A ses oreilles retentissaient la cohue qui était caractéristique au 1er septembre tout autour de lui, le hululement des chouettes et hiboux aux plumes ternes et pâles aux grands yeux globuleux, le babillement des oiseaux aux couleurs vives, le feulement du chat courant après les crapauds, les embrassades des plus jeunes à leurs parents, les éclats des sortilèges lancés par les plus grands, les chariots roulant sur le sol de pierre, les discussions menées à grandes voix, le sifflement du train, les éclats de rire, les bruits de pas, les bousculades ce charivari sonore enfin baigné dans la vapeur blanchâtre et envahissante que laissait échapper le train. Mais alors que cette foule de son et de sorciers résonnait autrefois aux oreilles d'Albus avec une once d'excitation, amenant avec elle l'aventure mais, avant tout, une nouvelle vie – comme lui répétait sans cesse chacun des membres de sa famille – cette année, elle ne pouvait être dissociée à l'angoisse, et c'est avec les sourcils froncés qu'Albus appréhenda la voie 9¾ de King's Cross.

-Je n'irai pas ! s'exclama Albus, à la voix tremblante, toujours face au sourire narquois de son frère. Je n'irai pas à Serpentard !

De nouveau les réprimandes et les éclats de voix de ses parents, qui s'étouffèrent parmi la foule, obscurcit par le hululement de sa propre chouette. Et, aussi, le sourire qui restait sur le visage de son frère. Celui-ci grimaça au coup de coude dont lui gratifia sa mère, avant de reprendre ce même, toujours ce même sourire.

-J'ai simplement dit qu'il y serait peut-être, fit remarquer James, le narguant toujours de cet horripilant sourire. Il n'y a pas de mal à ça. Il sera peut-être à Serp...

Mais il se tut brusquement face au regard de sa mère, sans doute motivé par l'idée d'une nouvelle rencontre avec son coude. L'échange qui venait de se passer dans les quelques secondes où ils passaient tous la barrière magique lui avait semblé une éternité. En fait, plein de choses semblaient durer une infinité, ce matin du 1er septembre. La réalité était que, bien que personne ne semblait répugner l'idée de voir Albus à Serpentard, il connaissait son grand frère, et il l'avait côtoyé tout de même onze longues années. Il savait bien que les sujets sur lesquels James blaguait étaient les plus sensibles, et ce, malgré les paroles de leurs parents. Enfin, les pensées se bousculaient encore et toujours dans sa tête. Comment faire quand il serait à Poudlard ? Son hibou ? Ses cours ? La magie ? Et si... il était nul ? Et les lettres ? Par Merlin, combien de lettres ses parents envoyés par mois à James, déjà ? Il ne voulait pas que James se moque de lui... Il ne voulait pas décevoir ses parents.

Enfin, il eut un soupir de soulagement qu'il eut du mal à dissimuler lorsqu'il vit les épais cheveux noirs de Rose, ses yeux sombres et son regard malicieux – un regard qui rappelait à tous étonnement James, mais qu'Albus savait être plus avisé, plus taquin, et enfin, moins superficiel, que celui de son frère. Dès qu'il la vit, avec ses parents, qu'il salua d'un marmonnement étouffé par ses propres lèvres, dès qu'il la vit, Albus se réfugia à ses côtés.

-Alors, Al', ce soir, c'est le grand soir, lança-t-elle avec une pointe d'amusement.

Mais son expression restait la même – concernée.

-Ce n'est pas drôle, chuchota-t-il très vite. Tu... tu sais que la Répartition va être importante.

Rose accompagna son soupir faussement exaspéré d'un roulement des yeux.

-Tu penses que toi aussi, ils vont t'enfermer dans le placard sous l'escalier, si tu es à Serpentard ? fit-elle sur un ton qu'elle voulait le plus sérieux, penché avec gravité vers lui.

-M-Moi aussi ? Je sais pas... marmonna-t-il en baissant les yeux. Mais dans tous les cas, le Ministère sera mis au courant et viendra me sauver, non ?

-Oui... reprit Rose, tout bas. Le Ministère était aussi sensé être au courant pour Russel Seddon.

-Russel Seddon ? répéta son cousin avec inquiétude.

Le silence se fit encore plus pesant, jusqu'à ce que l'expression de Rose ne se détende, et qu'un grand sourire arbore ses lèvres.

