Disclaimer : Tous les droits concernant Harry Potter appartiennent à J.K Rowling ainsi qu'à sa maison d'édition.

Spoilers : Cette fanfiction suivra la chronologie de la saga, en commençant le tome 3. Avis donc à ceux qui sont en cours de lecture, le livre I concernera le Prisonnier d'Azkaban, le II, la Coupe de Feu etc.

Rating : T, mais pas nécessairement dans tous les chapitres.

A/N : Le personnage d'Eva Orgall est une construction personnelle et son ajout dans la trame de l'histoire la déforme quelque peu. Quoiqu'il en soit, j'ai tenté de rester aussi proche que possible de l'esprit général de l'oeuvre et des personnages. Je te souhaite une bonne lecture à toi, ami lecteur.


LIVRE I

The Prisoner of Azkaban


Chapitre I – It only hurts when it lasts

« Pardon, excusez-vous, pardon je suis en retard… Pardon ! »

La foule compacte des quais 9 et 10 de King's Cross avait beau ne pas sembler vouloir se fendre pour laisser passer une jeune femme au chariot lourdement chargé de malles et de valises en tout genre, il allait bien falloir qu'elle s'y fraye un chemin. Elle était en retard et il était hors de question qu'elle rate son train. Ou comment bien commencer son année, pensa-t-elle en arrivant finalement devant le pylône de béton indiquant les deux voies. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle et prit son souffle avant de se mettre à courir en direction de ce même pylône. A peine eut-elle franchi la barrière magique que l'ambiance changea du tout au tout. Elle avait beau faire le chemin depuis des années, elle ne parvint pas à retenir un sourire à la vue du train qui allait l'emmener à Poudlard. Son école. Elle parvint à rejoindre sa voiture et à s'y engouffrer avant que les portes ne se ferment. Un rapide regard à sa montre lui indiqua que le train partirait dans quelques instants. Elle salua quelques élèves, sourit à d'autres et s'installa dans une cabine. Elle eut à peine le temps de sortir un ouvrage de son sac que les wagons s'ébranlèrent et s'éloignèrent progressivement du quai où des parents saluaient leurs enfants. Elle appuya sa tête contre la vitre, pensive.

Elle avait effectué ce trajet des dizaines de fois auparavant elle en connaissait tous les rituels. Bientôt, un chariot passerait pour proposer aux élèves des douceurs sucrées et salées et tous se jetteraient sur la sorcière à chariot pour lui soutirer des bulles baveuses ou des dragées de Bertie Crochue. Peut-être succomberait-elle. Ça faisait une éternité qu'elle n'avait pas tenté sa chance avec ces confiseries. Elle soupira. En fait, ça faisait une éternité qu'elle n'avait pas effectué le trajet comme à l'époque. Elle était seule, comme jamais elle ne l'avait été auparavant. Elle avait toujours été flanquée de son frère et de ses amis – les siens aussi, par extension. Une fois qu'ils eurent quitté l'école, elle avait rejoint ses camarades de classe. Ce n'était que depuis son retour à l'école, trois ans plus tôt, qu'elle avait commencé à voyager seule. Et, après tout, ce n'était qu'approprié elle était professeur, désormais. Et aucun élève ne voyageait volontairement avec un professeur, même aussi jeune et souriant qu'elle. Il ne l'aurait jamais accepté. Et elle non plus, à l'époque. C'était prendre le risque de se faire réprimander ou, pire, de faire mauvaise impression avant même d'avoir commencé l'année. Si ses amis n'accordaient à cette dernière idée qu'une attention relative, elle se préoccupait bien plus de l'opinion de ses enseignants… Et de ses résultats, d'ailleurs.

