Bonsoir à tous.

Je commence enfin ce projet qui me tenait à coeur, mais que j'ai du longtemps repousser faute de temps.

Je retourne à l'un de mes fandoms favoris, Touhou Project, avec cette histoire à laquelle j'ai un lien particulier, le scénario m'ayant longuement trotté dans la tête.

Donc, voici Ames de sang, ma nouvelle fiction, mêlant intrigues policières, sentiments et danmaku, sur fond de secrets de famille.

Bien entendu, étant donné le caractère extrêmement noir, même plus sombre que dans mes autres fictions, un rating M est de vigueur.

Sur ce, je vais vous laisser lire ce premier chapitre, avec quelques précisions qui me semblent indispensables. Comme Touhou est célèbre pour ses spellcard, je choisis de conserver les noms en anglais. Les musiques abritant également l'âme de ces jeux, j'ai choisi un thème d'ambiance me semblant particulièrement approprié, que je signale à chaque début de chapitre.

Vous n'êtes pas obligé d'approuver mon choix, il relève juste de préférences et d'opinions qui me sont propres, donc discutables.

J'espère que vous prendrez plaisir à me lire, comme j'ai eu plaisir à écrire cette histoire. N'hésitez pas à me laisser des reviews, j'y répondrais.

Disclaimer : Touhou Project appartient à ZUN et à la Team Shanghai Alice.


Chapitre 1 : Cold night for an empty heart.

Thème conseillé : Touhou 8 - Imperishable Night : Illusionary night - Ghostly eyes. ( http :/www. youtube .com/watch? v=NkVLN3WrWiQ )

Le ciel semblait se déchaîner aujourd'hui.

Les noirs nuages qui s'étendaient comme de menaçantes masses d'orages ne cessaient de déverser des trombes d'eau sur le pays.

Les clapotis de la pluie sur les tuiles, ainsi que sur les flaques qui se formaient sur le chemin de la procession des personnes vêtues de blanc, étaient le seul son audible. Les murmures étaient masqués par se son obnubilant, comme si la nature se taisait et participait à la tristesse des invités.

Au loin, soigneusement écartée des humains considérés comme normaux, une autre personne se focalisait sur les clapotements bruyants. La pluie glaciale et incessante, qui n'était qu'une matérialisation physique du climat, était le reflet de ce que la personne isolée ressentait en elle-même, au plus profond d'elle même.

Assise à même le sol, malgré la boue qui souillait sa salopette, Fujiwara no Mokou appréciait beaucoup la pluie, malgré ce que son pouvoir laisserait imaginer. Les gouttelettes glaciales, qui se nichaient dans ses cheveux blanchis par sa malédiction, finissaient toujours par serpenter sur les joues gonflées de l'immortelle. Lorsqu'il pleuvait et que l'eau ruisselait sur tout son visage, elle pouvait sans difficultés cacher ses larmes au milieu de ce flux intarissable, qui finissait toujours par tomber au sol.

Mokou était restée immobile durant toute la cérémonie. Sa chemise légère et le reste de ses vêtements trempés la faisaient légèrement frissonner, même si le vent qui soufflait lui semblait n'être qu'un détail. Par réflexe, elle ramena ses jambes contre son ventre, ressentant à peine la sensation désagréable dans ses muscles ankylosés. Glacée, l'immortelle ne prêtait même plus attention à la fatigue qui gagnait l'ensemble de son corps. Ses sensations étaient toutes engourdies, reléguées au second plan, alors que son regard brumeux restait vaguement fixé sur l'assemblée claire qui était réunie devant l'école du village humain.

Restée en hauteur, isolée, la jeune femme à la salopette bouffante resta d'un calme glacial, immobile, comme détachée des éléments. Elle ignorait la fine pluie glacée qui trempait ses longs cheveux blancs, étant beaucoup trop concentrée sur la morsure glaciale de l'innommable douleur qui enserrait son cœur.

Dégageant sa frange collée à son front par la pluie, Mokou se décida finalement à partir, puisqu'il n'y avait plus rien à voir. Ca y est, c'était fini. L'urne funéraire contenant les cendres de Keine venait d'être enterrée. Il n'y avait plus rien à voir, juste cette tombe neutre, simple bloc de pierre froide qui ne rendait guère hommage à la femme merveilleuse qui reposait désormais sous ce monolithe, pour l'éternité.

Poings serrés, l'immortelle avança lentement vers le village, en se traînant sans entrain, alors que tous les endeuillés se dispersaient. Le mugissement du vent qui s'engouffrait entre les bambous, couvrait le son de ses pas qui laissaient de légères traces dans le sol boueux et lessivé par cette pluie incessante.

Ce n'est que lorsqu'elle fut certaine de ne pas être vue, que la jeune femme frigorifiée adressa un dernier mot d'adieu à cette tombe, avant de s'en retourner dans son domicile.