-Je me paie de ta tête, Al' ! s'écria-t-elle en passant sa main dans les cheveux de son cousin, par esprit de camaraderie.

Albus, de son côté, ne décompressait pas. Il ne voulait pas finir comme Russel Seddon, si jamais il avait existé. Mais entre-temps, son frère s'était éclipsé, et c'est à grands cris qu'il surgit du nuage de vapeur.

-Teddy est là-bas, dit-il, tout essoufflé, désignant la vapeur, derrière lui. Je viens de le voir ! Et vous savez ce qu'il faisait ? Il embrassait Victoire !

Victoire, leur cousine, âgée de deux ans de plus que James, et Teddy, de septième année, que James avait fini par considérer comme son frère adoptif.

-Essaie d'être surpris, chuchota Rose à son oreille.

Albus eut un sourire. Et ah, oui, d'autres problèmes qui venaient s'ajouter à sa liste.

C'étaient des personnes impressionnantes, Victoire et Teddy. Victoire Weasley, Serdaigle, très probablement future préfète et future préfète-en-chef, que tout le monde – et par tout le monde, Albus parlait aussi de La Gazette du Sorcier, et aussi de parfaits inconnus dans les rues du Chemin de Traverse – que tout le monde considérait comme la plus belle, et la plus intelligente – et la plus vélane, surtout – de leur famille.

Puis il y avait Teddy, le pauvre Teddy qui n'avait jamais connu ses parents, le si pauvre Teddy, le préfet-en-chef de Poufsouffle, mais aussi le capitaine de l'équipe de Quidditch, métamorphomage, et bla, et bla, et bla. Encore une fois, Albus se sentait étouffé.

Un coup de pied dans le tibia de la part de James, une grimace, le tira de sa rêverie.

-A plus tard, Al'. Fais attention aux Sombrals, lança son frère.

Albus retomba encore bien vite dans la panique.

-Je croyais qu'ils étaient invisibles ? Tu m'as dit qu'ils étaient invisibles !

James rit, avant de se détourner d'eux, d'embrasser ses parents et de bondir dans le train, laissant son frère avec la même expression concernée qui était devenue, à présent, caractéristique du 1er septembre. Enfin, c'était à peine s'il entendait les paroles réconfortantes, les au revoir, de ses parents enfin, il put poser la question qui lui brûlait le bout de la langue, si ce n'est qu'elle ne lui avait déjà laissé une marque au fer rouge.

-Et si je suis à Serpentard ?

Son père se pencha gravement vers lui – mais rien, aucune réponse, et Albus se lassa très vite dès qu'il comprit qu'il n'aurait pas une réponse claire.

-Mais dis-moi simplement... interrompit Albus.

-... Si c'était le cas, alors Serpentard gagnerait un excellent élève, n'est-ce pas ? Pour nous, ça n'a pas d'importance, Al'. Mais si ça en a pour toi, tu pourras choisir Gryffondor plutôt que Serpentard. Le Choixpeau magique tiendra compte de tes préférences.

-Vraiment ? demanda Albus, ouvrant de grands yeux.

-C'est ce qui s'est passé pour moi, lui assura son père.

Il resta ébahi – mais très tôt, les portes du train se claquèrent, et il se secoua pour sortir de ses pensées, sauta dans le wagon où James avait disparu, quelques minutes auparavant.

Les adieux, un rire nerveux qu'il laissa échapper à une des énièmes remarques stupides de son oncle Ron, et le plancher du train se mit à trembler. Albus regarda ses pieds se poser l'un devant l'autre alors qu'il se laissait guider par Rose le long de l'étroit couloir, sa valise roulant derrière lui. Alors ça y est... il y était. Le Poudlard Express.

-Plein, couvrit la voix de Rose sur le roulement des valises, discussions, bruits de pas, et tremblement du plancher. Plein. Plein, plein. Plein, plein, plein. On arrivera plus tôt, la prochaine fois, hein... Dis-moi stop, Al'.

Ils continuèrent d'avancer encore quelques secondes, se frayant un chemin dans la foule de coudes et d'épaules – est-ce que eux aussi seraient aussi grands, lorsqu'ils seront en sixième année ?

-Stop, fit-il enfin.

Rose s'arrêta net et se tourna vers la porte du compartiment sur sa droite la porte roula sur le côté, et ils s'extirpèrent de la foule pour se réfugier dans le compartiment, où déjà deux paires d'yeux les fixaient, expression consternée ornant leur visage juvénile. Alors que sa cousine s'empressait déjà de s'installer dans le compartiment, Albus se chargea de refermer la porte ensuite, il se retourna.

