Titre : Errance éternelle
Autrice : Sesshy-girl (aka Sesshy's wife)
Résumé : Imaginez qu'en vous réveillant, vous ne vous souveniez de rien, que vous ne sachiez plus qui vous êtes. Imaginez que personne ne puisse ni vous voir, ni vous entendre ? Cette jeune fille est confrontée à ce problème. S'en sortira-t-elle sans dommage ?
Disclaimer : Les personnages de Peach Girl ne m'appartiennent pas et sont la propriété exclusive de Miwa Ueda. Et heureusement pour Sae parce que si elle avait été à moi, elle aurait expérimenté des douleurs et des tortures telles que l'Enfer lui aurait paru être le Paradis à côté . . .
Couple : Disons un Momo/Kairi pas encore formé. n.n
Note : Cette fic est écrire pour un concours que j'ai organisé sur un forum dont je suis la co-administratrice. Le but est d'insérer un mot racine qui devra donc figurer dans un texte (choix totalement libre de l'auteur quant au sujet de ce qu'il désire écrire). L'orthographe, la ponctuation, la syntaxe, la grammaire, l'expression, le niveau de langue, la compréhension du texte, la mise en page, l'imagination et l'insertion du mot racine seront notés sur un barème de 25.
Note 2 : Le concours durant un an, cette fic donc contiendra 12 chapitres, à raison de 1 par mois. Chaque chapitre sera un one-shot qui n'aura que le personnage de la jeune fille pour tous les relier entre eux. C'est confus ? Lisez, et vous comprendrez ce que je veux dire. n.n
Mot à insérer : Extincteur
En tout cas, je vous souhaite une bonne lecture et j'espère que vous aimerez.
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Errance éternelle
Chapitre 1 : Qui suis-je ?
Qui suis-je ?
Si seulement je pouvais répondre à cette question avec précision, cela m'éviterait bien des tracas. Je ne me souviens de rien me concernant, pas même de mon nom ni de mon prénom. Rien non plus concernant une éventuelle famille ou des éventuels amis. Pas de souvenirs d'école, de travail . . . Juste des souvenirs de base comme les différences humain/animal/végétal/minéral, homme/femme, jeune/vieux, bien/mal, beau/laid, le nom et l'utilisation des objets, les lieux, les couleurs, quelques restes littéraires . . .
Je suis sans être. Je vis sans vivre. Enfin je crois . . . Il me semble me souvenir d'une citation qui disait « Je pense donc je suis. ». Je suis douée de cette capacité de penser, mais je n'ai cependant pas l'impression d'être . . .
Parce que j'ai moins d'existence qu'un minéral. Une pierre ne parle pas, ne pense pas, ne bouge pas de son propre chef. Oui, mais une pierre, on la voit et on la touche. Moi, personne ne me voit et personne ne sent mon contact. Les gens m'ignorent, me rentrent dedans, me marchent dessus sans s'en apercevoir . . . Même la douce brise a plus de consistance et d'emprise sur eux que moi !
Parce que j'ai moins d'existence qu'un végétal. Une plante ne parle pas, ne pense pas, ne bouge que sous les caresses ou les attaques du vent ou d'un autre être vivant. Mais une plante se nourrit et respire. Moi, je n'ai besoin ni de manger, ni de boire, ni de respirer. Je n'ai pas les besoins vitaux du plus commun des êtres vivants.
Parce que j'ai moins d'existence qu'un animal. Un animal doit sûrement penser, bouge comme bon lui semble, se nourrit. Et un animal communique. Moi, personne ne m'entend. J'ai beau hurler aussi fort et aussi longtemps que je le souhaite, mes mots et mes cris ne leur parviennent pas.
Je n'ai pas l'impression d'être au sens où il doit normalement être entendu. Je suis car je pense, je parle, je bouge. Je suis car j'existe, du moins pour moi. Oui, uniquement pour moi. Pour les autres, je ne suis rien.
Peut-être suis-je un fantôme, un esprit. Peut-être suis-je morte. Peut-être mon âme tourmentée ne peut-elle pas quitter le monde dans lequel j'ai vécu. Non, c'est faux. Parce que je ne suis jamais au même endroit.
