- Raah, il m'énerve ce petit prétentieux, imbus de lui-même, vaniteux, arrogant et méprisant !
- Qu'est-ce qui t'as encore énervé Koki ? s'amusa l'un de ses collègues.
- Ce petit prétentieux…
- Oui, ça je crois qu'on avait compris, le coupa un autre technicien.
- Nan mais il m'énerve, tout ça parce qu'on l'appelle déjà le petit génie de la balle, ça y est-il se sent plus et il prend les autres de haut !
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Il s'est passé qu'il nous prend pour de la sous merde avec ses airs supérieurs !
- Koki, surveille ton langage !
- Pardon chef.
- Si tu nous expliquais calmement ? demanda le dit chef.
- Dans l'après-midi j'avais repéré un terrain abîmé et j'ai voulu y aller pour le réparer mais ce petit con l'utilisait. Je lui ai simplement demandé quand il pensait avoir fini pour que je puisse m'en occuper, mais tout ce qu'il a trouvé à faire c'est regarder vaguement dans ma direction, souffler comme si j'étais le dernier des emmerdeurs et se barrer sans un mot.
- Ça fait même pas une semaine qu'il est arrivé, mets-toi un peu à sa place, il ne connait personne et tout est nouveau pour lui. Laisse-lui le temps de s'adapter.
- Oui enfin ça ne l'empêche pas d'être poli non plus, bougonna Koki.
- Allez Tanaka, arrête de te plaindre et retourne au travail !
- Oui chef, répondit-il sans grand enthousiasme.
Il prit tout de même un râteau et donna un coup de main à ses collègues. Cela faisait déjà deux ans qu'il travaillait ici. Une place difficile et pas très bien payée, mais au moins il avait la chance de travailler pour l'une des plus grandes équipes de baseball du Japon : les Yomiuri Giants. Son travail consistait à entretenir et réparer les nombreux terrains du vaste complexe qui leur servait de base d'entrainement. Outre le principal, il y avait de nombreux terrains annexes, plus petits, adaptés à l'activité spécifique de chaque poste que comportait ce sport.
Il faisait partie de l'équipe A, la plus qualifiée parmi les trois équipes de techniciens, mais aussi celle qui avait le plus de responsabilité puisque c'était elle qui s'occupait du stade du prestigieux Tokyo Dôme quand leurs joueurs y disputaient un match.
Koki avait tout de suite été intégré grâce au chef de la première équipe, Miura Yoshida. C'était un cinquantenaire sympathique et amical, mais qui savait toujours se faire écouter, et il inspirait le respect à quiconque croisait sa route. Koki l'admirait beaucoup, et il incarnait parfois la figure paternelle qui lui manquait depuis déjà de nombreuses années. Il aimait son travail, et même si les horaires étaient parfois difficiles, il ne se plaignait jamais.
Koki rangea finalement son outil puis se prépara à la dernière tâche de la journée : l'arrosage des pelouses. Le temps était incroyablement chaud et sec pour cette début juin et s'ils ne s'acquittaient pas de cette formalité chaque jour, les terrains n'auraient été rapidement plus praticables. C'était certainement l'une des choses que Koki préférait faire ces derniers jours. Certes, il fallait de la force pour maintenir le gros tuyau d'arrosage qui remuait constamment sous l'énorme pression de l'eau, mais il y avait toujours quelques fines gouttelettes qui volaient dans sa direction, le rafraîchissant agréablement.
Sa journée terminée, il salua ses collègues et se dirigea vers les vestiaires. Après une rapide douche, il enfila un short long, un t-shirt et ses tongs préférées et se dirigea vers sa moto, garée sur le parking réservé au personnel. Il enfourcha sa bécane tout en enfilant son casque, puis se dirigea paisiblement vers son quartier pour un repos bien mérité.
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Quelques jours plus tard, il eut une nouvelle fois l'occasion de pester contre la nouvelle recrue. Il revenait de la grande pause qu'il avait en milieu de journée quand il l'avait croisé près des locaux réservés aux techniciens où ils entreposaient tout leur matériel. Rien que le fait de le voir ici était déjà étonnant et le contrariait un peu, mais quand il le vit jeter un papier en direction d'une poubelle et ne pas le ramasser quand il tomba lamentablement au sol, son sang ne fit qu'un tour. Il ne put s'empêcher de penser que pour un soi-disant génie de la balle, il n'avait pas l'air si doué que ça, incapable qu'il était de viser une poubelle dix fois plus grosse que son bout de papier. Il l'interpella alors en se rapprochant vivement de lui.
