SURPRISE!
Voici enfin ma nouvelle fic UA Newtmas. Du moins, le premier chapitre ;)
J'ai voulu me lancer dans un Crossover The Maze Runner/X-Men, j'espère que ça ne va pas donner quelque chose de trop catastrophique :P
Cette fiction sera beaucoup plus courte que Forever Young, et probablement moins bien XD On est clairement dans un registre différent, donc j'espère que ça plaira quand même!
Bonne lecture, comme d'habitude, et merci d'avance pour vos remarques, critiques, etc...
Été 2015
Thomas se redressa brusquement dans son lit lorsque le son d'une déflagration lui parvint. Un coup de feu. Et pourtant, la saison de chasse n'était pas encore ouverte. Il s'extirpa de son lit en quatrième vitesse et se précipita à la fenêtre de sa chambre, juste à temps pour voir...quelque chose crever les nuages et tomber du ciel comme un météore avant de disparaître dans la forêt, à la lisière de la propriété de son père.
Le brun resta plusieurs secondes planté devant sa fenêtre, le cœur battant la chamade. Que devait-il faire ? Il s'agissait de la propriété de son père (qui était absent de la maison), et si des braconniers s'y baladaient sans autorisation, il ne pouvait tout simplement pas rester cloîtré chez lui à se tourner les pouces. Mais la simple idée de s'aventurer seul dans la forêt alors que des objets étranges tombaient du ciel et que des gens se baladaient avec des armes à feu le refroidissait un peu. D'un autre côté, il mourrait d'envie de savoir ce qui avait bien pu tomber dans le bois. Peut-être que c'était un aigle ou cygne ?
Un peu de piment dans sa vie n'était pas de refus. Depuis le début de l'été, il s'ennuyait ferme et passait la majeure partie de ses journées à comater sur son lit, à vider le frigo et à jouer de la batterie et de la guitare.
(Dernière fois qu'il passait son été chez son père, loin de ses amis et de la ville.)
(Plutôt mourir.)
Il glissa son portable dans la poche de son short et s'empara de sa batte de base-ball d'un geste décidé. Si quelqu'un le voyait ainsi, on le prendrait sans doute pour un taré, mais il se souvint du coup de feu et raffermit sa prise sur l'instrument. Hors de question qu'il s'aventure dehors sans arme. Il dévala l'escalier et passa la porte d'entrée.
Dehors, le soleil brillait haut dans le soleil, au milieu d'un ciel bleu limpide parsemé de quelques nuages laiteux. Il faisait chaud et lourd, et même l'ombre des arbres n'offrait aucune fraîcheur salvatrice. Une odeur de chèvrefeuille et de coton envahissait l'air.
Thomas entendait le bruissement des feuilles et le sifflement joyeux des oiseaux qui nichaient dans la forêt. Évitant les racines qui ponctuaient le chemin, il s'enfonça dans le bois et se faufila à travers les conifères, les énormes chênes et les feuillus qui pointaient fièrement vers le ciel. La mousse et les herbes folles qui tapissaient le sol étouffaient le bruit de ses pas. Les branches épaisses et touffus des arbres dessinaient des entrelacs sombres au-dessus de sa tête. Une bourrasque de vent fit claquer le tissu de son t-shirt.
Il connaissait bien ces bois. Des années plus tôt, son père lui avait construit une cabane dans un arbre dans laquelle le brun avait consacré des journées entières, à jouer avec ses amis, puis à s'y réfugier pour sécher les cours et passer un peu de temps seul.
Il marchait depuis plusieurs minutes lorsqu'un bruissement dangereusement proche le fit se figer. Il regarda autour de lui, les sens en alerte.
« Il y a quelqu'un ? » Appela-t-il.
Il entendit un juron et un bruit de craquement assourdissant qui le fit tressaillir. Sa question ne reçut aucune réponse. Il leva la tête et s'aperçut que certaines branches au-dessus de lui étaient brisées et avaient perdus de leurs feuilles, et le sol sous ses pieds étaient aplatis et portaient de drôles de marques. Comme si un corps y avait été traîné.
Il serra sa batte de base-ball si fort dans ses mains que ses jointures blanchirent.
« Bordel », maugréa-t-il entre ses dents. « Faites que je ne tombe pas sur une scène de meurtre... »
Il s'éclaircit la gorge et reprit :
« Hé ho ? Il y a quelqu'un ? »
Il y eut un nouveau bruit, et Thomas sentit son sang bouillonner. L'on aurait dit un grognement de douleur. Les yeux écarquillés par la frayeur, il brandit sa batte de base-ball devant lui et amorça un pas hésitant vers l'origine du bruit. Il déglutit péniblement. Il avait la gorge sèche douloureuse.
Bordel de Dieu, qu'est-ce qui lui avait pris de jouer aux petits curieux et d'aller dans la forêt tout seul alors qu'un meurtre y était perpétré ? Son arme de fortune ne le protégerait pas face à un pistolet. Peut-être que s'il faisait demi-tour et piquait un sprint vers sa maison... ? Un nouveau gémissement interrompit le fil de ses pensées et le tétanisa sur place.
« Vous avez cinq secondes pour vous montrez ou j'appelle la police ?! » S'écria-t-il brusquement, mu par une soudaine poussée d'adrénaline.
« NON ! » Cria soudain une voix paniquée.
Thomas fronça les sourcils. Il ne s'attendait certainement pas à ça. Il s'avança de quelques pas et aperçut un garçon de son âge prostré dans les fougères derrière un arbre, milieu d'épais buissons de mûres.
Son visage était anguleux et ses traits fins et juvéniles. Il aurait pu être beau, très beau même, mais sa lèvre fendue et son air sombre gâchaient cette impression. Diverses entailles, contusions et hématomes recouvraient ses bras nus et son visage, et de la boue était incrustée dans ses cheveux blonds. Une flamme glacée dansait dans son regard précoce. Cette flamme glacée qui hante les prunelles des gens brisés mais forts malgré tout.
Thomas sursauta en voyant quelque chose de marron remuer derrière le garçon. Était-ce un animal ? Il n'eut cependant pas le temps d'examiner davantage cette étrange créature puisque le garçon prit soudain la parole.
« Pose ce truc tout de suite », ordonna-t-il sèchement en pointant la batte de base-ball. « T''es pas crédible du tout. »
Son ton était dur et claquant. Aussi acéré qu'une lame de rasoir. Mais sous ses mots prononcés avec fermeté, on percevait quelque chose de plus profond. De plus tangible et réel.
De la peur.
Ce garçon était terrifié. Et mieux valait ne pas l'effrayer davantage.
« Ouais, d'accord, du calme, OK ? » Répondit nerveusement Thomas en laissant tomber son arme de fortune sur un amas de mousse à ses pieds. « Je ne vais pas te faire de mal, d'accord ? T'as pas à avoir peur de moi. »
Il écarta ses mains devant lui pour montrer qu'il était tout sauf dangereux, mais le blondinet devant lui le scrutait toujours avec une intensité soutenue. Il était sur le qui-vive. Un éclat de méfiance faisait vaciller ses prunelles sombres.
« Et pourquoi je devrais te croire ? » Répliqua-t-il d'un ton grinçant tandis que la chose plumeuse s'étendait derrière lui.
Thomas ne répondit pas. Il était trop occupé à regarder ce qui se passait derrière le garçon. Ce qu'il pensait en premier lieu être un animal était en fait deux grandes ailes qui se déployaient dans le dos du blondinet. Deux ailes immenses et majestueuses dont le plumage voguait entre le brun, le roussâtre et le doré.
Des. Ailes.
Il avait l'impression de rêver.
En fait, le choc l'avait tout bonnement statufié. Il restait planté là, pétrifié, à fixer bêtement le mutant qui lui faisait face.
L'aile gauche du garçon attira alors son regard. Elle était mal repliée et frémissait, et du sang suintait d'entre les plumes. Le brun eut soudain un déclic.
« Tu t'es fait tiré dessus ? » Demanda-t-il d'une voix qui se voulait calme et pacifique (parce que ce garçon était manifestement à prendre avec des pincettes).
Le jeune inconnu tressaillit. Ses ailes se replièrent automatiquement dans son dos, mais une grimace déforma ses traits lorsqu'il ne parvint pas à rétracter correctement celle de gauche.
« T'es tombé ? » Demanda encore Thomas.
Une centaine de questions taraudaient son pauvre cerveau, et il faisait déjà preuve d'une force mentale titanesque pour ne pas toutes les poser en même temps.
