Disclaimer : Ceci est une traduction de "Lions walk with wanderers", une fanfiction Dark Souls écrite par windsabove. Si vous lisez l'anglais, je vous invite à aller lire sa version, l'Originale, et à lui donner tout votre amour :3
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Chapitre 1
Vagabond, mort-vivant et négociant amateur
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Le mur de brouillard scintillait et oscillait devant elle, cachant sans doute de nouvelles horreurs. Elle combattait depuis trop longtemps pour penser autrement. Rowena cligna des yeux plusieurs fois, tâchant d'ignorer ses bras qui tremblaient. Au point où elle en était rendue, elle n'avait aucun moyen de savoir si ses nerfs la lâchaient ou si ses forces l'abandonnaient. Elle regarda les tours au-dessus d'elle et ses yeux bruns s'abreuvèrent de la grandiose architecture d'Anor Londo.
Chaque escalier en colimaçon, chaque gardien encapuchonné, chaque brute géante, l'avait conduite jusqu'à cet instant. Le soleil éclatant couvrait tout de sa lumière d'or et, au premier coup d'œil, Rowena avait cru qu'Anor Londo serait un refuge loin des épreuves. Malgré sa quête pour le Calice Royal, peut-être avait-elle été trop optimiste. Elle n'avait rien vu d'autre que le désespoir qui ravageait ce pays. Elle avait alors poussé en avant, ennemi après ennemi, et repoussé les ténèbres qui écrasaient ses pensées, jusqu'à ce qu'enfin elle se trouve là, sur le seuil de ce qu'elle ne pouvait considérer comme étant autre chose qu'un autre test. Après tant de combats, elle aurait pensé que sa peur aurait disparu. Son hésitation prouvait qu'il n'en était rien.
Elle jeta un regard au spectre invoqué. Solaire. Aussi positive qu'elle puisse être, Rowena n'avait jamais seulement espéré rivaliser avec son apparence radieuse et sa détermination absolue. Dans un monde consumé par le découragement, il était difficile de croire qu'une telle personne puisse exister. Elle se contentait de croire que sa force alliée à la sienne l'aiderait à traverser la prochaine épreuve.
- C'est… du suicide, murmura-t-elle, son épée reposant sur son épaule, alors que ses yeux cherchaient à voir au travers du brouillard. Je répugne à porter quoi que ce soit pris à un Chevalier Noir. Mais si ça peut aider… Juste cette fois.
Elle prit une brève inspiration. Sa bouche était sèche. Ses mains se resserrèrent sur la poignée de la lame sombre.
- Bien, Solaire, dit-elle, avançant d'un pas, suivez-moi.
Rowena prit une dernière inspiration avant de traverser la brume et son compagnon spectral lui emboîta rapidement le pas. Jetant un premier coup d'œil à son environnement, elle remarqua les arches et piliers, similaires à ceux qu'on trouvait partout dans Anor Londo. Le soleil brillait haut, sa lumière suintait entre les ornementations des fenêtres, et le marbre en-dessous paraissait luire sous les rayons. Ce qui paraissait terrifiant en revanche, c'était la silhouette qui se tenait de l'autre côté de la pièce.
Un géant en armure d'or scintillante gardait le chemin avec, entre ses énormes mains, un marteau plus gros qu'il était aisé d'imaginer. Comment quiconque pouvait seulement soulever une telle arme restait un mystère terrifiant. Il se tenait parfaitement immobile, sentinelle dans les ombres, attendant son approche. Rowena déglutit avec difficulté et serra un peu plus sa poigne sur son épée, de toute la force de sa volonté, alors qu'elle avançait et appréhendait la rencontre imminente. Après cinq pas, elle s'arrêta. Le géant n'avait pas bronché. Elle plissa les yeux et se demanda brièvement s'il n'était pas qu'une simple statue faite pour l'effrayer.