Les fenêtres ouvrant le regard sur un paysage de bitumes et de travailleurs pressés – oui, la ville était toujours là – cernées d'épais rideaux de velours, les banquettes aux coins déchirés et troués, la moquette du sol usée, les porte-bagages pleins à craquer oui, tout était exactement comme on lui avait décrit. Et c'est ainsi que l'attention d'Albus put se porter sur les deux heureux propriétaires du compartiment numéro 493, Poudlard Express, 1m², très confortable, dans lequel ils venaient de faire irruption.

Ils devaient avoir leur âge, étaient tous deux assis d'un côté et de l'autre de la cabine – celui à gauche, à côté de Rose, avait simplement redresser la tête de la vitre contre laquelle il était appuyé pour les voir arriver, ses grands yeux gris perplexes posés sur eux ses cheveux bruns avaient l'air d'avoir été grossièrement coiffés pour faire plaisir à sa maman avant de monter (à comprendre par là qu'ils étaient ridiculement plaqués sur son crâne). Enfin, il semblait être en pleine croissance, comme en témoignait ses courtes jambes au bout desquelles ses pieds n'étaient uniquement capables que d'effleurer le sol.

Et puis l'autre garçon, face à lui, semblait plus grand, en comparaison. Ses pieds étaient cloués au plancher du train, et il était parfaitement dressé, le dos droit, dans leur direction. Des cheveux plus clairs, quasi en bataille, des yeux plus colorés – bruns, pour être honnête. C'est à côté de lui, et face à Rose, qu'Albus prit place et, tandis que le silence s'installait, il se laissa de nouveau plonger dans ses pensées. C'était sans compter sur le hochement de tête de Rose, son sourire revigorant, lorsqu'elle se tourna vers les deux garçons.

-Bonjour, je suis Rose Weasley ! s'exclama-t-elle en leur tendant sa main. Alors, premier jour à Poudlard, huh ? Je demande car, vous savez, votre angoisse est palpable, ici.

Elle avait dit ça avec un sourire amusé, tout en échangeant un long regard avec le garçon à ses côtés, soit celui aux cheveux bruns, soit celui qui semblait le plus nerveux. Et le malaise qu'elle avait veillé à installer eut raison d'eux, vu le silence qui régna dans le compartiment quelques secondes plus tard.

-Hum... oui, reprit alors le garçon à côté d'Albus, avec un petit sourire gêné. C'est la première fois qu'on m-monte à bord du train. Je m'appelle Anson Bramer, et c'est mon frère – Carey.

Il serra avec hésitation la main que lui tendait Rose, mais un sourire plus convaincu s'afficha sur son visage lorsqu'il croisa son regard.

-Je suis Albus Potter, lança enfin Albus.

Il n'eut aucune réponse si ce n'est que leur regard alors, il se tourna vers Rose, aussi désemparée que lui.

-Né-moldus, sûrement, dit-elle en se retournant vers eux. Donc, vous êtes frères ? Jumeaux ?

-Oui... commença Carey, le garçon aux cheveux plaqués sur le crâne, à côté de Rose.

-... Mais je suis né en premier, coupa Anson.

Son frère se tourna soudainement vers lui, comme piquer, et attira son attention d'un coup de pied dans le tibia.

-On en a déjà parlé, An', chuchota-t-il très vite. Dans certaines tribus, celui qui est né en dernier est l'aîné.

-Est-ce qu'on est nés dans une tribu, Carey ? répondit Anson en souriant.

Son frère tâcha de garder une expression sérieuse, avant que son visage ne se contrit sous un sourire amusé.

-Vous n'avez pas l'air... jumeau, hasarda Albus.

Anson rejeta la tête en arrière, comme ennuyé par la question, et Carey se tourna vers eux.

-On sait, fit-il. C'est assez... technique.

Rose acquiesça, et le silence revint. Alors, elle se tourna vers son cousin.

-Dominique est là, rappela-t-elle.

Il baissa les yeux. C'était aussi la première année pour leur cousine, Dominique, la sœur cadette de Victoire. Mais... ils n'étaient pas vraiment proche d'elles. En fait, personne ne l'était vraiment à l'exception de sa sœur et de son frère, Louis. Alors, il hocha les épaules.

