Ménarche

Toph Bei Fong n'était pas du genre à se plaindre. Aussi, elle n'avait rien dit lorsque les crampes avaient débuté. Elle était la Fripouille Aveugle, et la Fripouille Aveugle ne pleurnichait pas qu'elle avait mal au bide !

Seulement, les crampes étaient bizarres. Vraiment, vraiment bizarres. Pas tout à fait situées au niveau de l'estomac, mais ce n'était pas l'intestin non plus. Et ça n'était pas une douleur aiguë et constante, comme la plupart des maux de ventre. C'était… diffus. Et ça n'arrêtait pas de cesser et de recommencer.

Bon sang, elle avait quoi, au juste ?

Et puis bam, ça lui avait littéralement foudroyé le bas-ventre, au point qu'elle avait littéralement sauté de la sacoche alors qu'Appa venait à peine de se poser pour aller se planquer derrière un buisson.

« Hé, Toph, t'as la diarrhée ? » lui avait lancé Sokka.

Elle ne lui avait pas fait de bras d'honneur pour la bonne raison qu'elle avait trop mal. L'intérieur de son ventre se tordait, se déchirait de partout et…

Oh. Oh. Par les esprits, qu'est-ce qui coulait, là ? Du… sang ?

« Toph ? Ça va ? »

En temps normal, elle aurait expédié Katara sur les roses avec une de ses remarques les plus vitriolées. Mais Katara savait soigner. Et si elle saignait… ça voulait dire que quelque chose clochait gravement dans son corps.

« …Non. »

Un froissement de tissu, des graviers crissant sous les semelles en peau de phoque lui indiquèrent que la maîtresse de l'eau se rapprochait.

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Merde, comment elle allait annoncer ça ?

« Je… ça coule. Du sang. »

« Du sang où ? »

Toph avala sa salive – et non, elle n'essayait pas de faire descendre la boule dans sa gorge par la même occasion – et indiqua la source de l'écoulement d'un geste.

Le rythme cardiaque de Katara eut un sursaut.

« Oh. Oh. Je… vois. Toph, pourquoi tu n'as pas dit que tu avais mal au ventre ? »

Pour une aveugle, Toph réussissait très bien les regards mauvais.

« Pourquoi je l'aurais fait ? »

« Et bien, j'aurais pu te passer une serviette… Enfin, il n'y a pas de tache sur ton pantalon, c'est déjà ça. Avoir ses règles, c'est déjà assez ennuyeux sans avoir à en exhiber la trace… »

D'accord, là, elle était paumée.

« Ses quoi ? »

« Ses règles… Toph, tu sais ce que sont les règles ? »

« …Un truc pour mesurer ? »

Un soupir.

« Ta mère ne t'a pas dit ce qui arrivait quand on devient une femme ? »

« Si. On se marie et on devient une gentille petite femme au foyer chargée de pondre trois douzaines de mouflets. »

« …Et bien, pour les avoir, ces mouflets, il faut être réglée. Donc, saigner tous les mois. A partir de douze ou treize ans. »

La maîtresse de la terre se pétrifia d'horreur.

« Tous les mois ?! »

Non, ça, c'était pas possible ! Avoir mal au bide comme ça tous les mois, mais elle allait crever !

« Oui, je sais. Nous les femmes, on a la vie dure. »

« Pourquoi les mecs n'ont pas ça ? » s'insurgea Toph.

« L'injustice de la vie, sans doute… »

De manière inattendue, Toph sentit les larmes lui monter aux yeux. Mais qu'est-ce qui lui prenait, tout d'un coup ? Elle était la Fripouille Aveugle !

« Oh, on dirait bien que les hormones t'en font baver… Tiens, prends ça. »

La brunette s'empressa de se cacher la figure dans le mouchoir que venait de lui passer la fille plus âgée. Si c'était ça les règles, pas question ! Arrière toute, remballez la machine, elle n'en voulait pas !

« Il n'y a pas de moyen pour supprimer ça ? »

« Désolée, Toph. Tu vas devoir vivre avec. »

La maîtresse de la terre grogna dans son morceau de tissu.

« Le monde est mal foutu. »

« Hélas ! Tiens, mets ça dans ta culotte. Ça va absorber le sang… »

L'entrée dans le monde des femmes, c'était douloureux. Et pour une fois, Toph et Katara étaient parfaitement d'accord.