Elle finit par lâcher le paysage du regard pour saisir un journal posé sur le siège près d'elle. Les nouvelles n'étaient pas très intéressantes – la Gazette du Sorcier n'était ni connu pour son objectivité, ni pour la gravité de son contenu, mais sa couverture attira immédiatement son regard. Un portrait avait été imprimé sur la quasi-moitié de la page, près du gros titre « BLACK TOUJOURS INTROUVABLE ». Sa gorge se serra et elle ne put en détacher les yeux. Des souvenirs l'assaillirent et il lui fallut toute la volonté du monde pour s'écarter et jeter le papier à l'autre bout du compartiment. Ressaisis toi, sombre idiote,s'admonesta-t-elle. Tu n'as plus dix-huit ans. Elle se plongea dans son ouvrage. Il fallait qu'elle se vide la tête. Elle n'allait pas passer le trajet à pleurer son passé perdu alors même que des éclats de rire retentissaient partout dans son wagon. Un petit sourire lui vint aux lèvres. Elle n'était pas la plus malheureuse, après tout. Peu de sorciers pouvaient se targuer de travailler dans une école si prestigieuse et d'en devenir professeur.

Elle se préparait mentalement à l'arrivée des petits nouveaux, ces gamins de onze ans propulsés, pour certains, dans un univers dont ils n'auraient jamais soupçonné l'existence six mois plus tôt. Le professeur McGonagall s'occupait de leur accueil, le professeur Dumbledore, du discours, mais ce serait à l'équipe enseignante d'aider les premières années à s'adapter au rythme de l'école. Surtout à ceux qui étaient nés Moldus. Elle corna une page de son ouvrage et soupira. Il allait aussi falloir gérer les crises de nerfs de son bien-aimé collègue Severus Rogue. Elle le secondait en tant que professeur de potions secondaire, et s'occupait des niveaux impairs – première, troisième et cinquième année. Lui s'occupait des années paires et des ASPIC. Ils se croisaient peu et ce n'était plus mal étant donné la haine tacite qu'ils se vouaient. Vieux restes de l'époque où ils étaient tous les deux élèves. Vieux, mais vivaces. Si les premières années qu'elle avait passées à Poudlard en tant qu'enseignante s'étaient relativement bien passées, les deux anciens camarades ne cessaient plus de s'affronter sur tous les sujets possibles. Surtout sur un sujet en particulier, en fait. Elle secoua la tête lentement et croisa son propre regard dans les vitres près d'elle. Elle avait beau avoir relever ses cheveux, des mèches noires tombaient sur son visage, résultat, sans doute, de sa course dans la gare. Elle mit de l'ordre dans sa coiffure. Autrefois, elle n'aurait pas attaché tant d'importance à ce genre de détails, mais elle ne pouvait plus apparaître négligée. Plus maintenant. Elle se surprit à regretter l'époque où elle pouvait passer ses journées en pyjama, les cheveux emmêlés, sans maquillage. Allez, secoue toi. On a besoin de toi.

Elle jeta un coup d'œil amusé à de futurs élèves, un peu perdus, qui cherchaient visiblement quelque chose – ou quelqu'un, et s'apprêtait à aller les aider quand le train s'arrêta brusquement. Elle sursauta, fronça les sourcils et jeta un œil par la fenêtre. Il n'y avait rien, dehors, si ce n'est la lande anglaise. Elle se releva, sortit dans le couloir et ordonna aux élèves de rejoindre leur cabine. Ils s'exécutèrent sans demander leur reste tandis qu'elle avançait vers la cabine du conducteur. Un coup d'œil aux vitres lui suffit pour comprendre que quelque chose se produisait. Elles étaient gelées, littéralement couvertes d'une fine couche de glace. A l'instant où elle les effleura, le courant sauta et elle fut plongée dans le noir. Elle sortit sa baguette, vieux réflexe d'une époque où ce genre de choses rimait avec magie noire. Elle se mit en garde lorsqu'elle entendit les loquets des portes s'ouvrir. Et comprit.

Des figures encapuchonnées noires entraient dans la voiture et se dispersaient dans les couloirs. Elle recula lentement et s'enferma derrière les portes de sa cabine, elles aussi gelées. Les créatures n'étaient pas humaines, ni même animales. Elles étaient éthérées, sombres et elle sentit une boule se former dans sa gorge à leur approche. Des détraqueurs, venus tout droit d'Azkaban. Sans doute à la recherche de Sirius Black. Elle s'agenouilla, parfaitement consciente que son subterfuge ne tiendrait pas s'ils venaient à vouloir entrer. Elle ferma les yeux, serra ses paupières et attendit. Si elle avait su prier, elle l'aurait fait, sans aucun doute. Elle en sentit un s'approcher et se sentit, l'espace d'un instant, petite fille dissimulée dans un recoin de sa chambre, attendant avec crainte un quelconque châtiment parental. C'était là tout le pouvoir des détraqueurs faire revivre à leurs victimes les moments les plus douloureux de leur existence jusqu'à les rendre fou. Elle frissonna. Et la douleur s'estompa. Elle se risqua à jeter un œil dans le couloir. Il s'était éloigné, mais il se passait quelque chose près de sa cabine.

