Note : KIKOO. Oui, voilà, ceci est un nouveau projet dans le fandom Sherlock BBC, parce que dans la vie, il y a des projets d'écritures absolument évidents, qui nous sortent des doigts avant même qu'on en soit totalement consciente, et parfois, l'envie (l'obsession ?) d'écrire sur Jim Moriarty vous met un coup sec derrière la nuque. Du coup j'ai pas de minerve (vu que c'est une expression), mais me voici dans une fic à chapitres centrée sur la vie de Jim Moriarty… et sa passion pour Céline Dion. (Pour celles et ceux qui ont lu Si Brave et Si Tranquille, vous reconnaîtrez sûrement le clin d'oeil, mais D'Eux peut tout à fait être lue seule.) (Et petite précision en passant, j'aime Céline Dion. Du genre vraiment. Cette fic n'est en aucun cas une critique ou une quelconque moquerie envers Céline.)
D'Eux est une participation au challenge du Collectif NONAME "Avril en musique". Je répondrai à la question d'Adraen "Quelle est l'œuvre (tous genres confondus) vous ayant le plus inspirée pour vos fics ?" dans une prochaine intro, car ce serait trop long...
Comme toujours, les lieux et références cités existent réellement et chaque chanson de Céline est sortie l'année stipulée.
Et je répondrai très vite aux dernières reviews/MP auxquels je n'ai pas répondu dernièrement. Déso. Bisous.
Bêta : MAYA HOLMES PUTAIN, parce qu'elle est si généreuse et qu'elle a cru au projet quand j'ai eu le plus de doutes (d'ailleurs, il m'en reste encore un peu coincé entre les dents…). Donc merci, merci, merci. Pour tout. Tout.
Et j'ai l'immense honneur d'avoir aussi comme bêta Nauss, qui a été l'ultime aide dont j'avais besoin pour ne pas brûler mon ordinateur et tous les chapitres dans un immense feu de joie. Merci pour ton aide et ton implication, ma belle
Rating : bah… M… parce que Jim Moriarty quoi. Pour les genres, c'est quelque part entre le drame, l'humour, le spirituel et le smut. Qui contiendra tous les warnings nécessaires en introduction.
Déclaration légale parce que bon, on veut pas d'ennui avec la justice : Ne partez pas sans moi a été composée par Nella Martinetti et Atilla Şereftuğ.
Cette fic est dédiée à Nalou : ma belle, j'espère que cette fic te fera rire (malgré tout ce qu'il s'y passe. Si, si, tu verras, c'est drôle. Parfois.) et surtout qu'elle te plaira. Elle est tout à toi.
Sur ce, bonne lecture, et si jamais vous décidez de vous lancer dans ce projet avec moi, je n'en serai que ravie ! On se retrouve en review :) ?
1988 - Ne partez pas sans moi
Ce n'est pas que la vie s'annonce difficile, c'est qu'elle ne s'annonce pas. En 1988, à Dublin, il y a deux couleurs : l'ocre que le soleil du Nord peint froidement sur les bâtiments et le gris sale du Liffey, qui coupe la ville d'Ouest en Est. Tout le reste des teintes n'est qu'un mélange paresseux où s'agglutinent toutes les couches usées de vies très rangées, absolument parfaitement normales.
Mais sur les pavés humides d'Anne Street South, il y a un point rouge qui s'active et qui vaut à lui seul tout l'intérêt que l'on pourrait porter à cette ville : c'est mon pull et il est en laine. Il a deux torsades sur le torse et trois boutons sur le col, que je referme quand je quitte la maison. Je n'aime pas avoir froid.
La porte du Kehoe's est trop lourde, elle crisse quand j'arrive. Je salue M. Bucklay et vais m'asseoir sur la banquette, la même que d'habitude, pas besoin de la décrire. Les bras relevés en l'air, j'attends que M. Bucklay s'approche pour passer un coup d'éponge puis de chiffon sur la table en acajou, avant d'y poser mes coudes et mon livre.
"Bonne journée ?" demande de sa voix d'ours Tyler O'Neill.
"Bonne journée," je confirme, sans tourner ma tête vers lui.
Il secoue la sienne - je le sais sans le voir, il fait toujours ça - et se retourne vers Charles McBond et Big Sean. Ils ont des fesses si énormes qu'on ne voit plus le cuir des tabourets où ils se sont posés et j'ai une théorie qui suppose que leurs assises sont définitivement ancrées dans leurs rectums. Ce n'est pas comme si leur vie consistait à passer leur existence dans un autre endroit qu'ici où, comme dans tous les pubs de Dublin, la télévision est allumée du premier verre qu'on sert au dernier qu'on nettoie. C'est parce qu'il ne se passe rien. On attend que l'écran témoigne de quelque chose, de n'importe quoi, qui viendrait nous tirer du tous les jours. Pour quelques minutes seulement. Rien que quelques secondes.