« C'était une manœuvre d'évitement », se défendit le garçon d'un air vexé en plissant les yeux.
Thomas esquissa un petit sourire rassurant et hasarda un pas en avant.
« Recule », gronda sourdement le blondinet en tirant soudain une lame de sa ceinture, qui étincela aux rayons du soleil.
Il la brandit devant lui d'un air menaçant, et Thomas trébucha en arrière tout en écartant à nouveau ses mains devant lui.
(Manquait plus que ce gosse soit armé, nom de Dieu)
« Hey, hey, hey, calme-toi, je ne vais pas te faire de mal, j-je peux même soigner ton aile, si tu veux... »
« Comment ? » Rétorqua le garçon d'un ton soupçonneux. « Et pourquoi tu feras ça ? On ne connaît personne en Californie. »
« On ? » Répéta Thomas, incrédule. « Il y en a d'autres comme toi ? »
Le garçon lui lança un regard meurtrier qui signifiait clairement qu'il ne répondrait pas à la question. Bon. Thomas secoua doucement la tête avant de reprendre :
« Écoute... mon père n'est pas à la maison en ce moment. Je crois qu'il aide une jument à mettre bas. Mais il est vétérinaire, il m'a un peu montré ce qu'il savait faire. »
Le mutant le jaugea du regard avec méfiance.
« Tu ne lui diras rien ? Et tu n'appelleras pas la police ? » Dit-il finalement, mais l'annonce l'avait visiblement rendu moins tendu et effrayé.
« Je ne le dirai à personne. »
Le blondinet garda un moment le silence, comme pour peser le pour et le contre. Puis, un soupir lui échappa, et il releva ses yeux sombres vers Thomas, qui attendait patiemment sa réponse.
« D'accord », lâcha-t-il enfin avant de commencer à se relever en grimaçant.
Thomas fit automatiquement un pas en avant pour lui venir en aide, mais le garçon brandit à nouveau son couteau d'un air menaçant. Le brun se stoppa net dans son mouvement et déglutit péniblement, les yeux rivés sur le poignard pointé vers lui.
« Non », l'avertit le blond d'un ton sévère. « Tu passes devant, je te suis. Et si tu cherches à me piéger, tu le regretteras. »
Son aile droite était repliée dans son dos, et celle de gauche restait à moitié ouverte. Du sang vermillon dégoulinaient des plumes couleur automne.
« D'accord, d'accord, je passe devant, pas la peine de s'enflammer », bredouilla Thomas en hochant frénétiquement de la tête. « Mais je te fais la promesse que je ne te ferai jamais de mal. Je ne suis pas un...anti-mutant... T'as rien à craindre avec moi. »
Le regard du garçon s'adoucit, mais il ne lâcha pas son couteau pour autant. Résigné, Thomas prit les devants et commença à marcher vers sa maison, encore un peu sonné par tous ces événements qui lui étaient tombés dessus en une seule journée.
-X-
La vérité, c'est que très peu de gens acceptaient l'existence les mutants. Personne ne savait si la mutation était due à des radiations de la guerre nucléaire ou simplement à une évolution biologique précoce. Dans tous les cas, les gens porteurs du gène mutant étaient exclus pour leur différence. Ils étaient isolées, rejetés, parfois même persécutés ou instrumentalisés par les humains.
Certains trouvaient que l'appellation « mutants » était trop dénigrante. Mais par quoi d'autre pouvait-on les appeler ? Les superhumains ? Cette dénomination était tout bonnement ridicule.
Certains mutants étaient célèbres, comme cette pom-pom girl qui pouvait faire repousser ses membres lorsqu'ils étaient sectionnés, et un type qui avait le pouvoir de voyager dans le temps. Mais ce genre de personnes étaient embrigadées et conditionnées à s'asseoir bien sagement et à obéir au gouvernement. Et il y avait ces mutants moyens, sans amis et rejetés des autres, qui pouvaient briller dans le noir ou réchauffer leur tasse de thé d'un simple regard.
L'Église Catholique s'opposait fermement aux mutants. Elle les voyait comme des abominations, tout comme les homosexuels, l'avortement et les femmes qui ne s'épilent pas les jambes.
Oh, et la famille paternelle de Thomas était catholique de pure souche. Son père avait même un sticker anti mutant collé sur sa voiture.
Le brun secoua doucement la tête et laissa le mutant entrer dans la petite clinique vétérinaire annexée à sa maison. Il fit signe au blondinet de s'asseoir sur la table d'auscultation métallique. Le garçon ailé s'exécuta sans pour autant lâcher son couteau, qu'il serrait fermement dans son poing crispé.
Thomas se posta devant son jeune patient, le cœur battant. Bien. Il était temps de mettre à l'épreuve ce que son père lui avait enseigné.
« La balle est passée à travers ? » Demanda-t-il, peu sûr de lui.
Le mutant hocha la tête en silence et étendit un peu son aile, autorisant la brun à examiner sa plaie. Délicatement, Thomas le fit déployer un peu plus le membre pour voir l'étendue de la blessure, mais il s'arrêta aussitôt lorsque le mutant se dégagea brusquement de ses mains dans un sifflement de douleur.
« Doucement ! » Gronda sourdement le blondinet, le teint blême.
Thomas s'administra une paire de claques mentales.
« Merde, désolé, je voulais pas te faire mal », s'excusa-t-il en se mordant l'intérieur de la joue.
À l'aide d'un linge humide, il nettoya le sang séché collé aux plumes, révélant peu à peu un trou béant ensanglanté. La balle avait évité de peu l'os carpien. Le brun tira une tablette en linox qu'il entreprit d'ensevelir sous des compresses, désinfectants, sparadrap, et autres choses sympathiques qu'il trouva dans les tiroirs alentours.
Sous le regard observateur du mutant blessé, il enfila une paire de gants en latex avant d'ouvrir un flacon de désinfectant. Il appliqua ensuite le liquide sur une compresse de coton immaculée avec une précision toute particulière.
« Désolé, ça va sûrement piquer un peu », avertit-il d'un air contrit.
Pour toute réponse, le blond qui lui faisait face haussa les épaules. Thomas prit son silence pour un feu vert, et s'approcha avant de poser le morceau de gaze sur la plaie ensanglantée.
Ce fut instinctif et immédiat, le garçon se raidit de la tête aux pieds, sifflant bruyamment entre ses dents, et battit brusquement des ailes, faisant sursauter Thomas.
« Merde, est-ce que ça va ? » S'inquiéta aussitôt le brun en écarquillant les yeux.
Une grimace de douleur déformait le visage du mutant.
« Vas-y plus doucement, tocard ! » Siffla-t-il, les poings serrés.
« Désolé, je suis désolé, j-... »
« Et arrête de t'excuser ! » Le coupa-t-il en levant les yeux au ciel.
La bouche de Thomas se referma immédiatement.
« Ne t'excuse pas de m'aider », poursuivit le blond dans un marmonnement à peine audible.
Thomas ne put s'empêcher de lui lancer un drôle de regard, parce que pour la première fois depuis qu'ils venaient de se rencontrer, le mutant venait de lui adresser une phrase un temps soit peu sympathique et gratifiante. Il se mordit la lèvre pour réprimer un sourire et continua de désinfecter la blessure de son patient (qui ne se priva pas de lui balancer deux ou trois jurons de plus pour la forme).
« Comment tu vas faire pour la bander ? » Finit par demander le mutant une fois que Thomas eût terminé son travail.
« Euh...je pensais utiliser une bande adhésive... »
Il marqua une pause et grimaça.
« Le truc, c'est que ça risque de coller à tes ...tes, euh... »
« Mes plumes ? » Reprit sèchement le mutant en croisant les bras, agacé par le bégaiement du brun.
Thomas hocha la tête en rougissant. Le blondinet en face de lui parut réfléchir un moment. Puis, il se tourna vers son aile blessée et commença à arracher les plumes pour dégager la plaie.
Thomas ouvrit des yeux ronds de hiboux à son geste.
« Elles vont repousser ? » S'inquiéta-t-il en observant les magnifiques plumes dorées, rousses et marrons tomber au sol.
Le mutant lui lança un bref regard troublé, comme surpris par sa sollicitude, avant de continuer ce qu'il faisait.