Elle sortit et se dirigea vers l'origine des bruits étouffés. Un détraqueur était là, penché sur un élève. Elle s'apprêtait à intervenir quand elle fut aveuglée par un éclair de lumière qui repoussa la créature hors de la cabine et la força à faire de même. Un patronus. Elle se recula jusqu'à la vitre du couloir pour laisser passer celui ou celle qui avait lancé le sortilège. Elle ne put rouvrir les yeux que lorsqu'il l'eut dépassée pour jeter le monstre dehors.

Ce n'est qu'alors que les lumières se rallumèrent, à l'instant où tous les détraqueurs sortirent du wagon. Elle se dirigea vers le compartiment et s'agenouilla près de l'élève. Elle hésita quand elle se rendit compte que c'était Harry Potter, mais l'inspecta rapidement. Il était sonné, mais il n'allait pas tarder à se réveiller.

« Miss Granger, » dit-elle en faisant glisser le jeune homme en position allongée. « Que s'est-il passé ?

- Je ne sais pas, professeur. Toutes les lumières se sont éteintes et… Harry s'est tendu, d'un seul coup, jusqu'à ce que le professeur Lupin lance ce sortilège.

- Le professeur… »

Elle se figea et suspendit ses gestes. Des sueurs froides parcoururent son dos et elle dût se forcer à se calmer pour terminer d'étendre le garçon. Elle lui lança un regard rapide – il ressemble tellement à son père, et se releva en demandant à ses deux amis de veiller sur lui jusqu'à ce qu'elle revienne. Machinalement et sans même y prêter attention, elle sortit de la cabine et se dirigea vers le professeur Lupin d'un pas hésitant. L'homme discutait avec un des contrôleurs du train et expliquait ce qui s'était passé. Ce fut ce dernier qui la repéra en premier et lui demanda d'approcher.

« Vous avez assisté à l'incident, madame ?

- J'ai assisté à l'arrivée des détraqueurs, si c'est la question que vous me posez, » répondit-elle d'une voix légèrement rauque. Elle vit l'homme se tendre en l'entendant. « Je crains de ne pas pouvoir être plus précise que le professeur Lupin.

- Bien, si quelque chose vous revient, venez me trouver. Je vais faire un rapport au directeur. »

Le contrôleur s'éloigna, visiblement agacé de la tournure des évènements. Elle resta immobile, incapable de tourner les yeux vers son nouveau collègue. Et son ancien ami. Ami… Ce fut lui qui craqua en premier. Il pivota vers elle et l'observa autant qu'elle le fit. Il avait à la fois peu et beaucoup changé depuis l'époque où elle l'avait connu. Il avait vieilli, bien sûr, et c'était peut-être ce qui la marqua le plus dans sa physionomie. Il avait l'air épuisé, moralement et physiquement, et quelques cheveux gris parsemaient ses cheveux châtains. Mais en dehors de son allure générale, plus proche du dénuement que de l'aisance, il ressemblait toujours à l'homme qu'elle avait connu. Toujours charmant, derrière sa tristesse et ses rides. Toujours le même. Il parut plusieurs fois sur le point de dire quelque chose mais ce fut elle qui rompit le silence.

« Remus. Ça fait longtemps.

- Très longtemps. Je… Tu n'as pas changé.

- Je ne peux pas dire de même de toi, » lâcha-t-elle, plus rude qu'elle ne l'avait voulu. Il s'assombrit. « Professeur, alors. On n'a pas jugé bon de me prévenir de ton arrivée.