Il me reste seulement un des besoins vitaux des êtres vivants : le besoin de sommeil. Oui, j'ai la capacité de dormir, mais je n'en ai pas l'envie. C'est assez compliqué à expliquer. Comment vous dire . . . Je n'ai fondamentalement pas besoin de sommeil, au contraire des personnes normales, vivantes . . . Non, le sommeil est, du moins pour moi, quelque chose d'autre que du repos . . . Il me prend par surprise et n'apporte que le changement.
Lorsqu'il arrive, mon corps est nimbé d'une aura scintillante et mes yeux se ferment malgré mon envie de les garder ouverts. Lorsque je me réveille ensuite, je suis incapable de savoir combien de temps s'est écoulé pour une bonne raison : je suis dans un monde différent du précédent, avec un espace-temps dissemblable.
J'ai été très troublée au départ. Mais maintenant je me suis accoutumée à ces changements permanents. Parce que je n'ai pas le choix. Quoi que je dise, quoi que je fasse, rien n'influe sur le monde dans lequel je me trouve. Alors je reste là en spectatrice muette et anonyme. Méconnue et ignorée.
Je pense que vous avez pu remarquer que je parle de moi au féminin, non ? Comment puis-je savoir si je suis un homme ou une femme vous demandez-vous ? La réponse est simple : je peux voir mon corps. Bien sûr, je ne me reflète nulle part, je ne peux donc pas voir ma tête. Bien sûr, je suis incapable de la tourner à 180° pour voir mon dos. Mais il me reste toujours mes mains pour tenter de le deviner. Et pour le reste, mes yeux suffisent.
De par la texture de ma peau et la formation de mon corps, je me donnerais entre 18 et 25 ans, probablement entre 1m60 et 1m70, aux environs de 50-55 kg, avec une poitrine de taille moyenne. Mes cheveux sont châtains et m'arrivent aux omoplates. Une mèche me tombe d'ailleurs de temps en temps dans les yeux, yeux dont la couleur m'est inconnue.
Quant au sujet des vêtements que je porte . . . Eh bien ce ne sont jamais les mêmes. Ils s'adaptent par je ne sais quelle magie à l'endroit où je me retrouve lorsque je me réveille. J'ai d'ailleurs parfois eu de drôles de surprises . . . et pas toujours des plus agréables. Ce qui me permet de petit à petit connaître les goûts qui ont pu être les miens par le passé. Enfin si j'ai autrefois eu un passé . . .
En ce moment, je porte . . . je porte . . . Je fronce les sourcils alors que mon regard se pose sur mes bras puis sur mes jambes nues. Non ! Pas encore ! Me retrouver nue une fois m'avait suffit ! Je n'avais jamais eu aussi honte de toute ma vie. Enfin si j'avais eu une vie avant . . . Non, disons que je n'avais jamais eu aussi honte depuis que j'avais commencé ces étranges voyages. Même si personne ne pouvait me voir dans ma tenue d'Eve, fort heureusement.
Mes yeux remontent le long de mes cuisses jusqu'à mon ventre alors que mes mains se posent d'une façon protectrice sur ma poitrine. C'est un grand soulagement pour moi que de voir le tissu bleu marine qui recouvre ces parties de mon corps. Il ne me faut pas longtemps pour reconnaître un maillot de bain une pièce. Pas très beau ni très seyant certes, mais c'est déjà mieux que rien.
Un bruit attire soudain mon attention. Relevant la tête, je prends pour la première fois conscience du décor qui m'environne. Je me trouve dans une pièce de taille moyenne au sol carrelé, remplie de casiers métalliques. Probablement un gymnase. Ou, tout du moins, son vestiaire. Un vestiaire bien sombre dans lequel quelques rayons de soleil déclinants me font comprendre que l'après-midi touche à sa fin et cède lentement le terrain au début de soirée.
Le bruit se fait de nouveau entendre alors je tends l'oreille, attentive. Ça ressemble à . . . oui, à des sanglots . . . Des sanglots entrecoupés de hoquets et de reniflements. Intriguée, je me laisse guider par ce bruit jusqu'à son origine, dans le coin le plus reculé et le moins éclairé du vestiaire.
Assise à même le sol, la tête baissée et dissimulée derrière des genoux remontés à hauteur de poitrine, une jeune fille pleure. Ses bras entourent ses jambes, tous deux nus, et elle est secoué de frissons. Ses longs cheveux clairs tombent en cascade de chaque côté de son corps, telle une pluie de filaments dorés.