Sa maison, pensa-t-elle avec ironie, en voyant la construction surélevée et de taille modeste, qui faisait plus penser à une cabane. Elle n'avait pas d'autre mot à l'esprit pour qualifier cette petite bicoque insipide, glaciale, mal isolée et tellement peu accueillante. Cet endroit froid, à la décoration quasi-inexistante et aux murs austères, elle ne l'avait jamais vraiment considéré comme étant son foyer. Si elle faisait exception de son ancienne vie de mortelle, une part de son passé qu'elle ne tenait absolument pas à revoir s'insinuer devant ses yeux meurtris, l'unique endroit qu'elle avait considéré comme son foyer, c'était chez Keine.

L'enseignante à la robe bleue et au sourire sincère avait toujours une place disponible pour sa meilleure amie, sachant parfaitement que l'immortelle était sa moitié, celle qu'elle protégeait de ses sombres souvenirs. Les deux femmes se soutenaient mutuellement, protégeant l'autre de leurs sombres secrets.

Mokou laissa ses chaussures souillées à l'entrée, titubant vers sa chambre en se retenant péniblement aux poutres de bois qui soutenaient la charpente. Lorsque l'immortelle atteignit sa petite chambre, à peine décorée par un portrait souriant de Keine, elle baissa la tête. Lâchant sa prise sur la poutre, elle bascula en avant, se laissant tomber sur son lit défait, les bras en croix, totalement amorphe. Son regard vide restait rivé sur le plafond, tandis qu'elle se morfondait dans cette habitation froide et vide de chaleur, la seule odeur perceptible étant celle du tabac froid resté incrusté dans les rideaux à moitié mangés par les mites.

Les splendides yeux écarlates de la forte mercenaire solitaire avaient soudainement pâli, remplacés par ce regard fixe, dépourvu de la moindre émotion, de la moindre chaleur. Ces yeux morts étaient ceux d'un cœur brisé, d'une coquille vide qui n'attendait plus rien de la vie. La seule émotion qu'elle ressentait désormais était semblable à une tempête qui la noyait et la faisait suffoquer, piégeant son cœur dans un étau de glaciale douleur.

Elle ne vivait plus, elle ne faisait plus qu'exister.

Exister, c'est de ne plus réussir à se sentir soi-même, n'être plus qu'un simple pantin sans émotions. Désormais, elle savait parfaitement qu'elle marcherait seule, absolument seule, sans aucun chemin à suivre, abandonnée de tous.

Elle vivrait, sans personne à ses cotés pour la soutenir, pour l'écouter, pour la faire vivre. Elle se sentait mutilée de l'intérieur, comme si la moitié de sa pitoyable âme avait été arrachée.

Pire encore, elle serait entourée des autres, ces odieuses personnes qui salissent tout et qui lui cracheront à la figure de se relever et d'arrêter d'être si pitoyable. Quels idiots. Comme s'ils pouvaient encore être en position de lui donner des leçons, alors que tous ces humains ne sont rien d'autre que de pathétiques marionnettes à qui on n'a pas encore arraché ce qui assure leurs existences plates et pathétiques.

Quels idiots. Ils ne sont rien, ils ne pouvaient pas comprendre. Personne ne pourrait la comprendre ! Tous ces idiots aux existences éphémères et qui redoutaient la fin de leur passage si éphémère dans ce monde, ils ne savaient même pas ce que c'était que d'être immortelle. Ils ne pourraient jamais imaginer vouloir en finir, désirer ardemment la mort, espérer au plus haut point que tout s'arrête. Ceux là désiraient presque tous la vie éternelle, souhaitant échapper au trépas, alors qu'elle même n'avait même plus la possibilité de pouvoir enfin mourir. Malgré tout son pouvoir, il y avait des choses qu'elle ne pourrait jamais obtenir.

Toute la nuit, alors qu'une demi-lune brillait faiblement à travers les cieux partiellement couverts de nuages sombres, Mokou resta recroquevillée sur le matelas humide. En plus de ne plus rien avoir pour vivre, elle ne ressentait même plus aucune nécessité à exister, restant enfermée dans le nuage de désespoir qui obscurcissait son âme. Elle ne luttait même plus contre les pensées qui se bousculaient en elles, ces chuchotements insidieux lui disant n'être qu'une chose inutile, futile, brisée, allongée pitoyablement à réfléchir, à se morfondre en sachant que son existence n'a plus aucun sens, plus aucune place parmi ce monde fou.

Elle avait plus qu'une envie, un désir obnubilant, celui de s'évader loin de tout, mais alors vraiment de tout.

Elle voulait partir.

Partir à tout prix, même s'il fallait quitter Gensokyo, quitter ce monde, voire même se retirer de la vie elle-même.

Elle ne voulait même pas recommencer sa vie à zéro. Même si elle effaçait tout son passé et ses douloureux souvenirs, ce qui était impossible, elle souffrirait de nouveau. Tout ou tard, c'était inéfitable. Elle voulait juste disparaître, cesser d'être, sans devoir avoir à vivre de nouveau, quelle que soit la forme de sa nouvelle existence.