Le son du métal sur le marbre attira l'attention de Rowena sur les balcons supérieurs.
Elle laissa presque tomber son arme sur son pied lorsqu'elle vit le chevalier d'or qui la toisait. Ou du moins le poli de son armure, ainsi que le motif léonin, lui indiquaient qu'il était sans doute un chevalier. De là où elle était, elle pouvait à peine distinguer les babines retroussées et les dent pointues du heaume, en plus des quelques gemmes qui ornaient le plastron de plates. Une longue plume rouge cascadait depuis le sommet de son casque et une imposante lance était l'arme de son choix. Rowena, l'espace d'une seconde, s'imagina empalée sur sa pointe et un frisson lui parcourut l'échine.
Le chevalier tourna la tête dans sa direction, la clouant au sol d'un seul regard. Bien que ses yeux ne soient pas visibles, ils transperçaient son âme. Rowena laissa échapper un hoquet de surprise lorsqu'il s'élança par-dessus la rambarde. Le géant réajusta sa prise sur son marteau. L'instant d'après, le chevalier atterrissait avec grâce aux côtés de son compagnon sans même avoir à plier les genoux sous l'impact. Le duo se tint immobile quelques secondes, juste le temps pour la jeune femme d'analyser la situation.
- Solaire, murmura-t-elle, si tu peux m'entendre…
Le lancier raffermit sa prise et, vif comme l'éclair, s'élança en sa direction.
- COURS !
La lame fit frémir l'air contre la joue de Rowena alors qu'elle effectuait une roulade latérale avant de piquer un sprint un peu plus loin. Une colonne à proximité s'effondra. La guerrière couina en évitant de peu les débris. Le géant était déjà sur elle lorsqu'elle se redressa et son marteau faillit l'envoyer valser contre le mur. Rowena roula et estoqua dans la gigantesque jambe. Un rire lui parvint, juste avant que quelque chose de mince ne fouette son plastron. De l'électricité lui parcourut les chairs, elle chancela et s'effondra au sol. Le souffle court, elle se força à se remettre sur ses jambes. Solaire maintenait le chevalier léonin occupé. Elle leva les yeux, couina à nouveau, esquiva le marteau qui manqua de l'écraser. Une gorgée précipitée à sa Fiole d'Estus la sauva de la mort.
L'angle de l'énorme marteau l'atteint à la cuisse avant qu'elle n'ait l'occasion de l'éviter. Le choc contre le sol fut brutal et lui arracha un cri de douleur. Un nouveau rire lui glaça le sang. Il fallut plusieurs secondes à Rowena avant qu'elle ne parvienne à se redresser et à s'élancer, au petit trot, décrivant un cercle autour de ses adversaires. Elle balança son épée, métal contre sol et marbre, puis métal contre armure et chair. Le géant vacilla. Rowena frappa un second coup. Une douleur explosa dans ses épaules et elle se jeta au sol pour éviter la contre-attaque. Ses os cognèrent contre son armure et ses poumons se vidèrent de leur air. Dans la confusion qui suivit, elle vit le côté plat du marteau s'élever au-dessus d'elle. Elle ferma les yeux et attendit l'impact.
Le moment qui suivit fut empli du hurlement d'agonie du géant. Rowena rouvrit les yeux. De l'électricité crépitait du large dos couvert d'or. L'un des éclairs de Solaire. Elle sourit malgré le fait qu'elle doive contraindre son corps à se relever. De la sueur s'accumulait entre ses doigts. Des vapeurs de sang et de métal emplissaient ses narines. Elle serra les dents, levant et abaissant son arme à plusieurs reprises, avant de reculer de quelques pas. Un nouvel éclair frôla son épaule et trancha au passage quelques mèches folles de ses cheveux. Elle bondit, agitant son épée en tous sens à l'intention du géant qui avançait vers elle. Une attaque frontale laborieuse lui permit d'éviter un coup et de trancher le mollet de son adversaire du même coup. Rowena avala une gorgée de sa fiole juste à temps, avant que la lance du chevalier ne la projette de l'autre côté de la pièce. Elle s'écrasa sur le marbre, paralysée de douleur.
