«…. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, donc, non ce n'est pas la peine de me le demander.
Je l'ai fait, c'est tout.
Mon côté « sauveur du monde » peut-être, n'est ce pas Hermione ? Je n'en sais rien. Ma famille a eu du mal a vouloir encore de moi, mais une Beuglante est arrivée et tout s'est " arrangé". Oncle Vernon et tante Pétunia ont conduit Dudley à l'hôpital, ils y sont encore. Il est en état de choc, ce qui peut se comprendre. Les Detraqueurs s'en sont tout de suite pris à lui, ils ont du sentir qu'il n'avait pas de magie en lui, qu'il ne pourrait pas se défendre.
Bien sur, j'ai eu froid, et j'ai de nouveau entendu ma mère hurler, mais ne t'en fais pas Ron, je vais bien. Le message de Dumbeldore est très clair, je ne dois pas bouger d'ici. Je n'irais pas au Terrier, ni chez Hermione, nulle part. Je resterai coincé ici, chez des gens qui me détestent et me le font bien sentir. Comme si ça ne suffisait pas, le vieux fou qui me sert de directeur m'a informé que je devrais aussi passer les vacances de Noël ici à Little Whinging, vu que j'ai plus que jamais besoin de la protection posée par l'amour de ma mère.
Je ne suis pas renvoyé, c'est déjà ça, mais ça a été tout juste. Vous me manquez tous beaucoup, j'ai hâte de vous revoir à la rentrée !
Amitiés
Harry James Potter »
Harry soupira et donna la lettre à Hedwige.
« -Donne ça à Ron, d'accord ? Je compte sur toi ma belle ! »
La chouette eut un petit cri, outrée de se voir traitée aussi familièrement et prit son envol avec dédain. La maison était silencieuse, et les premiers rayons du jour commençaient à lui donner des couleurs de friandises, de telle sorte qu'Harry avait l'impression de marcher au milieu d'une gigantesque barbe à papa. La relative fraicheur de la nuit rendait plus supportable la canicule qui s'annonçait rude tout au long de la journée.
Bien qu'il soit seul chez les Dursley, et qu'il n'ait pas correctement mangé depuis plusieurs jours, Harry se fit un simple café au lieu de fondre sur le frigo comme la misère sur notre pauvre monde. Il pouvait convaincre l'essentiel de sa conscience qu'il s'agissait là du contrecoup de l'attaque des gardiens d'Azkaban, mais une infime partie de lui, une….microscopique partie de lui, lui disait que ce n'était pas uniquement cela. Il y avait déjà une sarabande de questions incessantes qui dansaient la gigue irlandaise au fond de son crâne:
que faisaient deux Detraqueurs à Privet Drive, pourquoi Dumbledore refusait-il de lui révéler quoi que ce soit, pourquoi Ron et Hermione étaient-ils si évasifs dans leurs lettres, même s'il se doutait qu'un rapprochement de ses amis soit la cause de ces silences, pourquoi le haut lieu de la sottise qu'était le Ministère l'empêchait-il d'utiliser sa magie avant ses 17 ans ?
« -C'est vrai merde à la fin ! »
Mais ce qui le troublait le plus sans qu'il veuille vraiment l'admettre, c'était l'état de son cousin.
Pas qu'il apprécie Dudley !
Mais il ne lui en voulait plus vraiment, du moins pas autant qu'à Malfoy ou même à ce serpent lubrique de Voldemort.
Depuis quasiment leurs naissances, Dudley et lui avaient été formatés à se voir l'un comme une tique extraterrestre sur une honnête famille, l'autre comme un cochon à pates, c'était ainsi. Mais les Detraqueurs avaient plongé sur Dudley, ne l'avaient pas lâché jusqu'à le laisser telle une coquille brisée, et Harry ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir. Le plus étrange avait été l'état même du garçon. Harry savait par expérience que les gardiens d'Azkhaban s'en prenaient davantage aux personnes qui avaient souffert, mais le brun ne se souvenait pas d'avoir un jour vu son cousin endurer quoi que ce soit, excepté la diète de l'été précédent. Mais le régime de Tante Pétunia ne pouvait pas l'avoir mis dans cet état !