« Bien sûr », assura-t-il. « Ça prendra plusieurs semaines, mais ça repoussera. »
Thomas acquiesça, un peu soulagé, en détaillant les ailes du mutant, qui ressemblaient à s'y méprendre à celles d'un aigle. Les plumes étaient parées d'une nuance de couleurs oscillant entre le noir d'encre, le brun chocolat et le roussâtre. Au milieu de ces coloris s'incrustaient subtilement de délicates mouchetures d'incarnat ambré. Deux longues plages d'un blanc immaculé se trouvaient sur l'intérieur des ailes, et les rémiges extérieurs, grandes et sombres, étaient écartées comme les doigts d'une main.
Ces ailes aux couleurs de l'automne s'harmonisaient parfaitement avec les cheveux blonds ébouriffés de leur propriétaires ainsi que ses yeux marrons, qui brillaient d'une lueur particulière, discrète mais intense.
Le brun fut brusquement arraché à ses pensées lorsque le mutant claqua des doigts devant ses yeux dans un geste impatient. Il croisa les yeux sombres de son jeune patient qui le fixait, un sourcil relevé.
« Oh, désolé, j'étais...perdu dans mes pensées », bafouilla-t-il, les joues rouges, avant de s'emparer de la bande adhésive.
Le mutant leva les yeux au ciel d'un air blasé. À croire qu'ils avaient passé des années ensemble et qu'il commençait à se lasser du comportement de Thomas.
« Et tu fais ça souvent ? »
Thomas s'immobilisa.
« De quoi ? »
« Bah, disparaître dans tes pensées ? »
Le brun fut surpris par la nouvelle tournure que prenait leur échange. Il se redressa un peu.
« Ouais, j'avoue que j'ai souvent la tête dans les nuages. »
Le coin des lèvres du mutant fit un petit mouvement vers le haut.
« Ça m'arrive aussi. Au sens littéral du terme. »
Thomas dévisagea son vis-à-vis, désemparé. Est-ce que ce garçon venait vraiment de faire une blague ? Décidément, il semblait regorger de surprises.
Le brun esquissa un petit sourire amusé et entreprit de bander l'aile de son jeune patient, en prenant bien soin de ne pas toucher ses plumes (même s'il en crevait d'envie). Une fois son travail terminé, il aida le garçon à descendre de la table. Le teint du mutant était pâle et crayeux, et il vacillait doucement sur ses jambes.
« Ça va ? Tu veux t'allonger un peu ? » S'assura Thomas d'un ton soucieux en restant près de lui au cas où il tournerait de l'œil.
Il se sentait secrètement impressionné. S'il avait été à la place de ce mutant, il serait immédiatement tombé dans les pommes. Peut-être même que le traumatisme psychologique l'aurait plongé dans un coma de trois semaines.
Le blondinet secoua la tête en fermant les yeux. Sa mâchoire était durement contractée.
« Non, ça ira, c'est juste... la douleur. »
Il s'appuya contre la table et se frotta doucement les tempes, les yeux clos. Il paraissait soudain complètement épuisé, vidé de toute énergie.
« Je pense que t'as vraiment besoin de dormir un peu », déclara Thomas en l'observant, inquiet. Après un grand coup de stress, le corps a tendance à se relâcher brusquement. »
Le mutant ne répondit rien, mais ne montra aucun signe de désaccord, alors le brun continua :
« Tu n'as nulle part où dormir, je me trompe ? »
« Non », murmura l'autre dans un soupir dépité. « Mais il faut que je parte, je peux pas rester ici, c'est trop dangereux. »
« Tu penses sérieusement que tu serais capable d'aller quelque part avec cette aile ? T'as besoin de repos », rétorqua Thomas du tac-au-tac. « Écoute, mon père va bientôt rentrer, et...il ne vaut mieux pas qu'il te voit, où il risque d'appeler les flics. Mais si tu veux, j'ai une cabane perchée dans un arbre dans la forêt. Tu peux y rester le temps que ton aile guérisse. »
« C'est vrai ? » Demanda le garçon d'un ton méfiant.
Thomas hocha la tête en guise de confirmation, et le mutant parut se détendre.
« OK, ça marche, montre-moi où est cette cabane », accepta-t-il.
Thomas s'exécuta et l'invita à sortir de la clinique vétérinaire avant de le guider dans les bois.
« Au fait », dit-il alors qu'ils marchaient tous les deux au milieu des arbres touffus. « Je m'appelle Thomas. Thomas Murphy. »
« Newt », répondit simplement le mutant.
« Juste Newt ? »
« T'as vraiment cru que j'allais te donner mon nom de famille », répliqua froidement Newt, et un sourire se dessina sur les lèvres de Thomas.
Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent au pied de l'arbre abritant la cabane en bois.
« Tiens, c'est là », annonça Thomas en désignant le petit refuge. « Tu seras en sécurité ici. »
Newt se tourna vers lui et le regarda d'un air désabusé, une étrange lueur dans le regard. Thomas se mordit la lèvre, réalisant son erreur. Des gens avaient tenté d'abattre le blond. Et cerise sur la chapeau : si son père découvrait qu'un mutant se cachait dans sa propriété, il appellerait la police sans hésiter.
Autrement dit, Newt était tout sauf en sécurité, ici.
« Ça, tu ne peux pas le promettre », répondit le blond d'une voix étrangement faible.
Son visage grave et fatigué le fit soudain paraître plus vieux et mature, à des années-lumières du mutant blessé et complètement terrifié de tout à l'heure. Il semblait être du même âge que Thomas, mais en même temps bien plus mûr. Les épreuves qu'il avait traversé l'avaient probablement forcé à quitter le cocon rassurant de l'enfance plus tôt que prévu.
« Merci, en tout cas, Thomas. J'ai de la chance c'être tombé sur toi. »
Thomas sentit son cœur faire un bond. C'était la première fois que Newt prononçait son prénom. Il hocha la tête.
« Tu as besoin de quelque chose ? À manger ? Des couvertures ? »
« Ça ira pour cette nuit, je vais survivre avec ce que j'ai », assura Newt avant de commencer à gravir la petite échelle de corde menant à la cabane perchée.
Thomas l'observa disparaître dans le petit abri avant de tourner les talons et de retourner chez lui.
-X-
Son père était déjà revenu lorsqu'il regagna la maison. Il demanda brièvement à son fils où il était, et le garçon lui sortit une excuse vague, sans s'épancher davantage sur le sujet. Mieux valait que son géniteur ne sache rien de ce qui s'était passé aujourd'hui.
« Mr Bates m'a dit qu'il avait entendu un coup de feu plus tôt dans la journée », informa son père sans détacher ses yeux de son journal.
Thomas haussa les épaules avec insouciance. Dans sa poitrine, son cœur se mit à se déchaîner furieusement contre ses côtes.
« J'ai rien entendu. Je devais être endormi. »
« C'était sûrement une bande d'enfoirés en train de braconner », continua son père en secouant la tête. « Je parie qu'on va bientôt m'appeler pour opérer un cheval parce que ces idiots l'ont confondu avec un chevreuil. »
« Ouais. Je vais me coucher, papa, je suis fatigué. Bonne nuit. »
« Bonne nuit mon grand. »
-X-
Lorsque Thomas se réveilla le lendemain matin, le soleil pointait à peine. Une seule pensée trottait dans sa tête : s'assurer que Newt aille bien. Son père était déjà parti au travail, alors il s'habilla en vitesse avant de descendre dans la cuisine. Il prépara rapidement des œufs brouillés qu'il mit dans un Tupperware, versa un peu de jus d'orange dans une gourde et sortit des pommes et des oranges du réfrigérateur avant de fourrer le tout dans son sac à dos.
Il quitta ensuite la maison et marcha d'un pas décidé jusqu'à la cabane perchée, où l'attendait Newt, assis sur le rebord, les pieds dans le vide. Un air de profond ennui se dessinait sur ses traits. Il cligna à peine des yeux lorsque Thomas se matérialisa dans son champ de vision.
« T'es bruyant », lâcha-t-il en guise de bonjour.
« C'est pas de ma faute si t'as une ouïe surhumaine », répliqua Thomas en commençant à grimper l'échelle. « J'ai ramené le petit-déjeuner. »
Newt hocha la tête d'un air reconnaissant et posa son menton sur son poing, les yeux perdus à l'horizon. Le soleil avait commencé à s'élever dans le ciel. Des rais de lumières éclatants perçaient le feuillage dense des arbres, baignant la forêt dans une palette de couleurs or, jaune vénitien, vert et menthe.