Je reste un instant indécise avant de lentement m'approcher. Un nouveau bruit parvient alors à mes oreilles maintenant que je suis plus proche. Un bruit d'eau qui coule. Les sanglots de la jeune fille ont sans doute dû me le masquer jusque là.
Mes yeux sont alors attirés par un lavabo qui déborde, sans doute trop rempli vu que l'eau ne coule plus du robinet. Ma curiosité une nouvelle fois piquée, je décide de m'approcher pour en regarder le contenu.
Ma surprise est grande en constatant que cela semble être un uniforme roulé en boule. Pas étonnant que le lavabo déborde ! Mais pourquoi est-il là ? La jeune fille s'était-elle tachée ? Oui , mais dans ce cas, pourquoi tout avoir mis à laver ?
Ce n'est que lorsque je remarque de la dentelle blanche qui ne pouvait appartenir qu'à des sous-vêtements que je me rends compte de mon erreur. Ce n'était pas la jeune fille qui avait volontairement mis ses affaires à laver. En général, on ne se balade pas avec une culotte et un soutien-gorge de rechange sur soi. Enfin je crois . . .
Il me semble maintenant évident que quelqu'un lui a joué une mauvaise farce, d'où la raison de ses larmes. Mais pourquoi lui avoir fait une chose pareille ? Et qui ? Avait-elle fait quelque chose pour le mériter ? Ou était-ce simplement une méchanceté gratuite de camarades de classe ayant un sens de la plaisanterie quelque peu . . . déréglé ? Etait-elle raquettée ou harcelée ? Peut-être lui avait-on demandé de ramener une grosse somme d'argent et qu'elle n'avait pas pu tout réunir. Peut-être que c'était un acte pour prévenir à une quelconque désobéissance future. Peut-être que . . .
Hum hum . . . Peut-être devrais-je calmer là mon imagination galopante . . . Oui, je crois que ça vaudrait mieux avant que je ne pense à des choses pas très catholiques comme . . . Ouais, trop tard . . . Pour la prévention de mes pensées, j'y repasserai . . .
Bon, je pense qu'il serait plus que temps que j'arrête cette énorme digression pour me concentrer sur la jeune fille ici présente. Même si je ne pourrais probablement rien faire pour elle puisque ma voix ne l'atteindra pas . . . Enfin, je me contente d'essayer d'aider les gens, c'est toujours mieux que rien, non ?
« Hé ! Arrête de pleurer. J'ignore ce qu'il s'est passé dans les détails, mais ça va s'arranger. Regarde, tu as juste à mettre tes vêtements à sécher dehors et ça ira. Bon, je n'ai aucune sensation, tactile comme thermique, c'est vrai, alors je suis incapable de te dire s'il fait chaud ou non . . . Mais ne désespère pas ! Plus vite tu te secoueras, plus vite tu auras remédié au problème ! »
Je m'accroupis face à elle et pose ma main sur son épaule. Un pincement me sert le cœur alors que je vois mes doigts, puis l'ensemble de ma main, passer à travers son corps sans que cela ne lui arrache une quelconque réaction, même de simples frissons . . . A moi non plus vous me direz . . .
Sombre crétine ! Je viens de lui dire que je n'avais aucun ressenti physique, et voilà que je veux la rassurer d'une main sur l'épaule, comme l'aurait fait une amie ! Enfin je crois qu'une amie aurait agi ainsi . . . Ce que je peux être stupide !
Soupirant, je me laisse tomber à côté d'elle indifférente à la flaque d'eau qui inonde le sol à cet endroit. Après tout, je ne ressens rien, alors autant tirer profit de mon état . . . Soupirant de nouveau j'adopte, sans vraiment m'en rendre compte, une posture quasi identique à celle de la jeune fille, remontant mes genoux sur ma poitrine et les entourant de mes bras. La seule différence notable est qu'au lieu d'enfouir ma tête à l'abri derrière mes jambes, je pose mon menton sur mes genoux.
Je souffle pour dégager la mèche de cheveux qui me tombe dans les yeux et tressaille en ne sentant pas le léger courant d'air chaud frôler puis caresser ma peau . . . Etrange et terrifiante sensation . . . Je ne pense pas pouvoir m'y habituer un jour . . .