- Et toi là, tu comptes le ramasser j'espère !
L'autre sembla surpris et se retourna vers lui, avant de détourner rapidement le regard. Il parut hésiter un moment. Koki était maintenant tout proche de lui, et se trouvait entre lui et la poubelle. Il allait à nouveau lui demander de ramasser son déchet quand le joueur souffla discrètement avant de s'enfuir. Koki fut trop choqué par sa réaction pour ne serait-ce que penser à le poursuivre. Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez lui ? Ce n'était pas comme s'il lui avait demandé d'escalader le Mont Fuji quand même ! Tout en râlant, il n'eut d'autre choix que de ramasser le papier et de le mettre lui-même dans la corbeille, avant de se dépêcher de retourner à son poste.
Dans l'après-midi, il fut appelé en urgence pour réparer la pelouse d'un petit terrain intérieur. Il devait s'activer pour éviter aux sportifs d'attendre trop longtemps ce qui chamboulerait leur programme d'entraînement. Cependant tout en travaillant, il pouvait entendre les quatre hommes discuter entre eux. Il prêta l'oreille quand il les entendit prononcer le nom du joueur qu'il détestait tant. D'après ce qu'il comprit, il n'était pas le seul à ne pas l'aimer. En effet, ils ne se gênaient pas pour le critiquer et même pour l'insulter. Koki comprit que le nouveau ne faisait rien pour s'intégrer, et semblait prendre tout le monde de haut. Cela ne l'étonna pas du tout, puisque lui aussi l'avait remarqué. Par contre, ce qui le surprit un peu, ce fut le comportement de ces hommes. Il les côtoyait souvent, et jamais il ne les avait entendus dire ainsi du mal de l'un d'entre eux. Certes il s'agissait de ce petit con, mais quand même. Il supposa alors que ces qualités de lanceur, qu'il n'avait cependant jamais vues, devait attiser bien des jalousies.
Son travail finit, il salua les sportifs qui l'avaient remercié puis se dirigea vers un autre lieu qui nécessitait ses talents, oubliant par la même occasion l'objet de son aversion.
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Le lendemain était son jour de congé. Après une sortie matinale pour remplir son frigo, il s'était installé dans son canapé, bien décidé à décompresser. D'habitude, il aimait bien sortir, voir ses amis ou simplement faire un tour en moto, mais là il faisait décidément trop chaud. Après avoir déjeuné, il alluma sa télévision et tomba sur une émission d'information. Il n'y prêta qu'une oreille distraite jusqu'au moment où le présentateur prononça le nom de son équipe. Il releva alors la tête, mais souffla presque immédiatement quand ses yeux se posèrent sur le portrait affiché à l'écran. Il avait complètement oublié qu'aujourd'hui était le jour de la présentation des nouveaux membres de l'équipe aux médias. Et apparemment le petit prétentieux était parmi les favoris des journalistes puisqu'il éclipsait les deux autres pauvres joueurs. Et même en face des reporters, il le trouvait arrogant. Son regard déviait facilement et sa façon de répondre aux questions était très succincte. Certes, le Japon se foutait royalement de savoir s'il avait une petite amie et s'il faisait attention à sa peau, mais tout de même, pour une première présentation, il aurait pu faire un effort. Il ne le trouva pas non plus très souriant. D'ordinaire les nouveaux montraient leur joie d'appartenir au monde très fermé des sportifs professionnels, mais lui semblait trouver ça parfaitement naturel, ce qui l'énervait d'autant plus. Il allait zapper quand le reportage se termina, mais il faillit s'étrangler d'indignation quand la co-présentatrice donna ses impressions. D'après elle, il était attirant et ténébreux, et promettait d'avoir une magnifique carrière dans le baseball. Comme si le physique importait dans un sport ! Ces femmes étaient décidément toutes les mêmes. Il éteignit rageusement le téléviseur en pestant une nouvelle fois contre cet homme qui venait l'énerver même jusque chez lui. Oubliant la chaleur extérieure, il se releva et prit son casque et ses clés, bien décidé à se changer les idées.
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Le matin suivant, quand il sortit de son immeuble et qu'il passa devant le petit conbini près de chez lui pour aller chercher sa moto, il fronça les sourcils instantanément. Mais qu'avait-il fait au bon dieu, en admettant qu'il existait, pour mériter de voir sa tête dès le début de la journée ? Cependant, il ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil au gros titre du journal dans lequel il faisait la une...
« Kamenashi Kazuya, le nouveau joueur star des Giants ! »