Thomas s'assit à côté du mutant, un peu intimidé, et ouvrit son sac pour en sortir ses victuailles. Il ne pouvait nier l'évidence : il se sentait un peu effrayé de se trouver à côté d'un gamin doté d'ailes immenses et de pouvoirs dont il ignorait l'étendue. Et le fait que ce gamin en question soit plutôt mignon n'aidait en rien la situation. Newt était l'incarnation-même de l'automne, avec sa carrure élancée, son teint pâle et délicat, sa mâchoire pointue, ses yeux d'un brun profond et ses cheveux blonds. Ses ailes émergeaient de ses omoplates dans un dégradé de couleurs allant du noir, au blanc en passant par une nuance de marron et de doré. Oui...Newt était d'une beauté...saisissante.
Le blond tourna alors la tête vers Thomas et le surprit en train de l'observer. Contre toute attente, un sourire illumina son visage.
« Elles sont magnifiques. Tes ailes... », murmura timidement Thomas en sentant ses joues s'empourprer.
Newt lâcha un petit rire.
« Elles sont surtout emmerdantes », corrigea-t-il.
« Mais tu peux voler », protesta Thomas avant de se mordre vivement la lèvre. « Enfin...désolé. Je devrais pas...donner mon avis, ou m'immiscer dans ta vie... »
« C'est rien. C'est vrai que voler est plutôt cool. Tout le monde n'a pas ce privilège », admit le mutant en pelant une orange. « Au fait. Pour en revenir à ce qui s'est passé hier. Je tenais à m'excuser, sincèrement pour tout ce que je t'ai dit. J'ai été un vrai connard avec toi, alors que tu voulais juste m'aider », continua-t-il à voix basse.
« C'est pas grave. T'avais peur, ça se comprend. »
Newt ouvrit la bouche en fronçant les sourcils comme pour protester, mais il parut se raviser et lâcha un petit soupir.
« Ouais. Peut-être que j'avais un tout petit peu peur », avoua-t-il à contrecœur.
« Tu sais, si j'avais été à ta place, je pense que j'aurais tellement eu la trouille que je serais tombé dans les pommes. »
Newt lui lança un regard amusé tout en mangeant ses quartiers d'orange. Une minute s'écoula. Puis :
« Au fait », fit le blond en ouvrant le Tupperware pour regarder ce qu'il y avait dedans. « Si tu me balances aux flics, mes amis te retrouveront et te tueront. »
Thomas lui lança un regard blasé. Même si la méfiance paranoïaque (probablement justifiée) du mutant l'agaçait un peu, il commençait à s'habituer à ses menaces régulières balancées à tout va.
« Je te balancerai pas », promit-il patiemment. « Et puis...tu te caches de quelqu'un, non ? Si je te livrais à la police, ils te trouveraient tout de suite. »
« T'es pas con, toi », commenta Newt avec nonchalance. « Pourquoi t'es aussi gentil avec moi ? T'as un frère mutant, ou un truc du genre ? »
Thomas fut surpris par sa question. La vérité, c'est qu'il ne lui était jamais venu à l'idée de ne pas être gentil avec Newt. Parce qu'il avait trouvé le mutant blessé, complètement effrayé et dans une position des plus vulnérables, et le brun avait tout de suite voulu lui venir en aide. Même si le blond avait des ailes et était un peu étrange, il n'aurait jamais pu envisager de passer son chemin sans le sauver.
« C'est pas parce que t'as des ailes que tu ne mérites pas qu'on t'aide. »
Newt lui lança un regard mystérieux, voilé de surprise et d'amertume.
« Les gens comme toi ne courent pas les rues », commenta-t-il à voix basse.
« Je sais », admit Thomas en esquissant un sourire. « Mais bon, je vois que tu t'en plains pas. »
Cette dernière remarque arracha un rire cristallin à Newt.
« C'est vrai. Au contraire, ça fait plaisir. Au fait, tu pourrais me prêter ton portable deux minutes ? »
« Ouais », acquiesça Thomas en tendant son cellulaire au garçon. « Par contre tu ne peux pas appeler à l'étranger. Mon forfait est un peu merdique. »
« Oh, t'inquiète pas », certifia Newt en composant un numéro sur l'écran tactile. « Mon pote va arranger ça. »
Il colla la portable à son oreille, et la tonalité retentit quelques secondes avant que son interlocuteur ne décroche.
« Hey, Min' !... Ouais, nan, ils m'ont tiré dessus, mais ça va je vais bien. »
Thomas tendit l'oreille pour entendre ce que la voix métallique répondit.
« Comment ça, TU VAS BIEN ?! Tu te prends une balle, et après tu oses dire que tu vas BIEN !? T'as besoin d'assistance médicale ? »
« Nan, pas la peine, on m'a soigné. »
« On t'a soigné ? Aux dernières nouvelles, on ne connaît personne en Californie. »
« Ouais tiens en parlant de ça, est-ce que tu peux trouver ma localisation à partir de ce portable ? »
« C'est comme si c'était fait. Donne-moi une seconde... T'es dans une propriété privée près du Parc National de Yosemite. Dans les montagnes de la Sierra Nevada, à l'Est de l'État. Je suppose que tu ne veux pas les coordonnées exactes ? »
« Elles me serviraient à rien, ouais », répondit Newt en riant. « Écoute, je ne peux pas voler pour l'instant. »
« Oh merde, ils t'ont eu à l'aile ? »
« Ouaip. Vous allez devoir venir me chercher. »
« Mais... »
« Pas maintenant, surtout », continua-t-il en secouant fermement la tête. « Attendez au moins deux semaines. Et allez vous planquer autre part en attendant. Ils vont surveiller tous les vols vers la Californie pour l'instant. »
« Ouais, d'accord. J'espère que t'as au moins réussi à... »
« Ouais, c'est fait », le coupa aussitôt Newt en jetant un œil vers Thomas. « T'en fais pas pour ça. J'ai réussi. J''ai emprunté le portable d'un ami. Ne rentre pas dans les détails, d'accord ? »
« Euh...mec, qu'est-ce que tu fabriques dans une cabane dans un arbre ? »
Thomas ouvrit des yeux ronds de hiboux. Merde, ça c'était vraiment flippant. Newt avisa son air atterré et pouffa.
« Tu fais peur à mon ami, mec », le somma-t-il. « Oh, au fait, ce forfait n'est pas international. »
« C'est bon, j'ai corrigé ça. Il peut appeler n'importe qui n'importe où, maintenant. »
La mâchoire de Thomas se décrocha tandis que Newt lui envoyait un clin d'œil malicieux.
« Parfait. On reste en contact. »
« On vient te chercher dès que possible. Surtout, fais gaffe à toi. Ils sont sûrement en train de te chercher. Reste prudent. »
« Toujours », acquiesça Newt avant de raccrocher.
Il lança le portable à Thomas qui l'attrapa au vol.
« Euh, ton pote, c'est le prochain Mark Zuckerberg ou quoi ? » Questionna le brun en glissant son iPhone dans la poche de son short.
« Un truc du genre, ouais », répondit le mutant en arborant un sourire énigmatique. « Au fait, t'es pas censé être en cours ? »
« On est en été », releva Thomas.
« Ah ouais, c'est vrai. T'as quel âge, du coup ? »
« Quinze ans. Et toi ? »
« Dix-sept », indiqua la blond en haussant les épaules.
Ses ailes s'agitèrent paresseusement dans son dos, et Thomas observa le mouvement, fasciné.
« C'est la première fois que je vois quelqu'un avec des ailes », confia-t-il. « Enfin...j'en ai déjà vu, dans les films avec des anges, mais... »
« Mais ce n'est pas pareil dans la vraie vie », termina Newt pour lui.
Il s'étira doucement, comme un chat, et ses ailes suivirent naturellement le mouvement et commencèrent à se déployer, mais celle de gauche, encore blessé, se rétracta aussitôt, lui arrachant un grognement de douleur. Thomas grimaça.
« Je suis désolé, je ne peux rien te donner pour la douleur. Mon père range la kétamine et les analgésiques dans un placard fermé à clé. »
« C'est bon, je peux supporter un peu de douleur », assura Newt en haussant les épaules.
Thomas fronça les sourcils, peu convaincu, et une idée lui vint soudain.
« Je peux t'avoir de l'herbe, sinon », proposa-t-il.
Newt lui jeta un drôle de regard.
« À moins que...ça ait des effets néfastes sur tes poumons ? »
« Je ne sais pas, répondit finalement Newt d'un air songeur. « Je n'ai jamais fumé de l'herbe. Et je ne sais pas quels effets ça aurait sur moi, vu que j'ai pas les mêmes caractéristiques anatomiques que les humains... »
« Comme les os creux ? »
La réponse de Thomas lui valut un regard étonné de l'autre garçon.