Elle le savait pourtant, sifflait une autre voix en elle. Elle savait très bien qu'elle finirait de nouveau par en arriver là, à se retrouver à souffrir. Elle savait qu'elle n'aurait pas du aimer. Elle était sortie de sa souffrance grâce à Keine, qui lui avait lentement redonné une raison d'exister. Désormais, elle retombait dans son désespoir, chutant encore plus profondément dans ce bain glacé, atteignant un niveau de souffrance qu'elle n'avait jamais pu imaginer.

Qu'espérait-elle ? demandait avec cynisme son esprit engourdi. Que sa misérable vie soit marquée par autre chose que la souffrance ?

Quelle idiote, pensait-elle en brisant ses illusions, elle aurait du s'en douter. Elle aurait du cesser de se mentir et de masquer la vérité. Elle aurait du rester vivre seule, à haïr et à se noyer dans cette sombre flamme. C'eut été préférable, en fin de compte.

Elle n'était qu'une nuisance, une poussière insignifiante, absolument rien dans ce monde, alors à quoi bon espérer. L'espoir, c'était bien là le dernier refuge des faibles.

Tout son cœur était rongé par le chagrin, alors que les ténèbres en elle s'agrandissaient. Elle se perdait elle-même, espérant vainement que le chagrin disparaisse, afin que sa haine pure, intense et absolue, ne finisse par détruire son corps, pour qu'elle cesse enfin d'exister.

Elle voulait oublier ce qu'elle était. Elle voulait que la pitoyable nuisance disparaisse.

- Après tout, gémit-elle faiblement, alors que les mots quittaient ses lèvres sèches, je ne suis plus rien. Je n'en vaux même pas la peine. Tout ce que je veux, c'est pouvoir en finir. Mais, même ça, je ne le peux plus.

Allongée sur son lit, recroquevillée en position fœtale, Mokou ne ressentait plus que la misère et le désespoir. C'étaient là les deux pires émotions qui puissent être ressenties par un être humain, car elles n'apportent rien d'autre que la souffrance.

La haine peut réveiller et donner la force de surmonter les obstacles. La colère donne la volonté de se battre. La compassion guérit les blessures. Même l'amour peut …

L'amour.

La simple mention de ce mot, ce terme qu'elle voulait bannir de ses pensées, provoqua une montée de colère en elle.

L'amour, l'émotion qui provoqua sa souffrance.

Une émotion qui ne lui offrit seulement le désespoir. Mais comment pouvait-elle ressentir en elle-même tant l'amour que la misère ? La seule hypothèse venant à son esprit était que cette émotion ne peut être pleinement estimée que lorsqu'on en découvre l'autre facette.

Elle était seule, abandonnée au carrefour entre le bonheur complet et la souffrance éternelle. Elle savait que son bonheur venait d'être fracassé et qu'elle se retrouvait à devoir errer seule sur la route du désespoir.

Mokou ne savait plus que faire. Pourquoi devait-elle souffrir encore, avoir encore mal, alors que pour une fois dans sa vie, pour la première fois depuis plus de mille ans, elle avait enfin pu toucher le bonheur ?

Elle était amoureuse, ayant goûté à ce sentiment qui la rendait heureuse. Alors, songea t-elle, puisqu'elle est touchée par cette force, existant toujours en elle-même, pourquoi connaîssait-elle le désespoir ? Keine était morte, pourquoi donc sa disparition aurait-elle plongée le cœur de Mokou dans le désespoir, si l'amour était une telle force ?

Une émotion qui apportait à la fois le bonheur et le désespoir.

Quel est ce non-sens ?

Ces questions lui embrumaient l'esprit, ne l'empêchant en rien de souffrir abominablement. Etait-ce de sa faute si elle souffrait ? Est-ce qu'elle méritait réellement d'être heureuse ? Est-ce que c'était elle, la cause de la mort de Keine ?

Pourquoi devait-elle souffrir ?

Etait-ce de sa propre faute qu'elle souffrait ? Ce sentiment était-il inhérent à son existence, guidant la totalité de son destin ? Devait-elle souffrir, juste parce qu'elle existait ?

Non.

Sa main droite trembla légèrement, à mesure qu'elle enfonçait ses ongles dans le matelas.

Ce n'était pas de sa faute.

C'était une certitude qui se gravait en elle, comme à l'acide. C'était la seule chose qu'elle considérait comme indiscutable.

Légèrement, elle releva la tête, dégageant son visage de ses longues mèches de cheveux d'acier.

Une lueur de haine brilla dans ses yeux sanglants, qui retrouvèrent toute leur teinte rubis.

Ce n'était pas sa faute.

La douce brûlure de la haine commençait à circuler de nouveau dans ses veines, réchauffant son âme glacée, tout en l'invitant à assouvir le désir de mort qui bouillonnait en elle.

Tout ça, c'était de la faute de Kaguya ! C'était la faute de cette vie, à cause de ces humains, à cause de ce monde.

C'était de leur faute.

C'était entièrement de leur faute.

C'était toujours de leur faute !

- Je veux qu'ils souffrent tous.