Toujours choyé, gâté, comblé, Dudley avait ce que Harry voyait comme une vie dorée.
Pourtant, il était quasiment catatonique en partant et oncle Vernon ne revenait toujours pas de l'hôpital. Aussi Harry se demandait-il sincèrement ce qu'avait bien pu voir ou entendre son cousin, le fait qu'il soit moldu n'expliquant pas toute cette catastrophe émotionnelle. Le garçon-qui-a-survécu se leva difficilement de sa chaise et jeta son café tiède. Il n'avait pas dormi de la nuit et ne pourrait pas dormir sans savoir comment allait celui qui était malgré tout un membre de sa famille. Et que son monde à lui venait de broyer comme une noix.
Harry sursauta en entendant les Dursley rentrer, en début d'après-midi. Il s'était finalement assoupi sur une chaise, et avait attrapé de ce fait non seulement un torticolis carabiné, mais en en prime un beau coup de soleil sur l'arrière du crane. Il tituba un peu en se remettant debout, juste à temps pour voir son oncle et sa tante rentrer au pas de charge dans la cuisine. Il eut un soupir de soulagement en voyant son cousin revenir avec eux. Ses yeux avaient repris un peu de vie, mais restaient dans le vague, comme retournés à l'intérieur de l'âme même de Dudley.
Celui-ci se débarrassa silencieusement de l'étreinte du poulpe qui lui servait de mère, passa outre l'inquiétude de son père qui voulait lui demander qui, comment, pourquoi, et se servit une tasse de café froid, sans le sucre et la crème qu'il y mettait d'habitude. Il l'avala d'un trait, et toujours sans le moindre mot ou regard pour qui que ce soit, il regagna sa chambre.
Harry en était encore sonné quand il posa machinalement les yeux sur son oncle. Violacé, ayant arrêté de respirer depuis dix bonnes minutes, Vernon était sur le point d'exploser au sens propre du terme. Le survivant n'eut que le temps de plonger en piqué vers la porte de derrière, sentant que s'il restait une seconde de plus, de Survivant il allait passer à Macchabée, écrasé sous la masse de son oncle.
« Harry Potter, le Garçon-qui-a-survécu a été retrouvé mort étouffé par une pluie de projections suite à l'explosion inopinée de son oncle, Vernon Dursley ! La guerre est finie, Voldemort gagne ! »
Harry ricana. Avec ça, oncle Vernon aurait une place de choix aux milieux des « anormaux, monstres et foires aux horreurs » qu'étaient les Mangemorts.
Oncle Vernon bras droit de Voldemort ?
L'idée parue si grotesque à Harry qu'il éclata de rire. Ses nerfs lâchaient et il se laissa tomber sur l'herbe, tout à son hilarité. Il était , malgré son animosité envers les Dursley, soulagé. Dudley revenait en peu bizarre certes mais rien d'alarmant. Après un bon dîner et une bonne nuit, les choses devraient rentrer dans l'ordre. Si son état avait été préoccupant, sans aucun doute que tante Pétunia aurait insisté pour qu'il reste à l'hôpital.
Entre les Mangemorts et le monde des sorciers qui le prenait déjà pour un fou, Il avait déjà bien assez d'ennuis comme ça! Ce retour à la normale, lui faisait du bien, vraiment du bien. Il allait le payer tout l'été sans aucun doute, mais sa conscience était soulagée. Il ne revivrait pas avec son cousin le darme de Cédric. Alors rire, même s'il se forçait un peu, était salutaire.
Alors qu'il s'essuyait les yeux, il remarqua que son cousin le regardait, accoudé à la fenêtre de sa chambre. Il s'arrêta de rire et se sentit bête. Il ne savait pas trop quoi dire. Il se demandait s'il devait ignorer Dudley, le railler un peu pour effacer toute trace de la nuit, ou s'excuser de l'avoir mis en danger en étant le-Garçon-qui-blablabla….
les deux garçons se dévisagèrent sans parler pendant plusieurs minutes. Puis, alors qu'Harry se préparait à s'en aller, il entendit son cousin lui murmurer quelque chose.
« -Hein ?
-….
-Dudley, quoi ? Qu'est ce qu'il y a ?