- C'est… Assez nouveau. Dumbledore est venu me trouver pour me proposer le poste. Je savais que tu serais là mais… Je pensais te voir à l'école, pas dans ces conditions. »

Il était mal à l'aise, c'était évident mais elle n'en avait absolument rien à faire. Tant pis pour toi. Elle lui fit face quelques instants avant de se retourner pour rejoindre le compartiment de Potter. Elle avait beau éviter autant que possible de le fréquenter, elle ne pouvait pas laisser un élève seul alors qu'il était pris d'un malaise. Elle s'attendait à ce que Remus la suive mais il ne fit pas un mouvement jusqu'à ce qu'elle s'écarte suffisamment pour qu'il ne puisse plus soutenir son regard. Il la rattrapa par le bras. Elle s'arrêta et tourna les yeux vers lui.

« Veg…

- Eva. Et ce sera professeur Orgall, à partir de maintenant.

- Bien, » soupira-t-il. « Je vois.

- Tant mieux. Maintenant si vous voulez bien me laisser aller voir mon élève… »

Elle se défit de sa prise et continua son chemin. Elle sentit son regard peser sur son dos mais elle se verrouilla à la tristesse qu'il lui inspira. Le temps avait passé et elle avait espéré qu'il avait aussi pansé ses plaies. Ce n'était visiblement pas le cas et elle ne pouvait pas le supporter. Elle poussa la porte pour voir Harry encore étendu, apparemment perdu. Elle s'approcha et s'assit près de lui. Il lui adressa un regard inquiet. Elle se retint de fixer sa cicatrice, comme à chaque fois qu'elle devait lui faire face, et vérifia qu'il ne s'était pas blessé dans l'attaque. En dehors des possibles dégâts psychologiques, tout avait l'air d'aller. Elle lui sourit, pauvre tentative de le rassurer, et l'empêcha de se redresser trop vite.

« Doucement, doucement. Comment vous sentez-vous ?

- Je… Qu'est ce que c'était que cette chose ?

- Un détraqueur. C'était l'un des détraqueurs d'Azkaban. Il est parti, maintenant.

- Professeur Orgall ? Si je puis me permettre… »

Lupin entra et sortit de sa poche une barre de chocolat qu'il brisa en deux morceaux. Il en tendit un au jeune homme qui le saisit, confus. Elle se releva, raide, et le laissa s'approcher de Potter. Il n'avait pas l'air touché par sa rencontre, il ne souriait que par politesse – apparemment, du moins. Elle resta dans l'encadrement de la porte tandis qu'il expliquait rapidement aux trois élèves ce que faisaient ces créatures dans le train. Sirius Black. Evidemment. Elle se mordit la lèvre inférieure. Les choses étaient de plus en plus difficiles, avec lui. Il fallait qu'elle se retienne de réagir à sa mention. On ne parlait plus tellement de lui, ces derniers temps. Jusqu'à, évidemment, son évasion inexpliquée. Enfin, inexpliquée… Elle surprit le regard d'Hermione Granger sur elle. La jeune fille se détourna immédiatement. Il allait falloir faire des efforts, si elle voulait continuer à passer inaperçue. Une nouvelle identité n'était pas suffisante pour évacuer les soupçons. Elle se décala pour laisser sortir son collègue et se fendit d'un sourire.

« Mangez. Ça vous fera du bien, » lui ordonna-t-elle. « Temporairement, mais ça vous fera du bien.

- Professeur, attendez. Est-ce que… Vous avez entendu un cri ? Est-ce que c'était dans le train ?

- Je n'ai rien entendu, monsieur Potter. Reposez-vous. Si vous avez le moindre problème, je ne serai pas loin. »