Lorsqu'elle fut de nouveau capable de voir, Rowena n'avait aucune idée du temps qu'elle avait passé au sol. Cependant, le son d'une armure qui tombait avec fracas la tira de sa torpeur. Elle poussa sur ses mains et vit le géant tomber, enfin, sous un coup fatal porté par Solaire. Une étincelle de victoire illumina furtivement son visage pour retomber alors que le chevalier léonin se penchait sur son compagnon tombé au combat. Il étendit son bras pour toucher le géant et Rowena écarquilla les yeux. Un cri s'échappa de sa gorge avant qu'elle ne puisse le retenir :
- STOP !
Le chevalier s'interrompit, retira sa main et, lentement, tourna la tête vers elle. Rowena était pétrifiée, quand bien même ses bras peinaient à la soutenir. Après un instant de stupeur, elle se remit sur ses pieds, vacillante, avant de traverser prudemment l'espace qui les séparait, tout en tâchant de ne jamais rompre le contact visuel. Son corps entier lui hurlait de se laisser mourir à chaque pas supplémentaire, mais son esprit était tout entier à sa tâche courante. Elle s'arrêta à quelques pas seulement du chevalier. Lentement, elle rengaina son épée. Usant du peu de force qui lui restait, elle mit un genou en terre et baissa les yeux sur les bottes d'or.
C'était du suicide.
Mais se battre avec une épée qu'elle pouvait à peine soulever l'était tout autant.
- Noble chevalier, commença-t-elle d'une voix affaiblie, je sais qu'il est de votre devoir de me combattre afin de garder cette cathédrale. Ce que vous protégez est d'une importance inestimable. Mais je vous en prie, écoutez ma requête.
La respiration de Rowena était tremblante.
- Je n'ai aucun désir de me mesurer à vous. Durant mon voyage au travers de Lordran, j'ai tué d'innombrables êtres comme moi, devenus fous, devenus Carcasses. Vous pourriez penser qu'il s'agit là d'une grâce qui leur serait faite, mais je considère que leurs morts sont misérables et inutiles. De plus… en poursuivant ma quête, je souhaite les libérer de leur malheur. Rien de plus, rien de moins.
La guerrière fit une pause pour rassembler ses pensées. Mais avant qu'elle ne puisse poursuivre, la pointe aiguisée de la lance s'enfonça de quelques millimètres dans son épaule gauche. Elle contint sa douleur de toutes sa volonté.
- Des Morts-Vivants sans nombres ont tenté de me berner avec moins de mots, s'irrita le chevalier. Tu oserais croire que je puisse être clément envers toi ?
- Pas croire, sire, répondit-elle. Je… je ne peux qu'espérer que votre décision sera de m'épargner.
- Et pourquoi, je te prie, te raccrocherais-tu à un tel souhait ?
Rowena cilla, son regard désespérément fixé sur le même point. Tellement de temps s'était écoulé depuis qu'elle avait entreprit ce voyage ! L'Asile semblait n'être plus qu'un lointain souvenir. Et pourtant, malgré tout ce temps, elle tenait encore à quelque chose. Quoi exactement, cela restait flou dans son esprit, mais il fallait qu'elle donne une réponse. Elle n'aimait pas l'idée que la lance puisse creuser un trou plus profond sous sa peau.
- Peut-être est-ce parce que je rêve d'un monde de paix, énonça-t-elle finalement. Un monde libéré de ses malédictions. Si ce qu'on m'a dit doit être cru, alors venir jusqu'ici était ma prochaine étape pour y arriver. Et… Il y assez de mort et de misère dans ce monde sans qu'il soit nécessaire que j'en ajoute de ma propre main. Je ne rêve que de briser le cycle de barbarie. Voilà pourquoi je souhaite ainsi négocier avec vous aujourd'hui, gardien d'Anor Londo.