-..Tu ris. »
Harry en resta tout bête.
« -Si tu ris, c'est que toi, ça va, pas vrai ?
-euh…..ouais.
-Bien... »
Et Dudley referma la fenêtre. Harry resta une bonne minute à mimer le poisson mort sur l'étalage, et repartit dans les rues, déboussolé. Pour la première fois de sa vie, un membre de sa famille, de son sang s'inquiétait pour lui. Bon ce n'était pas vraiment ni un merci ni des paroles de réconfort, mais il ne se sentait plus aussi haï à Privet Drive. Il sourit pour lui-même. Il n'aurait jamais cru qu'avoir quelqu'un de ses gènes, de son clan au sens biologique du terme, qui soit bon pour lui serait si bon. Après plus de quinze ans, sa famille, sa vraie famille le traitait comme un humain et non comme un cafard. Et cela faisait du bien. Un peu comme de revenir chez soi, comme le fait d'être chez soi. Dudley, son cousin avait...changé.
oOoOoOo
Je sais que je ne suis ni très beau, ni très intelligent. C'est le moins que l'on puisse dire !
Contrairement à ce que vous pouvez penser, je suis parfaitement conscient de mes limites, et dans une moindre mesure, de mes aptitudes. Cela va faire une semaine que ces…..trucs, Detra-machins m'ont attaqué avec Potter, et j'ai encore du mal à m'en remettre. Comme je vous l'ai déjà dit, je ne suis pas très intelligent, ou du moins je ne suis pas fin. Il faut toujours que je planifie tout dans ma tête, pour moi, il y a toujours un ordre dans ce qui peut arriver :
une cause-un effet- une conséquence. Point.
Cela fait donc une semaine que je rumine ce qui s'est passé, sans vraiment ni manger, ni dormir. Ma mère couine derrière la porte pour que j'avale quelque chose mais rien à faire, aucun aliment ne passe. J'ai perdu encore un peu de graisse, c'est mon entraineur qui va être content ! La seule chose qui me pousse à m'asseoir à table et faire semblant de manger, c'est la pensée que si je ne me nourris pas, ils ne vont pas le nourrir non plus. Quand je dis lui, je pense à mon cousin, Harry Potter. L'aboutissement de ma réflexion est que:
1°) je lui dois la vie ou au moins ma santé mentale. Il m'a protégé, donc je dois le protéger en retour. Ce n'est pas de la gentillesse, c'est de la logique, c'est tout.
2°)…pas encore mais vous allez bien deviner.
Donc, je me lève de mon banc de musculation et je descends dans la cuisine. Je frissonne car je n'ai qu'un tee-shirt trempé de sueur. Depuis ce jour là, il fait mauvais, la pluie ou plutôt une brume humide s'est installée sur toute la région, et la température a chuté pour atteindre quinze degré maximum. Mais ça me va, ou plutôt je m'en fous. Je dirais même que ça me permets d'être un peu seul, mes amis sont tous partis avec leurs familles vers des climats plus cléments.
Harry est déjà rentré des commissions, vu que mon vieux ciré est accroché à la patère et dégouline sur le sol. Je soupire doucement.
Bordel Harry, tu donnes le bâton pour te faire battre, c'est pas vrai !?
Je mets un seau sous le vêtement, histoire que ma mère n'oblige pas Potter à laver -encore une fois- tous les sols de la maison. Ils sont dans la cuisine, à faire le dîner, ou devrais-je dire, mon père et ma mère engueulent celui qui fait la cuisine. Pourtant des trois, c'est celui qui cuisine le mieux, c'est d'ailleurs la seule bouffe qui passe pour le moment. Je profite que je sois seul pour presser le vêtement trempé contre moi. Je suis quasiment collé à la patère, le nez dans l'odeur de sueur de Harry, les mains pleines de l'eau qui a coulé sur Harry, le pantalon soudain trop serré. Je gémis malgré moi.
Merde, j'ai plus le choix, je dois régler mon problème avant d'aller manger, je ne veux pas que ma mère me voit dans...cet état, et lui encore moins. J'enfile le vêtement et pars sous la pluie. Je sais déjà ou je dois aller.
Au parc. Sur la balançoire ou il s'assied toujours.