« Je te rappelle que c'est moi qui ait bandé ton aile. »
« Ouais », acquiesça le mutant. « Comme les os creux. Le métabolisme plus élevé, le système respiratoire plus performant, les muscles mieux développés. Le cœur plus volumineux. »
« Wow », lâcha Thomas, impressionné. « Ça ne me donne pas envie de me mesurer à toi. »
Newt lui décocha un sourire carnassier.
« Je te laminerai sans difficulté », asséna-t-il.
Et il ne disait même pas ça pour se vanter. Thomas savait au fond de lui que c'était vrai. Cette simple pensée fit se hérisser les poils de sa nuque.
-X-
Durant les jours qui suivirent, Thomas se retrouva à passer le plus clair de son temps fourré avec Newt. Il amenait sa guitare à la cabane perchée pour lui tenir compagnie, et lorsque son père n'était pas à la maison, il invitait son nouvel ami à prendre une douche, à manger et à passer du temps en dehors de la forêt. Il avait même insisté pour lui prêter des vêtements, et s'était lui-même employé à couper des trous dans ses vieux t-shirts pour laisser passer les ailes du mutant.
Newt profitait souvent de ces occasions pour allumer la télévision et regarder les informations. Il s'affalait sur le canapé, posait les pieds sur la table basse, et Thomas s'asseyait sagement à côté de lui, parcouru de frissons involontaires à chaque fois qu'une des ailes du blond effleurait son bras.
« Ton père n'est pas souvent là », commenta Newt en fourrant une poignée de pop-corn dans sa bouche.
« C'est toujours comme ça, l'été, » répondit Thomas en haussant les épaules. « C'est une période assez chargée pour les vétérinaires, à cause des canicules, des accidents de chasse, et tout... »
Newt hocha la tête d'un air compréhensif avant de reporter son attention sur l'écran plat, qui diffusait la séquence sportive du journal télévisé.
« Pourquoi tu tiens autant à regarder les infos ? » Demanda Thomas avec curiosité, tandis que la météo s'affichait. « Qu'est-ce que tu cherches ? »
« On sait jamais, s'ils venaient à parler de moi... », répondit Newt d'un ton vague, une expression mystérieuse sur le visage.
Thomas fronça les sourcils, confus. Mais même si la curiosité et le trouble s'accumulaient dans sa tête, il se garda bien de poser toute question. Il savait pertinemment que le blond ne lui dévoilerait rien.
-X-
Un jour, les deux amis profitèrent du soleil éclatant pour s'allonger sur une corniche rocheuse surplombant une vallée, à l'orée de la forêt, au milieu des grillons chantants. Thomas était adossé contre son sac à dos et gratouillait distraitement sa guitare, sous le regard attentif de Newt.
« Tu connais une chanson de The Fray ? » Demanda le blond en jouant avec un monceau d'herbes folles.
Thomas hocha la tête et ajusta les cordes de sa guitare avant de commencer à jouer Look After You d'une main légère. Les cordes vibrèrent, langoureuses, comme saisies de vie. Les notes épurées et légères s'élevèrent dans l'air, authentiques et sincères.
Et puis comme ça, venue de nulle part, la voix de Newt se joignit à la douce mélodie. La colline sur laquelle ils étaient était tranquille et silencieuse. Seuls le chant mélodieux des oiseaux et des grillons, ainsi que le son de la guitare et de la voix de Newt s'élevaient dans l'air. Le mutant était étendu sur un parterre de fleurs sauvages, les ailes déployées. Des corolles magnifiques, jaunes, violettes et blanches, encadraient son visage et paraient ses plumes de couleurs vives. Les rayons du soleil baignaient sa silhouette d'une lumière nimbée, presque divine. Thomas ne pouvait qu'être fasciné par ce spectacle. Newt ressemblait à un ange. Le brun se retrouva même à chanter avec lui les dernières paroles de la chanson.
« What's mine is yours to leave or take / What's mine is yours to make your own / Oh oh, be my baby, oh oh / I'll look after you. »
Les deux garçons avaient prononcé les derniers mots en se regardant droit dans les yeux. Après un moment d'ultime hésitation, Thomas baissa la tête et s'empressa d'enchaîner sur une autre chanson, sous le regard amusé de son vis-à-vis.
« Tu rougis », commenta le mutant avec nonchalance.
Le brun le fusilla du regard.
« Je rougis pas. Il fait chaud, c'est tout. »
« Ah bon », s'esclaffa Newt sans insister davantage.
Les choses étaient si étrangement naturelles entre eux. Thomas espérait secrètement que ces moments passés avec Newt ne se terminent jamais.
-X-
Newt profita de tout ce temps libre pour apprendre à Thomas tout ce qu'il savait sur la mutation génétique. Lorsque le brun lui racontait ce qu'on lui enseignait à l'école à propos des mutants, il désapprouvait aussitôt et démontait une à une toutes ces théories absurdes.
« Personne ne sait d'où on vient », déclara-t-il alors qu'ils jouaient au Cluedo dans la petite cabane. « On pense que notre mutation vient d'un gène inactif, et que beaucoup de gens le portent en eux. Mais il est rarement activé. Un peu comme l'albinisme. Personne ne connaît le nombre exact, mais on estime qu'une personne sur huit porte le gène mutant, et qu'il n'est plus inactif. C'est un domaine qui s'appelle l'épigénétique. »
« C'est quoi l'épigénétique ? » Demanda Thomas.
« En gros, l'épigénétique, c'est l'étude des changements d'activité des gènes. Mais je ne connais pas grand chose à ce sujet », expliqua Newt en fronçant les sourcils.
Il se frotta distraitement le nez avant de reprendre d'un ton sérieux.
« Y a quelques petites choses qu'il faudrait que tu saches. Premièrement : on est des êtres humains normaux. La seule différence, c'est qu'on a un gène un peu différent. Deuxièmement : c'est vrai qu'on peut être dangereux. Mais faut pas rêver, les humains normaux sont aussi dangereux que nous. La population s'oppose farouchement à nos libertés. Certains groupes extrémistes qui ne sont pas dotés du facteur X font tout pour nous priver de nos droits, parce qu'ils méprisent le dialogue et la condition humaine. »
Il marqua une petite pause et extirpa un cookie du paquet que Thomas avait ramené pour le goûter avant de continuer.
« On connaît tous les hommes qui n'ont pas de pouvoirs. Du moment qu'ils se sentent en sécurité, ce sont les gens les plus charmants du monde. Mais, si on stimule leurs démons et les terrifie, si on leur donne des raisons de redouter l'altérité, on verra ces mêmes-hommes lâcher des bombes sur des villes entières, envoyer des avions dans des gratte-ciels ou encore enfermer des millions de leurs semblables dans des chambres à gaz. Tu te rends compte ? S'ils sont prêts à se faire subir ça les uns aux autres, imagine ce qu'ils feraient subir à une espèce différente. »
Thomas sentit un courant d'air glacial lui comprimer la poitrine. Il n'avait jamais considérer la situation sous cet angle. Ce que lui disait Newt était tout simplement...horrifiant. Aberrant.
Un sourire acerbe fleurit sur les lèvres du blondinet.
« Le gouvernement évite souvent de parler du danger que peuvent représenter les mecs normaux. Il ne parle pas non plus du fait que nous ne sommes dangereux que si l'on se sent menacé. Non, après tout, c'est plus facile de nous ranger dans la case des terroristes. »
Thomas fit une grimace à ces mots.
« Troisièmement : malheureusement, on ne peut pas jouir des mêmes droits que vous. »
« Mais pourquoi ? »
« Parce que les gens ont peur de nous. On est différents, et on n'est pas conformes à pas mal d'idées préconçues. Même quand des mutants bossent dans l'administration s et font de bonnes actions, ils ne sont pas acceptés. Et en ce moment, avec tout ce qui se passe dans la politique, tous les attentats qu'on voit dans le monde entier... Bah, disons qu'on n'est pas vraiment aidés. Beaucoup de mutants sont devenus très vigilants à cause de ça, et sont obligés de vivre dans la clandestinité. C'est plus facile de combattre l'oppression derrière un masque que de vivre en cible facile. »
« Je pensais que le masque, c'était pour protéger vos familles. »
« Ah oui. Les familles », répéta Newt d'un air sombre et amer. « Ça, c'est une autre histoire. Faut que tu saches qu'avoir un mutant dans la famille n'est pas bon, à moins que tu viennes d'une famille pleins de mutants. Mais un seul mutant ? Le mieux, c'est de s'en débarrasser. »
« C'est horrible », murmura Thomas en écarquillant les yeux.
