à mourir ici ? Hadès, Pandore, la Guerre Sainte à venir, les autres spectres...leurs hypothétiques futurs étaient devenus inexistants. Le monde d'Eaque s'était réduit à Minos, mais il lui semblait pourtant infiniment vaste. Un peu comme si un vieux monde avait disparu et qu'un nouveau plein de promesses avait fait son apparition. La sensation était grisante. Sa peau, son odeur, sa voix grave et sensuel, sa chaleur, il mourrait d'envie d'explorer et de découvrir chaque nouvelle parcelle qui s'offrait à lui.
La cellule dans laquelle ils se trouvaient ne leur sembla plus aussi petite que cela. Minos posa ses mains sur les parois, aussi bien un soutien pour son intégrité mentale que physique, mais il perdit cependant ses dernières pensées rationnelles lorsqu'il sentit une main descendre dans le bas de sa tenue. Il renversa sa tête en arrière, haletant...
Flash-back :
Au sein de la Giudecca, Pandore tapotait nerveusement ses doigts sur son trône, installé au bas de l'escalier menant à celui du Dieu Hadès. L'immense salle de commandement de son frère était quasiment vide, mis à part quelques personnes se trouvant à proximité. Son attention se focalisa sur les deux individus en face d'elle et après quelques instants de réflexions, elle s'adressa à eux.
« Je ne vous cache pas que les rumeurs peuvent être parfois dangereuses, très dangereuses. Celles que j'ai entendu sur vous deux me déplaisent au plus haut point. »
Minos et Eaque ne bougèrent pas. Ils attendirent la suite, nerveusement.
« On m'a rapporté que vos querelles incessantes affectent vos propres effectifs. Que vous les fomentez les uns contre les autres dans le seul but de vous nuire mutuellement. »
À ces mots, les deux jeunes hommes concernés se lancèrent un bref regard et réagirent aussitôt.
« Lady Pandore, je puis vous assurer qu'il ne s'agit que de petites rivalités sans importances. Cela n'affecte en rien notre dévouement pour sa Majesté Hadès et pour vous. » plaida Minos.
« Oui. Il ne faut pas vous formaliser pour si peu. Ces rumeurs sont exagérées et ne reflètent en rien la réalité. » ajouta Eaque, sûr de ce qu'il avançait.
Pandore les regarda tour à tour, puis porta un bref coup d'oeil à Rhadamanthe qui était debout, à côté d'elle, impassible. Elle soupira, irrité.
« Assez ! Je sais avec certitude que mes paroles sont justifiées et je sais également ce que vous vous faites subir dans l'ombre. Mes informateurs sont formels à ce sujet. Je n'apprécie pas du tout votre manque de discernement. Je vous avais mis en garde : pas de guerre interne dans le monde souterrain ! Cela nous affaiblirait et risquerait de nous laisser à la merci de nos ennemis. Cependant, puisque vous n'en faites qu'à votre tête, je vais vous trouver une punition qui soit proportionnelle à la hauteur de votre bêtise. »
Toutes les personnes présentent dans la salle retinrent leurs souffles. Pandore en profita pour caresser son trident, presque sensuellement. D'angoisse, certains gardes avalèrent nerveusement leurs salives.
« Ne vous inquiétez pas, nous avons besoin de toutes vos capacités, il est donc exclu d'utiliser la violence physique. Non, j'ai bien mieux à vous imposer que l'emploi de mon arme sur vos petites personnes » ronronna-t-elle.
Les quatre spectres sous les ordres de Rhadamanthe qui étaient présents dans la salle fixèrent les deux juges incriminés. Ils savaient que Pandore ne faisait jamais dans la demi-mesure et qu'elle allait faire payer chèrement leurs fautes au Seigneur Minos et au Seigneur Eaque.
« Dites-moi, avez-vous déjà entendu parler du coffre de l'oubli ? » dit Pandore, doucereusement.
« Le quoi ? » questionnèrent en cœur les deux juges des Enfers, aussi intrigués qu'effrayés.
« Allons messieurs, il vous faudra impérativement connaître les divers artefacts que nous avons en notre possession avant que ne débute la prochaine Guerre Sainte. Il s'agit d'un coffre situé dans notre salle d'interrogation. C'est un instrument de torture destiné à nos adversaires.» minauda Pandore.
