Chris venait de finir sa journée hebdomadaire de tournage. Cette journée avait été d'autant plus éprouvante qu'ils tournaient actuellement dans un petit studio sans air où la température avoisinait les 30°. Assis sur un petit tabouret dans sa loge, il enlevait les dernières traces de fond de teint qu'il devait porter à cause des projecteurs. Il observa une dernière fois son reflet dans le miroir : il avait le teint très pâle et les traits tirés, ce qui faisait ressortir ses yeux d'un bleu profond. Il dormait très mal ces derniers temps, et les harassantes journées de tournages n'arrangeaient rien.
Il se leva, se débarrassa des vêtements hors de prix de Kurt, et récupéra son jeans et son tee shirt, non sans soulagement. Les habilleuses adoraient habiller Chris comme s'il était une géante, mais porter un pull hors de prix par une pareille température était un supplice.
Quelqu'un toqua timidement à la porte.
« Entrez », répondit Chris en récupérant les derniers effets personnels qui trainaient sur la table.
Amber s'exécuta, un grand sourire sur les lèvres. Voir son amie aussi enjouée après plus de 8h de tournage ne manquait pas d'impressionner Chris. Elle s'assit sur une des chaises et l'observa ranger minutieusement sa loge.
« Ca y est c'est enfin le week end ! » s'exclama t-elle en s'étirant de tout son long.
Quelques os craquèrent et Chris grimaça.
« - Qu'as-tu prévu de beau ce Week End ? demanda t-elle, toujours aussi souriante
- Je vais repasser dans mon petit appartement récupérer quelques affaires et après je retourne chez moi. Ma famille me manque, avoua t-il à mi-mot.
- Dommage que tu ne restes pas, Jenna, Mark, Léa et moi, on comptait aller au Coconut's, une boite qui vient d'ouvrir. »
Il se tourna vers elle et la gratifia d'un sourire remplit de regret.
« Une prochaine peut être ? De toute manière, le Week end prochain, on s'envole visiter Paris ».
Le regard d'Amber s'illumina, comme une enfant qui découvre ses cadeaux de Noël.
« Ca me parait si loin encore… » Soupira t-elle en pianotant sur son téléphone.
Elle se leva quelques minutes plus tard et serra Chris dans ses bras avant de s'éclipser. Chris savait qu'Amber voyait quelqu'un depuis plusieurs semaines, et rien ne l'emplissait plus de joie que de voir son amie heureuse.
Il récupéra son sac, prit son téléphone qui était presque déchargé et sortit de sa loge. Il souhaita un bon week end à toute l'équipe et sortit sous le soleil brûlant de Californie. Le vent frais rafraichissait sa peau en sueur et faisait onduler sa mèche. Il s'introduisit dans son véhicule, mit la climatisation à fond et posa ses lunettes de soleil sur le nez.
Il sortit des parkings privés du studio et s'engagea sur la nationale. Après quelques kilomètres, il prit une petite route qu'il aimait emprunter en raison de la fluidité du trafic.
Il remarqua après plusieurs minutes de route un véhicule garé sur le bas coté, les warnings enclenchés. Chris ne s'y connaissait pas en mécanique, mais était toujours prêt à rendre service. Il se gara devant le véhicule et sortit.
Une femme était assise contre la portière passagère. Elle devait avoir la trentaine et paraissait fortement mal en point. Elle avait de longs cheveux d'un noir de jais qui lui cachait le visage. Chris hésita un instant, puis s'agenouilla à côté d'elle. D'une main hésitante, il tapota l'épaule de la femme.
« Ca va aller ? »
La femme se tourna vers lui, assez surprise. Elle avait le visage d'un blanc de craie et des yeux noisette profonds aussi perçants que ceux d'un aigle.
« - Je… J'ai fait un malaise… Mon mari est parti me chercher un peu d'eau, murmura t-elle en montrant du doigt la lisière de la forêt qui se dessinait à une centaine de mètres.
- Si vous voulez, je peux rester avec vous jusqu'à son retour, proposa Chris qui était sincèrement inquiet. »
Chris lut une peur indescriptible naitre dans les yeux de la femme, qui se plissèrent avant de laisser échapper un torrent de larmes.
« Excusez moi, mais ca fait 30 minutes que mon mari est parti et… Je m'inquiète un peu, il a de graves problèmes de santé et… Il s'est peut être perdu… »
Un sanglot étouffé l'empêcha de finir sa phrase. Elle replia les jambes sous son menton et posa son front contre les genoux. Chris avait le cœur brisé en voyant toute la détresse et la peur qui émanait de ce corps recroquevillé. Il jeta un coup d'œil en direction de la forêt.
« Je vais allez voir où est votre mari, madame »
Il se leva et se dirigea d'un pas rapide vers le sous bois, avant de s'y enfoncer. Un silence de mort y régnait, comme si les oiseaux retenaient leurs souffles. Un fort sentiment d'appréhension s'imposa crescendo en lui. Après quelques minutes de marche, il s'arrêta car il avait l'impression que quelque chose clochait.
Pourquoi l'homme était il parti dans les bois, laissant sa femme sous un soleil de plomb et mal en point, alors que la prochaine ville ne se trouvait qu'à 10 minutes ? Comment pouvait-il savoir qu'il trouverait de l'eau ici ?
Chris fut tenté de faire demi-tour puis se souvint du visage décomposé de la femme et peur suintante de ce corps secoués de sanglots. Il était partagé… peut être ferait il mieux d'appeler la police ?
Un craquement retentit dans le bois, comme un coup de fusil. Chris regarda en direction de l'origine du son. Il vit une silhouette se déplacer à vive allure. Il se mit à suivre l'ombre et ses doutes se dissipèrent dans la course. Cette dernière disparue au détour d'un bosquet d'arbre. Le pressentiment de Chris revint avec plus de vigueur : pourquoi l'homme cherchait il à fuir ?
« Monsieur je ne vous veux aucun mal, votre femme s'inquiète » cria t-il.
Il s'arrêta au détour du bosquet, complètement essoufflé. Il posa les mains sur les cuisses pour reprendre son souffle et faire disparaitre le point de côté qui venait de se former, lorsque qu'il sentit un objet entrer en collision avec son épaule droite. Grimaçant de douleur, il esquissa un mouvement du côté et se retourna, faisant face à un homme muni d'une batte de base ball. Il était un peu plus grand que Chris, très épais, vêtu d'un tee shirt et d'un short. Son visage portait clairement les stigmates de l'animosité. Chris n'eut guère le temps de réfléchir, qu'un deuxième coup le heurta de nouveau à l'épaule droite qui craqua légèrement sous le choc. Il tomba à genoux et ses yeux se remplirent de larmes.
Il eut juste le temps de voir une dernière fois le bleu du ciel déchiré par les branches des arbres, avant qu'un coup sur la tête ne le plonge dans l'inconscience.