-Elle doit bien avoir trouver un compartiment, fit-il.

Rose hocha lentement la tête. Tout autour d'eux – tout autour de lui – revint le tremblement du plancher, le grelottement du train sur les railles de fer, tandis que par la fenêtre le paysage se muait d'immeubles envers une mosaïque de couleurs : les champs. Derrière les cloisons, il pouvait deviner les discussions, les rires, qui faisaient écho dans leur silencieux compartiment.

-Alors, reprit Rose, plus posément, après plusieurs longues minutes. Vous êtes des nés-moldus... vos parents font quoi ?

-'que chose dans une entreprise de boîtes, à Belfast, répondit Anson.

-Belfast ! s'écria Rose alors que son visage s'illuminait, comme profondément apaisée.

Elle échangea un regard avec Albus, qui lui aussi, paraissait soulagé.

-D'où l'accent, souffla-t-il.

Anson eut un nouveau sourire gêné.

-Vous savez, nos parents sont célèbres, ici, commença Rose.

Leur regard se tournèrent vers eux, intéressés.

-Ah ? fit Anson.

-Il y a eu une guerre et ils ont assez servi, leur expliqua Rose avec un sourire humble. C'est pour ça qu'Albus a peur pour la Répartition et... vous voulez être réparti où ?

Les deux frères échangèrent un regard perdu.

-Hum... marmonna Anson. On a pas vraiment... on...

-C'est pas grave, rétorqua Rose avec un sourire qu'elle voulait réconfortant. En fait, quand vous arrivez à Poudlard, on vous envoie dans une des quatre maisons, et vous y vivez pendant sept ans, mais... il y a une quelconque rivalité pour laquelle Albus est légèrement angoissé.

-Légèrement, répéta-t-il, comme à lui-même.

Rose lui adressa un sourire. En même temps, dans le couloir, des roulettes se firent entendre, et une vieille femme, traînant un chariot, apparut à la porte. Elle frappa. Rose se dressa d'un bond, et ouvrit la porte.

-Bonjour ! lança-t-elle.

C'était le chariot du déjeuner, avec des friandises. Albus ne savait pas qu'il était déjà l'heure ! Et cette idée le rendait joyeux autant qu'elle l'angoissait. Il se tourna vers les jumeaux.

-Toute ma famille a été à Gryffondor, la maison du courage et de la force, expliqua-t-il. Et je sais que si je suis à Poufsouffle ou Serdaigle, ce s'ra pas une grande affaire, mais... si je vais à Serpentard – c'est la maison de l'ambition et de la ruse – ça risque d'être plus compliqué.

-Pourquoi ? demanda Anson. C'est mal, Serpentard ?

Albus hésita avant de répondre, se rappelant les paroles de son père.

-Non, fit-il. Non... pas vraiment. Mais je serais le premier de ma famille à y aller, donc...

Anson lui adressa un sourire.

-Oh, t'en fais pas, dit-il sur un ton réconfortant. C'est qu'une maison, ça ne devrait déranger personne ! Et puis... l'ambition et la ruse, c'est bien, non ? Personne n'a jamais changé le monde sans un peu d'ambition et de malice.

Albus eut un sourire à sa remarque, qui s'évanouit cependant bien vite.

-Tu es né-moldu, tu peux pas...

-Des bonbons ! s'écria Rose en fermant la porte du compartiment.

Leur visage se tournèrent vers elle, et aussitôt, le souvenir de leur conversation s'échappa. Les garçons avaient l'air émerveillé face aux sucreries de différentes couleurs, différentes formes.

-C'est quoi, ceux-là ? fit Carey, un air ébahi dans le regard.

-On dit que la dernière personne à en avoir mangé a perdu sa langue, lui dit Rose sur un ton grave, qu'elle rompit en un rire auquel la joignit Albus et Anson.

-Donne moi des Fizzwizzbizz, lança Albus.

-Bon sang, la dernière fois que j'en ai vu, ça devait être à l'anniversaire de Lucy, tu te souviens Al' ?

Il ne lui répondit pas alors qu'il était occupé à croquer dans la sucrerie.

-Oh, regardez ceux-là, fit-on en désignant des grenouilles en chocolat.

-Attention, elles bougent, on répondit.

-Regardez ça ! s'écria Rose en se saisissant d'un petit paquet rose.