Elle hocha la tête et sortit. Son cœur se serra en imaginant qui avait pu crier. La réponse était trop évidente pour qu'elle l'ignorât. Elle se dirigea vers son propre compartiment et évita précautionneusement de croiser Lupin sur la route. Une quantité astronomique d'élèves était sortie dans le couloir, piaillant et braillant à tous vas. Ils étaient sans doute à la fois curieux et inquiets – ce qu'elle pouvait comprendre. Elle employa tout ce qu'elle possédait de patience pour les faire rentrer dans leurs cabines, aidée par les dernières années visiblement tout aussi secoués que les autres. Elle les remercia brièvement et les enjoignit à faire de même. Le calme revint progressivement dans le wagon et le trajet se termina sans encombres. Comme à l'ordinaire, les professeurs sortirent avant les élèves et elle fut une des premières à fouler le sol de Poudlard. Le poids qui s'était accumulé sur sa poitrine pendant le voyage se dispersa et il lui sembla qu'elle respirait mieux. L'école avait cet effet là, sur elle elle avait été le lieu des plus belles années de sa vie et elle les lui rappelait à chaque fois qu'elle s'en approchait. Elle laissa ses valises sur le côté et rejoignit une des calèches qui devaient emmener tout ce beau monde jusqu'au château. Elle s'y assit, bientôt rejointe par d'autres professeurs.

La nuit était tombée depuis peu et la Lune éclairait d'une lumière vive le chemin qui serpentait du quai de gare jusqu'à l'école à proprement parler. Elle répondit distraitement aux questions de ses collègues, les yeux fixés vers les bâtiments. Bien plus que la demeure qu'elle occupait à Londres, c'était ça, sa maison. Et elle n'aurait pas pu être plus heureuse de retourner chez elle… Si seulement il n'y avait pas Remus, Sirius et tous les souvenirs qui allaient avec.

Elle passa rapidement par sa chambre pour se changer et enfiler sa robe de sorcière par dessus sa chemise et sa jupe sombre. Elle rectifia son allure et se dirigea vers la Grande Salle pour prendre place entre le professeur McGonagall et Rogue. Elle n'était pas la dernière, mais il en aurait fallu de peu pour que ce soit le cas. Les choristes s'installaient à l'autre bout de la pièce et les élèves entraient progressivement, niveau par niveau. Elle balaya la salle du regard et tourna la tête vers sa voisine – et amie, la directrice de la maison Gryffondor. Autrefois la sienne. Elle lui sourit et lui glissa quelques mots avant qu'elle n'ait à quitter la table. Elle fronça les sourcils, sans comprendre pourquoi ce n'était pas elle qui s'occupait des nouveaux cette année. Elle se promis de le lui demander et observa les rangs se remplir. Quelle première impression, pensa-t-elle. Des détraqueurs à Poudlard, c'était suffisamment marquant pour que ça ne s'oublie pas comme ça. Une fois la cérémonie de répartition terminée et les chants, dirigés par le professeur Flitwick, évacués, le directeur se releva et s'approcha de son pupitre. Les applaudissements se turent et toute la salle, elle comprise, se tut pour l'écouter. Non loin, elle entendit la chaise de Lupin racler le sol. Lui, par contre, était en retard.

« Bienvenue ! Bienvenue pour une nouvelle année à Poudlard. Quelques mots avant que nous profitions tous de ce festin. J'ai, personnellement, hâte de goûter aux coupes de kiwi flambé qui, bien que traîtres pour tous ceux qui possèdent une barbe… » McGonagall, de retour près d'elle, s'éclaircit la gorge et fixa Dumbledore d'un air entendu. Eva se retint de rire. « Oh, oui, tout d'abord, j'ai la joie d'accueillir parmi nous le professeur R.J Lupin qui a consenti à récupérer le poste vacant de Défense Contre les Forces du Mal. Bonne chance, professeur. »

Elle applaudit par politesse, mais ses mains n'émirent qu'un son à peine audible tant elle n'y mit aucune volonté. Elle ne laissa pas le regard insistant de sa collègue la troubler et elle laissa ses mains retomber sur ses jambes sans une once de culpabilité. De toute façon, il ne s'était probablement pas rendu compte. Même si c'était le cas, je n'en aurais rien eu à faire. Elle se redressa en attendant la suite du discours, regardant droit devant elle pour ne pas avoir à apercevoir ses yeux peut-être tournés vers elle.