Il y a des avantages à cet état : je peux faire et dire ce que je veux sans aucune restriction et aucun retour désagréable d'autrui, je peux me faufiler où je veux puisque les murs sont dans l'incapacité de m'arrêter, un projectile physique ne m'atteindra jamais . . .
Mais les inconvénients sont aussi présents : personne pour vraiment nous tenir compagnie ni pour discuter, pas la moindre façon de venir en aide à quelqu'un, aucune sensation agréable au toucher comme celle de la fourrure ou de la soie ne peut nous atteindre, aucune mort n'est envisageable . . .
Ce que je peux être pitoyable ! Je tente d'aider quelqu'un qui n'a pas le moral et, au final, c'est moi qui déprime . . . Franchement est-ce que ma 'non-existence' aurait un but ? Je crois que je commence à en douter . . .
Je ne devais être qu'à l'aube de ma jeunesse et avoir la vie devant moi. Enfin si tant était que j'avais vécu avant . . . Maintenant on peut dire que c'est sûrement l'éternité que j'ai devant moi. L'éternité . . . Je ne sais pas trop ce que cela signifie. J'essaie de me dire que tout ira bien, mais je ne peux m'empêcher d'être effrayée par cette perspective . . .
Encore perdue dans mes pensées, je sursaute alors que la jeune fille se lève d'un mouvement brusque, sa chevelure voletant autour de son visage, brillant d'un éclat doré en captant la lumière des derniers rayons de soleil. De minuscules gouttelettes s'en échappent pour aller lentement s'écraser sur le sol, les casiers environnants et le mur devant lequel je suis assise. Bien sûr, aucune d'entre elles ne put m'atteindre . . .
Je la vois essuyer ses yeux d'un geste rageur et décidé avant de se donner de petites tapes sur les joues dont je n'avais pas remarqué la jolie teinte cuivrée. Et je me prends à envier cette belle peau bronzée par les chaux rayons du soleil de . . .
« Allez Momo, reprends-toi !, s'encourage-t-elle en me sortant une nouvelle fois de mes pensées. Tu sais très bien ce dont Sae est capable et comment elle arrive à manipuler les gens pour qu'ils fassent le sale boulot à sa place. Ce n'est pas la première fois que cela t'arrive. Ni la dernière. Alors ne lui donne pas la satisfaction de voir que sa méchanceté et sa fourberie te blessent. Sois forte et elle finira par se lasser. Enfin j'espère . . . »
J'écoute la jeune fille, Momo – drôle de nom - avec attention, analysant la moindre de ses paroles. Si j'ai bien compris, une certaine Sae prenait plaisir à manipuler les gens et à leur laisser se salir les mains. Et apparemment Momo serait leur souffre-douleur depuis quelques temps déjà. Cette jeune fille devait probablement être seule contre les autres. Des gens comme ça existaient vraiment ?
Fixant de nouveau mon attention sur elle, je remarque qu'elle aussi est vêtue de ce même maillot de bain bleu marine. Ce qui expliquait comment ses sous-vêtements s'étaient retrouvés dans ce lavabo : ses persécuteurs avaient dû attendre qu'elle soit à la piscine pour faire leur affaire . . . Si ce n'était pas lamentable . . .
« Courage Momo ! Je suis de tout cœur avec toi ! Montre-leur que tu peux encaisser beaucoup plus et que tu es plus forte qu'ils ne le pensent ! »
C'est étrange de soutenir de cette façon une parfaite inconnue. Mais cette Momo me parait franche et douce . . .
« Cette crapule de Saé ! Un jour je lui ferai payer au centuple tout ce qu'elle me fait subir, et avec les intérêts ! Elle verra ce que ça fait, cette peste ! »
Oui, bon, elle n'était peut-être pas aussi douce que je l'avais cru au premier abord . . . Mais en même temps, cela se comprend vu sa situation . . .
« Allez, mes vêtements ne vont pas sécher tous seuls ! Je me change et je m'en occupe !
- C'est un bon état d'esprit, continue comme ça ! »
Momo se dirige alors vers les casiers et en ouvre plusieurs. Au bout de quelques minutes, je l'entends pousser un petit cri de joie et tenir à bout de bras ce qui ressemble, de loin, à un t-shirt et à un short. Des vêtements secs à enfiler, en remplacement de son maillot de bain trempé, le temps que les siens sèchent. Nul besoin d'être particulièrement génial pour le comprendre.
