Disclaimer : aucun des personnages ni situation ne m'appartiennent, l'auteur de Haikyū! est Haruichi Furudate, et le manga a été magnifiquement transposé en anime par le studio I G.
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Un petit two-shot sans prétention, parce que je découvre cet anime et qu'il est plein de couples potentiels géniaux, donc je vais plutôt faire des histoires courtes qu'une grande histoire.
Et je démarre par eux parce que : 1 - Yamaguchi is the best et 2 - le monde a besoin de Yamaguchi avec des oreilles de chat.
Partie 1 - Tsukishima
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Tsukishima Kei et son meilleur ami, Yamaguchi Tadashi, trompaient leur ennui en flânant dans les allées d'une supérette. Ils passaient une bonne partie de leur temps libre au club de volley-ball, et Yamaguchi y ajoutait encore son propre entrainement aux services, tard le soir. Et ils consacraient le temps restant des week-ends à leur travail scolaire. Aussi ils s'étaient retrouvé un peu désœuvrés, un après-midi où les cours avaient été annulés, avant de revenir au lycée Karasuno pour l'entrainement.
Se retrouvant ainsi libres, il ne leur était pas venu à l'idée, ni à l'un ni à l'autre, de rentrer chez eux chacun de leur coté. Leur petite ville manquait de distractions, mais ça faisaient des années qu'ils trainaient ensemble et ne se posaient plus la question depuis longtemps. A défaut d'être intéressant, leur environnement finirait bien par leur procurer quelques sujets sur lesquels Tsukki pourrait lâcher quelques piques assassines, sous les gloussements approbateurs de Yamaguchi, son public attitré.
Pour l'instant, il feuilletait quelques magazines, son habituelle moue dédaigneuse sur le visage. Tsukishima n'était pas un garçon aimable. Il pouvait plaire, pour ceux prêt à passer outre sa personnalité horrible, généralement par attirance pour son beau visage fier, encadré de sévères lunettes aux montures noires, et son physique d'athlète. Âgé d'à peine plus de quinze ans, il faisait déjà 188,3 cm, et la pratique quotidienne du sport l'avait puissamment musclé. Oui, il avait des admirateurs, et surtout des admiratrices... qui le contemplaient de loin, vite échaudées. Leurs tentatives de se rapprocher de Tsukishima se soldaient généralement par un vent magistral, ou une remarque assassine. Il n'y avait que très peu de ses contemporains qu'il ne considérait pas comme des imbéciles au mieux ridicules, au pire pathétiques, et jamais encore il n'avait laissé qui que soit devenir proche de lui.
A part Yamaguchi, bien sûr. Mais lui, c'était différent. Ce n'était même pas vraiment un ami. C'était un mélange d'ami d'enfance - ils se connaissaient depuis l'école primaire -, de fanboy prêt à le défendre contre tout et tout le monde, de bras droit capable d'anticiper le moindre de ses désirs, et de chien à deux pattes toujours heureux de recevoir un peu d'attention. Son seul inconvénient, c'était d'être un peu lourd. Non, très lourd. Il était le seul à avoir le droit de rebaptiser Tsukishima du surnom de Tsukki, et le blond avait une fois calculé qu'il entendait ce mot entre 300 et 1200 fois par jour. Bref, obéissant, loyal, incroyablement gentil, mais très bruyant. Quand Tsukki voulait être tranquille, il mettait son casque de musique et s'isolait ainsi, sans avoir à se soucier de s'expliquer. Il savait que Yamaguchi attendrait qu'il soit à nouveau d'humeur à parler, sans pour autant perdre son sourire.
D'ailleurs, ça faisait un bon moment qu'il n'avait pas entendu de "Tsukki !", ni senti de présence patientant derrière son épaule, signe que Yamaguchi s'était éloigné sans prévenir. Ce qui était assez rare pour que Tsukishima, mécaniquement, pose son magazine et aille voir ce qui lui arrivait.
Au moins son ami n'était pas difficile à dénicher. 179,5 cm, sans oublier l'invraisemblable épi noir qui se dressait en permanence sur sa tête comme une antenne, inutile de dire qu'il n'y avait généralement que Tsukki lui-même qui puisse le regarder de haut. Quelle que soit la foule qui l'entourait, il se repérait de loin - sauf lors des rencontres de volleyball où il se fondait dans la masse des grandes perches composant majoritairement les équipes. Ce qui n'expliquait pas ce qu'il faisait au rayon des produits de beauté, apparemment très concentré sur une étiquette.