Le ciré est trop grand pour moi depuis que j'ai maigri alors Harry ….. Je rigole. Dedans, mon pauvre cousin ressemble à un poussin noir noyé dans une marée de plastique jaune. La balançoire gémis sous mon poids, il va falloir que je continue mon régime.
Vraiment ? Il a dit que tu avais l'air d'un cochon à qui on aurait appris à marcher sur deux pattes ? Mais ça, ce n'est pas de l'insolence Dud, c'est la vérité.
Comme si je ne le savais pas…Tu crois que c'est pourquoi que je ne mange plus, Potter ?
L'odeur de ce petit salaud est encore autour de moi, dans la veste. Il n'y a personne dans la rue alors je peux dégrafer mon pantalon et en sortir mon sexe gonflé. S'il y a une chose dont je peux être fier, c'est de la taille de l'engin, mais c'est pas vraiment le moment. Il pleut sur mon sexe, et ça m'apaise. Je soupire de plaisir triste, mes mouvements se font plus doux, plus….Comment on dit ?….Ah ! Langoureux. C'est ça langoureux.
Je revois les yeux de Harry, les lèvres de Harry, le corps de Harry….j'ai fermé les yeux pour goûter toutes les sensations mais comme d'habitude, je viens trop vite. Enfin comme depuis une semaine. Parce que, pour vous expliquer, depuis cette attaque de ces bestioles maléfiques genre Startrek, j'ai envie de Harry Potter. Sa voix, son sourire triste, son allure de chat maigre, l'éclat de ses yeux verts, tout en lui m'attire, me fascine. Mais j'aime aussi sa façon de lire, et j'envie ce monde qui n'appartient qu'à lui et qui le rend heureux, alors que je voudrais qu'il entre dans mon monde à moi. J'ai mis une semaine à le comprendre, vu que je ne suis pas très brillant, mais les gens stupides comme moi ont au moins une qualité : ils ne perdent pas de temps à philosopher sur le pourquoi du comment.
Ils refusent ou ils acceptent, et quand le choix est fait c'est pour la vie. Donc, moi Dudley Dursley, j'ai envie de mon cousin Harry Potter. Mais dans une famille comme la mienne, ou il faut à tout prix être normal, dans le rang, dans le moule, ce désir ne peut vraiment être exprimé que les jours de pluie. Je ne sait plus d'où vient ce qui coule sur moi mais j'ai froid, et je me sens vide.
Je vais être en retard pour le déjeuner, il faut que je rentre.
oOoOoOo
7.
17.
Harry regarda sa feuille, amusé. 7 parce que cela faisait tout juste sept semaines qu'il était à Privet Drive, et 17, parce que c'était le nombre de mots prononcés par Dudley depuis l'attaque des Detraqueurs. Il s'était amusé à les compter et les noter sur un papier. Son cousin passait ses journées enfermé dans sa chambre ou s'entrainait dans le garage contre son sac de sable. Comme il mangeait à peine et dormait encore moins, sa masse graisseuse fondait comme neige au soleil. Oncle Vernon et tante Pétunia ne comprenants pas ce qui lui arrivait, se vengeaient en menant la vie dure à Harry.
Il devait laver au moins deux fois par jour tous les sols de la maison
« tu as des chaussures dégoûtantes, lave ça ! »
il avait récuré le grenier
« et si on y déménageait sa chambre, non ? »
désherbé le jardin sous la pluie
« atchaaaa ! »
et aujourd'hui, il devait nettoyer toute la cave.
Qui plus est, oncle Vernon s'ingéniait toujours pour le priver de petit déjeuner, et comme il n'avait mangé qu'un petit bol de soupe la veille au soir, il entretenait une faim de loup. Il descendit en soupirant dans la cuisine, prendre les produits d'entretien. Oncle Vernon sirotait son café. Il jeta un regard mauvais à Harry.
« -N'embête pas ton cousin surtout ! Et tu ne mangeras que quand tout sera impeccable tu entends ?
-oui oncle Vernon.