« Comme certains d'entre vous le savent, le professeur Brûlopot, notre enseignant en Soin des Créatures Magiques depuis de nombreuses années, a décidé de se retirer pour profiter des derniers membres qui lui restent. Mais je suis heureux de vous annoncer que son poste a été récupéré par nul autre que notre cher Rubeus Hagrid ! » Le géant se releva et, maladroit, renversa plusieurs verres avant de se rasseoir, confus. Elle lui adressa un sourire rassurant. « Pour finir sur une note moins joyeuse, Poudlard accueillera, sur ordre du Ministère de la Magie, des détraqueurs d'Azkaban. Ils sont postés à chaque entrée du domaine et, bien qu'ils aient reçu l'ordre de ne jamais entrer, vous pourrez les croiser lors de vos déplacements. »

Sa voix avait pris une tonalité plus grave, plus solennelle. Elle savait que Dumbledore ne pouvait pas apprécier l'idée de devoir supporter ces créatures sous le toit de son école, si proches de ses élèves et, surtout, de Potter. L'idée ne la réjouissait pas plus que lui, d'autant plus qu'ils avaient autant de raison de la poursuivre elle que de le poursuivre lui. Elle frissonna à cette idée et elle sentit la main du professeur McGonagall effleurer la sienne, l'air de rien. Elle sourit faiblement. Bien sûr. Elle voulait la rassurer. Si seulement c'était aussi simple. Elle jeta un œil aux alentours et croisa le regard courroucé de Rogue. Il l'observa avec colère et un certain amusement pervers. Il désigna Lupin près de lui et son sourire cruel s'agrandit. Un jour, je te jure que je te ferai avaler un philtre de Mort Vivante. Elle releva le menton, l'air dédaigneux et revint à la salle. Elle aperçut Malefoy éclater de rire après avoir singer l'évanouissement et Weasley lui adresser un regard méprisant. Des querelles d'adolescents. Enfin, c'était ce genre de querelles qui avaient fait d'elle et de Rogue des ennemis héréditaires.

« Je dois cependant vous prévenir. Un détraqueur ne se laisse pas berner par la ruse ou par des déguisements. Je vous conseille donc de ne pas leur donner de raison de vous faire du mal. Il n'est pas dans la nature d'un détraqueur d'être indulgent. » Un silence pesant s'ensuivit, jusqu'à ce que le directeur se mette à sourire et tape dans ses mains. « Bien, je crois avoir tout dit. Que le festin commence ! »

Les plats, les assiettes et les verres se remplirent et le ballet des couverts et des rires commença. Elle se servit rapidement, avant qu'Hagrid ne dévore tout ce qui lui passerait sous les yeux. Tout était délicieux, évidemment – ce n'était pas pour rien qu'elle avait presque pris trois kilos lors de sa première année en tant qu'enseignante. Elle avait depuis appris à faire un peu plus attention aux quantités qu'elle se servait, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de goûter à tout. La gourmandise devait surement apparaître au compte de ses péchés et ce n'était pas vraiment le plus important. Elle saisit son verre rempli de vin et le porta à ses lèvres en observant la tablée des Gryffondors. Potter mangeait avec appétit, ce qui la rassura sur son état. Il devait être fatigué, mais il n'avait pas l'air en mauvaise forme. En tout cas pour quelqu'un qui s'était fait attaqué par un détraqueur quelques heures plus tôt. Elle aurait pu essayer d'attirer son attention, de croiser son regard. Oui, elle aurait pu. Mais elle ne le devait pas. Elle avait promis à Dumbledore de rester à l'écart du jeune homme, autant qu'humainement et professionnellement possible. Elle ne devait pas interférer dans la vie du garçon. Et pourtant Dieu qu'elle avait eu envie de venir vers lui durant la première année qu'il avait passé à Poudlard ! Elle soupira sans y prendre garde.

« Eva, tout va bien ? » s'enquit McGonagall près d'elle. « Vous avez l'air préoccupée.

- Tout va bien, professeur. Je vous remercie.

- Vraiment ?

- Oui, bien sûr. » Elle fit une pause et abandonna. Elle se mit à parler plus bas. « Vous ne m'aviez pas avertie que Remus allait reprendre le poste.