"Yamaguchi." lâcha sobrement Tsukishima. Immédiatement, le brun se figea dans une sorte de garde-à-vous, reposa la boite qu'il tenait et se précipita vers son ami en s'exclamant :
— Ah, désolé, Tsukki ! Je regardais juste un truc...
— Au rayon produits de beauté ?
— Ben...
Gêné, Yamaguchi regardait le sol, tout en se frottant la nuque. Hésitant entre l'indifférence - après tout, qu'est-ce qu'il en avait à faire de ce qui pouvait bien passer par la tête de Yamaguchi - et l'agacement - depuis quand Yamaguchi se permettait de le mettre à l'écart ? - Tsukki finit par demander :
— Qu'est-ce que tu regardais ?
— Je... Je voulais peut-être essayer un truc, pour enlever mes taches de rousseur...
— Hein ? Pourquoi faire ?
Tsukishima connaissait Yamaguchi depuis qu'ils étaient enfants, et l'avait toujours vu tenter de ramener à la raison son éternel épi rebelle. Mais jamais il ne se serait douté qu'il n'aimait pas non plus ses taches de rousseurs, qui lui parsemaient le visage dans une belle imitation de carte stellaire. Sachant que c'était les deux caractéristiques physiques de Yamaguchi qui sautaient aux yeux quand on le croisait - une fois qu'on s'était suffisamment tordu le cou pour distinguer son visage - c'était effectivement problématique s'il n'aimait ni l'une ni l'autre.
Rougissant et de plus en plus embarrassé, Yamaguchi répondit :
— Ben... Ce serait pour être plus... pour être moins... Enfin, je veux dire...
— Accouche. On ne va pas y rester toute la journée.
— Tout le monde me dit que je suis moche, avec mes taches de rousseur ! Alors c'est normal de se poser la question, non ?
— Comment ça, moche ? Qui c'est, tout le monde ?
— Juste... des gens. Tu sais.
— Jamais entendu un truc aussi stupide que ça.
— Ah, oui, c'est sûr que personne n'ose me faire de remarques quand t'es là, ils savent bien que tu ne les raterai pas !
Ce qui était parfaitement juste. Tsukki pouvait ne pas être tendre envers son ami, mais c'était son ami, à lui, personnel. Il laissait d'autres personnes trainer avec lui si vraiment Yamaguchi s'entendait très bien avec, il pouvait éventuellement laisser d'autres personnes lui demander des services s'ils n'abusaient pas, mais laisser qui que soi le critiquer, non, il ne laisserait pas ça passer. Surtout pour dire des absurdités pareilles. Enlever ses taches de rousseur. Qui pouvait manquer de goût à ce point-là ?
Le blond répliqua :
— Ça reste parfaitement stupide. Pourquoi tu écoutes des abrutis pareils ?
— Ben... Je... enfin, c'est normal d'avoir envie de plaire, non ? Enfin, je veux dire, avant je m'en fichais... Ben... Je... Là j'y pense, quoi...
— Parce que tu penses que te décaper la peau va d'un seul coup te transformer en genre de sex-symbol ?
— Non, bien sûr. Désolé, Tsukki. C'était juste une idée comme ça.
Aïe. Maintenant il était déprimé.
Bon, évidemment Yamaguchi n'était pas le genre de type sur qui on se retourne dans la rue - même si sa taille et sa silhouette élancée attiraient l'œil. Il était plus du genre charme discret. Un instant, il était en train de se concentrer sur quelqu'un chose, si banal qu'il semblait se fondre dans le décor. Et puis il entendait une remarque, ou pensait à quelque chose, et sortait le sourire le plus adorable de la planète. Il fallait juste savoir le regarder.
Beaucoup de choses, chez Yamaguchi, n'étaient pas comme elles semblaient l'être. Au début, surtout en le voyant avec Tsukki, le cherchant sans cesse du regard, lui demandant de tout valider, on pouvait croire qu'il était quelqu'un de soumis qui s'était attaché au premier venu de plus puissant que lui. Il fallait du temps, pour percer cette dynamique, pour comprendre vraiment ce qu'il pouvait avoir en tête. Yamaguchi était fan de Tsukki, pour toujours et à jamais, mais il ne manquait pas de détermination, et influençait le blond autant qu'il était influencé. Quoiqu'il ne semble pas s'en rendre compte lui-même.
