Je suis née en 1955, je suis la cadette de ma famille. Quand j'étais petite, ma mère ne s'occupait pas beaucoup de moi. Elle avait déjà suffisamment de tâches à faire pour entretenir la maison familiale. Druella me chicanais souvent, car je ne me comportais pas convenablement selon elle. J'étais trop naïve. Elle ne s'intéressait pas plus à mes deux sœurs, Bellatrix et Andromeda. Bellatrix avait toujours été froide et colérique. À dix ans, elle me tirait les cheveux si fort qu'elle m'en arrachait des poignées, j'avais alors six ans. Elle a toujours cru en l'importance de préserver le sang pur dans notre famille. Elle n'avait jamais été belle avec ses paupières tombantes. Je crois qu'elle était jalouse, mais je ne le saurai jamais puisqu'elle est morte.
Andromeda, elle, était très affectueuse. Elle avait deux ans de plus que moi et avais appris à lire très jeune. Au moins deux fois par semaine, elle me racontait une histoire pour m'aider à m'endormir. La plupart du temps, je lui demandais de me raconter l'histoire de la fontaine de la bonne fortune. C'était mon conte préféré tiré des Contes de Beddle le Barde. Nous avions une très belle complicité. Plus vieilles, nous jouions à la bataille explosive et aux échecs version sorcier. Je lui confiais mes angoisses. Quand elle est entrée à Poudlard, je lui envoyais des lettres à chaque semaine. Nous nous tenions informées l'une de l'autre.
En 1966, lorsque je suis allée sur le quai 9 ¾ pour la première fois en tant qu'étudiante, elle était à mes côtés, m'encourageant et diminuant mon angoisse de la répartition. J'ai bien sûr été envoyée à Serpentard. Je crois que c'est à partir de ce moment que j'ai commencé à perdre mon innocence. Au contact de mes pairs, j'ai remarqué qu'ils semblaient presque tous considérer les sang-purs comme une race d'élite. Moi, je n'avais jamais tenu de tels propos de ma vie, bien que mes parents et Bellatrix y croyaient fermement. Les autres serpentard me respectaient, certes, car je répondais à leurs critères, mais je ne me sentais pas acceptée. La solution est alors devenue une évidence pour moi. Je devais afficher ma noblesse dans mon attitude et mon discours. D'abord, j'ai commencé par approuver leurs dires. Peu à peu, je me suis créé une façade hautaine. Jamais je n'affichais d'émotions négatives. J'étais douée à l'école, particulièrement en sortilèges et en métamorphose, ce qui me valait une réputation envieuse. J'avais quelques amies, qui se savaient choyées de se compter parmi les élues. Je marchais d'une démarche droite et digne et ma beauté suscitaient l'envie de bien des filles de ma maison et l'admiration de la gente masculine. J'étais devenue froide et inaccessible, mais j'avais maintenant fait ma place au sein des serpentards.
J'ai commencé à m'intéresser aux garçons vers l'âge de quatorze ans. Cependant, j'étais d'abord et avant tout une fière représentante de la famille Black. Si je me mariais un jour, ce serait avec un sang-pur. Je ne voulais pas vivre dans la misère ou déshonorer ma famille. Bien que mes parents ne se souciaient que très peu de moi depuis mon enfance, je désirais leur faire honneur. Andromeda ne cessait d'ailleurs pas de me dire que j'avais changé. Elle se souciait de leur plaire, oui, mais elle ne méprisait aucun sang-mêlé ou sang-de-bourbe. Elle considérait que chaque personne avait le droit de faire ses preuves. Ma relation s'est d'ailleurs beaucoup détériorée avec elle au cours de ma scolarité. Suite à mes BUSE, j'avais décidé de devenir médicomage, que je jugeais un poste suffisamment digne pour une fille de bonne famille. J'ai rencontré Lucius à cette époque. Beau, charismatique, sang pur et bien nanti, il était l'idéal que je m'étais faite du bon mari. J'ai commencé à le côtoyer réellement l'année suivante. Il était charmant avec moi et il m'a tout de suite plu par son attitude inaccessible. Nous sommes devenus amis alors qu'il était en septième année. Ayant les mêmes valeurs, nous nous sommes tout de suite bien entendus et avons développé une bonne complicité.
