Bonjour!
Comme je suis en verve, me revoici déjà.
SomeCoolName, il est pour toi mais ne viens pas te plaindre, c'est pas gai!
Encore Brel entre mes lignes avec ''Orly'', texte un peu adapté, si peu...
Bonne lecture à toi et tous les autres.
ORLY
C'est l'histoire d'un instant que je vais vous conter, une poignée de secondes, qui prend toute une vie, une vie qui semblera durer mille ans. C'est l'histoire d'un instant qui est arrivé, n'est pas arrivé mais pourtant, plus tangible que la réalité.
Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu´eux deux
Une foule, une soirée dans un château, des invités prestigieux à l'aube d'une guerre qu'il faut empêcher, les hommes de la sécurité sont cachés, à l'affût, Mycroft leur a dit qu'ils seraient plus de deux mille en ces lieux. Mais là, Watson a fui la foule, parvenu sur le balcon à la recherche de Holmes. Et il arrive une seconde trop tard, le détective bascule dans le vide avec Moriarty, de sa seule volonté.
La pluie les a soudés,
Semble-t-il, l´un à l´autre
Et pendant cette fraction de seconde, il lui fait ses adieux silencieux, je vois en spectateur une autre scène, celle que le temps leur vole. Je les vois, lui et lui, Holmes et Watson, comme toujours.
Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu´eux deux
Et je les sais qui parlent
Il doit lui dire « Je vous aime! »
L'autre doit lui dire « Je vous aime! »
Les mots qu'ils ne se sont pas dits, jamais. Et pourtant, il me semble les entendre tellement je les imagine.
Je crois qu´ils sont en train
De ne rien se promettre
Ces deux-là sont trop maigres
Pour être malhonnêtes
Ils échangent un dernier regard, ultime adieu qui dit tout et rien. Le médecin pourrait lui promettre qu'il ne l'oubliera jamais mais inutile, Holmes le sait déjà, il sait tout, toujours. Et moi je regarde la scène, de loin, je n'interviens pas, je ne dis rien, je regarde.
Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu´eux deux
Le temps s'est arrêté sur cet instant ultime où des yeux se croisent avant de basculer dans l'abîme. Et pendant ce moment infime dans la continuité du temps, Watson souffre, voit sa vie défiler, leurs vies.
Et brusquement, il pleure
Il pleure à gros bouillons
Il lui semble que les sanglots lui déchirent la gorge alors que dans cet infime moment, il n'en a même pas le temps. La foule derrière lui fait du bruit, c'est la cohue, le danger de mort qui pourrait mettre le monde en flamme mais là, il s'en moque, son monde à lui est en train de basculer. Pourquoi sont-ils venus? Ils n'auraient pas dû.
Tout entourés qu´ils sont
D´adipeux en sueur
Il ne pense qu'à eux deux. Mais à Londres, dans cette Angleterre Victorienne, prisonnière de la morale étriquée, la société, la bonne société les a empêchés de s'aimer. Dieu aussi. À croire que Holmes a raison, Dieu n'existe pas pour leur donner autant d'épreuves.
Watson s'est toujours refusé à admettre qu'il aimait d'amour ce diable de détective, il s'est marié. Juste une fuite en avant, une hypocrisie. Alors ce soir, à cet instant, il le lui dit, il dit ses regrets de n'avoir pu passer outre ce qu'on pourrait penser d'eux, voudrait refaire le chemin à l'envers, revenir en arrière. Et il imagine sans aucune pudeur leurs corps emmêlés sur des draps moites, imbriqués l'un dans l'autre, gémissant dans la bouche de l'autre. Et le diable pourra bien se débrouiller avec ses péchés non consommés, il s'en moque bien, il perd tout. Les moralisateurs ne savent pas ce que c'est que d'aimer à ce point-là.
Et de bouffeurs d´espoir
Qui les montrent du nez
Mais ces deux déchirés
Superbes de chagrin
Abandonnent aux chiens
L´exploit de les juger
Car il est trop tard, trop tard pour regretter.
La vie ne fait pas de cadeau
Et nom de Dieu c'est triste
Reichenbach, le dimanche,
Avec ou sans espoir!
Il n'est que le temps de blasphémer, de jurer, d'insulter soi et les autres.
Un dernier regard, ils n'ont que ça, tous deux encastrés dans leur destin et leur douleur.