Elle se retourne alors pour me faire face et fronce les sourcils. Je ne peux empêcher, durant un court instant, mon cœur de battre la chamade alors que ses yeux se posent sur moi . . . Se serait-elle enfin rendue compte de ma présence ? Et comment expliquer que je sois là où il n'y avait rien pour elle une seconde auparavant ?
Je me relève précipitamment et maladroitement, cherchant une réponse plausible au fond de moi. 'Salut, n'aies pas peur de moi, je ne te veux pas de mal.' Ou alors : 'J'ignore ce que je suis, mais tu ne dois pas avoir peur.' Ou encore : 'Je suis totalement inoffensive. C'est bizarre, non ?' Oui et totalement ridicule aussi !
Je m'avance à sa rencontre, assez troublée, alors qu'elle fait de même, impassible. Et, alors que je m'arrête à environ un mètre d'elle, Momo continue à marcher . . .
« Euh . . . Momo ? »
. . . pour finir par me passer au travers comme si je n'existais pas, tel un souffle d'air immobile. Mon cœur se serre. Je porte la main à ma poitrine, serrant entre mes doigts crispés le tissu de mon maillot de bain. Je ne remarque pas que je pourrais aussi bien chercher à attraper du vent.
Je me retourne à temps pour la voir se pencher et saisir une longue serviette de bain blanche, probablement sur laquelle elle devait être assise. Alors elle ne m'avait pas vue . . . Elle non plus n'avait pas remarqué ma présence à ses côtés . . . Pourquoi est-ce que cela me fait aussi mal à chaque fois de me sentir ignorée, même inconsciemment ? Je devrais être habituée depuis le temps . . . depuis le nombre d'expérience de ce genre que j'ai déjà vécues . . .
« Elle est en grande partie trempée et a traîné par terre, remarque Momo avec une sorte de dégoût dans la voix en levant bien haut la serviette devant elle, mais je ne peux malheureusement pas me permettre de faire la difficile . . . »
Soupirant, la jeune fille pose les vêtements trouvés dans un casier contenant un sac puis, avec un frisson visible, s'enveloppe dans sa grande serviette blanche et commence à se sécher avec les endroits les moins humides qu'elle peut y dénicher. Ensuite, elle se contorsionne d'une drôle de façon et je vois quelque chose de bleu tomber au sol. Il ne me faut que quelques secondes pour comprendre que c'est son maillot de bain et que, désormais, elle est nue sous sa serviette.
Mal à l'aise, je regarde partout sauf là où se trouve Momo. On ne sait jamais si la serviette venait à tomber ou à glisser . . . Je ne voudrais pas l'embarrasser si cela venait à arriver. Enfin elle ne le saurait jamais, donc je serais bien plus gênée qu'elle mais, comme cela ne me plairait pas que quelqu'un m'espionne lorsque que je me change . . .
« Ne fait pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse. »
Je ne sais pas d'où me vient cette phrase, mais elle résonne à mes oreilles d'une façon familière . . . et surtout totalement véridique.
La main de Momo sort de la serviette pour se saisir du short puis disparaît de nouveau avec son trophée. C'est une bonne chose de penser qu'elle est maintenant vêtue de façon à moitié décente.
Tenant la serviette de la main droite, Momo tend maintenant la main gauche pour attraper le t-shirt. Une fois qu'elle s'est saisi du vêtement, elle laisse tomber la serviette pour pouvoir l'enfiler plus facilement.
C'est alors que le temps paraît s'arrêter. Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé, mais c'est quelque chose d'énorme ! La seconde d'avant tout se passe bien, mais il suffit d'un élément pour que tout paraisse ensuite se passer au ralenti !
Au moment où Momo laisse tomber sa serviette et commence à passer ses bras dans les manches, la porte du vestiaire s'ouvre. Nous nous figeons toutes deux au faible grincement que cela provoque et levons les yeux dans sa direction.
Un jeune homme se tient sur le seuil, la main encore sur la poignée de la porte. La lumière du couloir l'éclaire de sorte que son visage nous est tout de suite visible. Il ne me faut qu'une demi-seconde pour me rendre compte qu'il est plutôt mignon avec ses cheveux châtains mi-long en bataille et ses yeux noisette. Il semble plutôt grand et d'une carrure mince et sportive dans son uniforme. Une partie de moi pense aussi qu'il a une tête à claques . . .