Ma mère m'a annoncé qu'elle avait arrangé un mariage pour moi à ma sortie de Poudlard. Au début, j'ai paniqué, me disant que je ne serais pas heureuse en sortant avec quelqu'un que je ne connaissais pas. Elle m'a informée, quelques semaines plus tard que je me marierais au fils d'Abraxas Malfoy, en l'occurrence Lucius. À l'époque, je n'ai pas pu retenir un soupir de soulagement. J'avais gardé contact avec Lucius. Nous communiquions par hibou depuis qu'il avait complété sa scolarité. Il avait un poste fixe au ministère. Son père lui léguerait probablement le manoir et irait vivre dans l'une de ses nombreuses maisons secondaires. Il lui donnerait d'ailleurs une bonne partie de son argent. C'était du moins ce que Lucius prétendait. Lucius était un sang pur en plus d'être un apollon. C'était le parti parfait et je serais heureuse d'être sa femme. Je ferais tout pour être à la hauteur de ses attentes.
Vers le milieu de cet été là, je rencontrai Lucius officiellement avec ma famille et la sienne. Un somptueux souper fut organisé au manoir Malfoy. Cet endroit était majestueux avec ses lustres, ses vastes pièces et sa décoration luxueuse. Il y avait même un jardin taillé à la française à l'arrière. La table de la cuisine était en marbre blanc. Mr et Mme Malfoy avait des manières distinguées. Ils les avaient poliment invités à entrer. Toute la soirée, les deux familles avaient discuté du mariage à venir. Ils planifiaient le lieu, le financement, les plats, sans que moi et Lucius, les deux principaux intéressés, aient un mot à dire sur cela. À vrai dire, je ne me souciais guère de ce qu'ils disaient, trop plongée dans ma conversation avec mon futur époux. Nous parlions de tout et de rien, de notre avenir ensemble, de nos projets de carrière, de nos idéaux. Lorsqu'il fut le temps de partir, j'étais déçue que la soirée ait passée si vite. Ma mère m'a dit que notre mariage serait fixé à l'été suivant, en 1974.
Quelques jours plus tard, un hibou grand duc arriva chez moi avec une lettre de Lucius où figurait une invitation à souper avec lui. J'ai accepté et m'y suis rendue le surlendemain. Durant ce souper ainsi que les diverses sorties qui suivirent, j'ai appris à connaître l'homme derrière la façade. Un homme ayant certes des valeurs de pureté de sang, mais aussi étant ambitieux, charismatique et attentionné. Un an passa ainsi, avec des rendez-vous de plus en plus fréquents. Au fil du temps, nous avons appris à avoir confiance l'un en l'autre. J'ai commencé à compter les jours avant mon mariage. J'avais hâte d'être mariée à cet homme que j'aimais désormais plus que moi-même. Il était si beau ! Quand nos lèvres se posaient l'une sur l'autre, j'avais des frissons qui me parcouraient l'échine. Quand il m'enserrait entre ses bras puissants, j'avais des idées indécentes à l'esprit. J'aurais voulu le toucher davantage, lui arracher ses vêtements et l'embrasser passionnément. C'est d'ailleurs pour cela que je comptais les jours, je ne voulais pas contrevenir aux convenances.
En avril 1974, un grand malheur s'abattit sur ma famille. C'était pire que la maladie d'un proche, notre ligne généalogique avait été entachée. Ma sœur était tombée amoureuse d'un sang-de-bourbe. Pire encore, elle avait décidé de l'épouser. Notre sang était devenu sale. Mes parents et ma tante lui avaient fait un sermon extrêmement long sur l'importance des sang purs, mais elle avais transplané. Le lendemain, elle était revenue à la maison pour dire à maman qu'elle ferait ce qu'elle voulais et que personne ne l'empêcherait de marier l'homme qu'elle aimait, quitte à perdre l'amour de toute la famille. Maman avait crié comme une folle, ma sœur aussi. Elle était sortie de la cuisine où ils étaient enfermés, m'avait fait un sourire triste et était partie. Je ne l'avais jamais revue et plus personne n'a parlé d'elle depuis. Le mois suivant, maman et ma tante avaient brûlé son nom de la tapisserie familiale. Tous l'avaient renié, moi incluse.
Pire que la trahison de ma sœur, j'avais peur que les Malfoy annulent notre mariage, car notre lignée était salie. La vermine s'était infiltrée dans l'une des plus vieilles lignées de sang purs encore vivants. Je ne pouvais pas imaginer que nos parents rompent leur accord, encore moins de vivre sans Lucius. Ça aurait été insupportable. Lucius, l'homme de ma vie, je lui étais destinée et personne ne nous écarterait l'un de l'autre !