Il avait le cœur au bord des lèvres. Toutes ces révélations le foudroyaient littéralement sur place.
« Ouais, c'est dur. Il y a une hiérarchie de mutants, aussi, parce qu'il y a des différences entre les mutations et visibles et les mutations invisibles. Et le niveau de puissance varie aussi selon le pouvoir. Certains mutants peuvent se faire passer pour des gens normaux, alors que d'autres ne le peuvent pas et sont traqués alors qu'au final, ils sont complètement inoffensifs. Il y a une grosse coalition qui lutte pour les droits des mutants. Elle s'appelle Révolutionnaires pour les Droits des Mutants, ou pour faire plus court, RDM. Mais on ne la prend pas vraiment au sérieux. »
Thomas hocha doucement la tête, essayant de digérer toutes ces informations.
« Quand tu parles de différence de niveau de puissance », commença-t-il d'un air confus. « Comment est-ce qu'ils... est-ce qu'ils vous font passer des tests ? »
Cette remarque arracha un sourire sans joie à Newt.
« Quand ton pouvoir se manifeste, s'il ne s'agit pas d'une mutation physique comme moi, on t'emmène pour te faire passer des tests. Ils disent que c'est au cas où un pouvoir serait dangereux ou aurait besoin d'entraînement. Mais c'est surtout pour qu'ils puissent garder un œil sur toi. Et s'il s'avère que tu es bel et bien dangereux... »
Il marqua une pause, et son sourire s'estompa.
« Eh bien, les mutants puissants et dangereux ont bizarrement tendance à disparaître. »
Thomas avala difficilement sa salive. Il était atterré.
« Et...c'est possible de faire en sorte de ne pas passer le test ? »
« Ouais, c'est possible. Beaucoup le font. Mon pote, Min'... il a raté le test, et maintenant ils le laissent tranquille. Ils pensent qu'il ne représente pas une menace, alors que c'est un des mutants les plus puissants que j'ai jamais vus. »
« Et comment se manifestent les pouvoirs ? »
Thomas n'avait rencontré qu'un seul mutant dans sa vie, une fille de sa classe nommée Dicey qui se mettait à briller lorsqu'elle était triste ou en colère. Elle avait déménagé dès qu'elle avait découvert ses pouvoirs, et personne ne l'avait jamais revue.
« En général de façon assez tragique. Je connais pas trop les théories génétiques, mais ton pouvoir se manifeste le plus souvent lorsque tu te sens bouleversé, très stressé ou en danger. Je crois que la puberté joue aussi un rôle dans le processus, avec les hormones et tout. Mais rien n'est sûr. »
Il s'étira comme un chat avant de continuer.
« En fait, si les gens ne nous font pas confiance, ce n'est que parce qu'on représente l'inconnu, et parce qu'on est dangereux. Je peux presque comprendre pourquoi ils nous ont retiré nos droits. Presque... »
« Une des campagnes d'Obama prônait l'égalité des droits pour les mutants », se hasarda Thomas après un moment.
« Ouais, c'est vrai. Ce type est en avance sur les autres, ça c'est clair. Tu connais beaucoup de choses sur lui ? »
« Ouais, je l'admire beaucoup. Je voulais aller en sciences-po et sociologie à l'université », admit Thomas. « Ou la musicologie. Je ne sais pas encore. »
« Tu devrais faire de la politique », dit aussitôt Newt. « On a besoin de plus de gens comme toi. »
-X-
Finalement, peut-être bien que Thomas avait le béguin pour Newt. Un tout petit peu. Après tout, il s'était récemment rendu compte qu'il se fichait de savoir si la personne qu'il aimait bien était une fille ou un garçon, et Newt... Newt était tellement beau. Il était comme le petit secret personnel de Thomas. Une fenêtre ouverte sur un monde inconnu et mystérieux.
Mais le blond ne baissait jamais totalement sa garde en sa présence. Certes, ils étaient devenus plutôt proches, mais parfois, lorsque Thomas disait quelque chose, le mutant se refermait comme une huître.
Un jour, le brun amena une balle de football à la cabane perchée. Les deux garçons passèrent le reste de l'après-midi à jouer tous les deux. Et Newt était doué. Thomas fut même surpris de constater l'aisance du blond à manier le ballon.
« Tu pourrais devenir footballeur professionnel », lâcha-t-il sans réfléchir.
La remarqua fit s'envoler la bonne humeur de Newt. Son sourire s'effaça brutalement, et une ombre balaya son visage.
« Pas avec mes ailes », grommela-t-il, et l'amertume perçait clairement dans ses mots.
Thomas s'administra une gifle mentale.
« Ne t'en fais pas pour ça. Les choses finiront par changer. J'en suis sûr », tenta-t-il de le rassurer maladroitement. « Un jour, une équipe de mutants verra la jour. »
« Ouais, et peut-être qu'un jour tu deviendras Premier Ministre », railla Newt. « Enfin, bref, j'ai pas trop le cœur à en parler. »
Il envoya le ballon à Thomas, comme pour conclure le sujet, et le brun n'insista pas. Ils continuèrent à jouer pendant plusieurs minutes avant que Newt ne reprenne la parole.
« Tu sais... », commença-t-il en essayant de dribbler avec le ballon sous le regard attentif de Thomas. « Ça fait bientôt deux semaines que je suis ici. Mes amis devraient arriver d'un jour à l'autre. »
Thomas hocha la tête en silence. Il ignora fermement son estomac qui se comprima douloureusement, et son cœur qui se serra dans sa poitrine. Il se mit à jouer avec un bout de son t-shirt en évitant le regard de son ami.
« Je t'en dois une, Thomas », continua Newt, qui de son côté, fuyait aussi le regard de l'autre. « Je ne sais même pas comment te remercier pour ce que tu as fait pour moi. »
Thomas retrouva soudain sa voix, et répondit d'une voix faible et fébrile :
« T'as pas à t'inquiéter pour ça. Je le referai s'il le fallait. »
Pour toute réponse, Newt lui lança un regard indescriptible.
-X-
Vers le début de la troisième semaine, Thomas surprit Newt en train de voler. Pas très haut, bien sûr. Il se contentait de voleter en petit cercle à quelques mètres du sol.
« Pourquoi tu restes ici ? » Lâcha-t-il d'une voix déconcerté.
Newt tourna la tête vers lui et vola dans sa direction avant d'atterrir devant lui.
« Quoi, t'essaies de te débarrasser de moi ? » Plaisanta-t-il en croisant les bras sur sa poitrine et en haussant les sourcils.
Thomas secoua la tête et réajusta la sangle de son sac sur son épaule.
« Mais...tu peux voler », reprit-il, abasourdi.
Aux dernières nouvelles, des os brisés prenaient bien plus que quinze jours pour se reformer.
« Pas depuis très longtemps. Et puis, je ne serais pas vraiment capable de repartir d'où je viens. Mon aile a encore besoin de temps pour ça... »
« Oh, d'accord...bah, tu voles bien en tout cas », fit Thomas en sentant ses joues s'embraser.
Un sourire vint illuminer le visage de Newt.
« J'espère bien. Ça fait un moment que je me trimbale ces ailes, quand même. »
« Mais...t'as une sorte de pouvoir auto-guérisseur ? »
« Mes ailes, ouais. Elles ont une régénération tissulaire plus rapide...je...j'ai essayé de les couper quand j'avais, quoi, sept ans. »
Les accents d'une tourmente inimaginable faisaient vaciller sa voix. Dans ses prunelles prématurément endurcies, on percevait soudain un chagrin à fleur de peau. Comme une fissure qui s'ouvrait dans la carapace.
Putain. Cette déclaration choquante glaça les veines de Thomas. Il sentit un trouble lui grignoter le ventre et un poids s'insuffler dans sa poitrine.
« Merde. C'est chaud », commenta-t-il d'une voix faible. « Je suis content que tu les aies toujours. Même si tu en penses le contraire, je trouve qu'elles sont magnifiques. »
« Ouais », répondit Newt en haussant les épaules. « N'empêche qu'elles restent quand même chiantes. Personne ne veut d'un gamin avec des ailes. »
« Moi, si », protesta Thomas sans réfléchir.
Newt se tourna vers lui sans un mot. Son expression voguait clairement entre la surprise, le trouble et l'espoir. Une lueur dansante animait ses prunelles de mille feux. Il amorça un pas hésitant vers Thomas, qui sentit son cœur s'emballer férocement dans sa poitrine.