Elle hoqueta quand la lance s'enfonça un peu plus dans sa chair.
- Eh bien parle, Mort-Vivant, siffla le chevalier, avant que ton temps ne soit écoulé.
Rowena hocha la tête et poursuivit :
- Je souhaite récupérer le Calice Royal sans effusion de sang. Si vous épargnez ma vie et m'autorisez à passer sans plus de combat, je prendrais ce dont j'ai besoin et je partirai pour ne jamais revenir dans ces couloirs désertés. En ce qui concerne ma valeur… combien d'autres Morts-Vivants ont essayé de faire la paix avec leurs opposants ?
La pièce se remplit d'un silence assourdissant. Les jambes de Rowena tremblaient d'avoir à supporter son poids. Elle lutta afin de ne pas tomber face contre terre. Sa respiration devint calme, lente, agonisante. De la sueur perlait à son front et une petite goutta s'écrasa près de son pied sans un son. Sa gorge commençait à lui brûler lorsque la lance se retira enfin. La guerrière se rattrapa juste avant de s'effondrer sur elle-même.
- Relève toi.
Elle leva les yeux. Le chevalier tenait toujours sa lance mais il ne la pointait plus dans sa direction. Rowena poussa son corps à se redresser, chancelant sur ses appuis, vacillant de chaque jointure. Elle remarqua soudain à quel point le chevalier était grand par rapport à elle et failli en retomber par terre.
- Je vous remercie, murmura-t-elle.
Il secoua légèrement la tête.
- Ta vie n'est pas entre mes mains, mais entre celles de Sa Majesté. Elle déterminera si tu vaux autant que tu le prétends.
Il agita la main en direction du fond de la pièce. Rowena se tourna et prit note des deux arcades. Ignorant les protestations de ses muscles, elle commença à marcher, son armure et l'autre à un pas derrière elle cliquetant de concert. Elle respirait avec difficulté à présent, ses entrées d'air de plus en plus maigres, le poids du métal lui pesant avec une impétuosité croissante.
Ils arrivèrent bientôt à un ascenseur qui ressemblait à tous les autres : une plateforme lisse et circulaire qui montait et descendait le long d'une spirale en métal bruni par le temps. Une fois à l'intérieur, Rowena prétendit temporairement que l'autre guerrier n'était pas là.
Arriver à l'étage supérieur offrit à la guerrière la vision d'un feu de camp éteint. Malgré l'étrangeté de sa présence ici, Rowena se rua presque sur lui, comme elle le faisait toujours après les combats difficiles. Mais cette fois elle se retint et préféra faire un unique pas à l'extérieur de l'ascenseur.
- Me permettriez-vous de me reposer avant mon audience avec Sa Majesté ? demanda-t-elle.
Un bref silence suivit sa requête.
- Fais vite.
Elle acquiesça, puis rejoignit le feu de camp avec le sentiment qu'elle entrait dans le Sanctuaire de Lige-Feu à nouveau pour la première fois. Elle l'embrasa en silence et se laissa tomber devant les flammes, tous ses muscles se relâchant à la fois.
Alors que la chaleur du feu soulageait son corps douloureux, son esprit se mit à tourner à pleine vitesse. En un instant, elle avait pris une décision qui aurait très probablement pu la conduire à la mort. Son incrédulité face aux conséquences la maintinrent prostrée, les yeux plongés dans les flammes, plus longtemps qu'elle ne l'aurait voulu. Elle remerciait le destin d'avoir placé ce lieu de repos et de sérénité à cet endroit de son parcours, mais combien de temps pouvait-elle profiter de ces instants civilisés avant que tout n'éclate à nouveau ? Parviendrait-elle à dépasser ce feu, ou est-ce que le chevalier qui l'observait déciderait de mettre fin à son existence ? Elle serra les poings et les rassembla sur sa poitrine, où les battements de son cœur semblaient s'être apaisés. Ce n'était pas grand-chose, mais dans ce monde qui avait juré de la tuer, elle s'efforçait de profiter, tant qu'elle le pouvait encore, de chacun de ces petits moments de paix.