Dans cet instant qui nous paraît figé, je le vois devenir tout rouge alors que ses yeux se posent sur une Momo à moitié vêtue, puis porter une main à sa bouche alors qu'un drôle de cri s'étrangle dans sa gorge.
Du côté de Momo, la jeune fille s'était instantanément figée et restait comme tétanisée sur place, incapable d'une quelconque réaction, sûrement trop surprise pour dire ou faire quoi que ce soit. Trop gênée aussi . . .
Je crois bien que je suis la première à réagir et m'élance, ou plutôt avance avec une lenteur qui m'exaspère durant un laps de temps qui me paraît interminable, et parviens à me placer entre Momo et le jeune homme. Protection dérisoire et inutile puisqu'il ne me voit pas, je le sais bien. Mais j'aimerais tant pouvoir me rendre utile que . . .
Et, soudain, le temps paraît reprendre son cours normal alors qu'un cri aigu retentit juste derrière moi.
« Kyaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !
- Whaaaaaaaaa ! Je suis désolée, Momo-chan ! s'excuse le jeune homme en faisant quelques pas dans le vestiaire, les mains jointes dans un geste pour donner plus de crédit à ses paroles. Je suis venu regarder votre entraînement à la natation, mais je suis arrivé trop tard ! Alors je suis venu voir si tu n'étais pas encore là, vu que . . . »
Soudain, alors que je me demande pourquoi il avait ajouté 'chan' après Momo, un projectile que j'ai à peine le temps de reconnaître comme un flacon de shampoing me traverse la boîte crânienne avec un sifflement pour aller rencontrer le visage du jeune homme avec un léger craquement. Outch, le pauvre ! Je crois bien qu'il se l'est prise sur le nez. Je compatis . . .
Je le vois effectivement porter les mains à son visage, et plus particulièrement à son appendice nasal, avec un petit cri de douleur.
« Ça fait mal, Momo-chan, se plaint-il. Je te jure que . . . »
Mais il n'a pas le temps d'en dire plus que c'est au tour d'une bouteille de gel douche de voler dans sa direction après m'être passée au travers. Puis une brosse à cheveux, un tube de crème solaire, une paire de chaussures noires à talons, un carnet, un cahier, une trousse . . .
« Sors d'ici Okayasu, hurle-t-elle. Crétin ! Obsédé ! Patatomon ! »
Patatomon ? Peu courant, enfin je crois, mais original comme insulte . . . Tout comme Okayasu . . . Ce n'est franchement pas commun pour un prénom . . .
Je vois le pauvre jeune homme sautiller et tenter d'esquiver de tous les côtés les projectiles qui fusent sur lui. Pas facile quand on a une jeune fille déchaînée en face de soi. Néanmoins, après qu'il se soit reçu le flacon d'après-shampoing dans l'estomac avec un grognement sourd, je pense que le châtiment a bien assez duré comme ceci.
Je me retourne alors pour tenter, en vain je m'en doute bien, de convaincre Momo d'arrêter le carnage.
« Momo, je crois qu'il est assez puni maintenant. Je pense que désormais, il saura qu'il faut frapper à une porte avant d'entrer et . . . Hééééééééééééééééé !
- Kairi Okayasu . . . »
Un cri de surprise étranglé s'échappe de ma gorge alors que je vois la jeune fille brandir d'une main un extincteur que je n'avais pas remarqué auparavant tandis que de l'autre elle serre son t-shirt contre sa poitrine. Non, elle ne va pas . . . J'ai bien peur que si . . . Mais vraiment, j'espère qu'elle ne va pas faire ce que je crois qu'elle va faire . . . Non, quand même pas . . . Mais je peux sentir l'aura de colère l'entourant et presque imaginer les flammes qui doivent danser dans ses yeux . . .
« Sale obsédé ! Okayastupide ! l'invective-t-elle.
- Attends Momo-chan ! C'est une méprise et . . . Kyaaaaaaaaa ! »
Il ne peut finir sa phrase et doit plonger en avant, tout comme un réflexe de survie vient de m'obliger à le faire, pour éviter l'imposant projectile qu'est l'extincteur. Heureusement pour lui, il n'est pas touché. Bon, pour moi il me serait passé au travers, mais quand même . . . Elle peut être terrifiante en colère Momo . . .