Cette histoire de vouloir plaire, c'était nouveau, mais s'il se lançait là-dedans, il irait sans aucun doute jusqu'au bout. Tsukki soupira. Il allait devoir s'en mêler. Mais bon, après tout, ce n'était pas comme si ils avaient autre chose à faire pour l'instant.
— Ce genre de produits est une arnaque de toutes façons. Fous la paix à tes pauvres taches de rousseur et trouve-toi quelqu'un qui les aime, c'est tout.
Tsukishima avait choisit de rester sur le neutre. Il n'était pas vraiment sûr de savoir si Yamaguchi aimait plutôt les filles ou les garçons, ou les deux, et tant que le principal intéressé n'aurait pas tranché, il n'avait pas envie de poser la question. En y réfléchissant, ça faisait très longtemps qu'ils n'avaient pas abordé cette question des relations amoureuses tous les deux. Si longtemps que la dernière fois, ils en étaient encore au stade du "s'embrasser sur la bouche, ça a l'air dégueulasse." Début du collège, donc.
Et depuis le temps, Yamaguchi avait visiblement changé d'avis, puisqu'il objecta :
— Mais, Tsukki, tu ne peux pas comprendre ! Toi tout le monde te trouve attirant ! Si tu veux draguer, tout ce que tu as à faire c'est de rester planté quelque part et d'avoir l'air fabuleux !
— N'importe quoi...
— Mais, Tsukki... Chaque fois que je te laisse tout seul en ville, on vient t'aborder... Et même des fois quand je suis là...
— Et alors, ça ne t'es jamais arrivé ?
— Ben non...
Tsukishima, et c'était rare, ne savait pas trop quoi dire ensuite. Il n'avait jamais vraiment fait attention au fait qu'il avait bien plus de succès que son ami. Et si Yamaguchi n'avait pas l'air d'être jaloux, il en souffrait visiblement.
Mais il n'allait quand même pas lui donner des conseils pour s'arranger. Physiquement, il le trouvait très bien comme ça, Yamaguchi. Non pas malgré ses taches de rousseurs, mais en grande partie grâce à elles.
Il lança d'un ton péremptoire :
— Ce qui compte, ce n'est pas combien de personnes tu peux attirer, mais que ce soit quelqu'un qui te trouve parfait comme tu es. Les taches de rousseurs, c'est mignon et ça reflète bien ton caractère, garde-les. Ça ne sert à rien d'essayer de tromper les gens sur la marchandise, tu sais.
— Mais Tsukki, personne ne trouve ça mignon, les taches de rousseur.
— Bien sûr que si. Peut-être que les ras-du-sol ne s'en rendent pas compte parce que tu leur en imposes trop, avec ta taille. Mais c'est ton principal atout, alors met-le en avant au lieu de vouloir le cacher.
Yamaguchi pouffa à ce surnom de ras-du-sol. Pendant ce temps, Tsukki cherchait de quoi étayer sa démonstration, absolument certain de ce qu'il avançait. Mais même s'il y avait un peu de tout dans ce magasin, évidemment, tout ce qui pouvait être associé à du "mignon" était totalement girly, rose, avec des brillants, ou les deux. Alors qu'il avait en tête quelque chose de plus pelucheux. Dans son esprit, Yamaguchi avait déjà tout du petit animal de compagnie mignon, mais puisque le reste du monde était trop stupide pour le voir, il fallait...
Il attrapa un serre-tête orné de fausses oreilles de chat et le lui installa. Ne comprenant pas du tout le rapport avec ce dont ils parlaient mais docile comme toujours, Yamaguchi tenta un "miaou ?".
Tsukki encaissa le choc sans broncher. Enfin il lui semblait. Ce n'était pas tant l'accessoire mais la tête que pouvait faire son ami, son regard plein d'espoir et son sourire adorable, qui fonctionnait redoutablement bien. Comment est-ce qu'il pouvait n'avoir jamais été dragué ? Tsukishima savait depuis toujours à quel point l'ensemble de l'humanité était stupide, mais là c'était carrément de l'aveuglement.
Enfin tant pis pour eux. Il rajusta ses lunettes pour se redonner une contenance et se contenta de conclure :
—Ouais, définitivement, t'es mignon. Ne touche pas à tes taches de rousseur.
Puis il fit demi-tour et sorti de la boutique, sachant très bien que Yamaguchi allait le suivre. Il ne comprenait pas lui-même ce qui lui était passé par la tête pour essayer ça, mais il arriverait plus facilement à esquiver les questions à ce sujet en quittant les lieux. Et il avait besoin de se rafraichir un peu les idées, aussi.