Minos et Eaque perdirent beaucoup de leur superbe avec cette révélation.
« Ce coffre ne peut s'ouvrir que de l'extérieur et bloque instantanément les pouvoirs de ceux qui y pénètrent. En outre, il a surtout pour effet de faire perdre la mémoire à court terme. Ainsi, ceux qui ont le malheur de s'y retrouvés piéger ne savent plus où ils se trouvent, ni pourquoi, ni depuis combien de temps. Ils perdent toutes notions de temps et finissent très souvent par perdre la raison. En général, les ennemis ayant fait un séjour à l'intérieur finissent par avouer tout ce que nous désirons savoir plutôt que de se risquer à y retourner. »
Eaque était devenu blême en entendant l'explication de Pandore, se doutant bien de ce qui allait suivre.
« En punition de votre mauvaise volonté pour faire régner la paix au sein de notre armée, vous allez y séjourner quelques heures. Ne vous inquiétez pas, contrairement à ceux qui ont pu l'occuper précédemment, vous occuperez ce coffre en même temps, ainsi, vous pourrez vous soutenir mutuellement et qui sait, peut-être parvenir à mieux vous entendre. Du moins, je vous le souhaite vivement. À présent, enlevez vos surplis ! Ils ne vous seront d'aucune utilité et sont trop volumineux pour être introduit à l'intérieur.»
Ni Minos, Ni Eaque ne réagirent assez vite au goût de l'intraitable dame des Enfers.
« EXECUTION ! » lança-t-elle vivement.
Les concernés s'exécutèrent à contre-coeur, dépités de ne trouver aucune échappatoire possible et ils ressentirent un instant ce qu'ils faisaient subir aux âmes des défunts. Leurs surplis se détachèrent d'eux et vinrent se placer aux côtés de Pandore en reprenant leurs formes originelles. À moins d'être à l'abri des regards dans leurs propres temples, les deux juges n'avaient pas l'habitude de se retrouver dans leurs simples tenues usuelles devant les autres spectres. Ils éprouvaient un affreux sentiment de nudité, mais c'était là le moindre de leur problème.
« Rhadamanthe, prends tes hommes avec toi, escortez Minos et Eaque jusqu'à la salle d'interrogation et veille à ce qu'ils subissent leur peine jusqu'au bout ! »
« Bien, Lady Pandore. Il en sera fait selon votre volonté. » lui répondit Rhadamanthe.
Le Juge fit un signe de la main à ses hommes et ceux-ci virent entourer les condamnés en silence. L'anglais en tête de file, ils commencèrent à avancer ensemble vers la fameuse salle d'interrogation.
La mort dans l'âme, Eaque et Minos suivirent la marche. Le Griffon regarda le Garuda et vit que celui-ci avait le visage livide, d'un teint presque aussi blanc que le sien. Evidemment, il était terrifié par ce qui les attendaient tous deux et Minos en connaissait parfaitement la raison. Cette punition allait être un véritable enfer...
Quatre heures s'étaient écoulées depuis le début de leur peine. Rhadamanthe ouvrit la porte de la salle d'interrogation en passant devant les gardes qui la surveillaient et la referma derrière eux. Il n'y avait pas besoin d'autre personne que lui pour venir délivrer ses frères d'armes.
La première fois qu'il avait pénétré dans cette pièce, il s'était attendu à y voir différentes sortes d'instruments de torture comme pourrait l'évoquer son nom. Quelle surprise pour lui d'avoir alors constaté que l'unique mobilier que renfermait cet endroit était cet imposant coffre en pierre situé en plein centre de la salle.
Il le contempla un instant. De par sa forme rectangulaire, sa masse, sa cuve intérieure et son couvercle plat, l'objet lui évoquait les sarcophages égyptiens qui renfermaient les momies. Cependant, la ressemblance s'arrêtait là, le coffre était d'un blanc albâtre et orné d'un bas-reliefs noir entourant sa structure de pars et d'autres. Des symboles sculptés dans une langue très ancienne y figuraient et évoquaient ses propriétés infernales.
