Lorsqu'elle tomba, s'écrasant au sol dans un éclat, posant ses genoux sur la terre ferme qui venait salir son armure, un silence terrible régnait.
La figure sombre retira avec rapidité sa longue lame de feu qui avait trouvé son fourreau dans le corps de la femme semblable à celui d'un ange.
Ses cheveux blancs, courts, flottaient dans le vent une dernière fois, alors que ses yeux, lumineux, perdaient leur étincelles et avec lenteur, tombaient dans les ténèbres. Ses douces lèvres pulpeuses tremblaient face à cet acte qui avait signé sa disparition tandis qu'un liquide pourpre s'échappait de son abdomen.
Elle y porta sa main fine de porcelaine qui fut prise d'une secousse en rencontrant la chaleur de son propre sang pendant qu'une odeur de fer s'élevait dans l'air.
Soulevant son menton, leur regards se croisèrent. Ils s'étaient toujours observés dans une certaine haine qui n'était jamais rassasiée, dans une colère les poussant à la violence éternelle qui s'arrêtait aujourd'hui avec un coup de sabre qu'elle n'avait pas sut parer. Un simple mouvement, mettant fin à la lutte universelle de l'ordre et du chaos.
Le soleil se couchait dans la vallée lointaine, les nuages gris annonçant le mauvais temps s'accumulaient dans le ciel. Elle se fanait, face à lui, et pour la première fois, son regard transmet une certaine peur alors que les yeux rouges de l'homme semblaient s'adoucir étrangement, comme pris de pitié.
Alors qu'il avait rangé son sabre à ses côtés, le démon s'agenouilla avec lenteur, se mettant à la hauteur de l'ange. Il déglutit avec difficulté avant de doucement passer ses bras le long de ses côtes, serrant la femme mourante dans ses bras, tâchant ses propres habits du sang qu'il avait fait couler.
"Ça va aller.", avait il dit d'une voix rauque, vibrant sur un ton propre à lui même, résonnant dans les abysses. Ce démon n'avait jamais cru qu'il chercherait à l'aider dans ses derniers moments. Il pensait qu'il s'en réjouirait des années durant et pourtant, pourfendre l'abdomen de sa némésis fit naître en sa poitrine un vide aussi aiguisé que sa lame. Sans elle, qui serait-il ? Sans leur constante lutte, quel but trouverait-il ? Que ferait-il pour exister ?
L'ange aux cheveux purs n'avait pas rejeté cette étreinte, elle avait laissé son visage se reposer sur son épaule, son corps se refroidissant alors que tant de souvenirs venaient submerger sa défaite. C'était donc ça, de mourir ? Tous ses combats s'effacaient, toutes ses sueurs, ses larmes, ses colères tombaient dans l'oubli alors que son corps, avec lenteur, se faisait doucement consommer par une lumière pâle.
Un silence écrasant prit place sur la scène de désolation. L'herbe verte se tâchait de rouge, le sol pourrissait, le ciel ne cessait de s'assombrir et finalement, un gémissement de douleur provenant de Riven s'exprima. Il prit alors soin de caresser avec lenteur la chevelure de neige de la jeune femme, comme il l'avait fait tant de fois, jadis, pour chasser ses cauchemars et l'aider à trouver les bras de Morphée.
C'était avec ce simple geste qu'il honorait ce qu'ils avaient été. Ce qu'ils avaient éprouvés, l'un pour l'autre, lors de nombreuses années sous le toit d'une petite maison à l'orée de la forêt. Ils avaient partagé un quotidien plein de rires, de joies, de frustrations et de disputes. Ils avaient échangé des baisers, durant les nuits étoilées qui s'étaient souvent déroulées à même l'herbe sauvage.
Il avait aimé chaque partie de son corps, elle avait bu chacune de ses paroles, ils s'étaient serrés dans tant d'étreintes. Il connaissait chacun de ses goûts, elle savait ce qu'il détestait, il savait ou l'a chatouiller, elle connaissait sa manière de s'endormir.
Rien ne les avait atteint en profondeur, rien n'avait réveillé en eux les passions du corps et de l'âme avant qu'ils ne se rencontrent et que leur amour naisse au monde. Pourtant, tout avait basculé et aucun futur n'avait été possible quand le cataclysme tomba sur la terre toute entière. Pourquoi avait il fallu qu'il choisisse le chaos et la nuit? Pourquoi avait il fallu qu'elle rejoigne l'ordre et le jour ?
Quand ils s'étaient quittés, en silence et en larmes, le coeur brisé pour une séparation éternelle, le visage de l'ange était devenu pâle et froid. Les promesses furent toutes rompues et lorsque Yasuo entendait les humains prononcer son nom, un glas sonnait à ses oreilles. Il tressaillit de tout son être, ne comprenant pas pourquoi elle lui était toujours si chère.
De longues années durant, les deux épéistes eurent souffert sans un bruit, sous le regard de l'univers entier, qui ne faisait que les presser, les pousser à leur inévitable perte. Et en ce triste jour, ils étaient finalement assez proches pour que leurs lames s'entrechoquent.
Avec ce coup de sabre, il avait cru glorifier les ténèbres, ne plus jamais avoir de regrets et pourtant, la victoire avait un terrible goût amer qui devenait déjà insupportable. Yasuo serrait Riven contre lui plus intensément, caressant la chair nue de son dos avec son pouce frénétiquement, refusant qu'elle l'abandonne à présent. Il ne saurait où aller, il ne saurait plus où regarder, il n'aurait plus personne à haïr et aimer.
Le démon avait retrouvé une part de son humanité quand ce grand chagrin se glissa en lui alors que l'ange, ne cessait de disparaître. Il nicha son visage dans le creux de son épaule, secouant avec lenteur sa tête. Riven avait doucement toussé, remontant ses bras autour de lui et partageant alors ce dernier contact avec l'homme qui lui avait donné l'espoir d'un jour meilleur, autrefois.
Cette union déséquilibré était contraire à la nature, pourtant, ils réalisaient enfin qu'ils avaient été les mêmes. Tous deux avaient voulu écrire l'histoire, tous deux avaient voulu voir leur valeurs triompher. Il avait fallu qu'il en soit ainsi.
Le corps de l'ange était désormais couvert par la chaleur et l'aveuglante lumière jaunâtre. Ses grands yeux avaient fait face à la mort, son coeur avait ressentit une dernière fois cette grande vibration qu'on appelait plus communément l'amour, et, le soleil se cacha sous les monts, la lune prenant le relais, les ténèbres saisissant la terre entière.
Elle disparu et lui l'accompagna, dans le silence et les larmes.