Ils s'étaient lancés dans une véritable expédition gustative, et bien tôt, tout le compartiment était jonché d'emballages multicolores, aux noms insolites.

-C'est des animabuns, précisa-t-elle en sortant une espèce de pâte rougeâtre de l'emballage.

Elle croqua dans un morceau de la sucrerie à pleine dent, et ensuite, un moment de flottement... Il vit les frères Bramer échanger un regard consterné.

Rose éclata de rire alors que sa tête se mettait à disparaître. Carey Bramer eut un sursaut et un mouvement de recul, tandis que Anson restait figé sur place. Enfin, Rose secoua sa tête et réapparut. Elle riait et Albus affichait un sourire qui s'étendait d'une oreille à l'autre, laissant entrevoir ses dents. Enfin, les frères Bramer éclatèrent à leur tour de rire.

-Dément ! commenta Anson.

Albus ne s'était pas attendu à voir la journée défiler aussi vite, mais c'est avec surprise qu'il se tourna vers la fenêtre pour découvrir que le soleil était déjà couché, et il n'aurait pas cru à la fin du trajet si le train ne s'était pas arrêté, et si le plancher n'avait pas cessé de trembler.

Et enfin, il y avait les grandes portes de chêne. Plus grandes, plus imposantes encore qu'il n'aurait pu songer – elles s'étendaient, lourdes, majestueuses, sur une hauteur de plusieurs mètres. Et devant, une vieille femme qui n'en avait pas perdu en présence, à la posture droite et à l'allure sévère cette femme, Albus la reconnut comme étant Minerva McGonagall.

Et de cette femme, de ces portes, de cette foule d'élèves dans laquelle il se noyait, il ne savait ce qui lui était le plus effrayant entre ce qui se trouvait ici ou ce qui se trouvait derrière de ces portes. Ses jambes clouées au sol, sans qu'il ne puisse rien y faire, cependant, le discours de la directrice prit fin, et les portes s'ouvrirent.

Et une salle encore plus grande, plus haute, plus large encore que le Hall s'étendit devant lui une salle à la longueur allongée par les longilignes tables de bois, au sol de pierre, aux murs de pierre la lumière qui y était diffuse était jaune, ou orange, provenant des chandeliers fixés au plafond – oh ! et en parlant du plafond, il semblait disparaître sous les lueurs blanches des étoiles. Et sous les yeux de la même masse noire d'élèves, aux tables, à gauche, à droite, et encore à gauche, et encore à droite, ils se mirent en marche vers l'estrade d'où les fixait une dizaine de professeurs, d'un regard allant de la plus humble sympathie à la plus hautaine hostilité. Parmi ses professeurs, Albus reconnut Neville Londubat, au visage barré de cicatrices, ami de ses parents. Et derrière lui, il devinait les yeux de ses cousins et de ses cousines, de son frère, posés sur son dos. Et alors qu'on amenait le Choixpeau magique, il sentit l'angoisse le reprendre.

Puis, les noms des élèves défilèrent. Quand, enfin, les noms connus :

-Bramer, Anson !

Le garçon avec qui Albus et Rose avait effectué le trajet en train, ainsi que le trajet en barque, à la surface du lac, aux cheveux clairs et à la mine qu'il voulait confiante, s'avança, d'un pas mal assuré, vers le tabouret, où il prit, timidement, place.

-Serpentard !

Albus resta figé alors qu'il le voyait descendre, et regagner la table des Serpentard, qui était, ils l'avaient compris, celle qui applaudissait.

-Bramer, Carey !

Carey prit la place de son frère près de l'estrade, approchant, tremblant, vers le tabouret, où, après être resté immobile face à lui, Mme. McGonagall l'intima à prendre place. Et le Choixpeau se posa sur sa tête.

-Gryffondor !

Albus ne bougea toujours pas. Et la liste défila.

-Potter, Albus !

Il se pinça les lèvres, et prit une grande inspiration. Il aurait pu rester immobile, là, longtemps, si Rose ne l'avait pas un peu poussé du poing pour qu'il n'avance. Il sortit alors de la foule, peu réceptif à la foule d'élèves parmi laquelle il entendait son nom être marmonné, et s'approcha du tabouret. Il s'y assit. Et il voulait rester là, seul, avec ses pensées.

-... Potter... ce sera... décisif, oui, susurra une voix à son oreille.

Albus fronça les sourcils.

-Est-ce que vous êtes... ma conscience ?