- En effet. Et volontairement. Je savais comment vous réagiriez et je ne désirais pas que vous vous braquiez. Enfin, visiblement c'est trop tard. »

Comme une enfant vexée, Eva se tut et se concentra sur son assiette. Elle devait beaucoup à sa collègue – bien qu'elle la considère comme beaucoup plus que ça. Elle l'avait aidée à une période où personne ne l'avait fait, où personne ne l'avait pu, et elle la connaissait très bien. Sans doute mieux que personne… Excepté peut-être Lupin, malgré toute la mauvaise volonté qu'elle mettait à le reconnaître. Cela ne servait à rien de nier avec elle, et encore moins d'insister. Mieux valait-il se taire et consentir muettement, sa fierté en souffrait moins. Elle tourna les yeux vers ledit nouveau professeur et le détailla à la dérobée. Au milieu des robes de sorciers lustrées et quasiment neuves, sa tenue passait pour miteuse et pathétique. Il avait beau jamais n'avoir jamais été quelqu'un de joyeux et d'enthousiaste, il lui semblait qu'il avait perdu le peu d'entrain qu'il lui restait et qu'il n'était plus qu'une coquille vide, malade et épuisée. Quelque part, il lui faisait pitié. Il était le reflet de ce qu'elle avait été, des années plus tôt. Sauf qu'elle avait su se relever, avec toute l'aide que Minerva McGonagall avait pu lui apporter. Pas lui. Elle revint vers elle et désigna les tables devant eux.

« Où êtes-vous allée, tout à l'heure ?

- J'ai fait appelé madame Pomfresh pour vérifier que Potter allait aussi bien qu'il le prétendait. Le professeur Lupin m'avait fait parvenir un hibou en urgence pour m'avertir de l'attaque, » expliqua-t-elle d'une voix calme. « Miss Granger avait quelques problèmes d'emploi du temps et j'en ai profité pour les régler.

- Je vois. Professeur, avec les évènements d'Azkaban et Black qui rôde, pensez-vous que je doive…

- Non, Eva. Restez à l'écart de tout cela. Vous en mêlez et mêler par la même le garçon à cette histoire n'apportera rien de bon. »

Elle lâcha un soupir mais acquiesça. Elle ne savait pas ce qu'elle avait cru, mais elle avait cru mal. Evidemment qu'elle n'allait pas bénir son idée. Elle était stupide. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de vouloir dire la vérité au jeune homme. Elle avait été réticente, bien sûr, à l'idée de se cacher de lui, mais ça avait été la condition sine qua non de son embauche. Ça et sa nouvelle identité, bien sûr. Même si Rogue n'avait pas tardé à la mettre en péril en menaçant un nombre incalculable de fois de révéler qui elle était réellement au Conseil d'administration. Elle ne devait son anonymat qu'à Dumbledore – évidemment. Et à l'influence qu'il parvenait à avoir sur son collègue favori. Il était hors de question qu'elle réduise ses efforts à néant en tendant la main à son… Non, n'y pense pas. C'est inutile. Elle sourit à Minerva, histoire de la rassurer et de ne pas l'inquiéter outre mesure. Elle avait déjà fait le plus gros – ça faisait douze ans qu'elle se tenait à l'écart d'Harry. Elle pouvait très bien continuer. Et elle continuerait.

Lorsque le festin fut terminé, elle fit un écart pour féliciter Hagrid et le laissa à la joie de ses élèves – du trio infernal de Gryffondor, surtout. Elle leur lança un regard de loin, se rappelant vaguement l'époque où elle faisait elle aussi partie d'un groupe infernal. Elle disparut derrière des arcades et grimpa jusqu'à sa chambre. Elle était propre, mais minimaliste et quelque peu froide. Elle alluma rapidement un feu d'un coup de baguette et sortit ses affaires de ses malles posées là. Elle avait évidemment amené sa vieille écharpe or et pourpre – elle avait toujours été fan de Quidditch, même si elle était une joueuse assez médiocre. Et elle soutenait toujours sa maison de cœur. Elle sourit et sortit un vieux cadre rempli de tout aussi vieilles photos. Elle les observa un instant avant de le poser près de la tête de son lit. Une nouvelle année qui commençait. Elle pria silencieusement que les choses se passent mieux que les deux précédentes. Un pieux rêve, lâcha-t-elle en s'affalant sur ses draps. Elle ferma les yeux quelques instants et son sourire revint. Elle était chez elle.