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— Tsukki ! Tsukki, attends-moi !
Avec un soupir forcé, le blond s'arrêta d'un coup, ce qui fit que le brun emporté par son élan lui cogna dans le dos et s'écria :
— Ah ! Désolé, Tsukki !
Sans répondre directement - l'habitude - Tsukki lui désignant un distributeur, dans la rue, et lui proposa :
— Tu veux boire un truc ?
— Ah... Merci, Tsukki !
Sans avoir besoin d'instructions, Tsukishima lui prit un café au lait. En été, c'était un coca. Il n'y faisait plus attention, les goûts de Yamaguchi lui étaient aussi familiers que les siens, et plus que ceux de n'importe quel membre de sa famille. Après tout, ils passaient combien de temps ensemble par jour, dix heures, plus ? Le blond calcula pendant que son ami soufflait sur son café. Yamaguchi venait le chercher tous les matins à 6h pour l'entrainement matinal. Ils étaient en classe et au club ensemble toute la journée. Puis ils allaient ensemble faire leurs devoirs chez l'un ou l'autre, avant que Yamaguchi ne se lance dans son deuxième entrainement personnel. Ce mec était un acharné complet. Donc leur journée commune se terminait à 19h ou 20h, soit 13h à 14h collés ensemble chaque jour. Et encore plus les week-ends, où ils dormaient souvent l'un chez l'autre. Et après, on osait traiter Tsukishima d'associable. C'était plutôt à se demander quand est-ce qu'il pouvait respirer, oui.
Mais bon. Il ne s'en plaignait pas. Enfin, si, un peu, mais pas réellement, juste assez pour que Yamaguchi s'excuse et promette de faire plus attention. Ce qu'il ne faisait pas. Et le cycle recommençait. Quel cirque...
Et pourtant ça lui manquerait, si Yamaguchi se trouvait quelqu'un. D'ailleurs, ça sortait d'où cette idée, franchement ? Jusqu'à présent, Tsukishima lui avait toujours suffit. Il était d'ailleurs toujours le premier à le solliciter pour avoir du rab. Et un cinéma par ci, et un jeu vidéo par là... Même trainer, comme ça, sans rien dire de spécial, prendre le temps de boire un truc, de manger une brioche, dire du mal des gens qu'ils connaissaient, inventer n'importe quoi, tout ça, c'était avec lui que Yamaguchi voulait le faire, forcément. Il n'allait pas l'abandonner comme ça.
Tsukki le regarda distraitement. Il était quand même assez inhabituellement silencieux. Cette histoire de séduire quelqu'un le travaillait. Ça devait être l'âge, les hormones, tout ça. Ce qui était assez injuste, effectivement, puisque Tsukishima qui lui n'avait aucun mal à plaire n'en avait aucune envie. Ce n'était que des ennuis en perspectives, selon lui. En même temps, qu'est-ce que c'était que ces filles superficielles qui guettaient un garçon de loin et se croyaient amoureuses, alors qu'elles ne lui avaient jamais adressé la parole ? Forcément, en tombant sur Tsukishima, elles perdaient vite leurs illusions. Alors que Yamaguchi, c'était tout le contraire. Qui allait prendre le temps de le connaitre, de l'apprécier à sa juste valeur ?
Il lui dit :
— Pour ce qu'on disait tout à l'heure...
— Oui ?
A nouveau, le brun évitait son regard. Sujet délicat donc. En fait, ça faisait des années que Tsukki ne l'avait pas vu aussi gêné face à lui. Le blond essaya de choisir ses mots avec tact. Tout en sachant qu'il n'était pas très bon à ça. Il avait pris l'habitude, lorsqu'il dépassait les bornes, que Yamaguchi repasse derrière lui pour arrondir les angles. Mais là, forcément, il ne pouvait pas demander à Yamaguchi d'arrondir les angles avec Yamaguchi, et il allait devoir faire attention.
— Tu sais, quand je te disais que tu n'avais qu'à montrer ton coté mignon.
Yamaguchi fixait sa canette comme si, en se concentrant suffisamment, il pourrait disparaitre dedans. Il rougissait de plus en plus. Tsukki fit comme s'il ne remarquait rien et poursuivit :
— Ça ne veut pas dire que tu dois laisser n'importe qui... enfin, tu ne peux pas être juste gentil et sourire comme ça à tout le monde.