Je me relève en même temps que Kairi – j'ai décidé que ce devait être son prénom et Okayasu son nom de famille, ça sonnait mieux ainsi – et mon regard va de lui à Momo alors que j'attends, impuissante, la suite des évènements.
C'est alors que la jeune fille se saisit, à défaut d'autre arme, de sa serviette. Elle commence ensuite à la tordre du mieux qu'elle peut en s'avançant d'un air plus que menaçant en direction du jeune homme.
Ce dernier, livide, recule maladroitement avant de se retourner et de courir en direction de la porte.
« Je suis désolé, Momo-cha . . . Aoutch ! »
Pressé de sortir, il n'a pas vu l'extincteur et vient de violemment se cogner le pied droit dedans. Il boitille néanmoins tant bien que mal jusqu'à la porte et sort du vestiaire. Mais, juste avant de refermer la porte, il se ravise.
« Au fait, je pensais que tu avais plus de poitrine, mais tu dois mettre des wonderbras, avec des coussinets . . .
- Sale voyeur dégénéré ! Sale pervers ! Sors d'ici crétin ! »
Momo crie en lançant de toutes ses forces sa serviette enroulée dans sa direction. Mais Kairi ferme vivement la porte et évite le projectile avec un petit rire. Puis il la rouvre, un grand sourire sur les lèvres et lui adresse un petit clin d'œil.
« Je t'attendrai devant la pisc . . . »
Mais le poing de Momo en plein milieu de son visage a pour effet de le faire taire et de l'envoyer heurter le mur opposé du couloir, KO.
« Mords-toi la langue et meurs, sale Okayastupide ! » hurle-t-elle en fermant la porte avec fracas, rouge comme une tomate et le souffle court.
J'ai juste le temps d'entendre le pauvre Kairi murmurer un presque inaudible 'Méga pain de la mort . . .' avant que mes yeux ne commencent à se fermer. Non ! Pas déjà ! Pas maintenant ! Je veux rester éveillée et savoir ce qui va se passer ensuite ! Je sais que la curiosité est un vilain défaut, mais aussi terrifiante que soit Momo en colère, elle et Kairi sont plutôt amusants. Enfin Kairi a l'air d'aimer la taquiner. Peut-être est-il amoureux d'elle . . .
Je vois indistinctement l'aura scintillante qui entoure mon corps alors que mes yeux papillotent et se ferment d'eux-mêmes, sans que je puisse les en empêcher. Je tente de lutter mais je sais bien par expérience que c'est inutile. Je n'ai aucun contrôle sur le pseudo sommeil qui s'empare de moi quand bon lui semble. Pourtant, ce n'est pas faute d'essayer à chaque fois . . .
Bientôt, je cesse de lutter. Mes yeux se ferment complètement, me masquant Momo alors qu'elle ramassait ses affaires. Mes forces m'abandonnent et je ne perçois plus le bruit de ses pieds nus sur le sol. Seul mon esprit est encore actif, quoi que presque complètement embrumé. Je me laisse porter par le flot doux et infini de cette force qui fait de moi ce qu'elle veut. Mais cela n'a plus d'importance maintenant. Je me sens bien. Et en sécurité . . . loin de tout . . . du bruit . . . du danger . . . de . . .
« Celui dont vous ne devez pas tomber amoureuse est toujours celui dont vous finissez par tomber amoureuse. »
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Ce murmure s'échappe des lèvres entrouvertes de la jeune femme alors que, dans un scintillement total, la lumière l'enveloppe, l'absorbe puis la fait disparaître. Si elle était restée consciente plus longtemps, elle aurait pu voir Momo se figer puis se redresser en scrutant le vestiaire. Elle aurait pu l'entendre murmurer qu'elle croyait avoir entendu une faible voix lui murmurer quelque chose à l'oreille. Oui, elle aurait pu. Mais ce ne fut pas le cas . . .
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Et voilà pour le premier chapitre.
Pfiuuuu ! Ecrire au présent était un défi plutôt dur car difficile de changer lorsqu'on est habitué à écrire le récit au passé.
Mais il s'avère que j'aime beaucoup les défis ! Tant mieux, j'ai encore 11 chapitres pour tenter de mieux me faire la main . . . TT.TT
Et si vous me laissiez une petite review pour me dire ce que vous en avez pensé ?