Rowena se leva enfin après ce qui lui sembla être une éternité d'immobilité. Ses jointures n'attendaient plus la douce libération de la mort, mais son armure continuait à lui peser. Elle laissa échapper un léger soupir en roulant des épaules, puis jeta un œil à la porte double devant elle, en haut de quelques marches. La Dame qui se trouvait derrière allait décider de son destin. Elle secoua la tête pour chasser les pensées qui suivirent et s'avança dans les escaliers. Elle arriva devant les lourds panneaux de bois bien plus tôt qu'elle n'aurait apprécié. Elle essayait de l'ignorer, mais elle ne pouvait empêcher de se sentir le regard fixe du chevalier percer un trou à l'arrière de son crâne. Elle fit jouer ses doigts dans le vide pour en éprouver la mobilité avant d'agripper les poignées ornementées et de pousser les battants.
Son regard se posa sur la femme qui se trouvait devant elle. Elle porta sa main à sa bouche et se figea. Cette dame de haute lignée était différente de tout ce que Rowena avait jamais pu voir. Elle était étendue sur une couche de coussins et de soie. De longue boucles brunes cascadaient en douces vagues le long de son dos. Sa robe de pureté blanche flottait autour d'elle et chutait au sol en plis délicats. Rowena ressentit une plaisante chaleur l'envahir devant cette vision, cette femme au teint radieux et au sourire tendre, qui était l'opposé de tout ce que les Morts-Vivants rencontraient dans Anor Londo. Le soleil s'autorisa à jeter sa lumière sur la scène, illuminant les épais rideaux entourant la princesse.
Peut-être la guerrière avait-elle une chance, après tout.
- Tu as voyagé loin et surmonté de nombreuses épreuves, noble Mort-Vivant, dit la dame d'une voix douce et mélodieuse. Approche, mon enfant.
Rowena hésita un instant, puis laissa un sourire se poser sur son visage. Elle s'avança et s'agenouilla devant la femme royale.
- Je suis Gwenevere, reprit la dame, fille du Seigneur Gwyn et Princesse Solaire.
Elle fit une courte pause, son visage tendre toujours tourné vers Rowena, et poursuivit :
- Je vois que tu as épargné le chevalier qui garde mes quartiers. Pour quelle raison as-tu agi ainsi ?
Toute sensation de chaleur disparut du corps de la guerrière au moment où l'existence de son adversaire lui fut rappelée. Elle se mordit la lèvre mais le chevalier parla avant qu'elle ne puisse le faire.
- Telle fut la requête du Mort-Vivant, Votre Majesté, commença-t-il, sa voix dénuée de l'agacement qu'il avait montré jusqu'ici, que le Calice Royal soit restitué sans plus de violence. Je l'ai menée à vous afin que vous portiez sur elle un jugement définitif.
Les ongles de Rowena s'enfoncèrent dans ses paumes. Tous ses efforts fournis jusqu'ici allaient être jugés à cet instant précis. Elle baissa la tête et attendit la décision de Gwenevere.
- Tes agissements ne sont pas dénué de sens, Ornstein, Tueur de Dragon, dit la princesse sans que sa voix n'ait perdu en douceur. Tu as guidé à moi un Mort-Vivant réfléchi et intelligent. Elle est en effet digne de succéder à mon père.
A ces mots, Rowena soupira de soulagement, tout en s'efforçant de rester discrète. Ainsi donc Ornstein était le nom du chevalier. Elle pourrait enfin porter grande attention à l'oublier dès qu'elle aurait quitté cet endroit.