-Tu as failli le tuer, alors gare à toi si tu utilise ta…chose ! »
Le garçon sera les dents mais ne dit rien. Au début oui, il avait répliqué mais au fil du temps, il s'était lassé. Il se contenta de hausser les épaules et descendit à la cave, sous les injures de son oncle. En entrant dans le sous sol, Harry béni pour la première fois de sa vie le fait de porter de vieilles affaires à Dudley. Son pull retroussé trois fois sur ses manches le protégeait du froid qui régnait dans la pièce. L'été avait définitivement déserté la région.
Pourtant, cette température ne semblait pas gêner son cousin. Il était déjà là, torse nu, à cogner comme un sourd sur son punching-ball sans se préoccuper de sa présence. Ses muscles saillaient sous sa peau, il dégoulinait de sueur et s'usait les poings à les faire saigner. Harry faillit dire quelque chose, mais Tante Pétunia choisit ce moment pour lui rappeler qu'ils seraient seuls pour le reste de la journée. Elle embrassa son fils.
« -Mon Dieu que tu es devenu fort mon Dudlynouchet ! Je t'ai préparé un pain de viande et du jus de fruit pour ton déjeuner, il faut que tu reprennes des forces ! Quand à toi… »
Elle se retourna vers Harry et retroussa les lèvres. Le Survivant eut la vision fugitive d'un cheval voulant manger une pomme à travers un grillage. Il remarqua cependant que Dudley s'essuyait la joue qu'elle avait couvert de rouge et recommençait ses exercices.
« -….Tu mangeras quand nous reviendrons ce soir, et à la condition que tout soit impeccable, compris ?
-Ce soir ? " Harry s'étrangla.
"-Oui, ce soir ! Tu as failli tuer mon fils avec tes simagrées, sois déjà content que nous t'ayons gardé ici ! »
Le garçon serra les poings et frotta avec une force exagérée les étagères crasseuses de la cave. Il ne desserra les dents qu'une bonne demi-heure après avoir entendu la voiture s'en aller.
Deux heures plus tard, même les bruits métalliques du sac de sable se balançant furieusement et ceux de sa brosse en ferraille ne parvenaient à couvrir les grondements de son ventre vide. Il mourait de faim. L'heure du déjeuner était passée depuis longtemps, mais Dudley continuait à cogner.
Fatigué, Harry s'assit à même le sol contre une barrique d'huile de moteur et regarda paresseusement son cousin en tentant d'oublier ses crampes d'estomac. Le jeune Dursley avait changé. Bien sur, il ne serait jamais beau, même en cherchant bien. Mais débarrassé de sa couche de graisse à la manière d'un oignon épluché par une main invisible, il émanait de lui une impression de force calme et tranquille. Les traits de son visage n'étaient plus noyés dans d'interminables replis sirupeux, et il apparaissait à Harry encore adolescent, comme ceux d'un homme . Un homme taillé à la serpette dans un arbre solide. Pas beau et pourtant rassurant.
Un nouveau grondement indigné parvint de son appareil digestif. Harry tenta de ne pas l'écouter et voulut reporter son attention sur son cousin, mais celui-ci avait arrêté de taper comme un bossu et le regardait. Le brun se tortilla, mal à l'aise. Il n'aimait pas quand son cousin le dévisageait de cette façon. Avant, il le regardait avec peur, dégoût, colère, une joie malsaine, mais là, il n'aurait pas su donner un seul adjectif à se regard. Au bout de cinq minutes, Dudley prit sa serviette, s'épongea le visage et le torse, puis remonta au rez-de-chaussée.
Harry hésita et s'approcha du coin d'entrainement, sa brosse à la main. Il devait bien nettoyer toute la cave, non ? Il n'avait plus que cet endroit à faire avant de laver le sol à grande eau. Oncle Vernon avait acheté à son fils les accessoires les plus chers et les plus sophistiqués afin de lui permettre d'optimiser ses exercices et continuer dans la voie du « noble sport ». Mais depuis quelques temps, Dudley avait tout rejeté dans un coin, et se contentait de ses altères et de son sac de sable qui se mouchetait chaque jour de nouvelle taches de sang, étant donné que le garçon ne mettait plus ses gants pour frapper. Du sang, il y en avait aussi sur la serviette, ce qui allait faire hurler d'horreur la tante Pétunia, et se pincer le cœur de Harry.