Et maintenant, ils pleurent
Je veux dire tous les deux
Tout à l´heure c´était lui
Lorsque je disais "il"
Tout encastrés qu´ils sont
Ils n´entendent plus rien
Que les sanglots de l´autre
Un dernier regard...
Et puis
Et puis infiniment
Comme deux corps qui prient
Infiniment lentement,
Ces deux corps se séparent
Et en se séparant
Ces deux corps se déchirent
Et je vous jure qu´ils crient
Holmes bascule dans le vide, dans le silence, dans le noir, dans le froid. Et Watson a plus froid que lui, son cœur s'est arrêté, son souffle s'est coupé, la glace a figé son sang dans ses veines. Il va basculer.
Non! Encore un instant, pitié...
Et puis, ils se reprennent
Redeviennent un seul
Redeviennent le feu
Chacun part avec l'image de l'autre imprimée sur sa rétine. Image qui devient floue, déjà.
Et puis, se redéchirent
Se tiennent par les yeux
Un dernier mouvement sur le fil, une crainte, un espoir...
Holmes tombe, tombe, tombe... le nez tourné vers le ciel, le balcon.
Et puis, en reculant
Comme la mer se retire,
Il consomme l´adieu
Il bave quelques mots
Agite une vague main
Et brusquement, il fuit
Fuit sans se retourner
Et puis, il disparaît
Bouffé par la chute d'eau
C'est fini.
La vie ne fait pas de cadeau
Et nom de Dieu c´est triste
Reichenbach, le dimanche,
Avec ou sans espoir!
Holmes est tombé; plusieurs dizaines de mètres plus bas, des tonnes d'eau écumante.
Et puis, il disparaît
Bouffé par la chute d'eau
Watson est sonné, appuyé contre le mur derrière lui, ses jambes ne le soutiennent plus.
Et lui, il reste là
Cœur en croix, bouche ouverte
Sans un cri, sans un mot
Il connaît sa mort
Il vient de la croiser
Holmes est mort, il le sait, aucune chance de survie. Lui aussi, pas de chute d'eau et pourtant, il se noie. Mais il n'arrive pas à y croire, l'évidence est trop monstrueuse pour pouvoir l'admettre.
Voilà qu´il se retourne
Et se retourne encore
Il se redresse, veut retourner à l'intérieur mais toujours, ses pas le retiennent, le ramènent sur ce balcon. Il est perdu, égaré sur cette minuscule terrasse.
Ses bras vont jusqu´à terre
Ça y est! Il a mille ans
Il n'a plus d'âge, ses vingt ans sont loin, il en a quarante, il n'aura plus jamais vingt ans ni soixante, le temps s'est arrêté, stoppé par le poids du monde sur ses épaules et la douleur est telle qu'il sait qu'elle ne s'arrêtera jamais, elle durera, à l'infini, plus de mille ans.
Et son cœur s'est fermé sur une porte fantasmagorique, fermée à clé, à double tour et à l'intérieur...
La porte est refermée
Le voilà sans lumière
C'est fini. La porte de son cœur est close, il faut juste continuer à vivre, dans le vide, dans le noir. Watson avale de l'air, à l'intérieur du château, on l'attend, comme Mycroft, son frère. Souffrira-t-il de sa disparition? Peut-être mais jamais autant que lui.
Il tourne sur lui-même
Et déjà il sait
Qu´il tournera toujours
Il a perdu des femmes
Mais là, il perd l´amour
L'amour est parti, il s'est enfui.
L´amour le lui a dit
Revoilà l´inutile
Holmes le lui a dit dans son adieu silencieux, tout est inutile. Sa jeune épousée l'attend mais il ne la reverra que pour lui dire adieu, parler du divorce, il ne s'imagine plus pouvoir la toucher car en fait, il ne l'aime pas.
Il vivra de projets
Qui ne feront qu´attendre
Le revoilà fragile
Avant que d´être à vendre
ou du moins à louer, il a vendu son âme au diable en aimant un homme, aucune femme ne pourra le remplacer, jamais.
L'histoire est finie, j'ai terminé de vous la conter.
Je suis là, je le suis
Je n´ose rien pour lui
Que la foule grignote
Comme un quelconque fruit
Je suis là, spectateur de son malheur, je ne peux rien pour lui car lui, c'est moi...
FIN
Et voilà, la mélancoie est source d'inspiration mais vous et moi savons déjà que cette histoire a une plus belle fin...
Merci d'avoir lu et une review fait toujours plaisir.