« C'est vrai ? »
Il avait posé cette question d'une voix étrange. Lente et avec un timbre différent. Son regard était si limpide, si scintillant sous les rayons du soleil. Un regard reconnaissant et sincère. Un regard empli d'espoir contenu. C'était juste Newt qui avait abaissé sa garde, qui avait lui-même ouvert une brèche dans la carapace qu'il s'était érigé pour se protéger des autres.
Thomas ne sut que répondre. Tout ce qu'il savait, c'est que ailes ou non, Newt est le garçon le plus merveilleux qu'il ait jamais rencontré. De simples plumes n'altéraient en rien son jugement.
« Pourquoi ? » Demanda encore Newt, d'une voix légèrement agitée.
Mu par une envie irrépressible de contact, Thomas leva prudemment la main et effleura délicatement une des ailes de Newt. Le blond n'émit aucune protestation. Doucement, Thomas fit glisser la pulpe de ses doigts sur les plumes soyeuses.
Le temps semblait d'être figé. Une bulle de plénitude les enveloppait, les protégeant du monde extérieur. Thomas lâcha un soupir fébrile.
« Ces ailes ne définissent pas ce que tu es. D'accord, elles existent, et elles sont formidables. Mais tu resterais tout aussi formidable si tu ne les avais pas. »
« Sauf que je les ai. A cause d'elle, je passe pour un monstre. Si je le ne les avais pas, je pourrais être comme les autres et vivre une vie normale. »
« Tu n'es pas un monstre », protesta vivement Thomas. « Et être normal n'est pas toujours ce qu'il y a de mieux, Newt. Mes profs m'ont toujours dit qu'être différent était une force. »
« Et tu les crois ? »
Ils étaient si proches à présent que leurs souffles se mêlaient l'un à l'autre et que le bout de leur nez se frôlait.
« Oui, je les crois », répondit fermement Thomas.
Newt le sonda un moment du regard.
« J'aurais bien aimé devenir prof », murmura-t-il soudain.
Une once de regret entrelaçait ses mots.
« Prof d'art, ou prof de philo. Mais qui me laisserait enseigner avec ces saloperies ? » Continua-t-il durement en esquissant un geste vers ses ailes, qui s'agitèrent soudain.
Le mouvement brusque et ample fit sursauter Thomas qui ne put s'empêcher de reculer d'un pas.
« Tu vois ? T'as peur de moi. »
« Non », protesta le brun avec véhémence. « Tu n'es pas effrayant, Newt, putain. Tu ressembles...à un de ces anges dont on nous parle dans les églises. »
Silence.
« Thomas Murphy », souffla Newt d'un air amusé. « T'es vraiment en train de dire que je ressemble à un ange ? »
« Oui », répondit le brun dans un murmure.
Contre toute attente, Newt laissa échapper un petit rire clair qui relâcha aussitôt l'atmosphère grave qui s'était formée autour d'eux.
« Bah tu sais quoi, Tommy ? C'est la première fois que quelqu'un me dit je ressemble à un ange », pouffa-t-il en se reculant un peu. « Et je dois dire que c'est assez flatteur », poursuivit-il avec un minuscule sourire jouant à la commissure de ses lèvres.
-X-
Vers la fin de la troisième semaine, quelqu'un sonna à la porte de Thomas. Lorsque le brun ouvrit, il se retrouva nez-à-nez avec une jeune fille au visage de poupée et aux longs cheveux de jais. Ses yeux d'un bleu électrique pétillaient d'intelligence et de malice, et un sourire mutin et sincère étirait ses lèvres. Cette fille était d'une beauté saisissante, à la fois unique, mystérieuse et sauvage. Thomas ne l'aurait jamais oubliée s'il l'avait déjà rencontrée.
Sauf qu'il ne l'avait jamais vue de sa vie. Il fronça les sourcils, désemparé. Que faisait cette inconnue sur le pas de sa porte ?
« Bonjour ! » Lança le jeune fille, une expression enjouée sur le visage. « Tu t'appelles bien Thomas ? »
Thomas hocha la tête sans un mot.
« Super, ravie de te rencontrer ! » S'exclama-t-elle avec entrain. « Il me semble que tu as quelque chose pour nous. »
« Euh. On ne se connaît pas », fit remarquer platement Thomas en haussant un sourcil.
« Oh, désolée ! Newt ne t'a probablement pas parlé de nous. »
Thomas le contempla en silence, sur ses gardes. Et si elle faisait partie des gens qui avaient agressé Newt ?
Les lèvres de la jeune inconnue se fendirent en un sourire compréhensif.
« Je m'appelle Teresa. Mes amis m'appellent Tee'. Je crois qu'un de nos amis se cache dans ta petite cabane, je me trompe ? »
Thomas regarda autour de lui d'un air incertain.
« Est-ce qu'un certain Min' est avec toi ? » Demanda-t-il.
Teresa lui décocha un grand sourire (tellement différent des airs cyniques de Newt) avant de se retourner vers la voiture garée derrière elle.
« Hey, Minho ! » Appela-t-elle.
La portière côté conducteur s'ouvrit et un garçon de taille moyenne, à la peau mate et aux bridés sortir de la voiture. Il trottina jusqu'au porche où se tenaient Thomas et Teresa. Les muscles finement travaillés de ses bras saillaient sous le tissu de son t-shirt. Ses cheveux de jais étaient rabattus vers le haut dans une mèche artistique parfaitement travaillée et maîtrisée, et un sourire rayonnant illuminait son visage tout entier, plissant ses yeux si intensément que c'en était presque comique.
« C'est toi qui a bidouillé mon portable ? » Demanda Thomas du tac-au-tac.
Le sourire du dénommé Minho s'élargit.
« Peut-être bien que oui », acquiesça-t-il d'un ton espiègle. « Je crois que t'as forfait illimité maintenant, mec. »
« Alors, tu me crois, maintenant ? » Musa alors Teresa en haussant un sourcil d'un air inquisiteur.
Une mèche rebelle de ses cheveux ondulés tomba devant ses yeux, mais elle la balaya d'un geste rapide avant de s'appuyer nonchalamment contre Minho.
Thomas réfléchit quelques secondes avant de hocher finalement la tête. Si vraiment ces gens avaient voulu du mal à Newt, ils ne se seraient certainement gêner pour sonner à sa porte et se présenter.
« Gally ! » Appela Minho.
Cette fois, c'est la portière avant côté passager qui s'ouvrit, et une grand gaillard aux muscles d'acier et aux cheveux blond apparut. Une expression dure et sérieuse marquait son visage. Ses airs de dur-à-cuir mirent aussitôt Thomas mal à l'aise. Quelque chose lui disait qu'il valait mieux ne pas trop chercher ce garçon.
« Allez, viens Gally, on va chercher Newt ! »
-X-
Newt les attendait, perché en haut de l'échelle de corde de la petite cabane. Il avait dû les entendre arriver. Ses ailes se déployèrent et il s'envola gracieusement dans les airs pour venir se poser auprès de ses amis qui l'engloutirent aussitôt dans une longue étreinte.
Et pour être honnête, Thomas n'avait jamais vu une expression aussi joyeuse sur le visage de Newt. Il observait la scène, un peu en retrait. Se sentant presque de trop à ce tableau.
« T'as un peu bronzé ! » S'exclama Teresa en pinçant les joues de Newt qui leva les yeux au ciel d'un air amusé.
« Bon, je pense qu'il est temps de faire les présentations », lança Gally après un moment. « Ton pauvre ami est en train d'attendre comme un con tout seul dans son coin. »
Thomas haussa un sourcil mais ne releva pas.
« Oh, est-ce qu'on peut le faire deviner ? » Pressa Teresa comme une petite fille enthousiaste.
« Faire deviner quoi ? » Questionna Thomas, perdu, et tous les regards se braquèrent sur lui.
« Nos pouvoirs », clarifia simplement Teresa. « Steuplé, tu veux bien deviner ? »
« Euh...d'accord », convint finalement Thomas, surpris par autant d'entrain. « Vous êtes tous des mutants ? »
Une grimace impatiente déforma quelque peu les traits de Gally.
« Un mot tellement affreux », commenta Minho avec un claquement de langue. « Mais pour répondre à ta question, oui, on a tous des pouvoirs. »
« Vas-y, essaie de deviner, Tommy », enjoignit Newt en passant un bras autour des épaules de l'Asiatique et l'autre autour de la taille de Teresa.