Dudley avait changé du tout au tout depuis l'attaque des Détraqueurs, et il se sentait responsable. C'était par lui que la magie était entrée dans la vie de son cousin, et l'avait attaqué. Il soupira, et ramassa la serviette. L'odeur de son cousin avait elle aussi changé depuis l'année précédente. Avant, elle était semblable à du lait caillé, une odeur de gros bébé confit dans sa graisse, alors qu'à présent, elle ressemblait à celle du vent sur une falaise, rude, salée, mais pas désagréable. Harry s'en remplissait les poumons s'en même s'en rendre compte quand un bruit de vaisselle le fit sursauter. Dudley venait de revenir avec un plateau, l'avait posé sur la barrique d'huile, et le regardait.
Encore.
Sauf que là, il avait l'air légèrement amusé. Harry rougit et faillit lui dire d'aller se faire voir quand une fragrance délicieuse de viande froide et de thé brûlant à l'abricot lui monta aux narines. Il se mordit les lèvres en regardant le petit repas improvisé que son cousin s'était préparé et commença à frotter le punching-ball pour tenter d'oublier sa faim, même si c'était mal parti.
J'aifaimj'aifaimj'aifaimj'aifaimj'aifaimj'aifaimmm mmmmmJ'AIFAIMMMMMMMMMM !
« -Laisse ça et viens manger. »
Etrange comme l'ouïe peut se surdévelopper en des circonstances particulières.
Harry balança son chiffon dans la pièce.
« -Tu trouves ça drôle ? T'es franchement un vicieux de faire ça, espèce de connard ! »
Dudley arrêta de manger et regarda son cousin.
Encore ce regard, mais un peu triste cette fois.
Non, blessé.
Harry le soutint en essayant de ne pas ciller et fixa avec envie les deux belles assiettes de pain de viande, la mayonnaise, le thé et les biscuits tendres au chocolat.
Minute.
DEUX assiettes.
Son visage s'affaissa. Son cousin lui avait préparé un délicieux déjeuner et il venait de l'envoyer paître comme un malpropre. Entre sa gêne de s'être comporté comme un imbécile, et le temps de récupération de voir Dudley se soucier de lui, il lui fallut une bonne minute pour rejoindre l'autre garçon et attaquer son repas. La faim prit le dessus et il se jeta sur la nourriture comme un affamé. Dieu que ça faisait du bien ! La vieille soupe moisie, le fromage-savon et les salades fripées n'étaient plus que de mauvais souvenirs. Mais il se sentait vraiment comme un crétin. Dudley avait été gentil, il devait s'excuser, c'était la moindre des choses.
« -Dudley….je suis désolé…excuses moi… »
Son cousin haussa les épaules, la petite étincelle de peine encore aux fond des yeux, et ne répondit rien. Il était résigné. Harry soupira. Tout avait changé ce jour là, depuis l'attaque des Détraqueurs. Dudley avait perdu sa morgue, et était perdu dans ses pensées à longueur de journée.
Le repas se finissait. Le thé coulait dans le corps des deux adolescents et leur procurait une douce chaleur sucrée. Enhardi par le calme et la promiscuité, Harry leva la tête de sa tasse.
« -Dis, Dudley...je voulais te demander… »
Il hésita, l'interpellé le regardait encore, sans interrogation, pas même une attente. En bon Gryffondor, Harry eut le sentiment de faire une bêtise alors même qu'il se lançait malgré tout.
« -Je voulais savoir, qu'est ce que tu as vu lors de l'attaque des Détraqueurs ? »
Dudley reposa son thé, et son regard s'anima enfin. Harry aurait préféré se couper la langue plutôt que d'avoir posé sa question stupide. Mais c'était déjà trop tard. Son cousin eut un sourire indéfinissable, entre colère, chagrin et résignation.
« -Je me demandais quand tu allais enfin te décider à me le demander. »
Harry se tassa encore plus sur lui-même, mais Dudley n'en avait pas fini avec lui.
« -Et bien puisque tu y tiens tant je vais te le dire. J'ai vu mes parents, mes amis, mes voisins, mais ils n'étaient plus ni mes parents, ni mes amis, et ils me parlaient. »
Le garçon s'était levé et rangeait leur petit en-cas. Ses mains tremblaient et il ricana. Timidement, Harry commença à l'aider.