Rhadamanthe se demanda comment le Seigneur Hadès était entré en possession de cette horrible chose. L'avait-il trouvé dans des temps immémoriaux ou l'avait-il crée ?
S'il s'était retrouvé à la place de Minos ou d'Eaque, il aurait nettement préféré se faire blesser gravement par le trident de Pandore plutôt que de s'y retrouver piéger et de devoir subir cette torture psychologique. Fidèle à son éthique, le spectre du Wyvern avait toujours préféré les actions directs plutôt que ceux détournés qu'il estimait lâches et indignes de lui. Pandore n'avait sans doute pas mesuré la portée de son acte en leur imposant cette épreuve, car d'une manière ou d'une autre, ils n'allaient pas en sortir totalement indemne. Songeur et plus intrigué que véritablement inquiet pour ses pairs, il se demanda dans quel état il allait les trouver.
Dans un geste puissant, il fit coulisser le plateau de pierre qui bloquait le contenu du coffre...
Le spectacle qui s'offrait à lui le laissa sans voix.
Il ne vit qu'un enchevêtrement de corps et de membres avec certains vêtements remontés et d'autres descendus qui ne laissaient place à aucun doute sur les dernières activités des occupants du coffre.
« Mais, …...par Hadès, qu'est-ce que vous fabriquez...sombres crétins ? » s'insurgea Rhadamanthe.
En temps normal, il ne se serait jamais permis d'insulter de la sorte les deux autres juges, mais la situation était telle qu'il en avait perdu son flegme légendaire.
Les deux hommes à l'intérieur se dépêchèrent de réajuster leurs vêtements. D'une main sur le rebord du coffre, Eaque sortit le premier dans un geste souple et rapide.
« Cela ne se voit pas ? Tu veux peut-être que nous te donnions des détails ?» Le népalais abordait un grand sourire satisfait.
« Ses oreilles chastes ne le supporteraient pas. » ajouta Minos, railleur et souriant, émergeant doucement la tête de leur cellule de pierre.
« Epargnez-moi vos sarcasmes. Vous n'avez pas une once de décence, ma parole.»
La soudaine complicité des deux hommes à son détriment le mettait pour le moins mal à l'aise.
D'une démarche moins assurée et élégante que celle de son compagnon d'infortune, Minos sortit à son tour du coffre en pierre et vint se placer nonchalamment aux côtés d'Eaque.
À l'ouverture de leur prison, tout deux avait immédiatement retrouvés leurs pouvoirs ainsi que les souvenirs des derniers événements qui les avaient conduit jusqu'ici.
Rhadamanthe les dévisagea en plissant les yeux. Le tableau qu'il vit lui déplut grandement. Physiquement, les deux hommes faisaient peine à voir. Minos avait les cheveux dans un désordre absolu, le cou rougi par de sombres hématomes. Le spectre du Wyvern vit immédiatement qu'il s'agissait de traces de doigts d'une strangulation. Minos abordait aussi des ecchymoses un peu partout sur les endroits visibles de son corps et se tenait dans une posture légèrement repliée.
Eaque, quand à lui, avait des plaies ouvertes sur ses mains, sans doute fracturées, des hématomes sur les poignées ainsi qu'un plus gros sur une joue. Le haut de sa tenue était à moitié déchiré et laissait entrevoir de profondes et sanglantes griffures dans son dos.
Ils s'étaient battus, méchamment, cela ne faisait pas l'ombre d'un doute. Puis, ils s'étaient en quelque sorte...réconciliés ?
Rhadamanthe soupira de lassitude et aussi un peu de soulagement, même s'il ne se l'avouerait jamais. Malgré leurs blessures, ils avaient l'air entier et maintenant qu'ils avaient récupéré leurs pouvoirs, ils devraient s'en remettre très rapidement. En somme, cela aurait pu être bien pire.
Ils avaient même l'air heureux d'avoir terminé leur sanction, à moins que ce ne soit pour une autre raison...
« Allez immédiatement prendre une douche et changer de tenue. Vous êtes dans un état lamentable et vous devrez être décent lorsque vous irez rejoindre Lady Pandore pour qu'elle vous remette vos surplis. J'y vais en premier pour l'informer de votre libération. Vous avez vingts minutes devant vous ! »
Ne désirant pas s'éterniser davantage avec eux, Rhadamanthe fit volte-face et commença à se diriger vers la sortie.
