Disclamer : Inutile, mais d'usage de préciser que les personnages utilisés dans cette histoire sont la propriété de J.K. Rowling. La permission m'est accordée de m'en servir afin de me distraire, mais également de vous divertir.
.
Note de l'auteur : J'ai écrit cet OS dans le cadre de la 14ème édition de la « Nuit du FoF ». Il s'agit d'écrire en une heure un OS autour d'un thème donné au préalable. Le thème auquel est consacrée cette histoire est « conviction ».
.
Fond musical discret mais de qualité : Noir Désir album 666.667 Club
.
.
BELLE DU SEIGNEUR
.
.
Le manoir où elle évoluait lui était inconnu et les deux personnes qui l'encadraient de part et d'autre, encapuchonnées de noir, ne laissaient échapper aucun son, aucun encouragement propre à calmer la crainte sourde qui l'étreignait malgré elle.
Bien sûr, elle n'ignorait pas qui elle s'apprêtait à rencontrer et le décorum mis en oeuvre pour la cérémonie d'intronisation lui semblait tout à fait approprié. Néanmoins, elle aurait apprécié un peu plus d'égards et d'attention.
Les couloirs s'enchainaient les uns après les autres, indifférenciables, et parfois, elle devinait à travers une porte laissée entrouverte les vestiges d'un luxe désuet, vaguement dissimulé par des draps blancs en coton épais jetés à la hâte tantôt sur un sofa, tantôt sur un bureau dont on ne voyait plus que les pieds ouvragés, tantôt sur ce qui devait être le portrait d'un illustre ancêtre dont on souhaiter taire la filiation.
Peu à peu, l'inquiétude laissa place à la curiosité. Elle et ses compagnons anonymes commencèrent à croiser d'autres hommes, masqués également. Et soudain sa tête nue lui parue indécente dans ce décors où rien n'était laissé à découvert, presque obscène.
Elle baissa la tête, honteuse comme elle ne l'avait été depuis cette fois – elle n'était qu'une enfant – où elle avait subtiliser à son père un ouvrage qui était tout sauf destiné à une jeune fille de bonne famille. Et elle poursuivit son chemin, sans trainer les pieds. On ne devait pas le faire attendre. Un homme vint à la rencontre de ses guides qui officiaient avec automatisme. Des pantins, voilà ce qu'ils étaient. Elle, elle ne serait pas comme eux.
« Il faut la préparer », ordonna l'inconnu d'une voix grave et profonde de baryton.
On l'entraina dans une pièce légèrement éclairée par un chandelier massif à cinq branches qui trônait sur le manteau d'une cheminée en marbre rose, où brûlait un feu ronflant qui projetait leurs ombres déformées sur les murs. Si elle n'avait pas possédé tant d'assurance, sans doute aurait-elle eu envie de déguerpir sur l'instant.
Mais ce qui l'animait réellement, ce n'était pas tant le pouvoir qu'on lui avait fait miroiter que la certitude d'enfin participer à la création d'un monde nouveau, modulable selon son bon vouloir, et où elle aurait une place non négociable. Elle serait irremplaçable, unique.
« Enfile ça ! » l'enjoignit l'homme qui était venu à leur rencontre en lui tendant une robe – noire bien évidemment, sans s'embarrasser du moindre tact. « Et débrouille toi pour être présentable. Le Maître a prévu le nécessaire », ajouta-t-il en lui désignant une coiffeuse, située dans un angle de la pièce qu'elle n'avait pas encore détaillé.
On quitta la pièce, et elle se retrouva seule. Soupirant du soulagement de goûter enfin le silence de l'endroit à sa juste valeur, elle saisit le bougeoir et le déposa sur la coiffeuse, essuya d'une main la poussière qui maculait le miroir pour en découvrir les petites taches de rouille qui constellait sa surface, et constata que, décidément, l'attente ne seyait pas à son teint.
Elle apprécia l'odeur délicate de la poudre de riz qu'elle étala au pinceau sur ses joues pâles, rehaussant subtilement ses traits pointus, et souligna ses yeux de suffisamment de khôl pour donner à son regard une profondeur remarquable. Le rouge à lèvre carmin qui lui avait été destiné lui déplut, et elle laissa dédaigneusement le tube de côté. Elle replaça une dernière mèche de cheveux dans son chignon et se regarda dans le miroir. La satisfaction s'étalait sur son visage comme la cire avait recouvert le pied du bougeoir, sans faille.
Lorsqu'elle enfila la robe qu'Il lui avait choisi elle ne put s'empêcher de sourire. L'étoffe était belle, soyeuse, mais la coupe était d'un autre siècle, démodée, comme ce manoir, sans doute.
On revint la chercher et on la mena à Lui. La salle était grandiose, et ses fidèles, nombreux, s'écartèrent pour lui laisser le passage. Dignement, elle avança jusqu'à Lui.
Elle le sentit fouiller son esprit, faisant remonter douloureusement à la surface des souvenirs enfouis qu'elle avait oubliés depuis longtemps. Lorsqu'enfin Il parut rassasié de ce qu'Il avait vu, Il esquissa un geste de la main, agitant souplement sa baguette dont le bout rougeoyant laissait présager de nouveaux supplices. Il souleva sa manche, apposa la pointe de sa baguette sur son bras blanc, et déclara d'une voix d'outre-tombe :
« Bienvenue parmi nous, Bellatrix ! »
Fièrement, elle ne montra pas le moindre signe de la douleur qui vrillait chacun des nerfs de son corps. Non, elle ne le fit pas. Elle souriait même, de cette conviction qu'ont les femmes qui viennent d'acquérir une liberté sans limite à laquelle s'abandonner, sans regrets.