« -Et….ils te disaient quoi… ?
-Qu'est ce que tu veux qu'ils me disent Potter ? Que je ne suis qu'un gros porc à deux pattes, si stupide qu'il mangerait sa merde sans se poser de questions ! »
Dudley s'animait.
« -Mais ça ce ne serait rien, si je n'avait pas compris à ce moment là ! Cette saloperie de bestiole magique m'a montré que si je n'avais pas été leur fils unique, ma chère mère serait la première à se moquer de moi, à colporter aux voisines que je suis gros comme une baleine, et mon cher père à répéter partout que je suis con comme une meule ! Me amis ont peur de moi, c'est tout ! Ils ne m'aiment pas Potter ! Ils ne m'ont jamais aimé, ni les uns, ni les autres ! Même toi ! Je sais que j'ai été un vrai con avec toi Potter, une vraie petite saloperie mais tu t'es demandé si j'avais le choix? Si je ne me suis jamais demandé ce qui se passerais si je me comportais autrement? J'avais peur Harry... »
Harry suppliait mentalement son cousin d'arrêter, mais aucun son ne sortait de sa bouche.
« -Tes parents sont morts Potter, j'en suis désolé pour toi, mais ils t'ont aimé ! Si les rôles avaient été inversés, si mes parents m'avaient trouvé devant leur porte, tu crois vraiment qu'ils m'auraient traité différemment de toi ? ! J'ai joué leur jeu parce que..mais regardes toi et regarde moi! Tu es beau, intelligent, vif et du as des pouvoirs magiques. Moi... moi je suis laid, idiot et je ne sais rien faire de mes dix doigts. Je suis entré dans leur jeu parce que si jamais ils les ouvraient, les yeux, tu crois vraiment que je serais leur "Dudlynouchet"? Oh non, Potter, absolument pas ! Ils aiment leur fils, Potter leur fils ! Mais Dudley, MOI !...je n'existe même pas, ni pour eux, ni pour personne. Voilà ce que j'ai vu, ce que j'ai compris. Est-ce que tu es satisfait ?
-Ecoute….Dudley….je….
-Parce que tu crois que je ne le savais pas ? Est-ce que tu as lu les directives de l'infirmière pour moi, hein Potter ? Ma mère a lu surpoids, mais c'était pas ça qui était marqué, oh que non Potter ! Ça, ça l'arrangeait, c'était une version acceptable, c'est tout. C'était marqué boulimie...boulimie ! Avec suivi psychologique, parce que dans cette putain d'école j'y passe mes pauses, chez le psy ! Mais le fils de Vernon et Pétunia Dursley ne peut pas avoir de problèmes, bien entendu ! Même s'il fait 50 kilos de trop, s'il sait à peine lire, s'il s'enfuit dans des mondes virtuels ! Potter, Potter, tu sais tout, ce Détraqueur, il ne m'a pas attaqué, il m'a juste enlevé ce qui me restait d'illusions…. »
La voix de Dudley s'était brisée. Harry n'osait même plus le regarder. Il tentait de se noyer dans sa tasse de thé, les yeux brouillés. Il ne vit pas son cousin le regarder, encore, avec cette fois quelque chose qui ressemblait à de l'amour et du désespoir, il ne l'entendit pas se rapprocher de lui, mais il sentit sa grande main meurtrie se plonger gentiment dans ses cheveux.
« -Allez Harry, range tout ça, avant que ma mère ne te tombe dessus. »
Le survivant releva le nez. Dudley rencognait sur son sac.
Harry remonta dans la cuisine et pleura doucement en rangeant leur vaisselle, la tête lourde d'un chagrin nouveau, mais chaude là où la paume et les doigts de l'autre garçon l'avaient touché. Il avait enfin un cousin, un presque frère de sang, mais c'était le malheur dû à son statut de Survivant, cette malédiction d'être l'adversaire de Voldemort qui les avait rapprochés. Harry ne détestait plus Dudley, il ne le détesterait plus jamais. Parce que Dudley avait...changé.