« Attends ! » s'écria Minos.
Le spectre du Wyvern se retourna, de mauvaise grâce.
« Ne t'avise pas de dire quoi que ce soit sur ce que tu viens de voir à Lady Pandore ou je te jetterai moi-même dans ce maudit instrument de torture avec la première personne qui me tombera sous la main. » menaça Eaque.
Pas le moins intimidé du monde, Rhadamanthe le dévisagea, d'un air navré et hautain.
« Pourquoi est-ce que je lui raconterai une chose pareille ? Pensez-vous sincèrement que Lady Pandore s'intéresse un tant soit peu à votre vie sexuelle débridée? »
Les trois hommes s'affrontèrent du regard, puis Rhadamanthe secoua la tête en soupirant.
« Rassurez-vous, je ne lui dirai rien ! Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je suis attendu !»
Il prit à nouveau la direction de la sortie, mais s'arrêta juste avant de la franchir, sans se retourner.
« Pour votre information, sachez que si je me retrouvais dans ce coffre avec une autre personne, la seule chose qui risquerait d'arriver est que je m'en débarrasserai pour économiser l'air. S'il s'est produit...''cela'', c'est que vous l'avez bien voulu. »
Il ouvrit la porte et laissa les deux hommes seuls. Les yeux dorés et les yeux améthystes se croisèrent dans un regard indéchiffrable.
Épilogue :
Quelques douces notes de musique flottaient dans le salon privé du château des Einstein. Pandore réajustait les cordes de sa harpe à côté de Rhadamanthe qui entamait son rapport, un genou à terre.
« Pourquoi me parles-tu encore de cette histoire ? Tout est désormais pour le mieux, tu as pu le constater toi-même, pourtant, tu restes septique. Aurais-tu des réserves quand au résultat ? » interrogea Pandore.
« Pour le résultat, non, sur ce point, je partage votre avis, mais la méthode pour y parvenir... »
Pandore balaya son argument d'un geste de la main.
« Un mal nécessaire. Vivre une expérience traumatisante avec d'autres personnes crée inévitablement des liens.»
Rhadamanthe se mordit légèrement la lèvre inférieure, désappointé.
« Pour cela, vous ne croyez pas si bien dire... » répondit-il sarcastiquement.
« T'inquiéterais-tu pour eux, par hasard ? » le coupa Pandore.
« Non. » La réponse était évidente pour lui.
Pandore le considéra un instant, silencieuse.
« Il s'est passé plusieurs jours depuis lors et mes informateurs m'ont clairement spécifié qu'il n'y avait plus de traces de luttes internes entre Minos et Eaque, ni la moindre tension entre eux et qu'en plus, ils passaient du temps ensemble, volontairement. Ils ont été aperçus plusieurs fois en train de discuter ou de marcher tous les deux. Tout cela est plutôt prometteur pour l'entente globale de notre armée» se réjouit Pandore.
« Et pour arriver à cela, vous pensez vraiment qu'il fallait en venir à utiliser sur eux une arme destinée à briser nos ennemis ? »
« Comme je te l'ai déjà dit, peu importe les méthodes que nous emploierons, qu'elles soient aussi retors et méprisables que possible, seul compte le résultat. Je ferai en sorte que nos objectifs aboutissent, tous nos objectifs et cela, quoi qu'il advienne. »
Rhadamanthe garda le silence, hochant subtilement la tête.
« À présent, laisse-moi ! » conclut Pandore.
Sans un mot, le Juge se releva et sortit rapidement de la pièce. Restée seule, Pandore souriait. Elle adorait quand tout se passait selon sa volonté. Rien ne devrait perturber leurs forces durant la prochaine Guerre Sainte qui s'annonçait et elle se mettait un point d'honneur à ce que tout soit parfait avant que ne débute leur première attaque décisive contre Athéna et ses chevaliers.
Après une dernière vérification sur l'accordage de sa harpe, elle entama un air qu'elle avait entendu et apprécié lors du dernier récital d'Orphée.
Fin