« D'accord...euh, toi », fit Thomas en désignant Minho. « Je dirais, technopathe ? »
« Je pense que je me suis grillé au moment où j'ai arrangé ton portable », acquiesça Minho. « Ouaip. Je suis bien technopathe. Et le meilleur qui puisse être, en plus . »
« Wow », marmonna Thomas, impressionné.
Il se tourna vers Gally.
« Euh. Je ne sais pas. Super force ? »
« Non, ça c'est moi ! » Intervint Teresa avec un sourire éclatant.
« Mais...t'es toute fine », lâcha platement Thomas en écarquillant les yeux.
« Je sais ! » Rit-elle. « Justement, c'est ça qui est génial ! Personne ne se doute que j'ai une vitesse super rapide et une super force ! »
« Et toi, alors ? » Interrogea Thomas avec curiosité en regardant Gally.
Ce dernier parut réfléchir quelques secondes.
« Vous pensez vraiment que c'est une bonne idée ? De lui dire révéler nos noms et nos pouvoirs ? » Demanda-t-il, soupçonneux, et Newt lâcha un soupir théâtral.
« Mec, il a eu amplement le temps de me trahir et de me livrer aux autres pendant ces trois semaines, mais il ne l'a jamais fait. »
« Tu lui fais confiance ? » Demanda encore Gally.
La méfiance se lisait clairement sur son visage.
« C'est un humain normal », reprit-t-il avant de lancer un coup d'œil en direction de Thomas. « Sans vouloir te vexer. »
« T'es pas obligé de me le dire si tu ne le veux pas », affirma Thomas.
« Gally fait juste son enfoiré », intervint Newt sans se démonter. « C'est un pyro. »
« Bordel, Merci, Newt, vraiment », le sermonna Gally avant de vriller sur Thomas un regard mauvais de crocodile enragé. « Si tu cherches à nous trahir, je te brûlerai vif. Pigé ? »
« Euh, d'accord », s'empressa de répondre Thomas d'une voix faible et peu assurée.
« Il voulait dire merci infiniment d'avoir veillé sur Newt », corrigea aussitôt Teresa en envoyant un coup de coude dans les côtes de Gally.
« Ne vous inquiétez pas pour ça », répondit Thomas en s'efforçant de garder son regard fixé sur Teresa.
C'était beaucoup facile et agréable de la regarder, plutôt que de regarder Gally, qui continuait de le fixer intensément, comme s'il cherchait à lire en lui et à percer tous ses secrets.
« Honnêtement, ça ne m'a pas posé de problème du tout. »
« Sincèrement, tu as sauvé la vie de notre ami », insista Teresa d'un ton sérieux. « On t'en doit vraiment une pour ce que tu as fait. »
« Sauf que je ne pense pas qu'on se reverra », crut bon d'intervenir Minho avec un sourire contrit.
Silence.
« Oh », lâcha Thomas.
Il déployait toutes les forces qui résidaient en lui pour ne pas regarder en direction de Newt. S'il comprenait bien...il ne pourrait jamais revoir le blondinet ? Il s'agissait d'un...adieu ? Définitif ?
À ses côtés, il entendit Newt soupirer doucement.
« Les gars, vous voulez bien nous donner une minute », murmura le blond.
Les trois autres mutants acquiescèrent et s'éloignèrent sans poser de questions, en parlant d'essayer de trouver un avion cargo pour ramener leur ami ailé à New York.
Bientôt, il ne resta plus que Thomas et Newt.
« T'as l'air...triste », commenta doucement le blond en s'approchant de l'autre garçon avec précaution.
Thomas leva la tête et croisa le regard de son ami. Aux rayons du soleil, les yeux du blond présentaient une couleur chaude et harmonieuse, un mélange d'or en ébullition et de chocolat.
« Tu vas me manquer. C'est tout », admit-il dans un marmonnement stupide.
Il baissa les yeux sur ses converses et se mit à jouer avec une pomme de pin du bout du pied. Newt lâcha un nouveau soupir résigné.
A sa plus grande surprise, Thomas sentit une paire de bras l'envelopper, et l'attirer contre un corps chaud. Il ne réfléchit même pas et répondit automatiquement à l'étreinte que lui offrait Newt.
Il se sentit submergé. L'odeur de Newt, ses bras sécurisants, cette soudain proximité. Il posa son menton sur l'épaule de son ami, et sentait le nez du blond lové dans son cou.
Quelques secondes s'écoulèrent, puis quelque d'incroyable se produisit. Les ailes de Newt se déplièrent soudain avant de les envelopper doucement, les enfermant dans un cocon rassurant et bienveillant de plumes or, rousses et chocolat.
« Tu vas me manquer aussi », chuchota Newt au creux de l'oreille de Thomas, qui frissonna malgré lui. « Mais...C'est mieux comme ça. Au moins, tu resteras loin des problèmes. Parce que la dernière chose que je veux, c'est de te mettre en danger. Je suis un fauteur de troubles, tu sais... »
À ces mots, Thomas le fusilla du regard et était sur le point de lui balancer à la figure que « N'importe quoi, t'es tout sauf un fauteur de trouble, t'as quand même égayé mon été, et tu fais battre mon cœur comme jamais, et ça c'est pas rien, alors tais-toi un peu, tocard ! ».
Mais il n'eut pas le temps de prononcer sa tirade passionnée. Non, il n'eut pas le temps, parce que Newt posa soudain ses lèvres sur les siennes.
Ce fut furtif. Doux. Léger. Un moment si rapide que Thomas douta un instant qu'il eût réellement existé. Un baiser rapide pour ne pas être vu. Pour ne pas trop faire peur. Un baiser chaste, innocent. Inoubliable.
Un moment précieux que Thomas s'empressa de capturer dans sa mémoire. Un instant qu'il allait pouvoir se repasser en boucle. Faire durer des années.
Un baiser éphémère, mais assez intense pour laisser le brun planté comme un con dans la clairière.
Newt rompit le baiser et se recula. Thomas le contemplait, interdit, bouche bée. Le blond lâcha un rire clair face au mutisme du plus jeune.
« Si un jour tu viens à Washington, je te trouverai », jura-t-il, mais sa promesse sonnait creuse.
Thomas n'était pas dupe. Il n'était qu'un humain normal, et Newt était un mutant. Ils ne pourraient jamais aller ensemble. Leur relation était interdite. Inhibée.
En réponse, le brun le leva la main et caressa délicatement l'aile gauche de Newt.
« Au revoir, Thomas », murmura Newt d'une voix sourde et rocailleuse, comme si le chagrin et la culpabilité étreignaient sa gorge.
Thomas ne bougea pas lorsque le blond passa à côté de lui sans un mot. Il ne se retourna pas pour le regarder s'éloigner en marchant sans un bruit sur le sol tapi de mousse et de terre. Ses oreilles bourdonnaient sourdement. Son cœur cognait douloureusement et irrationnellement. Un nœud de la taille d'une balle de lacrosse obstruait sa gorge.
Au loin, il entendit la voiture de Minho démarrer. Le vrombissement du moteur retentit, faisant s'envoler plusieurs oiseaux dans le ciel. Au même instant, la boule d'angoisse logée au creux de son ventre se changea en bloc de chagrin, lourd et glacé. Il se sentait nauséeux.
« Au revoir, Newt », murmura-t-il d'une voix rauque.
Voilà pour le premier chapitre ! :P
Bon je pense que vous l'avez remarqué, la différence entre cette fiction et Forever Young, c'est la nature de la relation entre Newt et Thomas. Dans Forever Young, j'ai pris mon temps pour définir leur relation. Ici, c'est plus rapide, notamment parce qu'ils sont plus jeunes.
Par ailleurs, je tenais à expliquer ce petit baiser d'adieu à la fin du chapitre : Thomas craque un peu pour Newt, et Newt craque un peu pour Thomas, mais l'amour n'est pas encore là ! (qui tombe amoureux en trois semaines sérieux mdrrr). Ils se sont beaucoup attachés l'un à l'autre, et les conditions dans lesquelles ils se sont rencontrés les a rapprochés assez rapidement. Et à la fin, certes, Newt décide d'embrasser Thomas, mais...c'était un baiser sans lendemain, si vous voyez ce que je veux dire ? Ils sont censés (JE DIS BIEN CENSÉS) ne pas se revoir, et ce baiser, c'était un peu une façon pour Newt de remercier Thomas, de conclure leur histoire sur une note belle et inoubliable.
BREF assez parlé (faut que j'arrête de me perdre dans mes explications à la noix)
J'ai vraiment hâte de découvrir vos avis, et je vous posterai la suite la semaine pro!
Gros bisous mes babycakes préférés :3