- C'est pourquoi je choisis de transmettre le Calice Royal, noble Mort-Vivant, conclut Gwenevere.
Rowena leva les yeux sur l'étrange objet doré, en forme de bol, qui apparaissait devant elle. Elle étendit le bras et en effleura le bord : il était aussi lisse que les marbres d'Anor Londo. A son contact, le Calice disparut dans un flash de lumière orange, ne laissant derrière lui que quelques cendres rougeoyantes qui se reflétaient sur ses gants.
- Incroyable, souffla-t-elle.
- Je t'en supplie, ô noble Mort-Vivant, dit Gwenevere, succède à mon père et ranime le feu de notre monde. Avec l'aide du Tueur de Dragon, tu dois mettre fin à cet éternel soleil couchant et prévenir la mort de plus de Morts-Vivants.
Rowena prit quelques secondes pour digérer ces dernières informations. Succéder au Seigneur Gwyn, mettre fin à l'éternel soleil couchant avec…
Comment ?
Ce devait être une erreur.
- Avec tout mon respect, Votre Majesté, dit Ornstein avec un trouble visible, je ne crois pas que le Mort-Vivant ait besoin de mon aide dans ce qui la concerne. Elle a voyagé jusqu'ici par elle-même. Elle est certainement capable de continuer ainsi.
- Je ne suis pas d'accord, Tueur de Dragons, répondit la princesse. Ta vie a pu être épargnée par l'héritière de mon père. Ses actions sont sans doute la marque de ses nécessités. Voyage à ses côtés et fais en sorte que les ténèbres ne dévorent pas notre monde.
La panique s'engouffra dans la gorge de Rowena. C'était impossible. Peut-être que l'entièreté de cette expérience n'était qu'un cauchemar, pire que tous les autres encombrant sa mémoire. Elle prit une inspiration tremblante et pria n'importe quel dieu de lui offrir un peu de pitié afin que cette proposition ne soit jamais…
- Comme il vous plaira, Votre Majesté.
Rowena ravala un grognement d'exaspération. Elle roula des yeux vers Ornstein, qui se relevait lentement. Il lui rendit son regard et les yeux de son casque semblèrent luire d'anticipation. Repoussant ses pensées confuses, la guerrière se releva à son tour et posa un dernier regard sur Gwenevere avant de quitter la pièce, les mains tremblantes.
Revenir au feu aurait dû être un retour heureux, une célébration de victoire pour avoir obtenu le Calice Royal. Elle s'était imaginée étourdie de soulagement, riant même, que ses efforts ne se soient pas conclu par la mort une fois de plus. A présent elle souhaitait qu'Ornstein l'ait abattue dans la cathédrale, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle finisse par le tuer à son tour. Elle fixa les flammes et tâcha d'ignorer les reflets dorés de l'autre côté.
- Bien, ô noble Mort-Vivant, dit Ornstein, sa voix chargée de moquerie, retournes-tu bientôt à l'abattoir ?
Rowena lui jeta un long regard dédaigneux.
- Pas tant que c'est tout ce que tu me souhaites, siffla-t-elle en croisant les bras. Nous allons au Sanctuaire de Lige-Feu, à moins que tu ne veuilles désobéir aux ordres.
Ornstein prit une courte inspiration et imita la posture de son vis-à-vis.
- Après toi, fit-il.
Elle soupira et ferma les yeux, sur le point de changer de position, quand une sensation brûlante la parcourut. Sa main posée sur le sol de marbre sentit bientôt la fraîcheur des brins d'herbe, et une brise souffla quelques mèches de cheveux hors de son visage. Elle ouvrit les yeux, déçue de découvrir que le chevalier d'or était toujours là, assis en face d'elle, de l'autre côté du feu.
Rowena se demanda combien de fois elle entrerait dans le Hameau du Crépuscule avant que sa mort ne devienne permanente.