C'est la RTÉ qui est diffusée en ce moment et si mes yeux lisent Huysmans, tout se mélange dans ma tête et mon esprit descend, une marche après l'autre, pour se retrouver dans cette cave que j'ai aménagée à mon goût, où les meubles sont en acajou, les voix viriles et Durtal somnole dans un coin tandis que Pierre Bézoukhov et Georges Du Roy de Cantel fument des cigares où le tabac a été remplacé par les cendres de Carl Power. Il ne fait pas froid dans ma cave, je n'ai pas besoin de mettre mon pull rouge. A la place, j'ai un grand manteau fait des restes d'un animal que je n'ai pas encore choisi mais qui serait très doux avec de longs poils. Quand je lève les bras, on dirait des ailes. Je suis sûr qu'un jour, je pourrais m'envoler vers d'autres vies, qu'on me laisse vivre.
"Qu'une bande de pédés de toute façon."
Les yeux ouverts et mon esprit remonte les marches. Elles sont un peu tordues, peut-être qu'un jour je trébucherais sur l'une d'entre elles et resterais bloqué en bas. Pas aujourd'hui apparemment. J'en ressors et je tourne la tête vers les trois hommes dont les yeux jaunis par l'alcool sont accrochés à la télévision au-dessus du bar.
"Il parait que les pays font tout pour perdre, parce que ça coûte trop cher à organiser cette connerie."
Il faut encore quelques secondes avant que le présentateur dans l'écran de mauvaise qualité n'évoque le mot Eurovision. Oui, je connais ça, c'est un concours de chant et les gens s'en moquent, surtout à Dublin où tout ce qui sort de l'ordinaire fait frémir de peur les hommes qui pourraient brandir leur virilité comme on sortirait une épée, pour s'en protéger. Tout paraît venir d'une autre planète, alors que cette année le concours se déroule ici, au Simmonscourt Pavillon - je cherche, je tente de me rappeler, je calcule - à trois kilomètres de mon pull rouge. Le présentateur discute avec les candidats qui chanteront ce soir et les couleurs sont vives, il n'y a pas d'ocre et de gris sale. Les robes des candidates brillent. Les robes sont très jolies. J'aime beaucoup les robes.
Et elle arrive. Elle est habillée de blanc et sur elle, sur elle seulement, ça n'est pas hypocrite, je le sens. C'est compliqué de ressentir des choses, je n'y arrive pas toujours. Je le sais parce que quand on regarde un film à la maison, ce qui fait rire les autres ne me fait pas rire et quand je pose des questions sur l'intrigue ou sur un personnage, on me dit que ce n'est pas "ça" le plus important. C'est compliqué de savoir ce qu'il y a de plus important. Mais là, devant elle, je ressens quelque chose. Ses épaules sont carrées et deux jambes fines dépassent de son tutu. Moi aussi mes jambes sont fines. Pendant un instant, j'ai l'impression que ce sont ses grands yeux qui m'appellent. Mais non, c'est sa voix. Elle est pleine et creuse à la fois. Elle ressemble à une cave à elle toute seule, une où je pourrais me cacher et grandir. Une où il fait si chaud que je n'ai pas besoin de mon manteau de poils d'animal mort que je n'ai pas encore choisi.
Emmenez-moi loin d'ici.
Est-ce que c'est un mot de passe qu'on ne m'aurait pas donné avant ? Les mots ont ouvert les portes de ma cave mentale et laissent passer un rayon de lumière blanche qui descend une marche après l'autre, puis une autre, puis une autre. Ce n'est pas de la lumière, c'est Céline. Elle s'appelle comme ça et elle ne parle pas ma langue mais j'ai réussi à traduire ses mots, parce que c'est la seule chose qui anime mon existence et tout ce qu'il y a sous mon pull rouge, à en faire battre les fibres de laine, les unes après les autres dans une boucle infinie. Moi aussi je veux partir de là, d'ici, de cette ville, de cette île, de ces rires qui me tapent quand je ne fais rien d'autre qu'être moi-même. Je comprends Céline, je comprends ce qu'elle…
Non. Non c'est bien plus que ça.
Elle me comprend.
"Bah alors James ? T'es bloqué ?" rit O'Neill en poussant son coude dans le gras de Big Sean pour retenir son attention.
"C'est ton genre de femme ça, gamin ?" enchaîne McBond et ça les fait exploser de rire et un jour j'aimerais que le mot exploser soit au premier degré, qu'ils se désintègrent et disparaissent comme un feu d'artifice magnifique et coloré autour de moi, et que le son de leur bonheur n'existe plus jamais.
"Vous n'auriez pas les capacités mentales pour comprendre", je réponds, le coin gauche de ma bouche relevé, d'une moue absolument désolée d'être le gamin (que je ne suis pas, merci beaucoup, j'ai tout de même dix ans) qui les ramène à leur condition d'êtres entièrement bassement normaux.
Je porte ma tasse à mes lèvres et souffle dessus. Discrètement, mon regard se porte à nouveau vers Céline. Ça ne semble pas être un hasard qu'elle soit venue à Dublin, dans sa jupe de fille et sa veste de garçon blanches. Si proche de moi.
Je ferme les yeux et déguste mon chocolat chaud.