— Je sais, ça ne suffit pas, hein...
— Ça peut suffire. C'est ça qui me dérange. Je ne veux juste pas que tu commences à sortir avec quelqu'un qui ne fait pas attention à toi. On sait très bien tous les deux que tu peux vraiment te laisser marcher sur les pieds quand tu as envie de faire plaisir à quelqu'un.
— Dé... désolé, Tsukki...
— Je te demande pas d'être désolé.
Bon, rien à faire, il n'arrivait pas à faire rentrer le messager dans cette tête de bois. Il tenta un autre angle d'attaque :
— Tu vois, quand on est tous les deux... bon, il y a des fois où tu fais des trucs qui m'agacent, pas vrai ?
— Oui.
— Et je te le dis. Cash.
— Oui.
— Et si j'y vais trop fort, ou qu'en fait tu avais raison et que je fais de la merde, tu me recadres, non ?
— Déso...
— Ce que je veux te dire, c'est de ne pas te laisser faire plus que ça. Nous deux, ça fonctionne bien. Je sais où est la limite. Par contre, si tu commences à sortir avec quelqu'un qui te gueule dessus dès que tu commences à ne pas être d'accord, ça va vraiment être la merde, parce que je vais devoir le tuer. Même si tu t'es attaché.
Yamaguchi éclata de rire. Tsukki lui sourit légèrement. Il n'avait aucune envie d'aider son ami à se trouver quelqu'un, mais il savait qu'il veillerait minutieusement à ce que personne n'abuse de la gentillesse de Yamaguchi. Il lui caressa la tête affectueusement - ce qu'il ne faisait jamais en temps normal, mais là, il se sentait soulagé, comme s'il avait trouvé un moyen de parer une menace encore diffuse, et montrer un peu de chaleur humaine de temps en temps n'allait pas le tuer.
Il conclut :
— Oublie pas, quelqu'un qui n'est pas capable de voir ton coté cool et ta force, c'est quelqu'un qui ne te mérite pas.
— Tsukki...
Yamaguchi le regarda cette fois droit dans les yeux, déterminé. C'était ça, ce que Tsukishima voulait dire en parlant de coté cool, et surtout de force. Le brun n'était pas quelqu'un qui avait des facilités en quoi que ce soit. Il n'avait jamais rien eu d'exceptionnel. Tout ce qu'il avait pu obtenir dans sa vie, ça avait été au prix d'une détermination sans faille, une concentration absolue vers son but, qu'il ne lâchait jamais, quels que soient les obstacles. Yamaguchi était de ceux qui savaient ce qu'était l'échec. A chaque fois qu'il devait servir dans un match, c'était pour redresser une situation précaire, à un instant où tout reposait sur ses épaules. Et parfois, il ratait. Pourtant, jamais il n'avait laissé cette pression l'écraser, jamais il n'avait renoncé.
Cette responsabilité, il l'endossait sans broncher, et tous ceux qui au quotidien le voyait comme faible, un simple satellite de Tsukishima, incapable de faire quoi que ce soit par lui-même, ne comprenaient pas qu'en réalité il avait toujours été comme ça. Il y avait les bavardages de lycée, les amitiés et les commentaires acerbes, où il se contentait d'être l'ombre de Tsukki, ça n'avait pas d'importance, ça passait le temps. Et il y avait les choses qui comptaient vraiment, qui ne pouvaient être atteintes qu'en agissant, quitte à tout risquer, à tout perdre, et qu'il prenait en main sans hésiter. Ça n'avait tout simplement rien à voir.
Yamaguchi attrapa le col de Tsukishima et le tira vers lui, pour compenser les quelques centimètres les séparant encore, et l'embrassa passionnément, avant de s'exclamer :
— Si tu penses qu'il n'y a que toi qui soit capable d'être mon petit ami, alors prend tes responsabilités et sors avec moi, Tsukki !
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Tsukishima resta encore quelques instants figé, tentant de comprendre ce qui se passait. Non pas qu'il n'arrive plus à penser. C'était plutôt qu'il pensait à beaucoup, beaucoup de choses, en parallèle, et que c'était assez chaotique.
Déjà, Yamaguchi l'aimait. Ou avait craqué sur lui. Ce qui, lorsqu'il examinait la situation de l'extérieur, n'aurait absolument pas dû être une surprise. Il avait toujours su que leur amitié était spéciale, avec Yamaguchi, parce que celui-ci l'adorait. Et quelque part en route le roulage de pelle était entré dans l'équation.
