Parce que le film m'a laissée sur ma faim, je tente ma suite à moi !

1.

Sortant de téléportation, l'Arcadia permit alors à ceux présents sur la passerelle d'apercevoir la Terre, qu'il aurait fallu à présent rebaptiser « la planète verte ».

Moulée dans une combinaison rose qui rendait un bel hommage à sa sculpturale silhouette, la seconde du cuirassé battant pavillon pirate se tourna vers son capitaine, sa propre blondeur en opposition avec celui vêtu de noir sous la cape de suie doublée d'écarlate.

- Exactement trente ans depuis notre dernière localisation ici, Albator. Le temps continue de faire son œuvre sur cet univers qui nous entoure. La Terre renaît lentement, les océans ont gagné du terrain !

- Il n'était que temps que nous arrivions, murmura Mimay, la pâle et longiligne Niflung. Le temps est bien ce qui manque à Yama.

Le capitaine de l'Arcadia tressaillit.

- A ce point ?

- Oui. Vas vite auprès de lui !

Pivotant d'un bloc et quittant rapidement la passerelle, Albator laissa les portes claquer derrière lui alors qu'un pesant silence s'y était instauré, la mort planant partout dans le vaisseau.


Le Doc de l'Arcadia aurait pu passer pour le frère ou le clone de Yattaran tant il y avait des similitudes dans leur haute et massive silhouette, sauf que le premier dissimulait sous une longue blouse blanche un physique de déménageur tout en muscles.

- Tu arrives à point nommé, capitaine, le gamin n'a plus que quelques instants.

Le grand pirate balafré ne put s'empêcher de hausser un sourcil amusé, les années écoulées ayant fait en sorte que Yama soit désormais de loin son aîné alors que sa propre ligne de vie était figée dans le temps depuis celui de la Guerre du Retour.

Dans le lit de la chambre d'hôpital, à l'approche de la cinquantaine qu'il n'atteindrait jamais, Yama n'était plus que l'ombre du fringuant jeune homme qui était un jour monté à bord de l'Arcadia.

La maladie l'avait quasiment réduit à l'état de squelette, parcheminé sa peau précocement ravagée par les rides, et sa respiration sifflante soulevait précipitamment le drap alors que l'air donnait l'impression de devoir lui manquer à chaque instant de gagné.

- Cette fois, nous y sommes, Albator, haleta-t-il.

- Et j'ai fais comme je m'y étais engagé : je t'ai ramené vers la Terre. C'est toi qui l'as sauvée, jadis, et un jour elle aura retrouvé sa splendeur d'antan !

- Je le savais. Les fleurs ont toujours été les plus fortes ! Ce qu'elle est belle, verte de cette végétation qui la nourrit, l'oxygène ! souffla l'agonisant en tendant une main fébrile vers la planète sur laquelle s'était levé le volet du hublot de la chambre. Nous n'avons pas voyagé en vain, Albator, elle est toujours là, notre planète chérie.

- Oui, mais c'est toujours cette clique de pourris de Gaïa qui décide de son sort, siffla le grand pirate balafré. Je vais à nouveau m'en occuper et cette fois je balayerai cette bande de fous furieux !

Les doigts décharnés de Yama se refermèrent sur le poignet du capitaine de l'Arcadia alors qu'il vrillait sur lui son unique œil valide.

- Nous ne sommes pas revenus pour reprendre ce combat, stérile comme l'était la Terre, avant. Enfin, je veux parler de toi, moi je ne serai bientôt plus là… Je ne t'ai pas supplié de me ramener ici pour risquer à nouveau la vie de l'équipage… et encore moins la sienne, si précieuse, elle qui plus encore que les fleurs représente l'espoir de ce monde !

- Je verrai quoi faire, plus tard, marmonna entre ses dents Albator.

Il adressa un petit sourire à Yama que les dernières forces semblaient quitter à vue d'œil.

- Aie la paix au cœur, mon ami. La Terre est toujours là et elle guérira un jour entièrement et quand ce jour arrivera ses enfants pourront revenir.

- Tu n'as pas oublié ce à quoi tu t'es engagé durant notre vol pour revenir ?

- Non, je t'y enterrerai, auprès de ton grand frère.

- Merci, soupira Yama avec soulagement.

Des spasmes agitèrent le corps léger et fragile. Il rouvrit néanmoins l'œil, une ultime détermination y brillant.

- Il y a une chose que j'aurai voulu savoir, enfin…

- Quoi donc ? fit Albator, qui devinait pourtant parfaitement la question qui allait être posée.

- Toi et moi avons aimé Myna. Et elle n'a jamais voulu nous dire… Le petit Alban, il est duquel de nous deux ?

- De toi, mentit le capitaine de l'Arcadia pour que son ami parte dans la paix la plus complète.

De fait, le soulagement faisant disparaître les crispations de souffrances du mourant, ce dernier tourna la tête vers la Terre qu'il apercevait au travers du hublot de la chambre.

- En ce cas, ce sera à lui que tu remettras la Terre, un jour. Tu me le jures ?

- Sur mon éternité ! promis Albator alors que Yama rendait son dernier soupir.