La voix éclata à son oreille d'un rire amusé.

-Non, crâne d'œuf, reprit-elle. Je suis le Choixpeau.

-Oh.

Et le silence revint.

-Pas Serpentard, c'est ça ? Reprit le Choixpeau.

Albus secoua avec énergie la tête.

-N-Non ! Mais... fit-il. Je ne sais pas...

-Je ne vais pas te mentir, bonhomme : tu en as les capacités, répondit la voix. Mais la question n'est pas dans quelle maison tu trouveras ta place, mais plutôt quelle maison décideras-tu d'honorer ?

Albus ne répondit pas tout de suite... Il avait les capacités pour Serpentard – mais il les avait aussi sûrement pour Gryffondor, non ? A Gryffondor, il trouverait sa place : il serait avec sa famille, enfin libérer des remarques de James. Mais si la Répartition n'était pas à propos de la maison où il serait le plus confortable, mais bien à propos de la maison qu'il déciderait d'honorer ? Dans ce cas...

Eh bien. Il se remémora les paroles de son père, les paroles de Rose, les paroles d'Anson Bramer, dans le train. Oui, Serpentard ne poserait pas de problème, ni à son père, ni à quiconque d'autre. Ensuite, pour ce qui est de ses valeurs... Albus avait toujours cru que Serpentard était la maison du vice (ou, du moins, c'était ce que lui avait répété James), mais si un garçon si amical, si sympathique, qu'Anson Bramer avait pu y être envoyé, c'était alors sûrement que Serpentard n'était peut-être pas une si mauvaise maison. Et à Serpentard... eh bien, il y avait Anson Bramer, et c'était vrai qu'il semblait plus amical que son frère.

Au final, si Serpentard n'était pas la maison qu'on croyait, si Serpentard n'était que la maison des plus incompris – où trouverait-il une meilleure place ? Quelle maison aurait-il le devoir d'honorer plus que celle-là ?

S'il avait pu voir le visage du Choixpeau, il l'aurait deviné en train de sourire.

-Exact, marmonna-t-il. Bonhomme, ton père serait fier.

Le souffle d'Albus s'arrêta. Ainsi...

-Serpentard !

Il prit une profonde inspiration alors qu'il reposait le Choixpeau sur son tabouret, et qu'il descendait de l'estrade. Tête levée, son regard était dirigé vers la table des Gryffondor, à la recherche ne serait-ce que d'un indice de l'expression de James – mais il ne le trouva pas. Alors, il passa devant les élèves de son âge, attendant encore d'être réparti, une expression étonnée, voire choquée, sur le visage. Enfin, il s'approcha de la table verte et argentée, qui l'accueillit d'une explosion de quolibets, de sifflements, et de cris. Il se laissa tomber à côté d'Anson Bramer, qui lui tira la chaise à côté de lui, l'accueillant d'un sourire chaleureux et d'une grande tape dans le dos. Autour de lui, les voix des élèves le félicitant à grands cris lui parvenaient comme brouillées, tandis que son regard recherché encore James, à l'autre bout de la salle. Mais la Répartition reprit. Sans signe de son frère.

-Weasley, Dominique !

Albus tourna sa tête vers l'estrade, en voyant une fille à la carrure solide, mais à la démarche délicate, de longs cheveux roux – clairs, cependant – se dirigeait vers le tabouret.

-C'est ma cousine, indiqua-t-il à Anson, d'un coup de coude.

Il paraissait ébahi. Et le Choixpeau tomba sur la tête de sa cousine.

-Poufsouffle ! s'écria-t-il aussitôt.

-Weasley, Rose !

Dominique sauta du tabouret pour laisser sa place à Rose, qui avançait avec une confiance... tout sauf naturelle.

Elle s'assit, et alors que le Choixpeau se posait sur sa tête, son regard se dirigea vers Albus. Elle lui adressa un petit sourire, qu'il n'avait à peine remarquer, rassurant.

-Gryffondor !

Et elle descendit, se dirigeant vers la table de l'autre bout de la salle.

C'était un festin qui se voulait copieux, accueillant, et riche. Mais aux côtés de ses nouveaux compagnons, Albus ne ressentait que l'angoisse et la nervosité. Quand enfin le banquet toucha à sa fin, s'éclaircit, et qu'il leva son regard.

Face à lui, le regard de son frère. Pas de la surprise, ni de la colère – encore moins de la joie. Non. Simplement, la déception.