En même temps, il était hors de question de se laisser faire. C'était quoi ces manières de sauter sur les gens comme ça, sans leur demander leur avis.
Même si c'était assez impressionnant. Et flatteur. Il avait toujours été au centre de toutes les attentions de Yamaguchi. Recevoir de l'amour, c'était encore mieux.
Et effrayant. Il l'avait agrippé vachement fort.
Mais évidemment, Yamaguchi ne lui ferait jamais le moindre mal.
Et c'était quoi, cette histoire qu'il était le seul capable d'être son petit ami ? Il n'avait jamais dit ça. Il avait juste estimé qu'il lui faudrait quelqu'un qui reconnaisse et apprécie son coté mignon et son coté cool, qui n'abuse pas de sa gentillesse, qui soit plus grand que lui... Ah. Oui. Effectivement, peut-être qu'on pouvait trouver un sous-entendu.
Ce qui soulignait le plus important : oui ou non ? Comment pouvait-il décider d'une chose pareille aussi vite ?
Non, parce qu'il n'était pas amoureux de Yamaguchi. Il s'en serait aperçu, quand même. Il était juste... bien, avec lui. On peut vivre en symbiose des années avec quelqu'un sans en tomber amoureux.
Après, Yamaguchi faisait tellement partie de sa vie qu'il était comme une extension de lui-même. Et il était attirant. Ça ne servait à rien de le nier.
Et s'il disait non, il allait lui briser le cœur. Ce qui était impossible. Un Yamaguchi un peu déçu, ça avait juste besoin d'un peu de temps pour revenir à la normal, mais avec un cœur brisé ce n'était pas envisageable.
— Tsukki ?
Il avait été silencieux trop longtemps, et Yamaguchi revenait à la charge. Plus timidement cette fois. Le blond se dit qu'il devait faire une drôle de tête et lui répondit d'un ton agacé :
— Attends, je réfléchis.
— Vraiment ? Je suis tellement content, Tsukki, j'ai cru que tu étais en col...
— La ferme, Yamaguchi. Je m'entends plus penser.
— Désolé, Tsukki.
— Je peux juste pas... Je ne t'ai jamais vraiment vu de cette manière-là. Je veux dire, je me suis jamais posé la question.
— Je sais, Tsukki. Je suis désolé. Je me suis trompé. Je ne voulais pas te perturber.
Il disait désolé à tout bout de champ. Ça ne voulait tellement rien dire. Il n'avait pas du tout son regard de chien battu, mais son regard le plus concentré. Il lui tenait les mains, maintenant, attendant son verdict, toute son attention focalisée sur Tsukishima, qui su que quoi qu'il dise maintenant, oui, non, je ne sais pas, même pas en rêve, Yamaguchi reviendrai à la charge. Peu importe le nombre de fois qu'il devrait essayer, les échecs, les attentes. Il ne renoncerait pas.
D'ailleurs, ce n'était pas comme ça qu'ils étaient devenus amis, au départ ? Tsukki ne se souvenait même pas de l'avoir croisé et encore moins aidé, mais Yamaguchi avait décidé que le blond était la personne la plus formidable de la terre et qu'il deviendrait son ami. A l'époque, Tsukki n'avait pas d'amis et n'avait pas l'intention d'en avoir. Les gamins de son âge étaient juste trop nuls. Jusqu'à ce qu'il tombe sur quelqu'un qui, peu à peu, avait su se rendre indispensable. Et maintenant...
— Yamaguchi... Tu es amoureux de moi ?
— Oui, Tsukki.
— Et tu ne vas pas laisser tomber, hein...
— Non. Désolé, Tsukki. Mais non.
Tsukishima soupira. Comment est-ce que Yamaguchi faisait ça ? Si on lui avait posé la question ne serait-ce que vingt minutes plus tôt, le blond aurait été sûr que bien évidemment, il n'avait envie de sortir avec personne, y compris son meilleur ami, et que c'était une idée bizarre. Mais à présent, dire non était absolument impensable.
— Ok. On peut essayer.
— Tsukki !
A moitié riant, criant, pleurant - ce qui faisait trop de moitié pour un seul homme - Yamaguchi sauta au cou de Tsukishima et l'enlaça, avant de se faire repousser au motif qu'il était en train de le rendre sourd. Puis les deux adolescents repartirent, le plus grand tentant de cacher sa rougeur, le plus petit si heureux qu'il en touchait à peine le sol.
